AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Jim Harrison (1054)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Sorcier

« Sorcier » est publié en 1983, Sorcier c ‘est le surnom donné au héros de J.H. Sorcier est un jouisseur, il aime autant le sexe que la bonne chair, l’amour tarifé autant qu’ un petit joint de marijuana, le tout arrosé de boissons alcoolisées. Diana sa deuxième épouse est en parfaite harmonie avec son mari, même si celui-ci se retrouve en proie à des crises d’angoisse depuis qu’il est sans boulot. Le pauvre Hudley, le chien de la maison est le souffre-douleur de Sorcier. Mais un jour la roue tourne.

Jim Harrison est vraiment un auteur hors pair ces personnages sont tous plus ou moins barré, tous sacrément porté sur le sexe. Sorcier est un mélange de Wilt (du bon Tom Sharpe) et du Homer (pas celui de l’odyssée, celui des Simpson !). Dialogues franchement hilarants, scènes cocasses, scabreuses, Jim Harisson s’amuse comme un garnement mal élevé et le pire c’est qu’on le suit avec le sourire Ultra-brite. Incorrect, immoral, Sorcier est un sacré salopard mais sous la plume d’Harrison, il est franchement épatant. Esprit étroit passe ton chemin.

Commenter  J’apprécie          490
Légendes d'automne

Légendes d’automne est un recueil de trois novellas, âpres et violentes, où l’on retrouve la plume de Jim Harrison, des histoires peut-être plus proches de nous que certaines autres même si elles restent étrangères à notre culture.



Une vengeance : Cochran est tombé amoureux de la femme qu’il ne fallait pas, Miryea. Le mari de Miryea a beau faire partie des hommes les plus riches du Mexique, l’origine de sa fortune n’en est pas moins douteuse, et acquise dans un milieu violent. C’était naïf de la part de Cochran d’imaginer que le mari trompé ne se rendrait compte de rien et qu’il ne réagirait pas.



L’homme qui abandonna son nom : aujourd’hui, on dirait que Nordstrom traverse une crise de la quarantaine, mais c’est plus complexe. Parce que la femme qu’il aime le quitte après des années de bonheur, Nordstrom remet en cause jusqu’à son identité, non sans se fourrer dans des situations inextricables et non sans violences.



Légendes d’automne : les trois fils du colonel Ludlow ont décidé de s’engager dans le conflit européen contre le Kaiser. Le plus jeune, Samuel est tué, sa mort a un impact profond sur Tristan. Ses démons ne cessent de le poursuivre, alors qu’Alfred vit une carrière politique réussie.


Lien : https://dequoilire.com/legen..
Commenter  J’apprécie          480
Dalva

Ce roman m'a transportée. Alors c'est toujours étrange quand on relit un livre de le découvrir de manière tout-à-fait différente! Lu une première fois lorsque j'avais 22 ans, il m'en restait le souvenir d'une Dalva très masculine, un peu grande gueule, et d'un roman un peu trop lent à mon goût. Or, je l'ai relu cet été, tranquillement, et j'ai été émue par cette femme à peine plus âgée que moi aujourd'hui, forte certes mais d'une force empreinte de sensibilité et du désir de vivre. Dalva vit sa vie, avec ses questionnements, ses regrets, mais sans le regard des autres. Elle s'entoure d'hommes qu'elle aime et soutient et qu'elle ne juge pas non plus.

L'écriture de Harrison, surtout, est riche, riche de la nature américaine qu'il connaît, ça se sent, et qu'il aime. En écrivant sur Dalva, on comprend qu'il parle beaucoup de lui aussi, de ce qui lui importe, ce qui construit sa vie. Et puis il a une manière d'écrire cette histoire sans aller direct au but mais par strates superposées, Dalva cherchant son fils, l'Amérique de l'Ouest au 19ème siècle, la lutte des Amérindiens, la guerre du Vietnam et ses traumatismes, l'Amérique contemporaine, la nature. Il écrit tellement bien, comme seuls quelques vrais écrivains savent le faire, qu'on ne l'entend plus écrire et qu'on est directement connecté aux pensées des personnages.

Je suis heureuse de cette relecture.
Commenter  J’apprécie          480
La Fille du fermier

"Elle ne s'imaginait pas vivre sans montagnes et elle se dit que, quoi qu'il pût lui arriver, elle avait de la chance de vivre parmi toute cette beauté" (p. 82)



Enfin un premier texte lu de cet auteur, que j'ai envie de découvrir depuis un très, très long moment...Une camarade babéliote, Letitbe... lors du pique-nique annuel (2013) m'avait transmis un des coups de coeur pour cet écrivain, avec "Dalva" ; un autre magnifique portrait de femme. Ce volume est toujours en attente... Je viens de le ressortir de mes rayonnages !



Ce beau portrait d'adolescente, Sarah, combattive et curieuse... est extrait d'un recueil de nouvelles , "Les Jeux de la nuit" (Flammarion, 2010)



Une jeune fille, âpre et révoltée, amoureuse de la nature, des animaux, dont son cheval (Lad) et sa chienne, Vagabonde...qui ne la quittent jamais...Le départ brutal de sa mère pour un autre homme, plus fortuné, une agression sexuelle lamentable vont démultiplier son mal de vivre, sa rage et sa volonté de se venger de son "violeur"...mais des rencontres dont celle d'un enseignant de botanique, Roberto, son envie de vivre , d'entrer à l'Université, sa détermination à construire "son chemin" la détourneront-elle de son funeste objectif ? Je n'en dirai pas plus....



Une lecture très attachante que l'accompagnement de cette jeune femme , " en devenir" qui est bien décidée à dépasser son milieu, son origine sociale...à poursuivre avec conviction ses passions pour la nature, la musique , les Livres et les études, avec l'assentiment d'un père aussi bienveillant qu'encourageant ...!



"Son père lui rappelait sans cesse qu'il lui faudrait trouver un métier et que, même si ses lectures étaient bonnes pour elle, les sciences lui permettraient de gagner davantage d'argent. De fait, elle avait réfléchi à ce problème. Tous les romans qu'elle lisait mettaient son esprit en ébullition, d'autant que c'était là son seul moyen de connaître la vie en dehors du trou perdu où elle habitait. Les sciences étaient aussi pures que le désert qu'elle n'avait jamais vu. "(p. 29)



"Après deux heures seulement de voyage, tout lui sembla flambant neuf et elle oublia d'où elle venait. Le Montana était peut-être immense, mais il vous enfermait. Maintenant, le monde ouvrait enfin ses fenêtres pour elle. elle connaissait par coeur une phrase d'Emily Dickinson qui tombait à pic. :" la vie est si étonnante qu'elle laisse peu de temps pour autre chose" (p. 96)





Commenter  J’apprécie          488
Un bon jour pour mourir

« Mais dans quelle galère me suis-je donc fourré ? », c’est la question subliminale qui transparaît quasiment à chaque page de ce « road-book ».

« Dire que j’aurais pu continuer tranquillement à taquiner la bouteille en éclusant le gardon (ou le contraire), avec une jolie pépée qui m’attend dans son hamac accroché aux palmiers de Floride… ». Mais non, il a fallu que le narrateur boive un coup de trop avec Tim, et se lance avec lui dans une conversation à bâtons pâteux comme seuls les piliers de comptoir en connaissent. Il a fallu qu’il étale sa culture générale en parlant à Tim d’un barrage récemment construit sur le Grand Canyon. Et évidemment, il a fallu qu’il tombe sur le seul type au tempérament écolo-explosif de toute la Floride, qui décide aussi sec (enfin, sec…) d’aller dynamiter ledit barrage.

Voilà nos deux types roulant à travers les Etats-Unis, embarquant au passage Sylvia, ex-future femme de Tim, ou future ex-petite amie du narrateur (ça dépend de l’humeur du jour. Après tout, deux gars, une fille, trois possibilités…).

Dit comme ça, on croirait que ce road-trip pour une bonne cause se déroule dans la joie et la bonne humeur, grâce à la Sainte-Trinité alcool-sexe-drogue.

Pas tant que ça, en fait. Tim, le vétéran du Vietnam, carbure aux amphétamines, ce qui le rend impuissant, instable et pas très sympathique à l’égard de Sylvia, et le narrateur, plutôt accro aux somnifères et surtout à Sylvia, rêve de consommer son amour platonique et se débat avec sa conscience. Quant à Sylvia, qui se balade à moitié habillée, elle joue les vierges effarouchées et s’étonne que tous les mâles, sauf Tim, bavent pour elle.

Entre euphorie chimique et déprime bien réelle, c’est le blues, voire le désespoir qui gagne nos trois compères, et qui en est arrivé à me contaminer. Les mésaventures de ce triangle amoureux ne sont guère passionnantes, et l’image de la femme ne sort pas grandie de ce bouquin (au point de réveiller mon côté féministe pourtant pas très affûté). Quel ennui… Et l’aspect guide touristique façon « les 50 meilleurs spots de pêche aux USA » ne suffit pas pour faire mouche.

Et je me pose encore la question : quel est le meilleur jour pour mourir ? Celui où on fait sauter un barrage par un temps à ne pas mettre une vache dehors pour permettre aux saumons de remonter la rivière, ou celui où on pêche gentiment le tarpon sous le soleil des Keys ?

Commenter  J’apprécie          482
Dalva

De Santa Monica, au fin fond du Nebraska, Jim Harrison dresse le portrait de Dalva , une femme d'une quarantaine d'années, née dans une famille de fermier pas comme les autres, son grand père étant pour moitié indien Lakota.

La culture indienne fait entièrement partie de la famille des Northridge depuis que l'arrière grand père de Dalva missionnaire dans l'ouest auprès des indiens a fini par vivre auprès d'eux et épouser une des leurs, Petit-Oiseau.



Au milieu des années 80, Dalva est contrainte de quitter Santa Monica et s'installe dans la maison de son grand-père, heureuse de retrouver ses paysages d'enfance et ses balades à cheval quittés depuis longtemps. En rejoignant sa terre natale du Nebraska, Dalva retrouve les siens mais est également confrontée à son passé, son père mort à la guerre, son enfant abandonné et son premier amour disparu. Les souvenirs du clan familial se mêlent à tout cela...



Michaël, un de ses anciens amants, historien, encore amoureux et alcoolique, s’intéresse de près à l'histoire de sa famille et réussit à la convaincre d'avoir accès aux archives familiales, notamment aux journaux de son arrière grand-père. Il s'installe donc également dans la ferme où il tente de travailler sur tous ces documents.



Le roman se partage alors entre les récits de Dalva, ceux de Michaël et les extraits du carnet de bord de l'arrière grand-père. Les lieux et les époques changent et de flash back en ellipses, Jim Harrison nous entraîne dans l'histoire américaine à travers le destin du clan Northridge.



Jim Harrison signe avec Dalva un roman exceptionnel - tout y est - un contexte historique passionnant, un portrait profond, fin et subtil d'une femme face à son passé, d'une mère en quête de son enfant, une nature et des animaux omniprésents, une histoire d'amour dévorante et avec tout cela encore beaucoup d'humour et de poésie.

Commenter  J’apprécie          480
Dalva

En 1986, Dalva a 45 ans. Pas encore l'heure du bilan mais le besoin de faire la paix avec un passé marqué par les deuils et les séparations, son père mort en Corée, son grand-père, Duane, son premier amour disparu dans l'océan...et le fils dont elle a été séparé à la naissance, né de cet amour interdit, ce fils de 30 ans qu'elle veut désespérément retrouver. Quand les circonstances l'obligent à quitter la Californie, elle retrouve le ranch familial du Nebraska et emmène avec elle Michael, son amant du moment, un professeur d'histoire qui s'intéresse aux journaux de son arrière-grand-père. Il s'engage à chercher son fils en échange des archives convoitées. Et tandis qu'il essaie de s'adapter aux grandes plaines de l'Ouest américain et qu'il découvre les écrits de John Wesley Northridge, botaniste et missionnaire auprès des indiens, Dalva plonge dans ses souvenirs...



Dalva, c'est d'abord le roman d'une femme forte, volontaire, solitaire. Une femme de la Prairie qui a dans les veines le sang des Sioux et des colons suédois. Une femme mûre qui abrite en son sein l'adolescente qu'elle a été et qui pleure toujours son enfant abandonné.

C'est aussi une histoire d'amour ou plutôt d'amours. Celui de Dalva pour Duane, passionné mais interdit par la morale. Celui de John Wesley pour la fragile Aase. de brèves amours qui ont eu de lourdes conséquences...

Mais Dalva, c'est aussi l'épopée des cow-boys et des indiens dans l'Ouest américain. Ceux du XIXè siècle qui a vu les indiens brimés, dépossédés de leurs terres, contaminés, massacrés, exterminés par l'homme blanc. Et ceux de 1986 où les fiers cow-boys ne sont plus que des ranchers acculés à la ruine et les indiens de pauvres hères parqués dans des réserves, minés par l'alcoolisme.

Pourtant, malgré ses bases passionnantes, Dalva souffre de longueurs, peut-être due au personnage de Michael qui prend trop de place dans le récit alors qu'il est plus pitoyable qu'intéressant. Ses déboires de citadin perdu dans un ranch peuvent prêter à sourire mais sa tendance à l'alcoolisme et sa libido exacerbée le rendent exaspérant et inutile.

Heureusement Dalva, Duane, Northbridge et ceux qui les entourent redonnent de l'allant à un roman qui s'enlisent parfois dans les détails. Et le final est superbe, à la fois optimiste et émouvant.

Bilan en demi-teinte : de belles histoires, de beaux personnages, des paysages de légende mais un manque de souffle et beaucoup de bavardages.
Commenter  J’apprécie          460
Péchés capitaux

J'étais impatiente de lire Péchés capitaux, il faut dire que j'avais beaucoup aimé Retour en terre puis Dalva et Les jeux de la nuit, découvrant avec plaisir et admiration l'oeuvre singulière de Jim Harrison. Depuis, j'ai appris à mieux connaître cet auteur attachant à travers les interviews de François Busnel.

Mais Péchés capitaux a bien failli me tomber des mains à plusieurs reprises, avant que je ne trouve progressivement de l'intérêt aux scabreuses aventures de l'inspecteur Sunderson. Ce jeune retraité, toujours amoureux de son ex-femme est obsédé par trois choses : l'alcool et la bouffe, les petites jeunes filles et la pêche, mais en achetant un petit pied à terre dans le Nord Michigan, il découvre bien vite que ses voisins, les membres de la famille Ames, commettent les pires crimes et terrorisent la population environnante dans un climat incestueux insupportable. Alors bien sûr, il mène l'enquête à sa façon…. L'atmosphère est poisseuse, souvent odieuse, mais on suit Sunderson, miné par ses contradictions et hanté par l'existence d'un huitième péché capital, la violence, profondément ancrée dans l'histoire des Etats Unis, un sujet sur lequel il souhaite écrire un livre lumineux. Comme une rédemption...

Ce faux polard malicieux met finement en lumière les travers de la société américaine, loin du politiquement correct, et offre de belles réflexions sur la littérature. Reste le bonheur intact d'aller pêcher dans les grands espaces…

Jim Harrison nous manque déjà.

Commenter  J’apprécie          463
Nord-Michigan

Les romans de Jim Harrison offrent une opportunité merveilleuse de sillonner les États-Unis sans émettre une once de CO2 ni subir de fouilles à l’aéroport, confortablement installé(e) dans son fauteuil préféré… À chaque fois, la magie des mots déploie l’immensité sauvage des paysages nord-américains, leurs rivières, leurs forêts, le rythme implacable des saisons et de la vie rurale. Les personnages de ces romans semblent toujours à la fois hypnotisés et désorientés par ces grands espaces, en quête d’un fil rouge, d’un sens.



Cette fois, c’est dans les années 1950 et dans le nord de l’État du Michigan que nous transporte Jim Harrison, aux confins de terres rurales qui semblent perdues au bout du monde. Joseph, instituteur du village où ses parents suédois ont immigré au début du 20ème siècle, a beau rêver de façon presque obsessionnelle de l’océan, il n’a jamais quitté cette terre natale. Peut-être le sens des responsabilités vis-à-vis de ses parents et de la ferme familiale, peut-être le poids de ses blessures d’enfance qui le hantent avec insistance, peut-être son amour de toujours pour Rosalee. Ou peut-être tout simplement l’appréhension de l’inconnu. Au tournant de la quarantaine, Joseph est insatisfait et tiraillé – entre les souvenirs qui l’assaillent en permanence et l’urgence de vivre, entre la tentation de rester et de partir, entre la tendresse de Rosalee et la séduction de Catherine. Auprès de la nature et de son ami le docteur Evans, Joseph cherche une réponse à ses questions et un sens à sa vie…



Un roman qui nous plonge lentement et sûrement en immersion dans ce Nord Michigan où la vie s’organise autour de la chasse, de la pêche et des travaux de la ferme, où l’on sillonne l’espace à cheval ou en jeep, on mange du gibier et boit des alcools forts à la taverne. J’ai été décontenancée par le rythme très lent de ce récit très introverti, construit en spirales navigant en permanence entre présent et passé. L’atmosphère est étouffante. Et il faut bien l’admettre, je ne suis que moyennement fascinée par la traque des grouses, des truites ou des coyotes qui occupent une grande partie des journées de Joseph. Malgré tout, j’ai voulu aller jusqu’au bout du roman pour connaître le chemin qu’il choisirait. C’est peut-être la force de ce roman : sur une toile de fond assez dépaysante (du moins pour moi), il parvient à restituer avec justesse des dilemmes peut-être banals, mais éminemment humains.



Merci beaucoup à l'opération Masse Critique et aux éditions Lizzie de m’avoir permis de découvrir ce roman dans une version audio de grande qualité.
Commenter  J’apprécie          452
La Fille du fermier

En faisant la queue devant la caisse à la librairie, j'aperçois sur le présentoir les petites piles "Folio à 2 euros". Et je vois "La fille du fermier" d'Harrison - il en reste le dernier exemplaire ! Alors le souvenir encore chaud de vos critiques est là, et j'ordonne mentalement à la dame qui s'en saisit pour regarder la quatrième de couverture - "Repose-le, il est pour MOI !!"

Il est pour moi.



Il y a bien de livres qui parlent de la "fille de...". Et chaque fois, le titre en annonce un peu la couleur. "La fille d'alchimiste" (...un peu de Hoffmann ?), "La fille du pasteur Cullen" (Brontë, peut-être ?).

"La fille du fermier" nous promet de jouer sur une note bucolique. Sauf que la musique, c'est plutôt Schumann que Schubert (même s'il est un peu "effrayant dans l'obscurité") . Le "bucolique" de Jim Harrison est un "rôaar-bucolique-brut de décoffrage" !



Belle nature, au coeur de Montana.

Et une belle plante, Sarah.

Une fille intelligente et précoce, qui aime le piano, les sciences, les livres, et plus que tout, la nature. Car la nature est un échappatoire qui permet à Sarah de réfléchir sur ce qu'elle est vraiment, sous toutes ces couches déposées sur elle par son éducation et sa vie dans ce milieu rural.

Sarah est une fille qui peut, sur une page, tuer et dépecer une antilope - et discuter la poésie d'Hemingway sur la page suivante.

....mais elle est perdue et triste, depuis la mort de Tim, son ami-père-amant spirituel, le seul qui peut la comprendre vraiment.

.....et puis il arrive le malheur pendant ce fameux soir du rodéo; et la vie de Sarah se résume désormais au mot "vengeance".

Va t'elle le faire ?



On arrive au moment crucial du récit, la prise de conscience, quand Sarah se demande s'il ne faut pas "faire grandir sa vie pour que son traumatisme devienne plus en plus petit" - je trouve cette phrase importante. Mais est-ce encore possible ?



J'admire l'aisance avec laquelle cet écrivain, qui n'est plus tout jeune, peut se glisser dans la tête d'une toute jeune fille tourmentée.

Harrison est un excellent conteur, et l'histoire de Sarah est loin d'être un "livre à deux balles" - la somme pour laquelle je l'ai eu....

Commenter  J’apprécie          458
Légendes d'automne

Trois nouvelles pour trois portraits d'hommes assoiffés de vengeance. trois nouvelles d'une grande qualité narrative, difficile de préférer l'une à 'autre, tant Harrison impressionne par sa maitrise. Ce recueil est éblouissant.Bien sur, vous me trouverez peut-être peu objectif tant mon admiration pour big Jim est grande, mais réussir trois histoires d'une centaine de pages avec un tel brio, une telle puissance ne peut que susciter le respect. La folie des hommes, la vengeance comme moteur pour rester dans la vie, la présence immuable de la nature, apaisante ou au contraire angoissante, Harrison décrit tout cela avec une telle force, une telle émotion qu'on ne peut faire qu' allégeance à cet immense auteur. Ces "Légendes d'Automne" restent longtemps dans nos esprits.

La première nouvelle a été adapté au ciné par Tony Scott ("Revenge") avec Anthony Quinn, Kevin Kostner et Madeleine Stowe) , mauvaise adaptation et bien sur "Légendes d'Automne" par Edward Zwyck avec Anthony Hopkins, Brad Pitt, Aidan Quinn et Julia Ormond réussit à mon sens.
Commenter  J’apprécie          450
Légendes d'automne

Légendes d'automne regroupent trois textes, trois textes à l'écriture râpeuse, sèche comme le désert et qui fait la part belle à l'homme et sa complexité. Criminel et homme d'honneur. Introspection et choix réfléchi. Amour et liberté. Cruauté et délicatesse. Amitié et trahison. Bref des récits qui plongent le lecteur au coeur des émotions et des grands espaces américains, du respect des anciennes nations et de la nature.



Une vengeance est l'histoire d'un homme bafoué par sa femme et celle d'un amant transi d'amour pour sa belle. Mais lequel des deux gagnera la partie...



L'homme qui abandonna son nom ou comment Nordstrom prit conscience de la vacuité de son existence et renonça à tout ce qui faisait sa vie pour se tourner vers celle qu'il s'était enfin lui-même choisie.



Légendes d'automne, peut-être le texte que j'ai le moins aimé, est le récit de trois frères, élevés par leur père, revenus de la Première guerre mondiale et qui essaient de se réadapter au monde tel qu'ils croient l'avoir laissé.

Commenter  J’apprécie          443
Un bon jour pour mourir

Deux jeunes désenchantés, sans repères, imbibés d'alcool et intoxiqués par les stupéfiants, décident au cours d'une beuverie, de mener une opération de sabotage. Les voici partis pour une traversée endiablée des Etats-Unis, une longue diagonale qui les conduira de la Floride au Montana. le narrateur a quitté sa femme et sa fille pour se mettre en vacance du monde. Seule la pêche lui permet de calmer son désespoir. Il rencontre dans un bar Tim, un vétéran du Viêt-Nam au visage barré par une large cicatrice, symbole de sa fêlure interne. Riche de sa solde d'engagé volontaire, il est le moteur forcené du périple et semble animé d'une rage de vivre et de se consumer proche de celle de Dean Moriarty /Neal Cassady. Les deux hommes embarquent au passage Sylvia, l'ex que Tim n'a pu se résoudre à épouser à son retour du Viêt-Nam. Leur objectif initial est assez vague puisqu'il s'agit de détruire un barrage sur le Grand Canyon alors que l'ouvrage n'est encore qu'à l'état de projet. Ce n'est en fait qu'un prétexte, seuls le mouvement, la vitesse, la découverte de nouveaux horizons et la fuite en avant importent. le voyage est noyé par les vapeurs d'alcool, le brouillard de la drogue et la fatigue. le trio est aussi miné par une tension sexuelle permanente née de la frustration de chacun des personnages. On trouve dans cette oeuvre de jeunesse les thèmes de prédilection de Jim Harrison comme la Nature, les rivières, la pêche ou la culture amérindienne. Vous l'aurez compris, "Un bon jour pour mourir" marche dans le sillage de "Sur la route" ou d'"Easy rider", sans pour autant les égaler. A noter que le lecteur pourra être gêné par le récit fiévreux, décousu, qui se montre parfois difficile à suivre (cela s'explique par l'état de fatigue et l'ivresse du narrateur). J'ai été pour ma part emporté par le courant qui porte le roman. Un courant furieux, frénétique et irrésistible...
Commenter  J’apprécie          430
Julip - La Femme aux lucioles - L'été où il f..

Il y a un bon moment que j’avais envie de découvrir la plume de Jim Harrison, dont François Busnel nous a tellement parlé dans sa Grande Librairie, et dont je ne connaissais que le film adapté de « Légendes d’automne » donc pourquoi pas tenter ces nouvelles pour commencer ?



En fait de trois nouvelles, on s’aperçoit très vite que chacune se décline en trois versions ce qui nous donne neuf novellas. On découvre ainsi Chien Brun, Amérindien dont on va découvrir plusieurs épisodes de la vie, du défenseur de tombes et cultures amérindienne, amoureux depuis l’adolescence de Rose qui saute sur tout ce qui bouge (Rose a pris trente kg depuis leur première rencontre, elle a un copain mais pourquoi pas ? Elle l’entraîne dans des dépenses inconsidérées, lui qui a déjà dépensé sa bourse d’étudiant (alcool, filles…)



On fait la connaissance de professeur de lettres, qui se fait harceler par ses étudiantes notamment une, avec des plaintes pour viol faisant de sa vie un cauchemar. J’ai aimé l’évolution du vieux professeur qui s’improvise cow-boy pour redonner du piment à sa vie, ce qui va l’amener à se faire manipuler, bis repetita, par une femme bien plus jeune et surtout sans scrupules via le Mexique, la drogue et des scènes olé-olé. De l’art de se retrouver dans une situation abracadabrantesque. Il donne vraiment l’impression de prendre du plaisir en répétant les mêmes erreurs.



Jim Harrison nous dresse un portrait au vitriol, une description au scalpel de l’Amérique profonde, sur fond de sexualité à la limite du porno parfois tant les termes utilisés sont crus, en parcourant des contrées variées tout aussi brutes de décoffrage que les héros. Le ton est caustique, souvent, l’auteur ne fait pas de cadeau à son pays ni à ses habitants. Ses portraits de femme oscillent entre pudeur et lubricité, moins misogyne qu’on ne le pense à commençant la lecture, car dans « La femme aux lucioles » par exemple, il est beaucoup moins caustique que dans Julip.



Le langage cru m’a beaucoup dérangée, car j’attends d’un auteur ou d’un livre évasion, culture, si c’est pour se retrouver dans une série TV ou de la téléréalité, c’est perturbant. Mais, chose étrange, je me suis laissée prendre au jeu et ce fut une belle et troublante expérience.



Je pensais aborder l’auteur, de façon soft avec les nouvelles, mais vu qu’il s’agit de nouvelles à tiroirs, on arrive à 940 pages et c’est beaucoup. Je reviendrai certainement dans son univers, d’autant plus que « Légendes d’automne » dont j’ai adoré la version cinématographique, m’attend depuis un bon moment dans ma PAL et en plus, « Dalva » me fait de l’oeil …



Je suis passée par toutes les émotions avec ce roman, parfois j’avais envie de l’enfouir aux tréfonds de ma PAL car l’épaisseur est quand même un défi à elle seule, puis, survenait l’envie de m’y replonger. Ce qui explique le temps qu’il m’a fallu pour en venir à bout. Donc une satisfaction supplémentaire : j’en suis venue à bout, ce qui me paraissait un exploit à certains moments donc, je m’auto-congratule pour ma persévérance et m’auto-décerne une médaille, en cette période olympique il faut bien des petits plaisirs.



Cela dit, je ne regrette pas d’avoir insisté, pris mon temps, car je me suis rendu compte que c’est un auteur qui s’apprivoise. Il suffit d’être patient et d’entrer dans son univers. Son écriture est rythmée, pleine d’énergie, donnant parfois l’impression de galoper dans les grands espaces, américains cheveux au vent.



Un incident de liseuse a fait que j’ai perdu mes « surlignages ». J’ai donc fini par acheter le livre version papier car j’avais envie d’y revenir et d’approfondir ! pour une fois plus pratique car on peut revenir en arrière quand certains héros sont récurrents comme Chien Brun par exemple.



Un grand merci à NetGalley et aux éditions 10/18 qui m’ont permis de tenter une première expérience avec l’auteur.

#JulipLaFemmeauxluciolesLétéoùilfaillitmourir#NetGalleyFrance
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
Commenter  J’apprécie          422
Légendes d'automne

C’est l’histoire d’un Homme, un vrai de vrai : )

Montana, 1914. Three poor lonesome cow boys are going to Canada…

Trois frères, que William Ludlow, leur père éleveur de chevaux natif des Cornouailles, a engagés pour soutenir l’Angleterre dans l’effort de guerre. Nous avons :

Alfred, le Bon ;

Tristan, la Brute, plus trappeur qu’éleveur ;

Et Samuel, le… Gentil.

A Ypres, quand il apprend que Samuel, le benjamin, est aspergé de gaz moutarde puis arrosé d’un tir de mitrailleuse allemande, Tristan, qui s’est donné pour mission de veiller sur son petit frère, s’effondre. Puis, à cheval avec ses compagnons, se rue sur Calais sans écouter l’officier, découvre les douze cadavres, embaume le cœur de son frère dans de la paraffine de bougie, et prépare sa vengeance. « Trois jours plus tard, le piquet de leur tente était orné de sept scalps blonds en train de sécher. » Il faut dire que Tristan a pour ami « Un Coup », Cheyenne qui rêve de voir les bisons renverser les trains.

Tel est Tristan, qui tel un loup alpha sans foi ni maître, baroude borderline ensuite toute sa vie pour tenter d’oublier la mort de son frère. Avec alternativement sept ans de malheurs, puis sept ans de bonheurs, il est miraculeusement épargné par le destin, trafiquant au gré des aventures sur le vieux schooner de son grand-père Anglais.

.

Pour le style, rien à dire. Harrison est un vrai conteur ! A sa tête d’homme forgé par le soleil et l’alcool comme Ernest Hemingway, Cizia Zykë ou Blaise Cendras, on sent que ça ne rigole pas : en effet, en 1962, son père et sa sœur sont tués en voiture par un chauffard ivre. Le besoin de vengeance est là, canalisé par l’écriture…

.

Tristan, j’aime ce mec car, même s’il joue avec la loi, on peut se poser la question à chacune de ses infractions, la loi est-elle juste ? D’ailleurs, Tristan est au-delà des bla-blas éthiques : il vit !

De plus,il est généreux avec sa famille qu’il aime vraiment, et enfin, il a plein d’histoires passionnantes à raconter à ses enfants Samuel et Trois.

.

Enfin, il y a Suzannah, qui est un peu comme celle de « Le Prince des Marées » : )



Susanna

Susanna

Susanna, I'm crazy loving you

Susanna

Susanna

Susanna, he's crazy loving you



https://www.dailymotion.com/video/x8hlny

Commenter  J’apprécie          425
La Fille du fermier

Je m’aperçois que La fille du fermier a fait partie d’une des nouvelles dans Les jeux de la nuit. Tant pis, je la relis quand même. Toujours autant de bonheur à retrouver les mots du grand Jim Harrison. Une jeune et belle jeune fille du Texas n’aura de cesse de s’entraîner à la gâchette pour tuer l’homme qui a abusé d’elle. J’ai été sensibilisée par l’amitié entre la jeune Sarah et le vieil homme, son voisin qui, bien sûr, j’ai associé à l’écrivain.
Commenter  J’apprécie          420
Sorcier

Sorcier est le surnom scout de John Lundgren, un quadragénaire du Nord-Michigan, qui vit mal d'être au chômage. Pour surmonter sa déprime, il suit rigoureusement la thérapie dite des "3 B" : bouffe, biture et baise... Question galipettes, il trouve en Diana, sa magnifique épouse, une partenaire enthousiaste. Elle l'est moins quand il s'agit de goûter les plats mitonnés par son cher et tendre qui - avouons-le - a la main lourde sur l'ail, le poivre et les épices. Sorcier tourne en rond dans sa maison comme dans ses méninges jusqu'à ce qu'une opportunité s'offre à lui. Le docteur Rabun, un ami du couple qui s'est enrichi grâce à ses inventions, lui demande de mettre le nez dans ses nombreux investissements pour y démasquer les vols et les fraudes dont il est victime. Notre antihéros se lance dans sa nouvelle carrière de détective avec sérieux mais sans pour autant mettre de côté son goût pour la chair et la bonne chère. Ses missions aux quatre coins des Etats-Unis pimentent son existence, mais attention aux mauvaises surprises. Et si Sorcier n'a pas la sagesse que laissait présager son surnom, ces épreuves vont lui permettre de reprendre sa vie en main.



Si la première partie permet à l'auteur de mettre en scène un hédoniste aux prises avec ses tourments existentiels, bref un prototype des héros "harrisoniens", j'ai été agréablement surpris par la drôlerie jouissive des parties suivantes puisque les péripéties invraisemblables, les dialogues savoureux et les passages scabreux s'y enchaînent. Les personnages sont décalés et je tiens à rendre hommage à Hudley, qui mérite le titre du chien le plus stupide de la littérature. Un excellent opus qui allie humour et questions existentielles.
Commenter  J’apprécie          410
Retour en Terre

Alors que le bon vieux Jim vient juste de s'en aller, ce livre, commis il y a dix ans, tombe à point.

Il a une résonance particulière puisqu'il y est question d'un homme de 45 ans (Donald) malade, qui prépare sa mort tout en tentant d'aider ses proches à lui survivre.



C'est donc un livre sur la fin de vie- sur le choix de l'endroit et de l'heure- puis, sur les différentes réactions des êtres face au deuil.

Pour dynamiser son propos, Harrison reprend une trame qui lui sied bien: celle des histoires à plusieurs voix. Mais hélas, la version de K et surtout celle de David m'ont semblées bien longues et anecdotiques.

Heureusement, deux autres sont vraiment touchantes, celles de Donald et de sa femme Cynthia: un couple que la mort va séparer physiquement mais que tout ce qui les entourait refuse.



En effet, à l'image du Donald de ce roman, Jim Harrison est retourné en terre mais on se dit, comme le suggère les croyances Anishinaabes, une des tribus des Grands Lacs, qu'il s'en est allé habiter le corps d'un ours.



Jusqu'où peut aller le deuil, est-on prêt à suivre les corbeaux pour retrouver cet ours?

Commenter  J’apprécie          411
Retour en Terre

C’est toujours un plaisir de remettre les pieds sur cette terre du Nord Michigan. Je ressens une étrange attirance pour ces forêts du Montana, un lieu « mythique » qui attire et bouleverse mes lectures. Je m’y enfonce profondément et avec délectation, tel un vieux bison solitaire à la recherche de sa chaude femelle. Seul ? Plus tout à fait depuis que je sais que les corbeaux et ours peuvent veiller sur moi et mon âme...



Je me tiens donc prêt à vivre quelques grands moments, quelques belles émotions dans ce Nord Michigan en compagnie d’une famille indienne. Je m’attends à découvrir surtout le désespoir d’un monde perdu, d’une génération désenchantée où les souvenirs et honneurs d’antan se sont évanouis au fin fond des bouteilles de whiskys descendus lors de longues veillées au sein de la communauté, un peuple empêtré dans les problèmes de drogue et de chômage qui défigurent et discréditent leurs gloires passées... Mais là où je me trompe, c’est que Jim Harrison en a fait un subtil roman sur leurs traditions qui perdurent au delà du temps et ce malgré tous les obstacles liés à notre vie quotidienne si froide, si distante, si désespérante.



En toute franchise, j’ai eu du mal à rentrer dedans et à m’immiscer dans ces longs discours d’un Jim Harrison fort bavard, et puis au fil du temps, je me suis senti happé par cette nature avec Donald, Cynthia, K. et les autres... comme si je me retrouvais d’un coup avec eux, comme si je comprenais petit à petit les motivations de Donald, comme si cet environnement sauvage avait entrepris de venir me chercher de ma petite conformité bien tranquille. Comme quoi il faut juste un poil de persévérance pour rechercher et trouver l’émotion.



Dans cet environnement encore sauvage, au milieu des ours et des corbeaux, la vie simple de trois générations d’indiens défile sous mes yeux. L’espace d’un roman, je vais partager leur vie, leur passion mais aussi leur deuil. Parce que plus qu’un témoignage sur ces premiers habitants, ce roman évoque le droit à mourir et l’après... Quel espoir et envie restent-ils lorsque l’on sait que l’on va bientôt mourir et quitter cette terre ? Alors si le destin en est ainsi, pourquoi ne pas choisir son lieu et son heure... Donald n’est plus que l’ombre de lui-même, sa fierté d’être un indien robuste et gaillard sombre en même temps que ses jambes qui n’arrivent plus à le soutenir. Il doit et il a accepté sa mort. Bien que conscient que cela soit interdit par la loi des blancs, il veut alors se projeter dans la mort et souhaite être enterré à même le sol pour se rapprocher de sa terre.



Je referme ce roman, un peu triste mais aussi avec un peu plus d’espoir. Je comprends Donald, je partage la douleur de ses proches et me sens surtout différent, plus proche de la nature, des ours et des corbeaux.
Lien : http://leranchsansnom.free.fr/
Commenter  J’apprécie          416
Lettres à Essenine

Lettres à Essenine est un recueil de poésie écrit par Jim Harrison, auteur américain que j'affectionne tout particulièrement. Il avait trente-quatre ans, était peu connu, avait alors peu publié, seulement deux romans et trois recueils de poésie.

Comme le titre de l'ouvrage l'indique, ce sont des lettres, trente précisément qu'adresse l'écrivain à celui qu'il admire comme un frère, comme un alter ego, le poète soviétique Sergueï Essenine, poète maudit, chantre de la Révolution d'Octobre qui épousa la danseuse américaine Isadora Duncan et qui se suicida en 1925, à l'âge de trente ans, en se pendant dans un hôtel de Leningrad, ville qui s'appelle de nouveau aujourd'hui Saint-Pétersbourg.

J'ai découvert par hasard cet ouvrage en fréquentant une brocante il y a quinze jours, me permettant pour la première fois d'aller à la rencontre du poète Jim Harrison ; c'est une version bilingue éditée chez Christian Bourgois Éditeur qui offre en même temps sur la page de gauche la version originale en anglais et sa traduction en français sur la page de droite.

Trente textes poétiques comme le nombre d'années de la vie d'Essenine. Ce sont des tranches d'humeur et de vie où le poète effleure de ses mots déjà écorchés quelques thèmes qui lui sont chers, les femmes, l'alcool, la nature, les blessures qui ne se referment jamais complètement.

Jim Harrison est pour moi le chantre des grands espaces et de la vie sauvage, de la chair et du sang qui bat, le poète des étreintes et des chemins de traverse... Il n'a pas son pareil pour décrire un cerf qui boit au bord d'un lac dans la fraîcheur du matin ou pour dire le chant de l'amour dans l'étreinte de deux corps qui chavirent.

Parfois j'ai mis mes pas dans les pas de cet écrivain que j'admire comme on suit un peu un grand frère, compagnon de déroute, des mots à fleur de peau, des désirs échevelés et fragiles...

C'est étrange de le retrouver ici, déjà gourmand insatiable de la vie, goûtant aux excès, titubant parmi les doutes et les errances, avec cette manière éperdue et émouvante de se jeter dans l'existence...

Ce sont trente lettres, trente variations pour un pendu. Parfois les mots sont crus pour dire l'amour, le désespoir au bord du vide, effleurer avec des doigts tremblants une corde attachée à une poutre qui invite au vertige. Tout au long des lettres, Jim Harrison confie ses idées noires à celui qui n'est plus, ce sont des odes intimes, un regard lucide et désenchanté, posé sur la vacuité du monde et de l'humanité.

C'est étrange ici de le retrouver d'une manière que je ne connaissais pas. J'ai eu quelques difficultés à entrer dans l'écriture. Je ne sais pas si c'était dû à la traduction qui m'a semblé par moments peu inspirée... À la première escale j'ai tout d'abord trouvé ces textes âpres, douloureux, sombres, mais dans ces pages qui ressemblent à un chant crépusculaire, à l'écriture précise, ciselée, magnifique, je me suis laissé apprivoisé par le texte et j'y ai vu aussi une manière de cheminer vers la grâce et la lumière.

Plus tard Jim Harrison reconnaîtra dans cette confidence : « J'ai mis des années à m'apercevoir que mes Lettres à Essenine étaient un constat de victoire sur la tentation du suicide. »

C'est donc un texte fondateur et une manière flamboyante d'exorciser ses peurs, cet étrange désir du vide et du grand saut.

Jim Harrison dit toute son admiration pour l'écriture de ce frère disparu trop tôt.

Jim Harrison c'est l'Amérique des sans grades, des révoltés, des invisibles, celui qui apprenait à un groupe d'Allemands de l'Est rencontré à Moscou à chanter « Mort à Nixon ».

Peuplées d'images surréalistes pour lesquelles on peut aisément deviner que la bouteille de bourbon n'était jamais éloignée de la main qui écrivait, ces lettres sont également habitées par des anecdotes truculentes, drôles parfois émouvantes que nous livre l'auteur. Son chien qui agonise, une fille nue suspendue sur ses épaules et dont les poils lui chatouillent espièglement la nuque, et puis son regard brûlé de larmes et d'alcool contemplant une photo de sa soeur morte depuis dix ans...

Il y a dans ces poèmes des gestes noyés de bourbon et le sentiment déjà de ne plus savoir aimer, tandis que le soleil brûle les dernières illusions. Ces pages sentent une odeur de fin d'automne.

Au final j'ai été conquis par cet art jamais très éloigné de la divagation où les mots et les états d'âme de Jim Harrison répondent comme un écho à la vie chaotique de Sergueï Essenine, c'est une lente oscillation, un balancement entre deux existences, comme une corde dans le vide, une manière pour l'auteur de retourner à la vie et de la poursuivre jusqu'au bout...
Commenter  J’apprécie          392




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Jim Harrison Voir plus

Quiz Voir plus

Jim Harrison, l'homme du Michigan...

Parmi ces nouvelles, laquelle ne figure pas dans le recueil "Légendes d'Automne" paru en 1979?

Une vengeance
Légendes d'Automne
En route vers l'Ouest
L'Homme qui abandonna son nom

10 questions
118 lecteurs ont répondu
Thème : Jim HarrisonCréer un quiz sur cet auteur

{* *}