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Critiques de Milan Kundera (965)
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L'insoutenable légèreté de l'être

Dans une Tchécoslovaquie dévastée par l'occupation, quatre personnages se battent avec leurs idéologies et leur sens métaphysique. Tomas. Tereza. Sabina. Franz.



C'est une oeuvre pleine de sous entendu, de quiproquos entre les personnages. Des non-dit, aussi. Quelle découverte ! Une fois de plus, le cursus universitaire permet de découvrir une véritable perle.

Ce fut mon premier roman de Kundera. Bon, d'accord. J'ai d'abord été sceptique. TRÈS sceptique. Rien que le titre ne m'inspirait pas. (Oui, oui, je sais, on ne juge pas l'oeuvre qu'avec le titre, mais on juge le titre après avoir lu l'oeuvre !). Les pensées philosophiques dès les premières pages peuvent aisément troubler le lecteur. Mais quel dommage de s'arrêter là... Surtout que ces réflexions sur la pensanteur sont réellement passionnantes, ainsi que celles sur le kitsh.

Malgré les noeuds des intrigues, des pensées des personnages et des idéologies, l'oeuvre se lit vraiment très facilement, même si certaines pages sont à relire pour comprendre tout l'intérêt du texte.



Tomas et Tereza. Tomas et Sabina. Tereza et Sabina. Sabina et Franz. Les personnages s'emmêlent. Se cherchent sans se trouver.



Ce fut une véritable révélation. Une oeuvre passionnante, pesante et légère à la fois.

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La lenteur

Pas grand-chose à dire. J'avais adoré les premiers romans de Kundera. Là, je n'ai pas adhéré du tout. Passé les trente premières pages, lecture en diagonale, passé plusieurs pages, et… pas envie de continuer. Comme avec Sollers il y a quelques jours. Et je ne veux pas me forcer. Peut-être n'est-ce-pas le bon moment ? Je ne parviens pas à suivre l'auteur dans sa fiction. Pas de fil conducteur, pas d'accroche. Bon ! Ce n'est que mon ressenti, rien de plus.
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L'insoutenable légèreté de l'être

Comment parler d'un roman qui m'a bouleversée à ce point ? Comment évoquer avec mes mots plats la plume époustouflante de Milan Kundera ?

Ce roman s'avère pourtant plutôt pessimiste et présente une bien noire vision du couple. Tomas et Tereza n'arrivent pas à être heureux ensemble, Franz et Sabina à se trouver.

Sur fond de printemps de Prague en 1968, leurs états d'âme sont par contre incroyablement bien rendus. Si bien que finalement ce qui importe, ce c'est pas l'histoire en elle-même, qui est de toute manière démembrée et racontée sans chronologie ni linéarité, mais les ressentis qu'elle suscite.

On pourrait suivre ce roman rien que par la succession d'émotions qu'il dépeind, et de réflexions qui les accompagnent.

La réflexion, c'est l'autre facette omniprésente de ce roman qui pourrait presque être qualifié d'essai. La pensée de Kundera est brillante, et les raisonnements qu'il déroule au fil de son histoire, presque toujours en lien avec ses personnages - quels merveilleux personnages ! - sonnent incroyablement juste.

Pour moi l'un des romans les plus marquants que j'aie lu.
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L'insoutenable légèreté de l'être

Il est relativement aisé de rédiger une critique sur un auteur peu connu mais l'exercice est périlleux ici. En effet qu'ajouter à la somme d'analyses, souvent érudites, proposées depuis que ce roman majeur a été écrit ? Dire que je le trouve merveilleux est réel mais sans intérêt pour quiconque, me prendre pour un expert serait ridicule… et pourtant je ressens le besoin d'en dire quelques mots. Pourquoi ?



À la réflexion j'ai envie d'inciter mon fils de 15 ans à le lire et, au-delà, de communiquer ce désir à d'autres, pensant avant tout à des adolescents, à ceux à qui Kundera me semble pouvoir tant apporter, en particulier dans le monde qui nous entoure. Rédiger cette présentation sous la forme d'un dialogue imaginaire est alors la forme la plus naturelle.

*

- Et si tu lisais « L'insoutenable légèreté de l'être » (prenant un air détaché) ?

- Hmmm…. Je viens de lire la 4e de couverture et cela m'inspire peu. En somme tu me demandes ici de te signer un tchèque en blanc.

- Merci de ne pas me voler mes plus mauvais calembours et soyons sérieux une minute, d'accord ? J'aimerais te donner quelques raisons qui me font te proposer cet ouvrage.

- OK (mon fils est très loquace parfois).

*

- Je voudrais commencer par le kitch. Tu es entouré par toute une série de valeurs, propres à notre société actuelle (« ici et maintenant ») comme, pour n'en retenir que quelques-unes : « l'amour romantique est plus fort que tout », « la fidélité au sein du couple est un impératif moral », « l'homme et sa liberté sont ce qui a le plus de prix », « il ne faut pas faire souffrir autrui », « chacun doit avoir les mêmes droits et devoirs » ou, si je me base sur des événements plus actuels : « il faut valoriser le travail et augmenter le pouvoir d'achat ».

- Hmmm, oui… et c'est mal ?

- Non, ce n'est pas mal mais c'est un peu, pour reprendre une image de Kundera, comme un décor sur une toile peinte, ce décor masquant une réalité autrement plus complexe. C'est aussi ce que cet auteur appelle le kitch. Pour lui le kitch repose sur la dictature du coeur par rapport à la raison/pensée et se base donc sur des images clés et des clichés (« le beau bébé, la fille ingrate… »).Ce kitch est une mise en scène de la vie et des autres et devient donc facilement totalitaire. Dans ce cas tout ce qui porte atteinte au kitch doit alors être banni de la vie et son ennemi premier est l'homme qui s'interroge. Kundera affirme que le kitch cherche à masquer tout ce qui dérange et que, en ce sens, il est un paravent qui dissimule la mort.

-Oui, je comprends je crois, c'est un peu comme les personnes qui font des selfies d'elles un peu partout en prétendant afficher une vie réussie et passionnante ou les vidéos de chatons. Cela me fait penser aussi à certaines dystopies que j'ai pu lire, « comme « le meilleur des mondes » en particulier, où chacun est obligé d'être heureux et d'avoir les mêmes loisirs, buts… sans se poser de questions.

- Oui, bien vu ! Mais, alors que les dystopies supposent largement un monde étranger, le kitch t'entoure en permanence et conditionne ta vision du monde à chaque instant, tout comme ton rapport aux autres, le regard que tu portes sur eux, sur les différents événements se déroulant dans le monde. Prenons par exemple le phénomène des migrants. Pendant un temps le regard européen s'est largement résumé à la détresse ressentie devant l'image d'un petit enfant noyé sur une côte italienne... avec une émotion aussi obligatoire que superficielle. Elle a été depuis remplacée par d'autres représentations, aussi simplistes et « viscérales ». La réalité, complexe, reste largement dissimulée derrière cette forme de « toile peinte » qui cache largement autant qu'elle montre. Tel Sabina (un des 4 protagonistes du roman), il faut fissurer cette représentation pour chercher une vérité.

- C'est intéressant en effet. Kundera proposerait donc de dépasser le kitch pour avoir une vision plus véridique et profonde de la vie ?

- Il amène en tous les cas à tenter de comprendre plus qu'à juger et (se) pose de nombreuses questions, nous incitant à faire de même. Je te donne un exemple puisque tu me parlais de dystopies. Je suppose que tu te souviens de la novlangue.

- Oui, 1984 et le fait que, pour penser, il faut des mots. Supprimer les mots est détruire l'essentiel de la pensée.

- Bon résumé ! L'idée est très simple mais d'une grande force. Kundera propose dans ce livre une approche complémentaire qui est que chaque individu comprend les mêmes mots différemment.

- Gnê ?

- Désolé, je prends un exemple. Ce roman s'intéresse avant tout à deux couples et je prends l'exemple du mot « musique ». Pour Franz la musique est quelque chose de merveilleux, une beauté, une ivresse, elle est aussi libération et partage, un moyen de se débarrasser en prime de la pensée purement intellectuelle. Pour sa maitresse aimée, Sabina, la musique évoque « une meute de chiens lâchés sur elle » car, dans la Tchécoslovaquie communiste elle était omniprésente et obligatoire, une forme de gaité factice qu'elle a retrouvé ensuite en occident et qui lui évoque avant tout le bruit et le fait que l'humanité évolue vers un monde de laideur totale.

Au-delà tu trouves l'idée très juste que, dans les difficultés de communication entre les êtres, même les plus proches, il faudrait disposer des dictionnaires personnels de chacun pour se comprendre vraiment. Sinon les contresens sont presque inévitables.

- Je vois ce que tu voulais dire en parlant d'une approche plus complexe.

- Oui, ce qui nous ramène au kitch. Kundera disait que la fraternité de tous les hommes ne peut être fondée que sur ce dernier.

- C'est logique en effet mais pas obligatoirement une bonne chose que ce plus petit dénominateur commun.

- Exact !

*

- Il y a encore autre chose à découvrir ?

-Oh oui ! Ce livre aborde un nombre sidérant de sujets essentiels dans la vie de chacun. Je te propose juste une petite liste, non exhaustive, des autres thèmes abordés, souvent avec une grande profondeur, dans un si court roman et que je ne peux ici qu'évoquer.

-- La philosophie (Nietzsche et sa vision de l'éternel retour opposé ici au fait que chaque humain, en faisant des choix uniques, ne peut jamais savoir si ces derniers étaient les bons, les philosophes grecs).

--La littérature avec, entre autre, des référence à Tolstoï mais aussi toute une réflexion implicite et profonde sur l'art du roman.

-- Les relations au sein des couples avec des idées simples mais déchirant le tissu de banalités dans lequel nous grandissons en occident (les rapports asymétriques au sein d'un couple ne sont pas obligatoirement injustes ou révoltantes par exemple)

-- L'importance de l'enfance dans la construction profonde de notre identité, incluant entre autre l'influence négative durable de certains comportements parentaux (ce point pourrait te plaire !)

-- le fait que l'amour est un sentiment parfois fortuit et fugace même si ses conséquences peuvent être durables.

-- le sens et les motivations profondes et parfois dérisoires de la révolte et de l'héroïsme

-- Un regard à l'époque très peu courant sur l'oppression que l'homme fait subir aux animaux (idée aujourd'hui mise en avant tant par des associations que par un auteur comme Harari)

-- Une réflexion sur l'importance des récits de vie comme de la force des mythes dans la construction des couples

-- Une approche sur l'importance de l'art dans la vie

-- Diverses pensées sur la responsabilité, la liberté, l'individualisme, l'idéologie, l'histoire (y compris celle, très réelle, de la Tchécoslovaquie durant la période ayant suivi la seconde guerre mondiale), la laideur, le mensonge, la difficulté de vivre ensemble. Il me faut citer aussi la quête de la paix et du bonheur, la trahison comme libération, les méprises, la fidélité (sexuelle, intellectuelle, relationnelle), l'absurdité et le dérisoire des vies humaines, la mesquinerie, les relations aux autres…

-- Tu croiseras enfin des réflexions sur diverses oppositions : Légèreté/pesanteur, hasard/déterminisme, sexualité comme créativité-jeu-découverte/sexualité comme responsabilité-culpabilité-souffrance, le clivage entre l'âme et le corps, l'existence en occident/dans le monde communiste, la vie en ville/à la campagne…… Ces oppositions sont un des aspects majeurs de ce roman que je ne te détaillerai pas. Il faut le lire.



*

Je voudrais toutefois conclure ce propos en te disant quelques mots sur le personnage de Tomas, qui multiplie les rencontres sexuelles féminines alors qu'il est en couple et le fait par un besoin irrépressible. Il ne se soucie pas vraiment de sensualité, en réalité c'est sa façon d'appréhender et de questionner la singularité du monde, de trouver une parcelle précieuse et unique en chacun et cette curiosité est une de ses raisons de vivre. C'est une vision juste et fine d'un type d'être. Tereza vit avec lui et en souffre terriblement mais ne le lui reproche pas réellement. Elle est, elle, fidèle, au moins autant par un besoin intime lié à son histoire personnelle et familiale que par un choix de couple. Leur amour est assez bouleversant car respectueux de ce qu'est viscéralement chacun, associant profond souci de l'autre et refus de se renier. Pensons par exemple à Mitterrand et à ses deux couples durables si nous avons besoin de nous convaincre que la vie affective, en dehors des romans, n'est pas obligatoirement la caricature naïve présentée comme modèle le plus souvent.

*

- D'accord, c'est très intéressant mais ce n'est-ce pas trop aride ? Je n'ai pas envie en ce moment de lire un manuel ou un ouvrage philosophique tu sais ! J'ai déjà à faire avec les cours et j'aime me détendre.

- Non, et c'est là aussi qu'est le génie de Kundera (pour une fois le mot n'est pas trop fort). C'est un roman, qui se lit facilement et est aussi émouvant qu'intelligent, les personnages sont attachants et toutes ces réflexions sont en arrière-plan. Tu les vis sans avoir à les méditer et sors avec bonheur et émotion de cet ouvrage, te sentant une affinité profonde avec ces 4 vies singulières et universelles à la fois. Ce roman c'est la « vraie vie », au-delà du kitch, de la niaiserie ambiante.

*

-Je vais le lire, je suis convaincu que je ne vais pas perdre mon temps.

- Merci. La lecture peut être une agréable détente, une évasion mais a aussi, dans certains cas, un rôle plus essentiel voire fondamental. La perception fine du monde ne va pas de soi, elle est un construit et partager les pensées et sensations d'un écrivain peut donner des clés ouvrant des espaces précieux qui sinon auraient pu nous rester inaccessibles. Qui est alors curieux et réceptif reçoit la plus belle des récompenses à savoir une existence plus intense et passionnante. Ma mission est terminée, le guide s'efface devant l'oeuvre, comme il se doit. Il me reste à te souhaiter des plaisirs variés comme la découverte, ici via ce roman, des véritables richesses de cette existence.





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L'insoutenable légèreté de l'être

Ce livre fait partie de ma collection "à emporter sur une île déserte". Ce choix répond à ce que la lecture m'apporte en résonance à des émotions personnelles. C'est le miracle de la fusion entre l'auteur et le lecteur, l'instant de grâce où la lecture apporte réponse à un questionnement intérieur indicible.



L'insoutenable légèreté de l'être - déjà le titre interpelle : en quoi la légèreté peut-elle être insoutenable ? - est un roman d'amour et de jalousie. Mais c'est aussi l'histoire d'un pays, soumis à la dictature. Publié en 1982, les dramatiques évènements de la répression du Printemps de Prague par les blindés soviétiques en août 1968 sont encore frais dans les mémoires. La chape de plomb retombe sur la Tchécoslovaquie jusqu'à sa Révolution de Velours qui suit la chute du mur de Berlin en 1989.



C'est dans ce contexte que Kundera écrit son oeuvre. Pour autant le texte n'est pas daté. Sa philosophie interroge les époques ; les mythes qui fondent les cultures humaines ; les croyances religieuses et politiques. Surtout, il parle de la vie des êtres qui courent après leur liberté, sentimentale, artistique, professionnelle. Il parle d'amour, de renoncement et de sacrifice. Il est emprunt d'une douce mélancolie, empathique avec Karénine, le chien qui est la pendule de la vie de Tomas et Tereza. Roman foisonnant, œuvre personnelle, il s'adresse à tous.
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L'insoutenable légèreté de l'être

« L’insoutenable légèreté de l’être » est resté pendant des années dans ma liste de livres à lire…et chaque fois l’actualité, une quatrième de couverture, un conseil de lecteur autre, l’oubli …..l’emportaient….Que de temps perdu, que de regrets…enfin réparés…Un grand moment de bonheur…..Un vrai coup de cœur

Difficile de lâcher ce livre.



En nous racontant de banales histoires d’amours vécues essentiellement par deux personnages principaux, Tomas, Teresa, et deux personnages plus secondaires, Franz et Sabina, il arrive à mettre des mots sur des moments, sur des sensations, des époques de notre vie que nous avons connus…des mots qui nous permettent de nous identifier sans peine aux personnages…et tout ceci sans scène d’amour racoleuse, hard…Des sentiments, des états d’âme qui sont ceux de chacun de nous.

Que de thèmes abordés, que de messages de vie…Surtout quand ces couples, et plus particulièrement celui de Tomas et Teresa est confronté à Prague à l’arrivée des chars russes en août 1968. Teresa photographie les chars russes, les scènes de désolation du peuple tchèque, et vend ses photos aux journaux occidentaux, Teresa passionnément amoureuse de Tomas. Tomas quant à lui est chirurgien de renom, coureur de jupons, Tomas qui hésite à rester en Tchécoslovaquie …Départ vers la Suisse; mais retour en Tchécoslovaquie et engagement contre la politique du gouvernement….un engagement qui lui coûtera cher…très cher. ‌« L’homme ne peut jamais savoir ce qu’il faut vouloir car il n’a qu’une vie et il ne peut ni la comparer à des vies antérieures ni la rectifier dans des vies ultérieures » (P. 15)

La police tchèque, collaborant avec les russes, use de toutes les bassesses de toute l’hypocrisie, pour asservir la population, dégrader les hommes, les abaisser…On comprend pourquoi Milan Kundera homme libre a quitté son pays…D’autres y mourront de désespoir. Un engagement politique indiscutable de Milan Kundera : « Les régimes criminels n’ont pas été façonnés par des criminels mais par des enthousiastes convaincus d’avoir découvert l’unique voie du paradis. Et ils défendaient vaillamment cette voie, exécutant pour cela beaucoup de monde. Plus tard il devint clair comme le jour que le paradis n’existait pas et que les enthousiastes étaient donc des assassins » (P. 222)

Un livre qui permet de mieux connaitre cette époque, cette période….J’étais jeune et de France je manifestais aux cotés d’autres contre les russes …qui se moquaient complètement de nos états d’âme.

Un coureur de jupons, une femme aimante, qui supporte ses infidélités, qui supporte mal l’odeur du sexe d’autres femmes dans les cheveux de son homme…mais des êtres qui s’épaulent dans les pires difficultés…

Et « L’insoutenable légèreté de l’être » devient un livre de réflexion sur la vie, le temps qui passe, sur l’amour de l’autre, l’amour avec un grand A, celui de l’âme humaine, l’amour physique, l’amour des animaux aussi, incompréhension entre les êtres, la trahison, le courage, l’honneur, l’engagement politique : « C’est une pratique moyenâgeuse d’exiger d’un homme qu’il rétracte ce qu’il a écrit. Qu’est-ce que ça veut dire « rétracter » ? A l’époque moderne, on ne peut pas rétracter une idée, on ne ne peut que la réfuter » (P. 226)…

Et quand vous lisez après de nombreux autres lecteurs ce livre en provenance du fonds d’une médiathèque municipale, vous verrez sans peine que tel passage qui vous émeut, qui vous touche, en a touché beaucoup d’autres, qui n’ont pas eu votre délicatesse, qui ont corné les pages, souligné les passages, apposé des « x » dans les marges…..tous n’ont pas le même respect pour les livres et les autres lecteurs…et j’avoue que, dans aucun autre livre, je n’ai rencontré autant de pages cornées, autant de passages soulignés….c’est un signe.

« L’insoutenable légèreté de l’être » est également un livre de réflexion sur le kitsch, qui permet de cacher « la merde du monde« . Un kitsch qui prend des visages multiples, kitsch religieux, kitsch politique – communiste, fasciste, démocratique-, kitsch nationaux…, un livre de réflexion philosophique, qui cite d’autres philosophes, comme Nietzsche

Bref, un livre aux multiples lectures. Un livre que je relirai certainement, parce qu’on en sort différent, avec un regard autre…sur notre monde, notre vie.


Lien : http://mesbelleslectures.com..
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L'Art du roman

Contrairement à ce qu'on nous apprend à l'école ou à l'université (recentrer l'auteur dans son époque, son mouvement, etc.), ce livre conçoit le roman dans son contexte mondial. Kundera par exemple fait des parallèles entre son œuvre et celles de Cervantes, Kafka, Broch, Sterne et bien d'autres. Sa vision du roman : l'étude de l'homme à travers des egos expérimentaux (les personnages). Entre autres concepts importants développés : le kitsch, qui est une sorte de sentimentalisme qui vise à l'universalité (définition très abrégée) et que Kundera abhorre tout particulièrement.

Comme l'indique sebbys, c'est au fond un livre de critique littéraire qui réussit à ne jamais être ennuyeux et qu'on a plaisir à lire, ce qui est un tour de force.
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L'insoutenable légèreté de l'être

un livre qui traite de nombreux sujets : l'amour, l'infidélité, la fidélité, le kitsch, le totalitarisme et bien d'autres. Kundura démontre allègrement que chaque chose de la vie est perçue de façon différente par chaque personne. Et que le souvenir des ces choses liées à un être aimé induit une autre perception.

En tout cas, un livre qui ne peut laisser personne indifférent.

Pour moi même, il me laisse perplexe. Je ne sais réellement quoi en penser. Certains passages m'ont extremement plus, d'autres beaucoup moins.

Je pense le lire d'ici quelques temps pour voir si ma perception de ce livre aura évolué ou non
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La fête de l'insignifiance

C'est bien du Kundera et le titre est bien conforme au contenu. Après les deux superbes volumes en Pléiade, c'est un plaisir de le retrouver même si ce n'est que pour un tout petit texte. Le style est toujours le même, à la fois espiègle, amusant, apparement léger, et en même temps profondément censé. Le texte est court, mais plus efficace que de longs discours pour relativiser le sérieux de notre vie.
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La fête de l'insignifiance

Oh oui! J'adore ce livre. J'adore ce bouquin, qui mêle à la fois histoire, philosophie et humour. Une trilogie parfaite pour racontée une histoire où Staline, et d'autres grands hommes des siècles passés se retrouvent et "cohabitent".



Quel magicien ce Kundera! Un talent d'écriture incroyable, et des connaissances énormes. J'ai presque envie de demander où il s'arrêtera? J'ai lu presque tous ses livres, et c'est toujours la même joie, la même émotion. A chaque page, à chaque chapitre, on découvre que l'homme évolue. Ce qu'il a été par le passé, lorsque les guerres sévissaient, et ce qu'il est aujourd'hui, face à la crise, face au réchauffement climatique...

Il y a chez Kundera cette perfection d'écriture qu'on retrouve bien sûr dans "La fête de l'insignifiance". Ouah!
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Le Livre du rire et de l'oubli

Rédiger cette chronique n’a pas été facile. Je ne sais que dire de cet écrit dont l’auteur affirme qu’il s’agit d’un roman : je n’y ai trouvé qu’une succession d’histoires, qui certes ont un unité de temps (après-guerre et arrivée des communistes dans l’ex Tchécoslovaquie) et plus ou moins de lieu, mais j’ai plus l’impression d’avoir parcouru un recueil de nouvelles.



Différents thèmes sont évoqués et jetés pèle-mêle : les traques, les trahisons, l’exil et la nostalgie du paradis perdu, abordés aussi bien dans des récits fictifs que dans les confidences personnelles de l’auteur.



Les lettres perdues



Le premier récit met en scène un ancien scientifique dissident à la recherche de lettres qu’il avait adressé à une femme qu’il avait aimée 20 ans plutôt. Traqué par la police, il rencontre cette femme, qui refuse de lui rendre les lettres. Il sera arrêté à son retour chez lui



Maman



Intrusion de Maman, la mère de Karel, invitée à passer quelques jours chez son fils et sa belle fille, dans la vie du couple, soucieux de lui cacher leurs secrets d’alcôve. Ils comptent pour cela sur sa vue basse et ses troubles de mémoire.



Les anges



Récit complexe, mêlant fiction et biographie, ainsi qu’une réflexion sur le rire.



Les lettres perdues



C’est sans doute le récit qui m’a le plus intéressée. Tamina voudrait récupérer des poèmes et des lettres qui sont restées à Prague chez sa belle-mère. Il lui est impossible d’y retourner elle-même. Elle devra y renoncer.



Litost



Les déboires d’un abstinent sexuel involontaire, déchiré entre une groupe de poètes éméchés et une femme de garagiste adultère



Les anges 2



c’est le texte le plus obscur et le plus complexe. On y retrouve une Tamina désabusée, qui disparaît sans laisser de traces. Suit un délire onirique, où Tamina se retrouve sur une île peuplée par des enfants démoniaques.



Kundera y mêle des observations sur la musique contemporaines. Il y parle aussi de son père que la vieillesse a isolé dans un monde sans mots



J’aurai vraiment souhaité faire partie de ce voyage littéraire, rédigé par quelqu’un qui fût, brièvement rennais, ce qu’il évoque au cours du récit, mais j’ai l’impression d’être passée à côté


Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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L'insoutenable légèreté de l'être

Pour ma première incursion dans l’univers de Kundera, j’ai choisi ce roman au titre particulièrement évocateur qui permet d’imaginer la profondeur philosophique à laquelle l’auteur aspire, mais surtout le pessimisme de ses propos. Kundera explore dans ce récit les rapports amoureux et adultérins entre quatre personnages qui évoluent dans la Tchécoslovaquie au lendemain du Printemps de Prague prônant un « socialisme à visage humain », puis de l’invasion du pays par l’URSS qui souhaite maintenir son hégémonie politique et idéologique.



L’apparente superficialité des rapports humains mêlée à la terreur politique de cette période illustre parfaitement la dichotomie entre légèreté et pesanteur que Kundera n’a de cesse d’explorer dans ce roman, questionnant la philosophie de Parménide, puisant dans les références mythologiques, extrapolant de manière plus étonnante le concept du kitsch. La structure du roman alterne entre les personnages et les différentes périodes de leur vie, changeant à foison de focale et de ton. L’auteur parle à la première personne, prend le lecteur à témoin, évoque ses êtres imaginaires comme les personnages d’une pièce de théâtre ballotés par leurs sentiments et leur destin. Kundera est un habile marionnettiste et fin psychologue. Il aime flirter avec les états d’âmes et la métaphysique, explorer des pistes étonnantes sans jamais se perdre en élucubrations.



Plutôt que de l’empathie, c’est de la tristesse que j’ai ressentie à l’égard des personnages de cette tragédie d’une banale mais grandiose humanité. De la tristesse pour Tomas, le médecin volage qui estime que « ne pouvoir vivre qu’une vie, c’est comme ne pas vivre du tout ». Pour Tereza sa maîtresse, qui ancre l’existence de Tomas sur les fonds vaseux du quotidien tout en lui apportant une chose qu’il ne peut trouver ailleurs. Pour Sabina, l’artiste en quête de légèreté et d’élévation. Pour Franz son amant, homme droit, égaré dans son mariage, et dont les aspirations humanistes le mèneront jusqu’au Cambodge…



Même si « une fois ne compte pas », lisez ce livre au moins une fois. « Es muss sein ! ». Il le faut.
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Le Livre du rire et de l'oubli

Une relecture de mon cher Kundera.

Et toujours ce sentiment si particulier et inexplicable de retrouver un ami qui vous parle de la vie humaine avec tant de justesse et d'empathie pour les êtres et ceci, malgré (ou peut-être en raison de) leurs faiblesses, et de la folie des hommes.



Cette fois, ce sont des nouvelles, dont l'auteur semble nous donner la clé dans l'une d'elles: « Tout ce livre est un roman en forme de variations. Les différents parties se suivent comme les différentes étapes d'un voyage qui conduit à l'intérieur d'un thème, à l'intérieur d'une pensée, à l'intérieur d'une seule et unique situation dont la compréhension se perd pour moi dans l'immensité ».



Sept nouvelles, un des chiffres favoris de Kundera, et quatre dont les titres sont répétés deux fois: «Les lettres perdues », «Les anges », et une qui termine l'ouvrage, avec un titre si symbolique de tous les déracinés de la terre: «La frontière », et qui pourtant parle de tout autre chose, de cette frontière invisible d'incommunicabilité qui sépare les êtres .



Deux des nouvelles ont pour personnage principal Tamina, cette femme encore jeune, qui a fui son pays, la Tchécoslovaquie, pour aller vivre en France avec son mari, qui depuis est mort d'un cancer, et qui, pour vivre, travaille comme serveuse dans un bar.

Tamina, dont le nom évoque, au féminin, l'un des protagonistes de la Flûte enchantée (Kundera veut-il nous décrire une sorte de chemin intiatique?) est le personnage central de ces nouvelles, celui qui est en quelque sorte la clé de voûte du roman, et que l'auteur va mener jusqu'à une cruelle et onirique fin. Kundera écrit à son propos dans le texte: «C'est un roman sur Tamina, et à l'instant où Tamina sort de la scène, c'est un roman pour Tamina. »



Mais, c'est surtout pour moi un roman sur la vie, sur la dévastation d'un monde qui a perdu toutes ses illusions, et que Kundera nous montre avec un regard désabusé, ironique, caustique, mais aussi plein de tendresse pour les gens.



Toute l'oeuvre de Kundera est marquée, par ce constat terrible que firent tant de tchèques, c'est d'avoir cru à une révolution fraternelle et d'avoir vu, subi, la rapide transformation de cette espérance en l'avènement d'un pouvoir totalitaire, et d'en avoir si profondément saisi les racines et les ressorts, la pensée unique qui ne tolère aucune déviance sous peine au mieux de déclassement de l'individu, au pire de son exécution arbitraire, la « famille » où tout le monde épie tout le monde, l'inhumanité inhérente à tout révolutionnaire, l'illusion des lendemains qui chantent, la foi en le jeunesse sans mémoire, etc…



Mais, plutôt que de combattre tout cela, l'attitude prise par Kundera, c'est cette distanciation ironique, ce regard critique et désabusé sur la vie des humains, y compris l'inanité et la tristesse de la sexualité, sur la bêtise humaine, qu'elle se manifeste dans la sphère publique ou privée, sur l'importance du « rire et de l'oubli », sur le caractère dérisoire et parfois comique de nos actes, sur l'incommunicabilité entre les êtres, cette « frontière » qui les sépare quoi qu'ils fassent, mais qui n'empêche pas de vivre ensemble, comme nous le montre la magnifique dernière nouvelle du livre.



Et puis, par dessus tout, il y a cette humanité qui me touche tant chaque fois, le regard que Karel porte sur sa Maman, celui de l'auteur sur son père, celui de Jan sur son ami Passer, ou son amie Edwige, etc..

Car, ne nous y trompons pas, malgré sa vision pessimiste de la vie humaine, Kundera nous dit que seule la bonté sauve le monde.



Une dernière remarque: l'extraordinaire jeu formel auquel se livre l'auteur. Quelques exemples: comme dans une composition d'un quatuor de Beethoven, voilà que certaines nouvelles vont comporter des thèmes entrelacés (Les anges 1 et 2), d'autres un long développement ( La frontière), une nouvelle ne comporte qu’une seule partie (Litost); à l'ange Raphaël répondent Madame Raphaël et ses deux anges Gabrielle et Michelle; et l'on voit une Tamina suivre ce parcours initiatique et cruel qui la conduit à la mort.

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Jacques et son maître, hommage à Denis Diderot ..

J'apprécie beaucoup Milan Kundera, pourtant en abordant ce livre, et en découvrant "Introduction à une variation" rédigée par l'auteur j'ai eu quelques appréhensions. Milan Kundera aborde les événements politiques de 1968 et l'occupation de son pays par les Russes, et puis le thème de la littérature en citant des grands maîtres et des oeuvres célèbres...Dostoïevski, Diderot, Sterne... Don Quichotte, Tom Jones, Ulysse, Ferdydurke, Tristam Shandy... et il s'intéresse aux adaptations, ou transpositions, qui ont été faites d'oeuvres au théâtre ou au cinéma...

La postface écrite par François Ricard "Variations sur l'art de la variation" est aussi très technique.

Qu'allait offrir la pièce en elle-même? N'allait-elle pas être complexe, alambiquée?

La surprise fut excellente! Rien de compliqué! Beaucoup d'humour axé sur le libertinage... Un texte fluide, très agréable à lire. Un théâtre qui semble frayer avec l'absurde. Une pièce courte, comprenant trois actes. Une centaine de pages de pur bonheur. J'ai adoré. Je suis conquise.
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L'ignorance

Partir c'est mourir un peu. Mais est-ce renaître ailleurs ? Est-ce renaître au retour ?



Erina n'avait pas vraiment envisagé de rentrer à Prague. Émigrée à Paris 20 ans plutôt, elle avait fait de sa nouvelle vie une perspective sans retour, même si sa terre d'accueil ne lui avait pas ouvert les bras avec spontanéité. La France était désormais sa terre d'avenir. Aussi a-t-il fallu que son compagnon Gustaf l'incite et prenne l'initiative pour que ce retour aux sources se concrétise.



Milan Kundera connaît trop bien le sujet de l'exil. Il connaît les effets des forces contrariées de la dictature qui broient les uns, éjectent les autres hors de la funeste centrifugeuse. Avec L'ignorance, il nous livre une réflexion sur le déracinement, la nostalgie qui taraude et leurre, la mémoire trop personnelle et trop ponctuelle pour donner lieu à partage, l'arithmétique du temps qui passe, la modernité qui n'apporte pas son lot de réconfort, autant de notions qui font qu'à la question "quel est ton chez-toi ?", l'exilé restera dans la même tergiversation que celle qui a présidé à son départ.



L'absence est une mort qui pourrait avoir un terme si les liens de l'amour résistaient au temps. Mais la déconvenue de ceux qui restent, la méfiance de ceux qui accueillent détricotent le tissu affectif de celui qui a fait le choix, ou non, de partir. Son avenir sera pavé de solitude. Son chemin sera aussi instable que le fil du funambule. Quand il penchera d'un côté, ce sera la chute.



Avec Milan Kundera, le cœur a toujours une relation au corps. Cette matérialité de l'être humain qui seule révèle le temps qui passe. Avec ses pulsions elle ne fait que chercher des compensations aux frustrations affectives.



L'exil ne restera jamais qu'une condamnation avant l'heure.
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L'insoutenable légèreté de l'être

C'est grâce à une amie que j'ai connu cet auteur (ps : elle se reconnaîtra si elle passe ici) et je la remercie vivement. En voyant le titre assez original, j'étais sceptique et puis, en le lisant, je découvre que ce livre est un vrai petit trésor.

Plusieurs thèmes sont abordés par l'auteur, avec un style d'écriture tellement fluide, tellement léger et agréable qu'on ne peut pas s'arrêter une fois qu'on a commencé. le thème de l'amour est prépondérant : la rencontre, les éléments qui influencent le choix amoureux, les "fameuses coïncidences" auxquels on donne un sens très symbolique..

Mais c'est surtout l'opposition entre légèreté et pesanteur qui donne tout un sens à cette histoire : d'un côté, puisqu'on ne vit qu'une fois, autant vivre libre et indépendant, sans chaînes et sans attaches. Puis de l'autre, il y a Tereza avec une autre vision plus idéale de l'amour et de la vie : celui de l'exclusivité, de la jalousie, de la possession, de l'attachement aux principes et aux personnes..On oscille entre ces deux tendances mais au final, on ne peut pas vraiment se prononcer sur ce qu'il conviendrait réellement de faire car tout est si relatif, et l'insoutenable légèreté de l'être nous tenaille !

L'auteur fait également une vive critique des évènements lors du printemps de Prague, du communisme, de l'Union soviétique, de la répression qu'on subit les intellectuels tchèques, du kitsch..

J'ai envie de vous partager certains passages qui m'ont beaucoup plu "la vie humaine n'a lieu qu'une seule fois et nous ne pourrons jamais vérifier quelle était la bonne et quelle était la mauvaise décision, parce, que dans toute situation, nous ne pouvons décider qu'une seule fois. Il ne nous est pas donné une deuxième, une troisième une quatrième vie pour que nous puissions comparer les différentes décisions" et "le temps humain ne tourne pas en cercle mais avance en ligne droite. C'est pourquoi l'homme ne peut être heureux puisque le bonheur est désir de répétition".

Bref, un chef-d'oeuvre à lire !


Lien : http://leslecturesdehanta.co..
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L'Art du roman

Avec l'Art du roman, Milan Kundera entamait en 1986 son exploration d'une question qui l'a préoccupé tout au long de son oeuvre de romancier: Qu'est-ce que le roman? Que nous apporte le roman? En quoi est-il indispensable?

On pourrait craindre que le livre répondant à ces questions s'avère théorique, indigeste et ne s'adresse qu'aux seuls spécialistes. Tel n'est pas le cas! La grande force de Milan Kundera, c'est de parler à ses lecteurs avec une certaine simplicité, une certaine proximité. Il ne prétend pas faire le tour de la question. Il cherche par petites touches à atteindre le coeur du sujet en tant qu'auteur particulier ayant ses goûts et sa vision de la littérature. A partir de sept textes indépendants et apparemment disparates (essai, critique, discours officiel, dictionnaire personnel, entretiens, notes), il aborde différentes facettes du caractère indispensable du roman en tant que genre.

Pour Kundera, " le chemin du roman se dessine comme une histoire parallèle des Temps modernes" (p.20) et de la culture européenne. En illustration, il nous dit avoir été particulièrement sensible à quatre "appels" créateurs(p.26 à 28):

- Appel du jeu: Dans Tristram Shandy de Sterne et Jacques le fataliste de Diderot.

- Appel du rêve: Dans l'oeuvre de Kafka.

- Appel de la pensée: Dans L'Homme sans qualité de Musil et dans Les Somnambules de Broch.

- Appel du temps: Chez Broch, Aragon et Fuentes.

En résumé, pour l'auteur d'origine tchèque, est un roman toute narration qui permet d'appréhender l'existence humaine dans toute sa globalité en apportant un éclairage original, c'est-à-dire inexistant avant lui. le roman est le fruit d'une histoire qui le travaille, qu'il dépasse et dont il révèle, mieux que par tout autre approche, un aspect ou une "réalité enrichie"; ce surcroit de compréhension passe essentiellement par une forme particulière, un "style". C'est l'adéquation du sujet et de la façon de le rendre qui constitue le roman dans son unicité, dans sa valeur et dans sa nécessité. A ces conditions, le roman se hisse à la hauteur des plus grandes oeuvres d'art.
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La fête de l'insignifiance

L’insignifiance : ce qui ne signifie rien ou si peu… Absence de sens… Caractère de ce qui est sans importance… Synonyme de banalité…

Avec ces définitions à l’appui, je me suis bien demandé pourquoi Milan Kundera voulait la fêter, cette insignifiance, sans importance !

En fait, dans un monde qui a oublié de ne pas se prendre au sérieux, il veut nous rappeler que l’insignifiance est l’essence même de l’existence.

Avant lui, René Char avait remarqué que « L’essentiel est sans cesse menacé par l’insignifiant » et Charles-Maurice de Talleyrand avait noté que « Tout ce qui est excessif est insignifiant ».



Ce roman paraît bien léger, de prime abord, mais ce n’est qu’en apparence !

Il n’y a pas spécialement de héros (ce sont plutôt des anti-héros !), ni d’intrigue, ni de fil romanesque. On est comme dans un théâtre de l’absurde, et avec de petites choses, Kundera nous fait un roman. On s’amuse des situations dans lesquelles évoluent et réagissent des personnages ordinaires, et des personnages historiques.



Ce qui semble désinvolte ne l’est pas. On sourit, on rit des anecdotes, on s’étonne, mais on ne se rend pas compte de suite à quoi veut en venir Kundera.

Il faut un peu de recul pour comprendre qu’en observant ses personnages, il dénude en fait sous nos yeux la condition humaine.



Un des personnages, Ramon, explique à son ami D’Ardelo que l’insignifiance est partout et toujours. Qu’elle est présente même là où personne ne veut la voir, même dans les horreurs, dans les luttes sanglantes, dans les pires malheurs. Qu’elle exige du courage pour la reconnaître dans des conditions dramatiques et pour l’appeler par son nom. Mais qu’il faut l’aimer, l’insignifiance, qu’il faut apprendre à l’aimer, car autour de nous elle est présente avec toute son évidence, avec toute son innocence, avec toute sa beauté.

Des enfants qui rient dans un parc sans savoir pourquoi, c’est insignifiant et c’est beau.

Il faut donc respirer cette insignifiance qui nous entoure, parce qu’elle est la clé de la sagesse, et la clé de la bonne humeur…



Milan Kundera explore en détail la personnalité de ses personnages, et en fait des analyses psychologiques.

On ne les lit pas simplement pour se divertir, mais aussi parce qu’il va nous apporter des réflexions passionnantes.

Il y a d’abord des messieurs tout le monde, qui tentent de se défendre contre l’insignifiance en se composant des postures empruntées :

Il y a Alain, qui se croit amoureux de la jeune et naïve Madeleine, et qui parle tout seul à la photo de sa mère. Il ne s’est jamais vraiment remis du fait d’être un enfant non désiré, et il est obsédé par le nombril comme nouveau centre de la séduction féminine !

Charles, lui, a peur de la mort ; il fait des extras pour survivre. Il organise des cocktails chez des particuliers, et engage comme serveur un certain Caliban…

Ce Caliban est en réalité un vieil acteur déchu, qui apaise sa soif de rôle en prétendant être un Pakistanais ne parlant pas un mot de français !

Ramon, lui, adore les femmes. Il n’est plus très jeune, et peut-être parce qu’il sait que le temps lui est compté, il n’aime pas faire la queue devant les musées !

D’Ardelo, narcissique, se soucie énormément de son image, se met toujours en valeur, ce qui fait qu’il n’échappe pas au ridicule ! Il rencontre Ramon et lui ment au sujet de son état de santé ; cela le valorise, car alors il acquiert de la valeur par son courage.



Il y a aussi des personnages historiques.

Avec une histoire qui fait intervenir Staline et Khroutchtchev, Kundera démontre que les gens ne savent plus plaisanter ou reconnaître une blague. L’anecdote des 24 perdrix vaut son pesant d’or !

Je vous la conseille !

L’anecdote sur l’humiliation par Staline du pauvre Kalinine qui souffre d’incontinence, n’est pas mal non plus !



Milan Kundera a l’art d’évoquer des choses graves en usant du comique et de la dérision.

L’unique meurtre qu’il y a dans l’histoire paraît infiniment pervers car, pour victime, on a choisi quelqu’un qui veut sauver une vie quitte à sacrifier la sienne, avant qu’on ne découvre que ce meurtre est … insignifiant !



Il y a beaucoup d’humour et d’intelligence dans ce texte court, rempli d’ironie.

Milan Kundera y porte un regard pointu sur notre époque et sur notre condition humaine, mais sans tomber dans la gravité, bien qu’il le pourrait, car notre monde est bien trop rempli d’un grand n’importe quoi et de beaucoup de vanité et de violence !

Au contraire, il semble vouloir nous dire que puisque l’on ne peut rien changer de ce monde qui décline peu à peu, autant ne pas le prendre au sérieux.

Puisque tout est voué à disparaître, rien n’est donc à prendre au sérieux, sauf la bonne humeur !

Au passage, il nous interpelle et nous interroge sur la bêtise, l’absurdité, la cruauté, sur la vie, la mort, la peur…

C’est satirique, féroce, burlesque et malicieux à souhait !

On est happé par le livre. C’est un vrai régal ! Je vous le conseille !



Arrivé à la dernière page, à la question : « Insignifiante, l’insignifiance ? », on répond assurément « NON » !

Et on se dit une fois de plus, quel talent il a ce Kundera !

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L'ignorance

J’ai lu ce petit roman comme une sorte d’introduction, d'initiation à des ouvrages plus conséquents de Milan Kundera, installés depuis longtemps dans ma PAL : “l’insoutenable légèreté de l’être”, “la plaisanterie”.



J’aime Prague.

J’ai apprécié les histoires d’exil mêlant des réflexions sur l’identité et le “heimweh”.



Bref, les conditions étaient réunies pour une lecture qui fut plaisante.

L’objectif d'accommodation à Kundera est atteint, je vais poursuivre mes lectures de cet auteur.





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Une rencontre

Devant un jour enseigner "Le procès" de Kafka et découragé par les pesanteurs salonnières de la "French theory", je suis tombé sur "Les Testaments Trahis" de Milan Kundera, dont j'aimais peu les romans. Ces essais légers, aux antipodes de la savante rhétorique intellectuelle française, touchaient juste pourtant, et se prêtaient merveilleusement à la lecture et à l'interprétation du monstre sacré de Prague. De même, "Une rencontre" est une collection d'essais lumineux, brefs et souvent percutants, qui ouvrent les yeux du lecteur sur l'art et la littérature, mieux qu'une néo-Sorbonne bien-pensante. Kundera puise dans son expérience du communisme réel et de ses prolongements culturels en Occident, une esthétique du roman et une forme de théorie qui font de lui un excellent lecteur, un hôte courtois qui vous donne accès à des univers artistiques inconnus ou peu attirants, ou connus et que l'on croit trop frayés. Ainsi, la culture de la négritude, représentée aujourd'hui par de regrettables crétins, prend un tout autre aspect sous sa plume et devient presque attirante : Césaire, Chamoiseau, Breleur entrent en résonance avec la civilisation tchèque et l'héritage surréaliste repensé par un romancier, avec ce qu'il appelle ailleurs "la sagesse du roman". C'est un exemple sur les mille que ce petit livre foisonnant, drôle et profond nous donne à voir et à apprécier. Les pages sur Janacek, Céline et Rabelais, parmi tant d'autres, sont de beaux cadeaux que nous fait cet esprit libre, parent de Philippe Muray et de ces auteurs que le Moderne Modernant laisse sceptiques.
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