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Critiques de Mikhaïl Boulgakov (576)
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Le roman de monsieur de Molière



Boulgakov aimait le théâtre, il a écrit des pièces et adapté pour la scène plusieurs romans, notamment de Tolstoï, Gogol, Dickens et Maupassant. Mais victime la plupart du temps de la censure, il a dû occuper des emplois obscurs d’assistant au Théâtre d’art et au Bolchoï en attendant de voir ses œuvres jouées.



C’est cette passion théâtrale qui l’a conduit naturellement à écrire ce roman sur la vie sur Molière, un homme qu’il admirait. Un portrait où, de sa naissance à son éveil au théâtre initié par son grand-père, de ses difficultés de jeune comédien à sa consécration avec la protection de Philippe d'Orléans puis de Louis XIV, Boulgakov, avec son ironie coutumière, imagine ce qu’il ne peut pas savoir.



Une œuvre vivante et pleine de fantaisie où l’on retrouve toute l’affection et le respect de Boulgakov pour le comédien et dramaturge français, un homme qui comme lui avait la passion et le génie du théâtre.

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Récits d'un jeune médecin

Ces Récits racontent avec humour et autodérision les débuts d’un jeune médecin, envoyé en 1917 dans un petit hôpital de campagne de la Croix-Rouge, à Mourievo, province de Smolensk.



Un lieu où il va pratiquer, sans aucune expérience et livré à lui-même ou presque, toute la médecine (amputation, accouchements ou soins aux syphilitiques), se déplaçant dans la boue et le froid pour consulter ses malades, au plus profond d’une Russie arriérée, superstitieuse et fataliste.



On retrouve ce médecin dans Morphine, le second texte. Il s'est épanoui car il a quitté son hôpital reculé pour un autre en ville, mais une lettre de son successeur, devenu toxicomane, va le ramener indirectement à son point de départ. Un récit, sous la forme d’un journal intime, plus dramatique mais d’une puissance et d’une ampleur supérieures à celles du premier sujet.



Dans ces écrits, dont on ne peut oublier le caractère largement autobiographique, la vision de Mikhaïl Boulgakov d’une Russie parfois grotesque ou pathétique est, comme toujours avec lui, passionnante.





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Récits d'un jeune médecin

C'est toujours avec intérêt, et parfois avec jubilation, que j'ai découvert ces "Récits d'un jeune médecin", suivis dans mon édition de "Morphine" et d'un troisième texte sur la médecine de guerre.



J'ai lu dans une critique que les "Récits" manquaient par moments de ressort dans la narration. C'est vrai. Pour autant, ils ne manquent pas de réalisme, de finesse, d'autodérision ou de pittoresque ! Car c'est son propre vécu de tout jeune médecin dans un dispensaire isolé que raconte ici le tout jeune écrivain Boulgakov.



Et il ne nous cache rien : de sa première amputation faite en guignant en douce le manuel (puisqu'il n'a personne pour l'aiguiller, étant le seul médecin sur place !), à ses rodomontades passagères d'avoir su résoudre tous les cas difficiles (jusqu'à ce qu'il soit paralysé devant un innocent abcès !), il raconte ses doutes, ses difficultés, ses moments de ridicule ou de panache dans de courts textes.



Au passage, nous en apprenons beaucoup sur la fin de la Russie tsariste : la vie dans les campagnes reculées, les méthodes de soin pour les accouchements, les blessures ou la terrifiante syphilis, les superstitions, l'organisation de la médecine...



Le deuxième opus, "Morphine", m'a encore plus séduite, peut-être parce que l'écriture et la narration en sont plus travaillées. Le héros des "Récits" a désormais quitté son hôpital paumé pour rejoindre un grand hôpital d'une grande ville, où il vit beaucoup plus sereinement. Jusqu'à ce qu'il reçoive un courrier inquiétant de son remplaçant... Il découvre alors, et nous avec, l'univers qui a donné son titre à ce texte. C'est dérangeant, mais encore plus passionnant !



J'ai moins aimé le texte qui clôture le volume et évoque l'horreur de la médecine de guerre, car il m'a semblé abscons et un peu vain. Cela dit, pas étonnant après une telle expérience que Boulgakov se soit détourné de la médecine pour se consacrer à l'écriture. Et tant mieux pour nous, car il fait ça avec brio !



Challenge Petits plaisirs 26/xx
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Le roman de monsieur de Molière

Une très belle biographie que ce «Roman de Monsieur de Molière» qui est un véritable roman historique. Une vie passionnante et bouleversante: le refus d’être tapissier comme son père, la découverte puis la passion du théâtre, la troupe itinérante en carriole, la misère et la pauvreté, les échecs puis le succès et la gloire… Dans la lumière du Roi Soleil qui aimait à se déguiser voire même à danser dans les fameuses comédies-ballets de cette époque, Molière n’en fût pas moins interdit de représentation à maintes reprises: Les Précieuses Ridicules, Le Tartuffe,…

Molière n’est pas mort sur scène -il s’en fallut de peu-mais à son domicile de la rue de Richelieu à Paris, juste après la quatrième représentation du Malade Imaginaire. Il venait d’avoir 51 ans.

Sa femme Armande devra supplier le roi Louis XIV pour que Molière soit enterré dignement et non jeté à la fosse commune comme l'étaient tous les comédiens de cette époque.

Signe de la place emblématique qu’occupe cet auteur et acteur de génie dans notre culture, le français est aujourd’hui encore couramment désigné par la périphrase « la langue de Molière ».



Un livre profond et riche, tendre et humain, un regard pointu et vif sur la société du XVIIè , sous la plume magistrale de Mikhaïl Boulgakov.

(écrit en 1933 et publié neuf ans après la mort de Staline, en 1962)



J’ai trouvé ce livre dans la superbe boutique de la Comédie Française, place Colette à Paris, jouxtant les jardins du Palais Royal…

[ En effet l’écrivaine Sidonie-Gabrielle Colette native de Bourgogne vécu à Paris pendant de longues années, et les fenêtres de son appartement parisien -où elle mourut le 3 août 1954- donnaient sur ces mêmes jardins. ]
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Coeur de chien

Tout commence très simplement : un chien errant dans les rues qui gémit de douleur, un geste de charité, de compassion, et voilà Bouboul - pauvre bête souffrante qui vient de se faire ébouillanter par un cuisinier - dûment adopté par le Professeur Philippe Philippovitch. Histoire a priori tristement banale de maltraitance animale et de sauvetage in extremis, sauf que le Professeur Philippe Philippovitch, chirurgien et chercheur renommé à la pointe de l’innovation, ne voit bientôt plus en ce chien que l’occasion de mener à bien le projet susceptible d’être le couronnement de sa carrière : la conquête et la maîtrise des processus du rajeunissement.



Funestes perspectives pour le pauvre Bouboul… Mais jouer les apprentis sorciers n’est généralement pas une bonne idée et il s’avèrera bien vite que greffer à un chien l’hypophyse et les testicules d’un jeune voyou qui fut de son vivant voleur, menteur et alcoolique n’en est pas une non plus. S’ensuit une série d’aventure rocambolesques où le chien Bouboul, métamorphosé en humain et rebaptisé Bouboulov, fera subir avec jubilation à son entourage tous les sévices que lui inspirera sa nouvelle personnalité de crapule revancharde, méchante et bornée… caricature de l’homme soviétique en gestation.



Avec “Cœur de chien” (écrit en 1925 mais qui ne sera pas publié en Russie avant 1987), petit texte qui renouvelle, sur le mode animal, le thème de Frankenstein et anticipe également les expérimentations médicales qui seront plus tard monnaie courante dans le monde communiste, Boulgakov s’en donne à cœur joie dans la description de tout ce qu’il peut y avoir de plus médiocre et de plus laid dans la nature humaine tout en se livrant - sous les apparences inoffensives d’un conte grotesque - à une critique en règle de la société corrompue, mesquine, vulgaire et bêtement fanatique de la Russie soviétique des années vingt.



C’est ironique, drôle, mordant, plein de fantaisie et parfois glaçant, mais n’a pas, loin s’en faut, l’envergure de ce qui sera, bien des années plus tard, son chef-d’oeuvre : “Le Maître et Marguerite”. Un roman intelligent et distrayant mais un peu anecdotique, comme le sont bien souvent les œuvres de jeunesse des futures grandes plumes de la littérature.



[Challenge Multi-Défis 2020]

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Le Maître et Marguerite

Discutez avec des russes et vous remarquerez que certains romans déchaînent les passions. le Maître et Marguerite est de ceux-là. Il représente, pour les uns, ce qu'il se fait de mieux en littérature russe moderne et pour les autres une oeuvre hermétique qui part dans tous les sens. Après avoir lu, du même auteur, Coeur de chien, Morphine et le journal d'un jeune médecin, il me fallait lire ce roman phare du XXème siècle afin de comprendre pourquoi il tient une place à part dans le coeur des russes et comment il a influencé une génération au niveau mondial.



Pour ce faire, il est utile de rappeler que le Maître et Marguerite a été écrit par Mikhaïl Boulgakov à l'ombre de la répression communiste à Moscou, entre 1929 et 1940. L'auteur mourra en 1940 bien avant que le roman ne soit complètement publié, ce qui sera chose faite seulement en 1973. En effet, ce texte a été proscrit (à la manière de l'art jugé dégénéré par les nazis) par le système communiste puisqu'il s'agit d'une satire, à peine masquée, de ce dernier.



L'histoire est celui de l'apparition du diable sous forme humaine (ainsi que de ses acolytes). Ils vont mettre Moscou sans dessus-dessous en s'engouffrant dans les failles de chacun des personnages qu'ils rencontrent sur leur passage. Parmi les personnes que Woland (le diable) rencontrera il y a le Maître, un auteur déçu de ne pas voir son roman sur Ponce Pilate publié ainsi que Marguerite qui est éperdument amoureuse du Maître.



Boulgakov n'était pas un auteur de compromission, il a ainsi créé des personnages et des scènes hauts en couleur, comme pour trancher avec la vie grise des moscovites sous le régime communiste.



Un des personnages les plus épiques est sans doute Behemot, un disciple du diable qui a l'apparence d'un chat et qui alterne pitreries, magie noire et absurdités:



"– J'ai l'honneur de vous présenter…, commença Woland, mais il s'interrompit aussitôt: Non impossible, je ne peux pas voir ce paillasse ridicule! Regardez en quoi il s'est changé, sous le lit!



Debout sur ces deux pattes, tout sali de poussière, le chat faisait une révérence à Marguerite. Il portait autour du cou une cravate de soirée blanche, nouée en papillon, et sur la poitrine, au bout d'un cordon, un face-à-main de dame en nacre. de plus, ses moustaches étaient dorées."





Un autre élément original est la scène centrale du livre qui se situe dans un théâtre de Moscou où la clique de Woland effectue une séance grandiose de magie noire devant une foule en délire.



Le thème de la magie est omniprésent dans le livre et Boulgakov parvient à rendre cet aspect fantastique presque vraisemblable.



La présence de cette thématique n'est pas sans rappeler le film de Woody Allen, Magic in the moonlight, qui se déroulait aussi dans les années 1920 (aux États-Unis) et qui se basait sur le célèbre illusionniste Harry Houdini.



Cette époque était sans doute friande de ce genre de spectacle et il n'est pas étonnant que Boulgakov ait utilisé ce thème de la magie pour faire sa satire de la société moscovite. Quoi de plus percutant que des tours de magie pour tourner en ridicule certains personnages — voire tout un système.



Il n'est pas rare dans le Maître et Marguerite de voir certains personnages transformés en cochons, des têtes coupées qui continuent à vivre, des billets tombant du ciel et des femmes qui se retrouvent honteusement en petite lingerie sur le trottoir moscovite.



Face à ce déferlement d'événements fantastiques, les autorités auront une fâcheuse tendance à psychiatriser les victimes … comme la répression communiste sous Staline!



Dès lors, il me semble avoir trouvé une analogie entre Yvan Bezdomny, qui est interné car il déclare avoir vu un chat humain monter dans le tramway, et le film américain Harvey (1950) où un certain Elwood est à deux doigts de se faire interner car il voit un lapin-humain. Dans les deux cas, la psychiatrie est présentée comme une prison où l'on soigne très peu le patient concerné et où il est enfermé afin de ne pas nuire au monde extérieur.



Il n'est donc pas étonnant qu'avec ce genre de satire le Maître et Marguerite fût interdit de publication (dans sa version complète) jusqu'en 1973 et la quasi fin du régime communiste en Russie.



Mais résumer ce roman à une unique satire serait omettre sa qualité d'histoire bien construite car le Maître et Marguerite est écrit avec une introduction, un milieu et une fin nettement définie. Sans doute faut-il y voir le travail de peaufinage de Boulgakov s'étalant sur plus de dix années pour ce seul roman. Nous disons parfois que le mieux est l'ennemi du bien mais dans ce cas-ci les nombreuses modifications apportées par l'auteur auront permis de rendre ce roman complet.



De plus, certains éléments du personnage du Maître laissent à penser qu'il est un mélange de Boulgakov lui-même et de Gogol. On peut ainsi aisément faire le parallèle entre la dépression qui emporte le Maître suite à la non-publication de son roman et les nombreux refus que Boulgakov a essuyé pour certaines de ces oeuvres pendant une période de sa vie.



L'auteur russe avait aussi un intérêt prononcé pour Gogol et il n'est pas anodin que la scène où le Maître jette au feu son roman fasse penser à l'épisode réel de la vie de Nicolas Gogol où ce dernier brûla la suite des Âmes Mortes.



En conclusion, là où Tolstoï et Dostoievski méritent souvent une introduction avant de pouvoir profiter pleinement de leurs oeuvres, le Maître et Marguerite de Boulgakov se lit aisément dès les premières pages. L'apport du fantastique a une réelle portée cinématographique au point que certaines scènes du livre rappellent des détails que l'on retrouve dans beaucoup de fils fantastiques actuels (chez Tim Burton par exemple). Je ne suis donc pas étonné que le livre de Boulgakov soit dans les premières places des romans préférés de la jeune génération russe.
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Le Maître et Marguerite

« Lire Le Maître et Marguerite au lycée était une expérience fabuleuse, mais je suis folle de jalousie à l'idée qu'il existe des adultes qui vont encore découvrir ce plaisir. Parfois, je me demande comment ça serait de lire Boulgakov pour la première fois aujourd'hui. » Les Impliqués - Zygmunt Miloszewski



Piquée par la curiosité, il fallait que je sache après avoir lu cet extrait, d'autant que j'avais apprécié cet auteur polonais. Je peux répondre maintenant que c'est une expérience inédite et fabuleuse de lire Boulgakov (même bien après le lycée).



C'est un magnifique roman, qui nous ballade des murailles du Kremlin à celles de Jérusalem avec une aisance qui sidère tant les imbrications de temps et de lieux sont faites avec brio, pour ne former qu'une seule histoire, une histoire incroyable ! Rendez-vous compte, j'étais avec Ponce Pilate et l'instant d'après je parlais avec  Béhémoth, un chat « au culot incroyable » dans Moscou au 20ème siècle. Et tout me paraissait d'une implacable logique dans cette trame à la fluidité limpide. Une prouesse !



Les personnages sont incroyables, les thèmes multiples : il en va de la romance amoureuse, du surnaturel, de la critique du système social et politique russe -« dès qu'on ouvre la bouche, les gens croient qu'on veut les arrêter ! »-, des renvois à des auteurs appréciés par Boulgakov, du merveilleux, en un mot : du spectacle ! Le tout enrobé d'humour et de drôlerie sous une plume enjouée et légère, révélant une maîtrise de bout en bout de cette œuvre.



Je crois que le moment le plus incroyable a été le chapitre du bal car j'ai oublié que j'étais en train de lire. Mais comment a-t-il pu faire ça ? « Le diable seul le sait ! » Je ne me suis pas rendue compte que je tournais les pages. Envoutée par les lieux et les créatures insolites qui apparaissaient et l'inquiétude que j'éprouvais -ne connaissant pas l'issue dans un tel cas de figure- à l'idée que Marguerite oublie par mégarde les consignes qui lui avaient été prescrites de manière si rapide ou qu'elle ne supporte plus la douleur. Je me suis également beaucoup amusée dans la maison des fous avec le poète Biezdomny alors que « les choses tournaient maintenant à l'absurde. »



Alors comme l'écrit Boulgakov : « Lecteur – suis-moi ! » ...je vous le conseille. Les yeux fermés, suivez le.
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Le Maître et Marguerite

Woland, diabolique magicien noir, son interprète Koroviev et l'humanoïde chat Béhémoth causant un sacré bordel dans le petit théatre moscovite des Variétés.



Confronté aux incroyables tours du magicien, le personnel finissant par échoir à la clinique psychiatrique du Dr Stravinski.



S'ennuyant dans son couple, Marguerite, élue reine des sorcières nues au bal de la pleine lune, à la recherche de son amant, le 'Maître' puni pour son étonnant manuscrit relatant la 'Passion selon Boulgakov'.



Et le plus magique dans tout ça, l'écriture de Boulgakov qui ferait presque passer pour naturel ce petit monde farfelu!

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Le Maître et Marguerite

Irréductible

Le roman de Boulgakov est brillant, anti-conformiste, truffé de références et contient beaucoup, beaucoup de farce. Alors parfois, c'est un peu étouffe chrétien. Il faut faire une pause, boire un coup pour éviter le hoquet, avant de reprendre la lecture. Mais quand on a fini, on a envie de le relire pour savourer.

J'ai essayé de récapituler quelques tranches du mille-feuilles:

-un roman parodique de l'Evangile selon Saint-Matthieu dont le personnage principal est Ponce-Pilate. Un complice ? Un lâche ? Une victime ? Un jouet du Destin ?

-un roman sur le Maître, le romancier qui écrit le Ponce Pilate. Il n'est pas édité, il brûle son manuscrit, il est persécuté par le régime et se retrouve chez les fous...

-un roman carnavalesque : le Diable et sa très fine équipe, en redresseurs de torts. Ils punissent les lâches, les carriéristes, les profiteurs, les corrompus du régime.

-un roman romantique faustien parodique. Marguerite devient une sorcière à balai à frou-frou, puis une reine Margot pour retrouver son bien aimé le Maître.

-un roman métaphysique: si le Diable est très présent, Dieu brille par son absence. Le Créateur est peut-être las de sa Création à l'image du Maître.











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Le Maître et Marguerite

C'est sûr, on a immédiatement l'impression de lire un monument de la littérature. Et combien lisible. Le style est rythmé et entraînant.

Histoire un peu folle et onirique de l'intervention de Satan en terre de Russie, Satan dont les sbires font des rafles et des crimes sans beaucoup de sélection, ce qui rend l'ombre de Staline omniprésente, et version revue et corrigée, ou plutôt vision gnostique du martyre de Jésus, le tout accompagné de l'histoire d'amour entre le Maître et Marguerite. Et c'est cette histoire d'amour qui m'est apparue improbable et ne m'a pas séduite, entre celui que Marguerite appelle Maître et cette femme qui a surtout pour elle d'être très belle, qui me fait dire très bon livre mais pas le coup de coeur que, sans doute, je rêvais d'avoir.
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Coeur de chien

Bouboul est un chien errant moscovite.

Un soir de galère dans le froid polaire de la jeune URSS, il a tiré le gros lot des canidés: un nouveau maitre en la personne du chirurgien Philippe Philippovitch Transfigouratov, qui prend rang de divinité dans sa cervelle de chien.

Pauvre Bouboul! C'est bien de cervelle qu'il s'agit car il se retrouve chien de laboratoire, greffé de testicules et hypophyse humaines.



Et les résultats dépassent les espérances du chirurgien. Le chien devient homme, en corps et esprit: Bouboulov, un individu ingérable et mal dégrossi, allégorie du nouvel Homme russe communiste.



Sur fond de musique de Verdi et de balalaïka, la liberté de ton dans ce petit livre humoristique et décalé est un plaisir. La littérature russe du 20e siècle ne nous a pas habitués à cette écriture caustique et jubilatoire.

En 1925, la chape de plomb stalinienne est en devenir. On trouve quelques beaux restes aristocratiques, la bienséance a encore court, la pratique des langues étrangères également, les prénoms-patronymes restent une marque de respect face à la familiarité du nom de famille. Mais les appartements communautaires et des règles de vie collective se développent, accompagnés de criminalité et perte de valeurs de société.



Boulgakov peut donc encore se permettre cette caricature littéraire, en liberté d'écrivain critique d'un système politique dogmatique. Cette satire, jugée néanmoins contre-révolutionnaire, ne sera éditée qu'à l'étranger et devra attendre 1987 pour sa publication en URSS.
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Le Maître et Marguerite

A peine entamé, je ne l'ai plus quitté ! Les aventures fantastiques de l'homme à la tête coupée et du chat démoniaque qui disparaît et réapparaît à plaisir (entre autres) m'ont délassées. Quel brillant conteur que cet auteur russe du siècle dernier ! L'apparition de Marguerite Nikolaievna, l'amante du Maître - 30 ans, belle, intelligente, et mariée - sans enfants - à un très éminent spécialiste au début de la deuxième partie du récit fut très ensorcelante et pour cause, grâce à Azazello et sa petite boite d'onguent, elle retrouve toute sa jeunesse et mieux devient notre Sorcière bien-aîmée, enfourchant un balai pour s'envoler dans les airs pour notre plus grand plaisir ! Toute cette poésie fantastique digne d'un Lewis Caroll (le chat farceur) nous tourne la tête pour que l'on ne s'appesantisse pas sur la thématique la plus profonde qui est dans beaucoup d'ouvrages russe, tchèques ou autres : la pesanteur de leur bureaucratie, leur système répressif (cf le psychiatre Stravinski), les problèmes de logement et de nourriture (voir la maison du DRAMLIT - Maison des dramaturges et des littérateurs),... Dès le début, on voit que l'écrivain n'est pas libre : il doit adhérer au système et intégrer une association littéraire pour avoir une reconnaissance. A Moscou, on la nomme MASSOLIT et son président qui est aussi le rédacteur en chef d'une épaisse revue littéraire aura dès le début un sort tragique ! A cela, on peut voir que Mikhail Boulgakov est contre cet abus de pouvoir et recherche à tout prix plus de liberté dans un pays qui les retient. L'histoire qui court en parallèle de Ponce Pilate, Judas et Jésus-Christ est également très attachante. On voit le procurateur de Judée pris de remord et comme dans le mythe de Sisyphe il sera pour des siècles et des siècles éternellement tourmenté par son acte. Je viens de le lire mais je le relirai encore avec plaisir quelques années plus tard. Un beau livre.
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Le Maître et Marguerite

Grâce soit rendue au confinement, il m'a permis d'avoir le temps d'aborder quelques monuments de la littérature, laissés en rade depuis longtemps! (Ceci dit, je n'arriverais sans doute pas à terminer À la Recherche du Temps Perdu! Je ne suis qu'au début de A L'ombre des jeunes filles en fleur!).



Je sors bouleversé, émerveillé, ému, de la lecture de ce roman, un récit qui mêle fantastique et réalité, dans cette tradition russe unique, héritée de Pouchkine et de Gogol.



Il est difficile de résumer cette histoire assez complexe, avec un récit principal et un récit secondaire que l'on découvrira comme le roman du Maître consacré à Pilate. Un récit où interviennent de nombreux personnages, avec des "petits rôles" savoureux, telle cette Annouchka, surnommée "la peste".



Il y a une portée symbolique forte à ce roman que Boulgakov débuta en 1928 termina en 1940 quelques semaines avant sa mort, et qui ne fut publié que bien plus tard...Mais, comme le dit Satan-Woland, dans une phrase prophétique "les manuscrits ne brûlent pas" .

Boulgakov y règle, de façon burlesque et fantastique, ses comptes avec le monde du théâtre qui lui fera toute sa vie des tracasseries puisque, sauf une, ses pièces seront refusées par la censure. Cette tyrannie des "autorités littéraires" sera aussi moquée dans son livre inachevé, le Roman Théâtral.



Dans ce roman, Satan, le diable vient à Moscou. Satan c'est Woland, accompagné de ses extravagants acolytes, une drôle de trinité formée par deux lascars: le grand échalas Koroviev et le petit gros Azazzelo, et un énorme chat qui parle, Behemoth. Satan n'est pas ici celui qui apporte le mal, mais plutôt une sorte de justicier impitoyable qui va dévoiler et punir la laideur et les mensonges de tout ce monde du Théâtre des Variétés de Moscou.

Wolan et ses acolytes, par leurs pouvoirs magiques vont chambouler complètement la vie de tout ce petit monde littéraire et théâtral (l'incroyable description burlesque du spectacle de Woland et compagnie au Théâtre, celles non moins savoureuses au restaurant des auteurs littéraires), et apporter la folie ou la mort à certains des membres de cette confrérie.

Et puis au milieu de ce roman d'une magnifique construction, apparaissent les héros, le Maitre et Marguerite.

Le Maitre, (est-ce Boulgakov?) est un auteur tourmenté et pessimiste, qui n'a pas confiance en lui, qui a choisi, par désespoir, d'être enfermé dans une clinique psychiatrique.

Marguerite, son amante, c'est le personnage solaire, merveilleux du roman. Une héroïne positive, charismatique, dont l'amour pour le Maitre bousculera tout. Oui, pour Boulgakov, on peut dire que la femme est l'avenir de l'homme!

A l'inverse de la Marguerite du Faust de Goethe, c'est elle qui va pactiser avec Woland-Satan, et les deux amants, le Maitre et Marguerite, dans la mort, quitteront la terre et sa médiocrité pour la contrée du bonheur.

Et inséré dans le roman, il y a le récit écrit par le Maître sur l'histoire de Pilate et son remords éternel lié à sa lâcheté à n'avoir pas gracié Yeshoua, un Jésus décrit plutôt comme une sorte de "hippie", de moine bouddhiste, que comme le Fils du Dieu des chrétiens. Quel sens prend ce récit dans le roman? Faut il y voir, un sens autobiographique? On sait que Boulgakov a obtenu de façon totalement inattendue, l'aide de Staline pour qu'une de ses pièces de théâtres puisse être jouée, après lui avoir écrit, en substance "soit vous m'aidez à ce que ma pièce puisse être jouée, soit je me suicide". Et donc ce fait d'avoir été "protégé" par Staline (même si, au demeurant, les censeurs vont quand même lui mettre sans arrêt des bâtons dans les roues) et que donc il a échappé au Goulag, ce qui n'a pas été le cas de beaucoup d'autres écrivains de son époque, a sans doute été perçu par lui comme de la lâcheté, qualifiée de la pire des fautes par Yeshoua. Mais c'est peut être aussi une allégorie de la lâcheté de tous ceux qui, dans l'Union Soviétique des années 30, se sont tus devant la répression de milliers d'innocents.



En conclusion, c'est un roman merveilleux, magnifiquement construit et écrit, avec une dimension magique et subversive, dont je n'ai sans doute pas compris toute la richesse, les références littéraires, les symboles tels que les thèmes de la lune, de l'orage, de la nuit...



Et on y rit et on y pleure.

On pleure d'émotion dans le dernier chapitre, quand Marguerite et le Maître s'en vont sur leurs chevaux, libérés de la "boue" de la terre, quand le Maître redonne sa liberté à Pilate, quand le Maitre et Marguerite arrivent à leur maison éternelle.

Et on rit quand, dans l'épilogue, l'auteur raconte de façon désopilante, les dernières conclusions de l'enquête sur les événements qui se sont produits à Moscou, un vrai sommet d'humour slave...



Il y a aussi en arrière plan, je trouve, toute une réflexion sur la vérité et le mensonge, cette vérité fabriquée omniprésente à l'ère soviétique. Mais finalement, à notre époque contaminée par les fake-news propagées sur les réseaux sociaux, les contre-vérités de toutes sortes utilisées comme des armes, avons nous vraiment progressé?

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Le Maître et Marguerite

Ce livre est, aux premiers abords, difficile. J’avoue qu'il faut un peu de temps pour s'y attacher tant la multitude de personnages aux noms russes rallongés porte à confusion. Mais, une fois conquis, il devient difficile de le lâcher !

L’oeuvre est divisée en 3 parties : l’une à Moscou dans les années 1920-30 où le diable lui-même rend visite aux Moscovites et sème le trouble dans la ville, une autre propose l’histoire de Ponce Pilate et enfin la troisième raconte celle du Maître et Marguerite, ma partie favorite. Un écrivain, le Maître, s’est vu refuser la publication de son récit sur Ponce Pilate et sombre dans la folie, malgré l’amour de Marguerite qui fera tout pour le sauver.



L’histoire se veut originale, fantastique (l’auteur déborde d’imagination !) et fait naturellement la satire sociale de l’époque, sous l’ère de la dictature stalinienne. On y voit combien l’espionnage y est omniprésent et les nombreuses disparitions et apparitions magiques rappellent ici les fréquentes disparitions et arrestations soviétiques mystérieuses qui avaient lieu sans que nul ne sache pourquoi. La terreur y est donc légion, la folie aussi, provoqués essentiellement par le Mal alias Woland, le diable en personne accompagné de ses étranges acolytes Béhémoth, Azzazello et Koroviev. Boulgakov nous offre sa propre version de l’histoire de Ponce Pilate dans laquelle il dévie de l’histoire biblique traditionnelle sur plusieurs points.



Enfin, j’ai beaucoup apprécié le vol de Marguerite, le bal de Satan et ses traditions originales, la fameuse crème d’Azzazello aux pouvoirs ô combien miraculeux, l’histoire d’amour du Maitre et Marguerite, l’appartement maudit n°50 de la rue Sadovaïa, le côté loufoque et drôle des personnages (Satan n’est pas dépourvu d’humour !) et j’en passe…



Bref, un concentré d’aventures, de drôleries et de clins d’œil qui résument bien la société de l’époque.
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Coeur de chien

Coeur de chien est une nouvelle satirique et fantastique écrite en 1925. C'est aussi une allégorie de la Révolution russe. Malgré de nombreuses tractations, la nouvelle n'obtiendra pas le visa de censure et ne sera pas publiée en Russie avant 1987.

C'est l'histoire de Bouboul un brave chien errant qui crève de froid et de faim. Il est recueilli par un éminent professeur spécialisé dans les cures de rajeunissement ce qui vaut à ce dernier des privilèges, un grand appartement en particulier et la rancune tenace du président du comité de son immeuble. le professeur Philipov Philipovitch Transfigourov fait subir à Bouboul une opération fameuse. le voilà transformé en homme avec un coeur de chien. Enfin de chien…Il deviendra de la pire espèce humaine… servile et cruel.

C'est drôle et…mordant. Boulgakov était un fin connaisseur de Molière et un digne successeur de Gogol. Les dialogues sont ciselés, vifs, hilarants, tout le monde en prend pour son grade, du grand médecin méprisant aux cadres zélés qui sévissent dans l'appartement. Beaucoup de farce, de burlesque, de grotesque mais aussi d'ironie incisive pour montrer la corruption qui avilit en un rien de temps le petit prolétaire Bouboulov pour le transformer en brute épaisse. L'utopie égalitariste de la Révolution s'est fracassée socialement et moralement. Après l'opération chirurgicale qui arrive à la moitié du livre, le rire devient donc amer. le savant fou qui a joué à l'apprenti sorcier et qui représente l'intelligentsia, a littéralement créé un homme nouveau. Et il n'est pas beau.

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Le Maître et Marguerite

Comment oser poster une critique sur ce monument de la littérature soviétique du début du XXème siècle? Tâche à mes yeux quasi insurmontable!

Il ne reste pour lire ce roman foisonnant, alternativement burlesque, loufoque, caricatural, dénonciateur, philosophique et j'en passe qu'à avoir en mémoire que Boulgakov a commencé la rédaction de ce roman en 1930 pour ne l'achever qu'en 1940 quelques petites semaines avant sa mort.Staline régnait en tyran sur cet état communiste, bureaucratique à souhait où la délation était quotidienne, l'envie de l'appartement du voisin inéluctable...

Deux grands univers se côtoient : Moscou,la nuit au clair de lune envahie par le diable Woland et ses acolytes Koroviev, Azazello et le bon gros chat noir Behemot.

C'est le lieu de la magie, de la sorcellerie du loufoque, des courses poursuites, c'est souvent hilarant même si tout le drame quotidien de la vie de Boulgakov est presque à chaque ligne sous-jacent.

Jérusalem , les Pâques juives ce quatorzième jour du mois de Nizan jour de l’exécution de trois bandits et d'un doux illuminé Yeshoua.Ponce Pilate, le procurateur va sceller sa mort,s'en repentir. Par opposition à l'univers de Woland sur Jérusalem, il fait très beau, la lumière est omniprésente...

Et puis il y a ce couple intemporel Le Maître et Marguerite.Que ne donnerait elle pas pour être à ses côtés? Que ne donnerait il pas pour l'éloigner afin qu'elle ne partage pas sa vie de misère?

Au final un texte magistral, que je vous conseille de découvrir très vite si vous ne l'avez pas déjà fait et un grand merci à tous et à toutes pour vos différents ressentis qui sont venus éclairer positivement ma lecture, j'avoue que j'ai eu parfois besoin d'une lanterne pour guider mes pas mais quelle récompense la dernière page tournée!

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Endiablade ou comment des jumeaux causèrent l..

Ce récit délirant sent le soufre et vous fait perdre la boule. Je vous aurai prévenus.



Endiablade ou Comment des jumeaux causèrent la mort d'un chef de bureau fit une entrée tonitruante sur la scène littéraire soviétique. le début de la gloire et des persécutions pour le jeune Boulgakov qui avait abandonné la médecine pour se consacrer à l'écriture. L'ouvrage fut publié dans l'Almanach Nedra en 1924 puis retiré de la vente un an plus tard sous l'influence de la critique prolétarienne. Celle-ci condamna le pamphlet antisoviétique. Mais une partie de la critique défendit Boulgakov. Les modérés virent en lui le continuateur des satiristes du XIXe qui s'étaient attaqués à la bureaucratie à la suite de Gogol (le Manteau, le Journal d'un fou). Les modernistes saluèrent un talent prometteur. Evgueni Zamiatine écrivit dans les Izvestia :"L'auteur, sans aucun doute, a été bien inspiré de choisir pour cadre un fantastique, enraciné dans la vie quotidienne, rapide, comme dans un film »(...) » on peut s'attendre à du bon travail ». Endiablade s'inscrit dans la tradition et annonce par bien des aspects le Maître et Marguerite.

Pour le résumé, tout est dans le titre !

Bartholomé Korotkov (« Petit homme ») est un petit blond paisible, un brin candide, qui compte bien terminer sa carrière à la Glavtsentrbazspimat (spimat en abrégé, Premier Dépôt central de matériel pour allumettes ) où il est chef de bureau .Mais, le 21 septembre 1921 le caissier arrive avec une poule dans les bras. Il n'y a plus d'argent. Les salariés seront désormais payés en produits de la firme. Trois jours plus tard en effet, le camarade Korotkov rentre chez lui avec de jolis paquets colorés qui contiennent... des allumettes. Mais, il est d'un naturel optimiste le brave Korotkov et compte bien les vendre. Il se rend chez sa voisine, en larmes car elle a été payée avec quarante six bouteilles de liquide rouge. de l'encre ? Non, du vin de messe ! Elle lui apprend que ses allumettes sont de mauvaise qualité car elle ne brûlent pas. Inquiété par les allégations de son idiote de voisine, Korotkov retourne dans sa chambre et teste les allumettes. L'une d'elle se fiche. dans son oeil gauche. Mais il ne se démonte pas car est vaillant et persévérant, il se fait un beau pansement et toute la nuit il craque des allumettes à la flamme verdâtre. Il réussit à en allumer soixante-trois, de quoi détromper son idiote de voisine et défendre l'honneur de la Spimat. Au matin, la chambre est remplie d' une étouffante odeur de soufre. Il s'endort. Il rêve d'une énorme boule de billard vivante et munie de jambes. Il se réveille, il lui semble bien qu'elle est toujours là et qu'elle répand une forte odeur de soufre puis elle s'évanouit et il s'endort, cette fois-ci pour de bon. le lendemain, au bureau un tout petit homme chauve large d'épaules lui apparaît dans un pré vert, le bouscule et le dispute vertement. Korotkov lui répond. Or c'est le nouveau chef de service Kalsoner, le bien nommé. Korotko va commettre sur ce nom une confusion croquignolette qui lui vaudra d'être injustement renvoyé. Ce qui s'en suivra sent le soufre et sera mené à un train infernal jusqu'à la fin annoncée.



L' histoire comme le remarque Zamiatine est enracinée dans les folles années 20 post-révolutionnaires. Il n'y a pas d'argent et les gens sont payés en nature, ils changent sans arrêt de travail du jour au lendemain, virés par de petits chefs virés à leur tour. de vrais pickpockets agissent dans les transports publics et volent les papiers des gens. Les produits manufacturés sont de mauvaise qualité. Les camarades vivent entassés dans des appartements collectifs surveillés. Les gens qui critiquent le système sont ostracisés, culpabilisés, broyés.

Endiablade est une nouvelle fantastique et tragique. C'est le récit d'un cauchemar ou le journal d'un fou-schizophréne . En tout cas le texte est délirant, plein de rythme, de fantaisie et d'humour caustique mais il est terrible. Quand le paisible Korotkov reçoit dans l'oeil l'allumette, il ne réagit pas tout de suite. Il fait apparaître la boule chauve qui diffuse l'odeur de soufre, à cause de son zèle stupide à faire craquer les allumettes, complice du système qui causera sa perte. le texte jusqu'alors plausible plonge dans le fantastique absurde et débridé. les corps se déforment, se dédoublent, les personnages apparaissent puis disparaissent à un rythme effréné. Limogé arbitrairement, Korotkov poursuit son directeur mais il ne parvient jamais à mettre la main sur un corps qui lui échappe, qui change de forme, qui change de nom, qui l'entraine d'escaliers en ascenseurs jusque dans une tour administrative labyrinthique dotée d'une centaine de portes avec des employés interchangeables. le lecteur lui même s'y perd car les noms changent et leurs référents sont de moins en moins évidents. Korotkov étouffe et fuit à son tour des policiers qui l'ont pris pour un autre et le poursuivent implacablement. le rythme du récit accélère encore et devient un tourbillon endiablé.

le diable c'est donc la machine bureaucratique totalitaire qui dans l'esprit pour le moins embrumé de Korotkov prend l'apparence d'une force diabolique protéiforme irrésistible. Les motifs maléfiques et apocalyptiques sont très nombreux. On les retrouvera dans le le Maître et Marguerite.

Un petit livre diabolique qui vaut la peine d'être découvert.

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Le Maître et Marguerite

Foisonnant, original, impertinent, politique, sarcastique, poétique, mélancolique, tant de qualificatifs pour ce roman qui a une histoire puisqu'il a été achevé alors que Boulgakov était sur son lit de mort et qu'il a fallu attendre encore des années avant qu'il ne soit reconnu.

Le Maître et Marguerite fait partie de ces ovnis littéraires, prenant des virages inattendus, complexe par le fond et par la forme. D'autres lecteurs fins connaisseurs de la littérature russe développeront largement mieux que moi, donc je me bornerai à donner quelques impressions supplémentaires. J'avoue avoir attendu longtemps l'arrivée de Marguerite, puisqu'elle est dans le titre; une foule de personnages se présentent bien avant elle, tous attachants et un peu ridicules, dans une Russie sclérosée par les non-dits.

Mais personnellement, c'est bien à l'apparition tardive de Marguerite que j'ai vraiment pris mon pied à la lecture car avec elle c'est la vie qui éclate dans toute son exubérance, et ça fait un bien fou! S'il y a un souvenir que je garderai de ce roman, c'est ce vol au-dessus du pays sur un balai dans le ciel étoilé, un pur moment de bonheur et de folie.

Rien que pour ce passage, je conseille ce classique!
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Le Maître et Marguerite

Le confinement actuel est l’ occasion de lire ou de relire des œuvres majeures de la littérature mondiale. Le gros livre de Boulgakov Le maître et Marguerite trainait depuis des années sur ma table .J’ ignorais tout de ce livre . Ce fut une réelle surprise d’entrer aussi facilement dans l’ univers original de l’auteur. Nous sommes bien loin des gros livres de Tolstoi ou de Dostoievski.J’ ai pensé plutôt à Murakami

Car tout paraît fou, invraisemblable, avec un chat qui parle et joue aux échecs en cravate, des billets de 10 roubles qui tombent du ciel,un bal avec le diable, et Ponce Pilate qui doute

Il est facile de se laisser emporter par ce roman qui ne se raconte pas

Bien sûr, ce livre est réservé aux passionnés de littérature ceux qui ne ont pas peur d’ affronter un texte original , travaillé et retravaillé par Boulgakov pendant douze ans

Dans un second temps , le lecteur se penchera sur la biographie de l’ auteur, le contexte stalinien , la censure qui empêchera la publication de ce livre que Boulgakov finira quelques semaines avant sa mort

C’ est l’ œuvre de une vie, l’oeuvre d’ une époque mais le texte n’a absolument pas vieilli

Derrière une façade délirante, il y’a beaucoup de réflexion, de doute , de non dit et chacun aura sa propre interprétation

Ce roman fait partie du patrimoine littéraire russe

Boulgakov est au niveau de Gogol, qu’il admirait, mais aussi de Tolstoi, Pouchkine, Dostoievski, et des plus grands auteurs russes

Un seul conseil: lisez le

Un roman facile à lire , troublant , inoubliable
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Récits d'un jeune médecin

Publié en 1994 par les éditions l’Age d’Homme les « Récits d’un jeune Médecin » Mikhaïl Boulgakov sont suivis de « Morphine » et « Les aventures singulières d’un docteur » réunis ici par la même thématique.



Ces « Récits d’un jeune médecin » sont autobiographique entre 1916 et 1917 Boulgakov exerça son métier de médecin dans une petite ville de Nikolskoïe (gouvernement de Smolensk)

Pour rejoindre son poste, en 1917, il parcourt nous dit-il 40 verstes en 24 heures en voiture à cheval, par un froid glacial ! Sa description nous ramène au voyage en 1890 de Tchekhov à travers la Russie ou à celui de Michel Strogoff dans sa Tarantass.

Dès la première page Boulgakov écrit : « j’avoue que dans un accès de faiblesse, je maudis tout bas copieusement la médecine et ma demande d’inscription déposée cinq ans plus tôt … » ton badin ténor au ventre replet (p 8) « Salut à toi re-e-fuge sa-a-cré… » Adieu, adieu, pour longtemps, théâtre Bolchoï, théâtre rouge et or, adieu Moscou… » le ton est donné !



Boulgakov nous livre dans sa verve caractéristique qui dégage humour et émotion, ses deux années de jeune médecin, 24 ans à peine, et fraîchement diplômé ! Il est nommé dans un village perdu, au fond de la Russie profonde et froide, avec ses hivers où le ciel et la terre se confondent et où les tempêtes de neige font rage, sortir pour visiter ses patients l’hiver est « une expédition polaire » souvent risquée. Boulgakov raconte ces premières expériences « d’Esculape », il y a comme un hiatus entre ses connaissances livresques et l’exercice de son métier. Il nous parle de ses terreurs, ses doutes dans ses diagnostics, il force même la « dose » avec un humour grinçant, une autodérision. Il doit aussi lutter contre les préjugés, les croyances et ignorances de ces contrées reculées.

On retrouve et c’est comique, les clichés conventionnels du fonctionnement d’un hôpital, l’infirmière expérimentée, dévouée et admiratrice qui vient en aide au jeune médecin, la lenteur de l’administration à répondre aux demandes… autant de petits détails, sûrement véridiques, mais qui m’ont fait sourire ! Boulgakov est agréable à lire son style et fluide, dans ces récits il est profondément humain, médecin à l’écoute et plein de compassion.



Morphine

Dans « Morphine » Boulgakov nous parle de toxicomanie à la morphine et à la cocaïne, il s’agit de drogues entraînant addiction, dépendance et accoutumance avec tous leurs cortèges d’effets nocifs : « Non ce n’est pas un « état mélancolique », mais une véritable mort lente qui s’empare du morphinomane sitôt que vous le privez de morphine, ne serait-ce qu’une heure ou deux. L’air ne suffit plus à respirer, il devient impossible de l’avaler… il n’est plus une cellule du corps qui n’ait soif… De quoi ? C’est chose impossible à définir à expliquer. Il est mis hors circuit. C’est un cadavre qui bouge, souffre et se morfond. Il ne désire rien, il ne pense à rien, excepté à la morphine. La morphine ! » Mais faut-il prendre ce récit au premier degré ? Dehors la révolution gronde, l’espoir s’éveille… En parallèle Poliakov, lui, recherche « son paradis » ! Dans son hôpital de campagne il est face à ses solitudes : l’exercice de ses fonctions, sa fuite devant son amour perdu et sa dépendance à la morphine. Sa course vers la mort est d’autant plus tragique.

Beau récit, beau témoignage !

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