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Critiques de Jim Harrison (1054)
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Une odyssée américaine

C'est l'heure du bilan. Une petite virée en voiture à travers les States s'impose... Largué par sa femme à 60 ans, sans argent ni biens, Cliff décide de traverser les États-Unis avec l'idée saugrenue de déposer dans chaque état une pièce d'un puzzle de son enfance représentant son pays. Son grand projet est de renommer l'ensemble des états ainsi que le noms des oiseaux qu'ils représentent. Il voyage dans un premier temps avec Marybelle, une de ses ancienne étudiante flirtant entre l'hystérie et la nymphomanie, dont il est l'amant d'un voyage et fait des étapes tout au long de son chemin. Les paysages défilent.



Regardant beaucoup en arrière, avec ses regrets, ses amours délavés, Cliff se demande s'il a manqué d'ambition, mais c'est vers l'avenir que son regard se tourne, nous incitant à nous convaincre que les projets ne sont pas une histoire d'âge mais de l'entretien du rêve. Cliff nous apparait comme un homme incertain de lui et de son avenir, tout en contradictions, guidé par le plaisir instantané et le besoin de la solitude sans pouvoir se passer des femmes de caractère qui le guident et molestent à la fois. Il faut dire que personne n'est tendre avec lui. Cliff fait pâle figure entre son fils et sa femme plus déterminés que jamais à le faire revenir en permanence dans les convenances alors que lui ne souhaite que vivre simplement, à sa manière. Mais tout est histoire de compromis. Pour entretenir la paix sociale il faut faire des concessions... Alors il plie mais ne rompt pas.



Le premier mot qui m'est venu à l'esprit après quelques chapitres c'est "liberté. Au delà du voyage, l'auteur m'a donné l'impression de s'être détaché de toute gène, de tout tabou, pour nous livrer ses pensées comme elles lui viennent. Un peu comme s'il pensait son récit sans censure. c'est un peu dans sa tête que nous voyageons au rythme de ses idées et questionnement sur sa vie de soixantenaire. Souvenirs et réflexions s'entrecroisent alternant nostalgie et humour.



Une lecture déliée et simple qui s'apparente parfois à une discussion entre potes ou il nous livrerait sa vie et ses expériences... Avec la finesse et l'intimité en plus.



Une très belle découverte pour ce premier livre que je lis de Jim Harrison.
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Nord-Michigan

Nord-Michigan est selon moi l'un des plus beaux romans que j'ai lus de Jim Harrison, avec Dalva. Mais puis-je être objectif lorsque je vous évoque cet immense romancier qui a su bousculer mon âme de lecteur ?

J'ai aimé les personnages, ils sont attachants. J'ai aimé cette nature immense qui emplit nos yeux et nos corps en même temps, j'ai aimé ces paysages abyssaux, presque infinis. J'ai aimé m'y perdre, ici au bord d'un lac, plus loin dans le cours d'un ruisseau, au fond d'une vallée. J'ai aimé entendre le bruit du vent dans les roseaux, le cri des coyotes pas très loin de moi quand surgissait la nuit et ses enchantements.

Nous sommes dans les années 50, c'est une page de l'Amérique, une page belle, intime, chaleureuse. Il y a tout d'abord le personnage principal, Joseph. Joseph appartient à une famille d'origine suédoise qui a émigré et est venue s'installer ici, dans le nord du Michigan, installer une ferme.

Joseph appartient à cette deuxième génération. Il est resté à la ferme, mais il est aussi enseignant. Sa particularité : une blessure suite à un accident lors de travaux agricoles et qui le fait boîter à jamais. Il aurait pu perdre cette jambe qui l'encombre aujourd'hui. C'est le docteur Evans, l'ami de la famille, qui a permis d'éviter l'amputation, en intervenant à temps. C'est un véritable ami, il revient tout au long du roman, c'est même pour moi le personnage que j'ai préféré dans ce livre, j'aurais aimé lui ressembler, même s'il a soixante-dix ans et est alcoolique.

Le docteur Evans a accompagné la famille de Joseph depuis le début. Il est tout le temps là quand il faut. Il fut là souvent et il est encore là avec sa vieille guimbarde, sirotant des whiskies, fumant le cigare, médecin alcoolique mais lucide et bienveillant comme personne ne pourrait l'être à sa place, le coeur gros comme cela. Il est là lorsque la mère de Joseph aborde l'ultime chemin de sa fin de vie. Il est sans doute là encore lorsque Joseph s'égare, se croit encore jeune comme un gamin ou tout simplement fou comme quelqu'un qui aime.

Car Joseph est entre deux eaux. Pour quelqu'un qui boit lui aussi beaucoup de bières et de whisky, c'est une ironie. Nous dirons que son coeur balance entre deux femmes. Il y a tout d'abord Rosalee, l'amie d'enfance, veuve puisque son mari Orin, le frère de Joseph, a été tué lors de la guerre de Corée. Tout serait simple, limpide, sauf qu'il y a cette adolescente Catherine, élève de Joseph qui tourne autour de lui et ne tarde pas à s'emmouracher de celui-ci. Il n'aurait jamais dû céder à ses avances, mais voilà, au hasard d'un chemin, la jeunesse éperdue comme un trait de feu lui a tendu les mains, tendu les lèvres, tendu son corps ivre de jeunesse, et Joseph, vieillissant a renversé la table, les verres, ses années d'illusion, ses rides et tout le reste comme dans un tourbillon effréné l'amenant au plus près du vertige.

C'est un livre qui fait l'éloge de l'amour et du sang qui bat dans les veines, de l'amitié et de la famille, mais la famille au sens large, très large, embrassant tout. Parfois les deux se mélangent en effet. Le docteur Evans n'est-il pas un frère, ou bien tout simplement un père pour Joseph ? Tout comme Jim Harrison vis-à-vis de nous-mêmes.

La nature est là aussi, immense, Jim Harrison n'a pas son pareil pour la convoquer et nous la faire vibrer, sentir, toucher au plus près de nos corps. C'est un roman sensuel et qui nous enivre de ses parfums.

Ici j'ai vu un chat tapi sous la véranda, un geai tout près qui cherchait à l'agacer derrière la vitre. Et puis plus loin mes pas m'ont entraîné au bord de cet étang où Joseph enfant se baignait avec Rosalee et sa soeur. Les buissons sont en fleurs. Je ne sais pas si c'est le bruit des guêpes ou celui des pages qui défilent sous mes doigts. Pourquoi la nature est-elle si belle sous les mots de Jim Harrison ?

Mais la nature n'est qu'un prétexte, un chemin, une rivière où courir pieds nus. Cet homme aussi fouille nos failles. Nos erreurs deviennent des errances. Au bord des étangs, il y a toujours et pas très loin, des marécages où nos pas risquent de s'enfoncer à chaque instant. Les bécasses semblent se moquer de nos gestes maladroits. On a beau avoir aimé toute sa vie, ce n'est pas une question d'expérience. Jim Harrison semble en savoir plus que nous sur la question.

Un rat musqué pointe son museau hors de l'eau. Son étonnement ressemble au visage que je dois avoir en égrenant les pages de ce livre.

Plus tard c'est le soir, des oiseaux se regroupent dans un coin du paysage comme s'ils étaient déjà prêts à immigrer vers le sud. Et nous, que devenons-nous dans ce fatras, dans cette écume du jour qui chavire ? Sommes-nous prêts aussi à prendre notre envol ? Et pour aller où ? Vers quels cieux éperdus ? Quels rivages abandonnés où croire encore qu'un vol de canard frôlant le bord de l'automne peut nous émouvoir, tandis que la paix du monde se refuse encore à nous.

La jeunesse a mis le feu dans le coeur et le corps de Joseph et dans les nôtres aussi, tant qu'à faire. C'est là, je le reconnais volontiers, l'immense générosité de Jim Harrison.

Un canard en mue prend la fuite alors que j'écarte les pages du livre pour venir à lui. Notre jeunesse chavire. Tout semble fragile, presque illusoire au moment où je referme ce roman.

Je me pencherais bien encore une dernière fois vers les remous de cet étang pour boire un peu d'eau fraîche, avant de cheminer vers un autre livre.
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Légendes d'automne

« Les romans de Harrison font entrevoir en chacun de nous l'ombre portée du criminel, du tricheur et du saint. » écrit Yann Queffélec en 4ème de couverture.

3 nouvelles ; 3 coups de poing littéraires violents.

Le premier uppercut fut le plus puissant. « Une vengeance » est une dissection humaine rarement aussi précise. La vie a-t-elle un sens ? Dans cet univers abominable qui nous est dépeint, 2 hommes s'affrontent à mort. Heureusement la rédemption existe ! Je n'en dirai pas plus pour ne pas dévoiler l'intrigue.

Le deuxième coup est plus vicieux et nous atteint sur le côté. Dans « L'homme qui abandonna son nom », un homme doit refaire sa vie après son divorce. Là encore, des questionnements existentiels l'amèneront à changer radicalement l'orientation de sa vie. Lui-aussi, d'une certaine manière, sera illuminé par la rédemption.

Le troisième coup, qui a pour titre celui du recueil, achèvera le lecteur à travers les pérégrination du personnage de Tristan Ludlow. Sorte de parcours initiatique qui lui ouvrira les portes de la vie.

Je viens de découvrir l'univers de Jim Harrison. J'y vois un lointain cousinage avec la Beat Generation. Réflexions sur le conformisme. Harrison joue avec la morale, les bons sentiments, les codes sociaux… La mort n'est jamais très loin, pour nous faire prendre conscience de la vie. Comme le dit Queffélec, Harrison nous révèle à nous-même dans toutes les facettes qui nous composent. A nous de révéler notre propre humanité, sans quoi nous ne sommes pas plus que le coyote ou le bison aperçus dans les intrigues. D'ailleurs, dans le premier texte, l'homme est souvent vu à travers le prisme des animaux. Et dans la troisième intrigue, le vieil indien nous rappelle sans cesse notre lien animal.

Je peine encore à m'en relever. A lire de toute urgence.
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Sorcier

« Sorcier » de Jim Harrison, l’auteur de « Dalva », son meilleur roman et de « Légende d’automne », est un petit chef d’œuvre d’épicurisme et de bonne baise.

C’est l’histoire de Johnny Lundgren, alias Sorcier (son surnom quand il était scout, un peu comme « pine d’huitre » pour d’autres), ancien trader, au chômage, qui est obsédé par le sexe et la bouffe (un type bien comme il s’en fait de moins en moins par les temps qui courent). Diana, sa femme, est une infirmière compatissante avec un beau cul et les idées larges, très larges (la femme parfaite, comme il s’en fait de moins en moins par les temps qui courent). Ils ont un chien, Hudley, obsédé par les poubelles qu’il renverse pour les enculer. Pour parfaire cette représentation de la famille idéale, ils n’ont pas de gosses. C’est avec ces éléments-là que Jim Harrison va nous faire voyager pour notre plus grand plaisir et pendant 330 pages. C’est un monument d’humour décalé où la truculence de certaines situations trouve sa source dans l’imaginaire débordant, et parfois déroutant de l’auteur.

Citons pour l’exemple :

« - Goûte et dis-moi quelque chose de gentil ; - Miam, Miam ! – Diana, bon Dieu ! J’ai demandé quelque chose de gentil. – Si on faisait l’amour tout de suite après dîner ? Je me sens en forme. Personne n’est mort, aujourd’hui. »

Ou

« Une demi-heure plus tard, Aurora frappa à la porte de la chambre. Il l’accueillit avec son outil pointé entre les pans de son peignoir. Elle éclata de rire et se précipita dessus.

Le chien gronda et reçut aussitôt le gros livre d’ornithologie en pleine gueule. Sorcier retira la culotte d’Aurora et plongea sous sa jupe. Il y en a qui sont roses, et d’autres qui sont brunes. Pourquoi ? »

A noter une excellente préface de François Busnel et une traduction de Serge Lentz.

Un livre que je recommande vivement de lire et à consommer sans aucune modération ni retenue.

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La Route du retour

La route du retour est un pur chef d'œuvre. Ambitieux, foudroyant. L'histoire en trois livres et cinq générations d'une famille pétrie d'indianisme, une fresque effrénée et tendre de l'Amérique qui tue, rêve, se méprend, et devient moderne et cupide, ce qui s'apparente sous la plume d'Harrison le panthéïste à un jeu de massacre. Jamais Harrison n'avait atteint une telle amplitude, variant de main de maître tous les tons et les registres : lyrique, épique, poétique, intimiste... Allant du plus ténu - le vol d'un oiseau - au plus cocasse - par exemple les démêlés de l'américain type avec l'autorité - jusqu'au plus abyssal - le sentiment d'abandon, véritable terre noire et fertile de ce roman où chaque être quête ses racines. Reprenant les thèmes et la plupart des personnages d'un de ses plus beaux récits, Dalva, Jim Harrison les redéploie comme ces ailes dont longtemps on a rêvé de prendre toute l'envergure. Ce roman-là est pétri d'humeurs, ivre d'amour, hanté par la mort, voluptueux sous le ciel.
Lien : http://jimharrison.free.fr/R..
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Le Vieux Saltimbanque

"La poésie a parfois ce genre d'effet. Soit on se retrouve au septième ciel, soit on barbote en pleine dépression. On pond un premier vers formidable, mais la pensée n'est pas assez puissante pour en enchaîner d'autres et, au beau milieu de la création, les mots s'ennuient et se font la guerre. (p. 88)"



Un petit opus très vivant, de souvenirs, de réflexions du célèbre écrivain américain , qui narre son parcours, ses rapports compliqués et torturés avec l'argent ... sa passion très jeune pour la poésie...les petits boulots, ses

rapports mouvementés avec les femmes, l' alcool, ses tribulations à travers le monde, son amour pour la France, divers rêves qu'il a concrétisés dont une ferme et un élevage de porcs... ce qui nous vaut des scènes franchement rocambolesques..et comiques...



Ce qui m'a le plus touché ce sont ses digressions sur l'Ecriture, son métier d'écrivain...ainsi que son autodérision envers ses défauts ou ses manques, dont ses ambivalences, inconséquences envers l'argent ... qui lui valent

quelques mésaventures et flops !!...



"L'argent est un cercle vicieux, un piège dont vous ne sortirez sans doute pas indemne. Les scénarios exceptés, je n'ai pas gagné ma vie en tant qu'écrivain avant la soixantaine. Quand j'ai cessé d'écrire des scénarios pour ne pas mourir, la vente de mes livres en France m'a sauvé la vie.

[...]

Se sentir frais comme un gardon, débordant de confiance et d'arrogance n'aboutit à rien de bon, à moins d'écrire les mémoire de Narcisse. Tout va beaucoup mieux quand on est perdu dans son travail et qu'on écrit

au petit bonheur la chance. On ignore où l'on est, le seul point de vue possible, c'est d'aller au-delà de soi.

On a souvent dit que les biographies présentaient de singulières ressemblances. Ce sont nos rêves et nos visions qui nous séparent. On n'a pas envie d'écrire à moins d'y consacrer toute sa vie. On devrait se forcer

à éviter toutes les affiliations susceptibles de nous distraire."



Je terminerai cette modeste chronique avec cet extrait touchant justement l'exigence infinie de l'Ecriture, esclavage et sacerdoce conjugués !!...Une lecture agréable et instructive d'un écrivain- baroudeur, qui nous fait partager avec humour son laborieux parcours, mais aussi ses succès littéraires tardifs mais plus abondants, en France, ainsi que ses plaisirs vis à vis de la nature, des animaux, des forêts, sans oublier la pêche !!



"Il se comportait comme Léon Tolstoï qui, lorsqu'il devait écrire déclara : "Alors écris, pour l'amour de Dieu ! " Faulkner se montra encore plus pervers. Quand on lui demanda de quoi un écrivain avait besoin, il répondit : " De papier et d'un crayon. " Autrement dit, trouve-toi même, il n'y a pas de raccourcis. Il faut y consacrer ta vie entière. "(p. 40)

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Dalva

C'est l'histoire d'une famille américaine, de la fin du XIXième siècle jusqu'aux années 1980. Elle est contée par Dalva, arrière petite-fille d'un pasteur missionnaire auprès des Sioux pendant les guerres contre les indiens, et par Mickaël, un historien qui étudie les archives de la famille.

Jim Harrison écrit à sa manière habituelle, comme si ses histoires étaient une suite d'anecdotes, avec des retours en arrière, des ellipses, des récits qui arrivent comme au fil de la pensée, comme on le ferait dans un journal. On retrouve ses thèmes de prédilection, les indiens, la botanique et l'ornithologie, l'homme face à la nature et aux grand espaces, le tout avec l'humour dont il est coutumier. Comme d'habitude, ses personnages aiment l'amour, la bonne nourriture et le bon vin, et sont en quête de leur passé.



J'avais beaucoup aimé "De Marquette à Veracruz" et "Retour en Terre", mais là c'est encore un niveau au-dessus. Le thème de fond (le génocide des indiens et l'indifférence, voire l'ignorance des Américains à ce sujet) est ici encore plus fort, ce qui rend cette lecture encore plus intense.

Une lecture à déguster par petites gorgées.



Eh les babéliami-e-s, c'est comment qu'on met une sixième étoile ?
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Légendes d'automne

J’avais adoré l’adaptation cinématographique de Légendes d’automne, au début des années ’90, donc c’est avec beaucoup d’enthousiasme que je me suis lancé – enfin – dans ce bouquin. J’ai été très surpris de constater qu’il s’agissait en fait d’un recueil de trois nouvelles, dont la dernière est l’histoire qui a donné son nom à l’ensemble.



Les deux premières, malgré des débuts prometteurs, m’ont déçu au fur et à mesure que j’avançais dans ma lecture. Et je crois que ce qui a «sauvé» la troisième, c’est les images qui m’étaient restées du film. Je crois que Jim Harrison avait trois intrigues avec beaucoup de potentiel, trop peut-être pour des nouvelles, qui auraient pu constituer trois romans distincts. Je suis resté avec cette impression «d’entre-deux» : ces histoires contiennent, selon moi, trop d’éléments qui s’étirent pour une nouvelle mais ça manquait la profondeur d’un roman. Dans tous les cas, je sentais toujours une certaine distance entre l’histoire et moi-même. Peut-être à cause de la narration, ou de moi aussi, je n’arrive pas à mettre le doigt dessus.



Pourtant, les premières pages de Une vengeance m’ont accroché. Ce pauvre paysan mexicain qui trouve un homme grièvement blessé, abandonné dans le désert, du mauvais côté de la frontière. Un médecin aux méthodes peu orthodoxes lui vient en aide. J’ai trouvé tout ça intriguant. Vraiment ! Puis on retourne en arrière, on découvre comment le mourrant Cochran s’est retrouvé là, son amour pour Miryea, les dealers, etc. Plus j’avançais, plus je trouvais cette histoire un peu exagérée et prévisible alors mon intérêt s’est émoussé.



Pareillement pour la deuxième nouvelle, L’homme qui abandonna son nom. Pire, même, ce Nordstrom, désabusé par sa femme et sa carrière, il m’a laissé indifférent assez tôt. Il a beau tout larguer et essayer de se refaire une vie, je m’en moquais, même de ses mauvaises rencontres. Dommages. Je suis passé à côté de toutes ses réflexions sur le sens de la vie mais tant pis.



La seule nouvelle qui a trouvé grâce à mes yeux est la dernière, Légendes d’automne. Mon dernier visionnage du film date un peu mais il me semble qu’il était assez fidèle, à quelques détails près. J’ai retrouvé plusieurs personnages que j’avais appréciés donc il est difficile de dire si leurs descriptions étaient suffisantes ou c’est les souvenirs que j’avais gardés du film qui ont opéré à merveille. Dans tous les cas, ils sont uniques, fascinants, du vieux William Ludlow à ses trois fils, en passant Isabel qui mène sa vie bourgeoise à Boston et par ses employés Un Coup (l’Amérindien) et Decker. Chacun apporte sa contribution à cette magnifique fresque familiale. Sans oublier cette ode aux grands espaces (Montana, Canada, océans et Afrique) et aux événements marquants de l’époque (Première guerre mondiale, prohibition). J’aurais souhaité que cette histoire s’étire sur des centaines et des centaines de pages. Mais bon, il faut se contenter de ce dont on a sous les yeux. Pour plus, il y a les adaptations cinématographiques !
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La Fille du fermier

Avant de lire la réédition aux éditions Rivages du livre de Norman Maclean – Et au milieu coule une rivière- , en gardant en mémoire les très belles images du film de Robert Redford qui a préfacé le livre, j’avais très envie de prendre la température des grands espaces et de la solitude qui s’y tient avec la fille du fermier de Jim Harrison.



La fille du fermier, c’est la jeune Sarah de 9 ans qui dans les années 1980 part avec ses parents dans les montagnes rocheuses du Montana, abandonnant son piano, sa meilleure amie Maria et tout ce qui fait le petit nid douillet de ses jeunes années passées dans l’Ohio.

Là-bas, dans le Montana, dans ce paysage d’eau et de rocailles, où l’on vit encore comme il y a 30 ans, l’immensité ressemble à une grande solitude.



En manque d’attention de ses parents, Sarah trouve l’affection auprès de Tim, un vieux fermier qui a vendu les arpents de terre au père de Sarah. Tim est la roche solide qui abrite et protège pour un temps la jeune Sarah dont le corps se transforme en une jeune femme qu’elle bride farouchement à ne pas devenir. Sarah préfère les longues promenades à cheval en compagnie de Vagabond, le chien de Tim et les livres de poésie d’Emily Dickinson.



A l’école, Sarah aime par dessus tout les sciences. Par son irrésistible besoin de comprendre le monde, veut-elle aussi comprendre pourquoi elle se sent complètement vide tout en se demandant en regardant son père « si lui aussi abritait dans son esprit ces lieux vides et froids, ainsi que tous ces points d’interrogation métalliques, ou bien si son mental était plein et harmonieux ».



La mort de Tim et l’entrée au collège signent l’arrêt pour Sarah de ces moments d’innocence et de liberté.

Le jour de rodéo qui aurait dû être un jour de fête marque aussi pour Sarah une rupture brutale avec le temps de l’enfance.

Le cœur meurtri et lourd d’un fort sentiment de vengeance, telle une Diane chasseresse, Sarah devra vaincre ses instincts de punité pour sauver son avenir, même si le prix à payer est le silence.



J’ai aimé retrouver la prose râpeuse de Jim Harrison car elle loge dans ses interstices une infinie tendresse pour son personnage féminin, Sarah. De l’extérieur, Sarah apparaît comme une gamine vulnérable et fragile alors qu’elle construit dans son monde intérieur tout un mécanisme de construction d’elle-même et de compréhension des autres . C’est ce qui la rend forte même si parfois elle a l’impression d’échapper à ses décisions.

Elle sait ce qu’elle veut et elle sait parfaitement ce qu’elle ne veut pas être. Sarah est comme une petite pousse d’herbe verte qui réussit à grandir malgré un environnement aride.



A travers Sarah, Jim Harrison témoigne aussi des errances et le mal d’une jeunesse américaine en proie aux désillusions et aux fantômes de la guerre.



J’ai beaucoup aimé les références à la lecture et aux livres qui aident à surmonter les embûches, et au pouvoir des arts en général et de l’instruction. L’astronomie et la lecture de la carte du ciel évoquées à travers Rebecca, la tante de Sarah est ce lien invisible et puissant qui réunit tous les personnages du livre entre eux mais aussi avec leurs ancêtres.



C’est un texte fort et très beau extrait du recueil ‘les jeux de la nuit » qui vient d’être réédité en folio 2 euros , une jolie manière d’entrer en contact avec l’auteur et son univers.
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La Fille du fermier

“I might just ride like a cow-boy into the dawn to Montana…

Movin’ to Montana soon…Yippy-Ty-O-ty-Ay…”



Extrait de l’album « Over-nite Sensation » de Franck Zappa 1973 (un must !)



Ce sont mes premières pages dans l’univers de Jim Harrison et je me régale déjà de découvrir prochainement « Dalva » que je viens d’acquérir en grand format (il faut bien ça pour chevaucher les grands espaces du far-west) car ma lecture de la Fille du fermier m’a fait découvrir une sorte de vieil ours mal léché doté d’une sensibilité folle.

Son écriture parfois grivoise séduit et donne toute la verve et le charme à cette histoire où la beauté sauvage de la nature est d’autant magnifiée que la plupart des occupants de ces immenses étendues sont mal dégrossis et rustres.



Ce n’est pas le cas de Sarah. Aussi jolie qu’intelligente, aussi amoureuse de sa chienne Vagabonde et de Lad son cheval qu’elle est déçue des individus de son entourage.

La fraicheur de ses seize ans attire les convoitises. On n’est malheureusement pas toujours responsable des sentiments qu’on suscite. Sarah va bien vite le découvrir.

« Sarah écrivait qu’elle adorait lire des romans parce que les émotions des personnages “supplantaient” l’intérêt qu’elle portait aux siennes. »



J’ai été conquis par la maturité de Sarah, sa solidité et son jugement, ainsi que par le souffle épique constant de ce court roman un peu rugueux qui m’a offert une magnifique évasion dans les plaines du Montana. Yippy-Ty-O-Ty-Ay…



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De Marquette à Veracruz

Enfin, je reviens vers vous avec un nouveau récit de mon ami Jim Harrison. De Marquette à Veracruz est un roman très beau. Ici j'ai été totalement envoûté par ce récit très complexe, totalement déstabilisé au départ, une difficulté je l'avoue au premier abord pour entrer dans le texte, dans cet amalgame de personnages, pourtant on reste toujours dans la même famille, la même veine, la même verve...

Mais alors, que s'est-il passé pour que la magie s'opère ? Pour que le déclic se passe ? Sans doute tout ce que je viens de dire explique cela, le flux des personnages qui entrent dans l'histoire avec chacun d'entre eux détenant sa petite histoire, sa petite musique...

Une fois de plus, je suis conquis par l'écriture, le pouvoir de narration de cet auteur puissant qu'est Jim Harrison.

Je n'oublierai jamais David Burkett ni son histoire, héritier d'une famille riche ayant fortune dans le bois. On peut définir le père du narrateur de deux manières : il est très riche et c'est un prédateur sexuel. Voilà, le décor est bien planté une fois que l'on a dit cela. Et le narrateur va voyager dans sa vie avec le poids de ce bagage, ce sera son héritage.

Je n'oublierai jamais Clarence et son fils Donald, Glenn, Jesse, Cynthia, Laurie, Polly, Fred, Vera et les autres. Ce sont tous des êtres inoubliables et qui sont revenus longtemps après dans mes pensées.

Je n'oublierai jamais non plus le lac Supérieur, là-bas dans le fond du Michigan, la pêche à la truite, des rivières qui regorgent d'eau et de souvenirs d'enfance peut-être. Je pense que ce décor a dû aider David Burkett comme une réparation, une forme de résilience. Les berges des rivières regorgent d'endroits où il fait bon s'accrocher à la terre sous nos pas et revenir à l'essentiel. Et puis laisser filer dans le flot turbulent de l'eau qui passe ce qui n'est pas important...

Je n'oublierai pas non plus le rouge-queue, ce seul oiseau capable de survivre à l'hiver dans cette région. L'auteur s'étonne des milliers et des milliers d'années indispensables pour que cet oiseau acquiert ce comportement de survie. L'émotion survient une seconde après, lorsque le narrateur s'interroge sur sa manière de survivre, se demandant quel comportement de survie il avait mis au point au cours de sa brève existence. Tout est peut-être dit finalement dans cette observation.

Parfois dans l'histoire d'une famille, les dégâts sont irréversibles. Ici, le narrateur sans doute n'en peut plus de porter ce poids qui pèse, le poids du père. Il décide de prendre le large vers la Péninsule Nord, habiter un chalet perdu tout là-bas. Et nous le suivons dans son isolement.

La famille de David Burkett est fortunée. Comme je l'ai dit au tout début de ce billet, son père est une sorte d'obsédé sexuel, un prédateur qui s'attaque à de toutes jeunes filles, tandis que sa mère se réfugie dans l'alcool et les médicaments.

De Marquette à Veracruz, c'est l'itinéraire d'un adolescent qui devient adulte, une sorte de parcours initiatique. Ce livre raconte ce passage difficile, tumultueux. C'est une sorte de roman d'éducation. Ce passage n'est guère facile en effet, ressemble à un labyrinthe, quelque chose dont il paraît parfois difficile de s'en échapper.

Dans ce voyage, le narrateur convoque tour à tour Jésus, le sexe, l'alcool et la nature. Et tout ceci prend forme dans une merveilleuse harmonie. Dit comme cela, me croirez-vous si je vous avoue que je trouve Jim Harrison comme un écrivain totalement romantique ?

Des femmes viennent, séduisent le narrateur, s'enroulent dans les pages de l'histoire. Parfois, l'amour est là, parfois l'amour fut là. Le narrateur reconnaît qu'il jette souvent son dévolu sur des femmes totalement incompatibles avec lui.

Au fur et à mesure que se déroule le récit, j'ai été en totale empathie avec le narrateur, quelque chose me disant qu'il ressemblait de très près à ce qu'a pu être Jim Harrison.

C'est sans doute pour cela que j'ai trouvé le narrateur très attachant.

Pour le narrateur, le pardon est important. Il porte le poids de ce que représente son père et son voyage vers nous, à travers les pages très fortes et truculentes du récit.

Le sentiment de pénitence vient aussi, peu après. David Burkett semble à certains moments porter à lui seul le poid des méfaits de sa famille. Comment un seul être peut-il trouver la force de porter tout cela ? Et forcément, on se trouve à ce moment-là totalement proche de lui, voyageant avec lui, de Marquette à Veracruz...

C'est sans doute, selon moi, la question centrale de ce récit : jusqu'où porte-t-on en nous les erreurs, les méfaits parfois, les dégâts de sa famille qu'elle laisse derrière elle comme le seul héritage transmis aux enfants ? Et comment s'en alléger ?

Et puis enfin, l'écriture... Salvatrice. C'est sans doute cela qui sauve David Burkett. Sans doute il y a beaucoup de la propre existence de Jim Harrison dans ce récit. La nature est là comme un refuge, tandis que les êtres les plus proches vous entraînent dans des méandres impossibles où vous êtes peu à peu persuadé de perdre pied, perdre votre vie aussi.

Ce récit est consolant, au final.
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Le Vieux Saltimbanque

Dans le vieux saltimbanque,Jim harrison nous fait partager sa vie. Par moment la chanson Cigarettes, whisky et petites pépés me vient à l'esprit mais c'est trop réducteur pour un homme comme lui et finalement en lisant la citation d'un babélionaute :

Qui sommes-nous sinon la somme de nos expériences, tout ce que nous rassemblons et amassons au cours de notre vie ? " L'homme craie C J Tudor " j'ai pu mieux mieux le comprendre et l'apprécier.

Il nous raconte sa vie, ses joies, ses peines simplement avec beaucoup de lucidité, page 43, Nous vivons tous dans le couloir de la mort, occupant les cellules de notre propre conception. C'est un homme qui a connu la souffrance avec la perte d'un oeil en jouant et aussi la perte d'êtres chers : son père et sa soeur qui le laisseront inconsolable. Et c'est tout à la fois un homme qui prend la vie à bras le corps et commet de nombreux excès, page 83, Assis sur le c.. il toussait et crachait ses poumons encombrés des cent dernières cigarettes qu'il avait fumées. Mais il sait aussi avoir un regard moqueur sur ce qu'il devient, sur la vieillesse, page 19,Il y avait un banc devant l'hôtel de ville où les cinq mêmes croulants s'installaient tous les jours. Ce banc, on l'appelait le banc des bites mortes. Quand je vois le banc de mon village, je ne peux m'empêcher de penser à lui.

En fait cette vie rude de la campagne qu'il a menée chassant, pêchant, vivant dans la nature, en a fait le grand écrivain qu'il est devenu avec cette empathie, cette humanité qui le caractérise car on ne parle bien que de ce que l'on connaît même si il admet avoir beaucoup d'imagination. A tout ceci s'ajoutent ses réflexions sur l'écriture et son métier, réflexions pertinentes pour ceux qui écrivent.

Pour moi, il était à la fois un cow-boy à la vie très simple et un écrivain capable d'une énorme sensibilité quand il parle de sa femme, de Dalva ou de Sarah. Je ne sais pas si tout est vrai dans son roman mais qu'importe car comme le dit Albert Camus dans l'été (L'énigme) Aucun homme n'a jamais osé se peindre tel qu'il est.
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Légendes d'automne

Légendes d'Automne, qui ne connaît pas le film ? Magique, impossible à oublier... Mais le livre du même nom est en fait un recueil composé de trois nouvelles (ou courts romans, je ne sais pas trop, je laisse le soin aux spécialistes de trancher).



Trois histoires de vengeance et surtout une écriture, mais quelle écriture : un style puissant, une narration parfaitement maîtrisée, une plume concise sans fioriture. Les thèmes abordés sont la vengeance, la violence, la trahison, la nature et la brutalité de la vie. Jim Harrison nous conte des histoires d'amour malheureuses, des aventures héroïques. L'ensemble est très compact, très dense, c'en est presque surprenant.



En fait, j'ai envie de dire que son écriture est avant tout virile. Sans doute aussi parce que les personnages masculins sont prépondérants, les femmes restent des faire-valoir et souvent des catalyseurs pour... tous les ennuis à venir mais aussi pour trouver le chemin de la rédemption. Non je ne parlerai pas de machisme, il s'agit d'hommes bousculés par la vie voilà tout. Des hommes en prise avec la faiblesse de leur nature, la cruauté de la société, l’absurdité de l'Histoire ; des hommes qui cherchent leur salut en se repaissant de leur impérieuse vengeance.



J'ai beaucoup aimé la première légende, moins la seconde et j'ai dévoré la dernière. En voici de courts résumés :

* Une Vengeance... :

Dans les années 70, un homme a l'excellente idée de tomber amoureux de la femme d'un magna de la drogue mexicain qui s'avère pas franchement partageur ni très pacifiste d'ailleurs.

* L'homme qui abandonna son nom :

Comment un cadre sup. largue les amarres pour se trouver et, prenant des chemins de traverse, fait quelques mauvaises rencontres.

* Légendes d'automne :

En 1914, 3 frères quittent leur ranch du Montana pour aller s’enrôler dans l'armée. La guerre, la mort du cadet changeront tout. C'est la vengeance du second fils, Tristan qui façonnera le destin de la famille.



J'ai fermé le livre secouée par ma rencontre avec l'indomptable, le libre Tristan, rêveuse et transportée au cœur des grands espaces du Montana car la plume de Jim Harrison est un superbe hymne à Dame Nature, à chaque page le lecteur peut la respirer. De ses légendes il est impératif de prendre de grandes bouffées. À bientôt M. Harrison et chapeau bas l'artiste ! 
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Le Vieux Saltimbanque

« Saltimbanque. N.M. Personne qui exécute des tours d’adresse, de souplesse ou des acrobaties devant un auditoire. » Cette définition correspond assez bien à Jim Harrison, au sens figuré, évidemment. Cet auteur américain a roulé sa bosse, comme on dit. Après (et pendant) avoir enseigné à l’université, il s’est promené dans les divers états du centre de ce grand pays que sont les Etats-Unis, et pendant sa longue existence il a bien profité de la vie et s’est retrouvé dans de multiples tribulations. Parfois malgré lui, bien souvent de sa faute. En effet, il n’était pas un sage intellectuel, ses champs d’intérêt tournaient autour de la nature, de l’alcool et du sexe féminin (jeune, de préférence). C’est un peu ce qu’il raconte ici, dans cet ouvrage qui n’est pas un nouveau roman mais une autobiographie, Le Vieux Saltimbanque. Pour ne pas avoir à être contraint (et à faire subir) la vérité, il raconte sa vie à la 3e personne. Dès sa préface, il a le courage d’affirmer que peu de biographies s’y cantonnent sans enjoliver ne serait-ce qu’un peu. Mais Harrison, lui, a l’intention d’être honnête. Et je crois bien qu’il l’est. Pas d’enjolivements ici, non merci. Il raconte de la manière la plus crue (et brute et loufoque) plusieurs anecdotes le mettant peu en valeur mais divertissant son lectorat. Par exemple, j’ai beaucoup ri à l’évocation de sa liaison avec une de ses étudiante : sa femme, qui doutait de sa fidélité et l’a suivi, a tiré sur la voiture, faisant éclater une vitre et fuir la pauvre jeune fille, en moitié nues. Et aussi le cochon qui lui tenait lieu d’animal domestique!



Harrison poursuit son autobiographie, Le vieux Saltimbanque, sur le même ton (humoristique, même s’il ne cherche pas à faire rire) à décrire des péripéties semblables. Mais, parfois, il raconte avec franchise les difficultés de vivre de sa plume pour un auteur américain, ses relations de couple tendues, et plein d’autres moments. J’ai trouvé un petit quelque chose de très humble dans sa démarche. Toutefois, une petite déception persistait : j’aurai apprécié que l’auteur évoque davantage son inspiration, son écriture. Il mentionne très peu de ses ouvrages et encore moins ce qui lui passait par la tête quand il les a écrit. À peine quelques informations sur ses habitudes d’écriture. Était-ce du génie spontané, le genre de choses qui se produisent sans qu’on s’en rende compte ? Quoiqu’il en soit, plusieurs auteurs et documentalistes ont déjà écrit sur son œuvre, sans doute voulait-il parler que de lui. Et il ne restera qu’eux pour en parler, le Vieux Saltimbanque est décédé quelques mois après la parution de cet ouvrage. Bon repos, Jim Harrison !
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Une odyssée américaine

Au MK2 Bibliothèque, il y a tout ce que j'aime : des films en VO, et une librairie dans la galerie. Temps d'attente……et ce roman de Jim Harrison qui attire mon attention, j'avais déjà lu « les jeux de la nuit » un bouquin renversant, avec la même puissance narrative qu'Hemingway, il y a un an ou deux.

Avec « une odyssée américaine », me voilà embarquée, avec un héros fatigué qui part à travers l'Amérique pour guérir d'une peine de coeur. ça n'arrive pas qu'aux jeunes! Sa femme, Vivian, 58 ans est partie avec un autre après 39 ans de mariage. La mort de sa chienne Lola, qui le laisse inconsolable achève de le déprimer.

Le narrateur, Cliff, 62 ans bien tassés, a un profil original, c'est à la fois un paysan, un naturaliste et un ancien professeur de littérature qui a jeté l'éponge devant le peu d'enthousiasme de ses terminales pour Thoreau, Whitman ou Emerson.

Il vend sa ferme, charge le peu qu'il possède dans une voiture d'un autre âge, prend avec lui un puzzle des Etats-unis, et se dit qu'à chaque frontière d'Etat, il jettera la pièce correspondante dans un cours d'eau.

Un voyage consolateur, en principe, mais les choses ne tournent pas vraiment comme il l'avait prévu. Il y a Marybelle, son ancienne étudiante, qui devient sa maîtresse, une personnalité exigeante, extravagante et mythomane, son fils Robert qui habite San Francisco, et le rituel de passage des Etats, qui se dérègle peu à peu…ou s'enrichit de l'idée de les renommer tous ainsi que les 700 espèces d'oiseaux vivant dans le pays…

Il y a un souffle grandiose à cette littérature attachée à un territoire: Vastes paysages en technicolor, une ode à toutes les sortes de troupeaux de bovins, une déclaration d'amour pour les eaux vives des torrents et la pêche à la truite, et à l'océan Pacifique qui laisse sans voix.

C'est aussi un voyage dans les souvenirs de Cliff, qui évoque ses amis morts ou vivants, son père, son frère, son fils : « je préfère qu'il soit homosexuel plutôt que Républicain !» et sa vie avec Vivian, le tout avec beaucoup de tendresse. C'est une déclaration d'amour à la littérature, avec ses nombreuses évocations, pas aussi nombreuses et présentes que dans « les jeux de la nuit » toutefois.

C'est un hymne à la vie avec tout ce que ça implique, l'amour, la sexualité joyeuse, la gourmandise, l'indulgence pour les petits maux et faiblesses, la méfiance pour la technologie....les téléphones portables surtout….

Une lecture à recommander à Sarah Palin et à tous les Républicains pour les décoincer un peu. Une écriture magistrale, où dans chaque page on pourrait extraire une citation, un trait d'humour, un paradoxe. Un souffle épique, dans lequel on sent l'amour communicatif pour une terre, et pour ses habitants.



Pour Jim Harrison, il faudrait vraiment une sixième étoile.



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Dalva

Portrait d'une femme forte, libre et solitaire dont la vie a été jalonnée par des deuils et des séparations. Ce livre est aussi la première partie d'une fresque historique des guerres indiennes jusqu'à nos jours. Premier livre lu de cet auteur qui m'a amené à lire tout les autres.
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Retour en Terre

L'Amérique que j'aime, c'est celle de Jim Harrison. Les grands espaces, les forêts profondes, la vie sauvage, les tourments du coeur, la sensualité, la mort, les choses de l'invisible, celles qui prennent le relais après... Ce sont les thèmes chers à cet écrivain et Retour en Terre n'échappe pas à cette merveilleuse invitation à les revisiter une fois encore.

C'est un roman choral, quatre voix se succèdent qu'on a déjà entendues, qu'on connaît depuis ce magnifique roman dont je vous ai parlé il y a peu : de Marquette à Veracruz. Faut-il avoir lu ce livre pour mieux comprendre l'histoire de Retour en Terre ? Cela aide sans doute. Ou bien ce livre vous aidera à aimer l'autre... Nous retrouvons ici avec plaisir, le Lac Supérieur, la Péninsule Nord du Michigan, sa faune, sa flore...

Quatre voix, quatre récits qui se croisent et se parlent, quatre personnages intimement liés par les liens familiaux et les sentiments : Donald, K le neveu de Donald, David son beau-frère et Cynthia son épouse.

C'est Donald qui ouvre le bal. Donald est gravement malade, souffre d'une sclérose en plaques. Il a quarante-cinq ans. Donald est métis, il descend de colons finlandais et d'Indiens Chippewas. L'âme indienne s'élève alors dans ce récit, les croyances qu'elle amène dans ce rapport entre la nature, la vie et la mort.

Donald ne veut plus souffrir, pour les siens, pour lui, il veut mourir dans la dignité. Retour en Terre, c'est ce voyage intime, ultime vers la mort, partir là-bas accompagné de ses proches, où l'attend une tombe creusée au milieu de la forêt à même l'humus. J'ai trouvé ce premier récit très touchant, de temps en temps son épouse Cynthia reprend la plume, complète ou corrige un propos, apporte une dernière précision qui parfois prend réellement le pas.

L'âme indienne de Donald s'est-elle réincarnée dans ce vieil ours que les corbeaux du ciel guident et alertent avec empathie ? De temps en temps, un rayon de soleil semble se faufiler parmi les pages, soulever un peu de neige qui s'envole dans le vent. Le sens de la vie semble aussi venir dans la respiration du paysage, vivre avec ce que nous savons et ce que nous ignorons.

J'ai aimé ce voyage. Chez Jim Harrison, la nature est toujours présente comme se faufilant dans les racines profondes des peuples indiens. Chez Jim Harrison j'aime aussi le sujet de la transmission, des inégalités, l'Autre Amérique, celle si actuelle, celle qui a mal aussi...

Il y a ces gestes qui portent cette transmission. Brûler du tabac pour libérer l'âme des défunts auxquels les gestes de leurs proches s'accrochent encore un peu, guetter la tanière d'un loup, sentir le souffle d'un ours enfoui dans un trou où il y hiberne. Un ours est-il seulement un ours ? C'est une respiration qui remonte de la terre, plus loin que la terre peut-être.

Et puis de temps, le paysage se restreint, se resserre au bord des gestes intimes, des cœurs, là où la vie commence ou prend fin...

Plus tard, c'est le récit de Cynthia qui clôt le roman, Cynthia réapprenant à vivre, à aimer peut-être, avec et sans Donald, car il est forcément toujours présent, en elle, autour d'elle. La voix de Cynthia est sans doute le récit le plus bouleversant de ce livre, celui qui fait écho à celui de Donald. L'envie de vivre de Cynthia est comme un hymne à la joie. C'est poignant.

La mort est un passage, semble nous dire l'auteur, comme une barque qui file le long du rivage du Lac Supérieur. La branche d'un chêne ondoie, semble bercer quelque chose d'invisible à nos yeux. C'est peut-être l'âme de Jim Harrison qui continue de se poser sur les pages de ses livres.
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Une odyssée américaine

Ce roman est une grande déception pour moi. J’avais tellement entendu de commentaires élogieux à son endroit que je m’attendais à un « road book » magistral. Malheureusement, « Une odyssée américaine » n’est que le voyage ordinaire (pour ne pas dire déprimant et inintéressant) d’un retraité désabusé. L’auteur Jim Harrison n’a pas réussi à m’accrocher avec un sujet qui, pourtant, a tout pour plaire. Quoique, en écrivant cela, quelques mauvais souvenirs de ma lecture de « Sur la route » me reviennent en tête…



D’abord, je ne me suis jamais attaché au personnage principal, Cliff. Cet ancien professeur de littérature américaine est abandonné par sa femme qui l’a plaqué pour un autre homme, apparemment plus intéressant. (Ça, j’arrive à le croire !) et son fils unique qui habite la Californie. Depuis sa retraite, il ne fait survivre. À part s’occuper de son verger du Michigan, et parfois boire avec ses connaissances, il ne fait rien de sa vie. Même son chien est mort. (Un peu trop de misérabilisme ?) Pas étonnant qu’un sentiment d’échec l’habite. Un jour, il décide de se secouer un peu et de partir à l’aventure. Il y a peu à dire de plus.



D’ailleurs, Cliff lui-même le dit à un moment : « Je suis tout bonnement le énième américain débile en liberté. » Je n’en doute pas du tout. La différence, c’est que nous avons été épargné du récit des tribulations de la plupart des autres aventuriers…



Ce qui devait être un voyage initiatique dans les états américains n’est qu’une pathétique ballade en voiture remplie de clichés. Je sais bien qu’il ne s’agit pas d’un guide de voyage, mais tout au long de ma lecture, j’avais l’impression que Jim Harrison était passé à côté de la beauté du paysage. Nommer les endroits traversés et leur accoler deux ou trois adjectifs et un vague sentiment de nostalgie n’est pas suffisant pour me les faire apprécier. Quant à toutes les références aux grands auteurs américains, elles semblent plaquées. Thoreau, Whitman, Emerson et compagnie. Je suis sans doute un peu sévère ici. Il est vrai qu’elles collaient à l’ancien professeur de littérature américaine.



En route, Cliff retrouve Marybelle, une ancienne élève devenue professeure à son tour, qui l’accompagne une partie du trajet. Elle n’est pas particulièrement sympathique ni attachante. Très vite il y a désenchantement entre les deux et j’ai été content de la voir partir de son côté. Quant à la Californie où vit son fils… bof ! Je vous fais grâce du reste de l’histoire. Il suffit de dire qu’il n’y restera pas longtemps et retourne chez lui. Bref, « Une odyssée américaine » est un roman que je tâcherai d’oublier.
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Nord-Michigan

Démon de midi en milieu rural. Joseph a 2 métiers : fermier et enseignant. 2 amoureuses : son amie d'enfance et une étudiante de 17 ans. 2 passions : la pêche et la chasse. 1 jambe pas très valide. 1 grand ami : le docteur de la famille. 1 fabuleux espace de nature peuplé d'animaux. La crise interne est là. Trois problèmes à régler : gérer la jalousie des femmes, un métier où les cons sont nombreux, son penchant pour l'alcool. Un roman plus émotionnel et introverti que les autres qui donne toujours autant du plaisir à la lectrice que je suis. Monsieur Harrison, vous continuez toujours à vivre au travers de vos oeuvres.
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Grand Maître

"Grand Maître" est un roman de Jim Harrison (415 pages), édité chez J'ai Lu en Février 2014. Le sujet du roman ? Comment vous dire ? Et bien, messieurs qui me lisez, que feriez-vous si vous constatiez que vous prenez de l'âge, des rides, de l'embonpoint et que vous n'avez plus le goût à rien si ce n'est qu'à vous alcooliser, qu'à engloutir force nourriture, qu'à mater les rares jeunes filles qui passent encore devant vos fenêtres et à vous enfoncer dans une demi-léthargie en rêvant à cette époque heureuse où vous étiez un jeune homme, beau, fort, séduisant avec plein de projets ? Vous feriez peut-être comme Jim Harrison : vous songeriez à vous tirer une balle dans la tête !



Dans cet ouvrage, Jim va nous brosser un tableau long comme le bras et très émouvant (non, je n'ai pas écrit "larmoyant") de son mal être, tout en dénonçant à fleuret moucheté les dérives sociétales de son pays, le tout sur fond de fausse enquête menée sur un gourou pédophile et fondateur d'une secte dont le nombre d'adeptes grossit dangereusement (tiens, comme notre bon vieux Jim). Les dix premiers chapitres, soit plus des deux tiers du livre (qui est un faux roman policier), sont d'un ennui profond, quant à la fin, je ne voudrai pas spoiler mais sachez qu'elle ne casse pas trois pattes à un canard, comme le dit si élégamment ma concierge.



Bon, au final, qu'en penser ? Puisque c'est un faux roman policier, inutile de chercher un assassin, une intrigue, du suspense, des faits et des rebondissements et des personnages pittoresques. Reste un roman avec des descriptions fastidieuses, des évènements plus ou moins consistants - qui ne contribuent qu'assez peu au projet littéraire et qui ne sont analysés que superficiellement-, et puis des obsessions sexuelles qui inondent le roman (à raison d'une toutes les 3 pages), et en prime une dérive existentielle dont on pressent l'issue.



Un livre raté ? Le livre de trop dans la production du grand Jim ? Pas tout à fait. Au-delà de la dénonciation de l'état catastrophique de la société américaine dans laquelle il vit, une société qui a oublié qu'elle a commis le génocide des Indiens d'Amérique (500 tribus, 10 millions d'hommes en 2 siècles), Jim dénonce la financiarisation du monde et la déliquescence des rapports parents enfants. Et puis il se confesse : oui, son divorce a flingué sa vie ; oui, malgré son sang indien, il n'a jamais bougé le petit doigt pour venir en aide à la cause indienne ; oui, il est vieux, ravagé, sans espoirs ; oui, il s'emmerde avec ce trop plein de loisirs qui l'envahit ; oui, il lui reste les plaisirs de la table, la nature, les rivières où il fait bon pêcher la truite et les sentiers qui lui permette de faire de la rando et de chasser la gélinotte.



En plein désert affectif, Jim, fatigué et en fin de vie, nous livre un ouvrage attachant d'où la poésie n'est pas absente. Ce livre mélancolique, à l'humour grinçant, tendre et lucide n'est fait ni pour les dépressifs, ni pour les hyper-actifs. Les inconditionnels de Jim Harrison trouveront probablement l'ouvrage en-deçà de la qualité de ses productions précédentes. Je mets 3 étoiles.
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Une vengeance
Légendes d'Automne
En route vers l'Ouest
L'Homme qui abandonna son nom

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