Editions Inculte - Traduction : André Markowicz / Françoise Morvan
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La seule question qui vaille est :
À quel moment lirez-vous ce monument ? (si ce n'est pas déjà fait…)
(non, non, lâchez ce machin aux couleurs criardes et plongez vers votre destin… ou ne dîtes plus que vous aimez la littérature… mais la lecture…)
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Mais alors : quelle traduction devrez-vous choisir ?
Cette dernière question se pose naturellement dès qu'il s'agit d'aborder l'une de ces pierres blanches que les éditeurs, à tort ou à raison, aiment à « dépoussiérer », surtout quand elles sont libres de droits ( * )… diluant dans la masse mercantile les exemples où une nouvelle traduction est en effet pertinente… Alors que des chefs-d'oeuvre comme « 1984 » ou « Abattoir 5 », parmi quelques autres, ont largement bénéficié d'une nouvelle mouture, leurs versions précédentes souffrant de certaines coquilles, on ne compte plus les exemples où elles ne font que semer la confusion.
Si Babelio n'était pas principalement un site à vocation commerciale ( ne leur jetons pas la pierre, leurs services seraient payant sinon…) il aurait tout intérêt à héberger des comparatifs entre versions ; c'est d'ailleurs à cette occasion — ne sachant quelle traduction choisir du classique de Laurence Sterne, « Tristram Shandy » — que j'ai adhéré : la critique que l'auteur Stéphane Malandrin en a faite ( tristement reléguée en seconde page, mécanisme des « like / copinage » oblige ) s'attache à mettre en parallèle quatre versions, concluant par l'exemple que celle de Léon de Wailly (1842) demeure la plus fidèle à l'original… disponible gratuitement, elle devrait envoyer à la poubelle toutes ses descendantes tarifées…
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( * ) ( ce qui n'était pas le cas avec ce livre, ce qui a achevé de dévoiler le jeu d'Actes Sud, clamant à tout vent son intention de « dépoussiérer » la grande littérature russe, avec ces nombreuses nouvelles traductions d'André Markowicz : Dostoïevski, Gogol, Isaac Babel, Tchekhov… surtout quand ça ne leur coûte pas un rond en ayants-droits…
Le traducteur ayant été obligé de s'adresser à un « petit » éditeur pour cette publication non libre de droits… les risques financiers semblant dérisoires pour un tel livre, achevant l'incompréhension face à cette opportuniste, ventrue, et politiquement douteuse maison arlésienne… ) ( / * )
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Tout ceci pour en arriver à notre chef-d'oeuvre, dont cette deuxième relecture m'a permis de passer d'une version à l'autre afin d'essayer de vous y faire voir un peu plus clair, vous chanceux qui n'avaient pas encore arpenté ce déchainement de superlatifs fait livre.
La traduction originale par Claude Ligny a été reprise de nombreuses fois ; version de référence, ici au « Livre de Poche - Biblio », du temps de leurs couvertures beiges-grises au graphisme inspiré, âge d'or esthétique de cette collection.
Trêve de bavardages, c'est cette version qui semble la plus indiquée pour apprécier ce mégalithe ; vous la trouverez également chez Robert Laffont ( avec un gros chat angora couronné… pas du meilleur effet ), ou bien encore, pour les masochistes, chez Pocket, et leurs habituelles maquettes et illustrations neurasthéniques ( et selon Nastasia-B, jamais avare d'euphémismes : « assez mauvaise » ).
Toutes ré-imprimées des millions de fois, toujours avec succès.
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Car, avec cette traduction du stakhanoviste babélien Markowicz, on a surtout droit à une version faite pour ceux qui ont déjà lu ce roman, au moins deux fois !
En cause : les notes de bas de page ; nombreuses, souvent pertinentes, surtout pour saisir au plus juste la multitude de références à la littérature classique, de Pouchkine à Schiller, de Goethe à Shakespeare, mais beaucoup trop envahissantes pour une première lecture exaltée…
Pis, certaines bafouent carrément le rythme du texte, telle cette toute fin du premier chapitre qui, sous prétexte d'une petite précision se vautrant dans la pédanterie, anticipe en détruisant la transition menant le texte vers l'époque de Ponce Pilate, tout cela pour disserter sur la couleur de sa toge…
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Concernant la langue en elle-même, adressez-vous à un russophone… bien que la comparaison entre de nombreux passages plaide pour celle de Ligny… l'autre est peut-être plus fidèle… reste qu'aucun élément d'importance ne marque leur différence ( contrairement à « 1984 » ou bien « Abattoir 5 », justement… ).
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Entretemps, Mikhaïl Boulgakov est entré au Panthéon-Gallimard avec la parution de son oeuvre en deux volumes Pléiade, donnant lieu à une autre nouvelle traduction par Françoise Flamant, alors que la collection de Robert Laffont « Bouquins », également du type « oeuvre complète d'importance », s'était contenté d'une révision de l'originale.
Après avoir épluché pas mal de critiques ici et là, aucune trace de ces deux dernières versions ( il nous manque un Malandrin sur ce coup… ), le doute plaidant donc pour la première, de préférence en version non-annotée pour profiter au mieux de toute cette magie…
( en fin de critique, lien vers la couverture de la version à privilégier )
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Voilà, contrairement au « 1984 » de Célia Izoard aux éditions Agone — dont on ne cessera de répéter, n'ayant jamais le niveau de décibel d'une grande maison d'édition, l'objective supériorité sur toutes les autres, faisant de cette récente sortie un réel événement — cet Inculte est à réserver aux amoureux de Marguerite et de gros chats farceurs… joli objet, évident cadeau… ne vous étonnez pas si l'on vient vous appeler « Maitre » par la suite…
( encore mieux si c'est « Marguerite », seule à même de donner de vraies leçons de vol sur balai… pas comme Mona, Isabelle ou autre Sandrine…)
Lien :
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