AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Milan Kundera (965)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


L'insoutenable légèreté de l'être

Lu, il y a bien longtemps, au moment de sa parution en 1984, et après un accès à l'oeuvre de Kundera par « La plaisanterie », une question me vient à l'esprit : pourquoi avoir tant attendu pour poster mon commentaire ? Trop nombreuses critiques élogieuses auxquelles ma modeste contribution n'apportera que peu … Difficulté de l'exercice concernant un livre qui m'a profondément touché … Peut-être un peu des deux … Sûrement un peu des deux …



Tomas, avant d'être un chirurgien tchèque en vogue est un libertin incorrigible ; sa femme, fidèle entre les fidèles, photographe…

Sabina, la maîtresse et Franz et Franz, son « ami »…

Août 1968 ! C'en est fini du printemps de Prague ! L'armée soviétique intervient !

Le cadre est bien posé : il en résultera une sorte de balai des sentiments sur fond de bouleversement historique : Tomas aime Tereza, mais lui gâte la vie par son infidélité, Sabina représente la légèreté… Femme légère ? Hum, pas si sûr…



Bref, un livre qui marque ! Tant par l'évolution des personnages que par les digressions de l'auteur sur des thèmes simples mais malgré tout complexes : le blanc, le noir – le bon, le mauvais – le clair, l'obscur – le léger, le pesant … Une introduction à la philosophie de la vie quotidienne…

Ajoutons à cela, la qualité de la prose de Milan Kundera, poétique, pour le moins…



Et puis ce titre ! "L'insoutenable légèreté de l'être "...



Je n'ai pas l'habitude de relire, même les ouvrages qui m'ont marqué ; parce qu'un livre est d'autant plus apprécié qu'il y a adéquation de l'état d'esprit du moment avec le texte. Il y a donc un gros risque à relire. Mais, bon… Si je dois relire un jour quelques livres , celui-ci figurera dans la liste…

Commenter  J’apprécie          555
Un Occident kidnappé

Petit texte très intéressant bien qu'un peu daté, comme le montre par exemple une phrase prise au fil de la lecture : "Ainsi, après la Première Guerre mondiale, l’Europe centrale se transforma en une zone de petits États vulnérables, dont la faiblesse permit ses premières conquêtes à Hitler et le triomphe final de Staline". Final certainement pas, et puisque le communisme tant haï par l'écrivain a disparu avec l'URSS, il faudrait remplacer Staline par OTAN pour réactualiser l'ensemble.

Auquel cas on arrive à la substantifique moelle de ce texte profondément ancré dans la peur de la Russie, cette nation perçue comme extérieure à l'Europe de M. Kundera :

"Apparaissent comme « barbares » ceux qui représentent un autre univers. Les Russes le représentent pour les Polonais, toujours."

La publication aujourd’hui de ce texte est sans doute lié à l’interrogation profonde qui parcourt la vieille Europe :

"Sur quoi, en effet, repose l’unité de l’Europe ? Au Moyen Âge, elle reposa sur la religion commune. Dans les Temps modernes, quand le Dieu médiéval se transforma en Deus absconditus, la religion céda la place à la culture, qui devint la réalisation des valeurs suprêmes par lesquelles l’humanité européenne se comprenait, se définissait, s’identifiait."

Le questionnement, s'il reste d'actualité, se pose tout de même très différemment aujourd'hui mais ce texte permet de nourrir la réflexion.

Il faudra le rééditer dans cinquante ans, lorsque tous les éléments du débat pourront être mis sur la table sans tabou, avec lucidité.



Commenter  J’apprécie          532
L'ignorance

Le premier roman me donnant envie d'y revenir, encore et encore, de revenir tout court. Par le biais des pérégrinations (avant tout psychologiques) d'Irena et de tous les protagonistes qu'il construit, Kundera touche l'intimité de chacun lorsqu'il évoque avec tant de justesse l'expérience de l'exil, et sa sensation. Si la nostalgie s'avère être la saveur omniprésente dans les mots de l'auteur, jusque dans ses virgules, l'on comprend d'autant mieux pourquoi l'Ignorance porte ce nom, et l'incarne à merveille. En effet, que serait l'élan nostalgique sinon la conscience de ne pas savoir, de ne plus voir, et d'en souffrir ? Quand Irena revient à Prague, ce ne sont pas seulement les traces de sa jeunesse qu'elle retrouve mais bien celles des possibilités qu'elle n'aura plus jamais et que Kundera nous souffle avec une étonnante intensité. Une tristesse également. Pourtant, l'on ne peut s'empêcher d'admirer avec quelle lucidité l'auteur nous parle du thème de l'émigration (et de l'immigration) alors même qu'il doit susciter en lui bon nombre d'implications morales et sentimentales. Voilà donc les raisons de ce retour sur cet ouvrage, il exhorte au retour (sinon chez soi, vers soi) et dans le cas présent, vers l'expérience d'une (re)lecture réconciliatrice.
Commenter  J’apprécie          530
La valse aux adieux

Roman et musique ne font qu’un pour Milan Kundera. Pour lui l’intrigue et la symphonie se composent de la même manière et les personnages doivent jouer chacun avec son instrument avec des variations sur le même thème (musical). Le même morceau est joué par différents instruments.



Dans ce roman, le sort réunit plusieurs personnages dans une ville d’eaux. Le sort ou peut-être un hasard qui a donné une grossesse à Ruzena du musicien célèbre Klima qui trompe sa femme pour mieux sentir son amour pour elle, pour lui revenir après avec une dose d’amour plus forte. Mais il faut trouver une solution à cette fécondité en plein lieu de stérilité où des femmes se soignent chez l’extraordinaire docteur Skreta pour avoir des enfants, ce dernier leur trouve une solution efficace en introduisant son sperme dans leurs entrailles. Dans le même entourage on trouve Jakub aux opinions nihilistes qui cherche sa liberté dans le contrôle de la mort, et le vieux riche Bertlef qui s’avère lui aussi un séducteur malgré ses idées dignes d'un saint.



Admirateur de Diderot dans son Jacques le fataliste, Kundera théâtralise son roman avec ces nombreux dialogues révélateurs des idées et des sentiments de ses personnages dont il maîtrise la psychologie avec profondeur. On y trouve d’ailleurs de très belles réflexions sur la mort, la liberté, la femme, la fécondité, la culpabilité.



La valse qui réunit ces personnages s’accélère jusqu’au dernier moment avec une tension forte où le tragique même est raconté avec un sourire. Ainsi les idées les plus graves sont exprimées avec une légèreté surprenante (surtout lorsqu'elles sont déclarées par Skreta au nez long, comme la plupart des enfants de la ville).



Personnellement j'ai beaucoup aimé ce livre (comme pour les autres livres de Kundera).

Commenter  J’apprécie          530
L'insoutenable légèreté de l'être

Ce roman débute tout d'abord à Prague et se déroule dans le contexte de la Tchécoslovaquie du Printemps de Prague, puis de l'invasion du pays par l'URSS. Milan Kundera nous offre ici un roman d'amour et de réflexion grandiose. L'écriture de l'auteur est fluide, aérée et sans fioritures. Nous suivons quatre personnages principaux tout en étudiant les différentes combinaisons amoureuses possibles : Tomas, l'homme volage qui tombe amoureux et tente de devenir fidèle pour Tereza, une photographe amoureuse de lui et angoissée par ses infidélités. D'un autre côté, nous avons Franz, un homme d'une quarantaine d'années qui quitte son couple "traditionnel" pour s'engager conventionnel avec Sabina, une artiste libre. L'analyse des personnages est profonde et originale, ce sont quatre figures métaphoriques représentant l'ambiguïté, la morale, la légèreté mais aussi la pesanteur. Les errances de quatre êtres qui se cherchent et se perdent entre pesanteur et légèreté ne pourront pas vous laisser indifférents.



Certes, le thème principal de l'ouvrage est l'amour dans sa réalité la plus complexe mais l'auteur réalise aussi une interaction avec la philosophie de Nietzsche et la musique de Beethoven tout au long du roman. J'ai trouvé ma lecture particulièrement émouvante par sa poésie, sa douce et légère mélancolie et sa profonde réflexion sur les rapports Hommes-femmes et leurs questions existentielles. Kundera est un des principaux écrivains contemporains, sa vie a été tourmentée par le communisme et il en fait un des thèmes principaux de son roman.



La structure en chapitres courts offre un livre qui passe

d'une scène à l'autre, d'un personnage à l'autre pour faciliter et rendre encore plus agréable la lecture. On a envie de continuer ce livre indéfiniment, c'est une bible du savoir-vivre. De plus, la culture de l'auteur transpire entre les lignes et nous apporte des connaissances d'autant plus importantes. L'insoutenable légèreté de l'être est un roman profond qui alterne entre un roman narratif et la réflexion philosophique, l'absurde du rêve et le réalisme de la vie. Kundera nous transporte vers l'au-delà en nous accordant un moment de bonheur assuré.



L'ouvrage, riche en significations, aborde des thèmes qui nous instruisent au fil des pages. Je recommande ce très beau roman dont la structure narrative est réussie, le style agréable et les personnages tout simplement inoubliables.



Les mots ne seront jamais assez forts pour te remercier N. de m'avoir offert ce livre qui a su me marquer pour un très long moment.

Commenter  J’apprécie          523
Les Testaments trahis

J'avais lu avec beaucoup de plaisir son premier recueil d'essais "L'art du roman" (ainsi que certains de ses romans) et il fallait s'attaquer à ce deuxième livre de la même veine.



Kundera s'est avéré l'un de mes auteurs préférés que je retrouve à chaque fois avec le même bonheur.



"Les testaments trahis" est un recueil de neuf essais sur l'art; la littérature (l'art du roman surtout) et la musique (c'est d'ailleurs l'un des meilleurs livres sur la musique).



Avant d'être un essayiste ou même un critique, Kundera se veut un lecteur et un praticien, et c'est justement cela qui fait de ce livre une oeuvre plaisante et intéressante.



Dans ce livre, on retrouve un autre Kafka épuré de tous les stéréotypes qui ont assombri cet auteur et qui le représentaient comme un être pur, un saint d'un côté et un être maussade et indifférent d'un autre. L'oeuvre de Kafka perd beaucoup à cause de la traduction défectueuse et des interprétations naïves et subjectives. On découvre pleins d'autres secrets concernant cet auteur comme son mystérieux testament trahi par Brod, son ami (qui m'a fait pensé à cette fable de la Fontaine dont la morale est : "Rien n'est si dangereux qu'un ignorant ami/Mieux vaudrait un sage ennemi.").



Après avoir lu son analyse du dialogue chez Hemingway, j'ai remis en question mon avis concernant son roman "Le soleil se lève aussi" que je n'avais pas beaucoup apprécié. Des dialogues que l'auteur américain veut vivants. Il est à parler ensuite d'Hemingway et de son biographe qui a mélangé la vie de l'auteur et ses écrits pour en tirer des interprétations étrangement fausses (un manque de respect aux idées de Proust dans son "Contre Sainte-Beuve").



Kundera nous décrit aussi cette musique de Stravinski singulière par sa composition complexe, de l'incompréhension de son ami (comme pour Kafka). On y découvre de très belles réflexions sur la musique.



Le livre a abordé aussi plusieurs sujets (l'intimité, l'extase, la traduction, l'humour, la ressemblance entre roman et musique...) les illustrant des oeuvres de beaucoup d'écrivains et musiciens (Rabelais, Tolstoï, Balzac, Musil, Mann, Bach, Janacek...).



Un livre que je conseille à tous les amateurs de roman et de musique.
Commenter  J’apprécie          520
La fête de l'insignifiance

Alain, Charles, Caliban et Ramon sont quatre compagnons qui se retrouvent au cocktail de D'Ardelo. Charles, qui organise le cocktail, veut monter un spectacle de marionnettes sur Staline, Khrouchtchev et ses acolytes du Politburo. Alain pense aux nombrils comme zone érogène, et à sa mère enceinte qui a raté son suicide : elle ne voulait pas d'enfant. Charles pense à sa mère qui est un ange, mais elle est très malade. Caliban, acteur raté, parle un faux pakistanais pour se donner un genre, et parce qu'il est paranoïaque. Ramon veut voir l'exposition Chagall, mais déteste faire la queue. 



Ce petit roman de 2013 est écrit comme le thème qu'il défend : insignifiant ! Je l'ai traversé à toute vitesse, car c'est bien écrit, mais sans m'apercevoir, de prime abord, de quoi ça parlait vraiment, en profondeur. Milan Kundera, à l'opposé des classiques français du XIX è siècle, ne contextualise pas ses personnages : cela peut se passer dans n'importe quel pays, à n'importe quelle époque après Staline.

J'ai été obligé de le reprendre pour savoir de quoi il s'agissait. Je pensais que nous avions affaire à un roman léger, insignifiant.

.

Mais je m'aperçois qu'on peut classer ce livre dans les contes philosophiques, car, bien que faisant l'éloge de l'insignifiance, il aborde des thèmes profonds :

peut-on voir Staline comme un être futile ?

qu'en est-il des Droits de l'Homme ?

et de la drague ? 

.

1) Staline, vu d'abord comme "le grand héros de la vérité", est présenté en chasseur, sous un jour léger et insignifiant, alors que c'est le plus grand meurtrier du XX è siècle. Et ceci, dit Kundera, au nom de la volonté, stigmatisée par Schaupenhauer pour ordonner le chaos des "représentations individuelles" du monde. 

2) La mère de Charles lui parle dans ses pensées. Kundera présente ici la télépathie. Elle lui pose surtout ces questions : choisit-on sa laideur ? son sexe ? son siècle ? son pays ? sa mère ? Non, " Les Droits que peut avoir un humain ne concernent que des futilités". 

3 ) Les " râteaux" que se prennent Caliban, Ramon et D'Ardelo, vantards qui exposent leur savoir en société, montrent que la futilité de Quaquelique est plus efficace pour avoir une femme dans son lit. 

4) Pour D'Ardelo, "la France du passé est toujours vivante". Mais que reste t-il des reines de France, sinon des statues au Jardin du Luxembourg ? Là; Milan Kundera reprend un thème qui lui est cher dans " L'insoutenable légèreté de l'être ", à savoir que les grands hommes et grandes femmes du passé ont laissé des traces insignifiantes sur Terre, et le commun des mortel est carrément tombé dans l'oubli. 



Ce petit livre m'apparaît donc, à mots couverts, comme un message philosophique : nous ne sommes que des poussières d'étoiles, il n'est nul besoin de se prendre la tête : c'est la fête de l'insignifiance : )
Commenter  J’apprécie          510
Risibles amours

Comme Milan Kundera le précise à la fin, « Risibles amours » est « écrit en Bohême entre 1959 et 1968 ». Il parait pour la première fois en France en 1970 avec une traduction de François Kerel. L’auteur reprendra cette version pour en restituer une ultime et définitive en 1986.

« Risibles amours » est un recueil de sept nouvelles décrivant les mécanismes de la relation amoureuse entre des personnages lambda, sans distinction de classe sociale. L’auteur propose l’étude critique de cette construction ou déconstruction du rapport interhumain, un échantillonnage de cet art de la séduction et l’inventaire de ses composantes, le hasard de la rencontre, le rapport de force (manipulation, possession, ascendance, mépris, ignorance…), l’illusion par le mensonge ou la mauvaise interprétation, la lutte des sentiments, les besoins charnels…

« Risibles amours » bien que paru après « La plaisanterie », va servir de creuset pour l’ensemble des romans de Milan Kundera.

Encore une fois, l’écriture magistrale de Kundera subjugue, ses idées fédèrent, c’est un grand moment de lecture et une rencontre littéraire importante et captivante.

Mais mieux que de lire ces quelques lignes, il faut lire la postface de François Ricard qui propose une analyse beaucoup plus érudite de cette œuvre.

Traduction de François Kerel, postface de François Ricard, édition revue par l’auteur.

Editions Gallimard, Folio, 316 pages.

Commenter  J’apprécie          500
La lenteur

Un couple, celui de l'auteur et sa femme, roule vers un relais château en vilipendant le siècle de vitesse qui est le leur et se retrouvent hôtes d'un lieu qu'ils connaissent déjà au milieu d'un colloque d'entomologistes européens. Parmi ces éminents scientifiques reclus au château émerge à côté du couple, après quelques chapitres, la figure d'un savant tchèque oublié, découvreur d'une mouche inconnue, que sa mise à l'écart sous l'ère communiste a transformé en ouvrier musculeux du bâtiment. Complètent cette galerie un ou deux intellectuels français poseurs et donneurs de leçons épris de bons mots autant que de leur image, un jeune chevalier des temps modernes sympathique (Vincent) adepte de « La Philosophie dans le boudoir » et amoureux de sa moto (sa vraie maîtresse celle qui lui donne l'extase de la vitesse), son mentor inventeur du concept fameux de « judo moral », un cameraman frustré et deux jeunes femmes à fort potentiel érotique (Julie et Immaculata). Ce qui ressemble à une bouffonnerie exhibitionniste peu flatteuse digne du vingtième siècle finissant (ce que son titre est loin de suggérer et qui rend la (re)découverte plus savoureuse) devient au fil des pages une réflexion percutante sur une époque hantée par la quête du plaisir immédiat qui questionne sa finalité. le récit est court - le livre se lit très vite - et se déroule au cours d'une nuit très agitée, rythmé par le sommeil de Vera (la femme de l'auteur) entrecoupé de ses réveils. La mémoire de l'auteur rapidement sollicitée par la vision d'une autre nuit, précédant de deux siècles celle qu'ils sont en train de vivre, dont les personnages de l'hôtel ont l'air de rejouer le même motif. Superbe juxtaposition de scènes aux rythmes opposés offerte par le regard du romancier narrateur soulevant le rideau du temps au-dessus de deux époques : le dix-huitième et le vingtième siècles. La nouvelle de Vivant Denon, « Point de lendemain », agit comme sous-texte vivifiant à la fable contemporaine. À des personnages qui déploient en public la palette de leurs capacités narcissiques et sexuelles et leurs déboires burlesques entre le bar et la piscine de l'hôtel, Kundera oppose en contrepoint l'art et l'esprit révolu du libertinage. Une autre mise en scène, (parade) tout aussi sexuelle et codifiée, écrite par un gentilhomme ordinaire de la cour du roi et publiée la première fois sous couvert d'anonymat en 1777. Entre roman/farce et essai corrosif on est à cent lieues des précédents écrits de l'écrivain mais on reconnaît immédiatement dans La lenteur, en concentré, le ton unique qui est le sien. Direct, féroce, salace, un soupçon désenchanté, anti-lyrique. Avec ici en prime un côté malpoli ou incorrect dans les dialogues, jubilatoires à la relecture il faut dire, de ce premier livre écrit en français (1995). La portée des observations sur notre culte de l'efficacité, de la vitesse et de l'ego est toujours aussi vérifiable aujourd'hui. Au tempo disjoncté auquel sont soumis les personnages contemporains en présence dans le relais château, les séquences pondérées plus réflexives de « Point de lendemain » offrent la lente respiration du temps des cabinets secrets et de celui des carrosses et des chaises à porteurs, soulignent l'esprit épicurien d'un texte porté par le verbe et l'action sans souci de séduction par le style. Spirituel, fantasque et baroque avec de subtils apartés philosophiques, politiques et littéraires ou de plus joyeuses et loufoques digressions narratives. Nocturne d'une beauté totalement incongrue avivée par l'écho lointain magnifique et fantasmé du récit d'un autre siècle et qui s'achève comme lui au petit matin.



Commenter  J’apprécie          509
La Vie est ailleurs

Naissance et vie d’un poète à Prague à l’époque du changement de régime. D’un très grand poète aux yeux de sa mère. Vient l’adolescence où l’on se cherche. Comment écrire sur l’amour quand on est encore puceau ? Comment faire dormir une fille dans sa chambre quand on a la sensation de vivre chez sa mère. Cette maman trop aimante et possessive qu’il adore et déteste à la fois. Histoire d’un poète maudit qui admire Rimbaud qui ne doute pas de lui. Des scènes sérieuses, tendres, risibles, terribles, sensuelles.

Un grand Kundera sur le passage de l’enfant à l’adulte.
Commenter  J’apprécie          490
La valse aux adieux

Nous voilà comme au théâtre : unité de lieu, (presque) unité de temps.

Nous voilà plongés dans l'oisiveté d'une ville d'eaux, de celles que fréquente le beau monde au siècle avant-dernier.

Nous voilà dans un «vaudeville d'eaux» du coup, où en cinq jours et autant de chapitres, le comique et le tragique s'enlacent comme pour une dernière valse, désinvolte et grave à la fois.



En deux temps trois mouvements on entre dans la danse, tenté par cette valse des sentiments d'une insoutenable légèreté, saisissant le rythme enlevé de ce chassé-croisé d'identités hétéroclites, percevant la trompeuse mélodie du mensonge qui escorte les triangles amoureux, savourant le chant espiègle d'un destin goguenard qui se joue de ses victimes au fil des méprises et des hasards.



Jalousie, manipulations, arrivisme, tromperies… ce délectable roman possède presque autant de niveaux de réflexion que de thèmes abordés, ce qui en fait sa richesse tant encensée et le plaisir ensorcelant qu'il procure à le parcourir. En gros… j'ai vachement aimé.




Lien : HTTP://MINIMALYKS.TUMBLR.COM/
Commenter  J’apprécie          494
La plaisanterie

Ce n'est pas le premier livre que je lis de Kundera, j'avais déjà lu L'insoutenable légèreté de l'être qui compte parmi mes romans préférée bref, je n'avais pas peur de l'écriture de cet auteur, mais plutôt de l'histoire. Allait-elle être à la hauteur de ma première lecture ? A vrai dire, La plaisanterie est un roman bien différent de l'insoutenable légèreté de l'être, même si l'on peut retrouver un même cadre spatio- temporel.

La plaisanterie est un roman profondément ancré politiquement dans le communisme, pas n'importe lequel, celui qui censure, qui empêche tout individualisme et revendication, le communisme dogmatique de Staline. Comment une lettre issue d'une simple plaisanterie peut gâcher la vie ou du moins dix ans de l'existence d'une personne ? Cela paraît impossible pourtant l'histoire est basée sur cette plaisanterie qui va changer du tout au tout Ludvik Jahn étudiant en sciences talentueux et membre du parti. Pour ce roman Kundera à choisi un point de vue un interne, de ce fait les émotions, les impressions, les pensées des personnages nous arrivent plus directement. C'est un roman assez narratif notamment dans les passages du service militaire injuste. Ce qui est incroyable et que je retrouve dans cet œuvre c'est la sincérité des personnages, leur véracité et leur crédibilité qui nous donne l'impression qu'ils existent et on s'y attache. La narration et la forme du récit qui impliquent chacun des personnages est superbement maniée, on ne s'ennuie pas, on entre dans l'univers de chaque personnage qui s'avère être très différent et riche; chacun amène quelque chose à l'histoire et, chacun détient une part de vérité.

Encore une fois mais bien différemment Kundera donne une place plus ou moins importante à l'amour ( ici il s'agit de Lucie, figure de la femme idéalisée qui devient même une obsession pour Ludvik) il sépare l'amour de l'âme et l'amour du corps en y ajoutant le perpétuelle incompris qui née toujours dans un couple.

La dernière partie de l'histoire s'attarde sur l'après du service militaire-exclusion du parti et fac de sciences de Ludvik, dix ans on passés pourtant, Ludvik est guidé par une haine, une envie de vengeance qui atteint son paroxysme car sa vie s'est basé sur la haine et la vengeance. Quand il croit s'être vengé de tous les torts qu'on lui à fait, il réalise que sa vengeance n'a pas aboutit elle n'était rien de plus qu'un leurre car, ni la vengeance ni le pardon ne réparont les torts commis à la place ce sera l'oubli. Ce n'est qu'à la fin que Ludvik comprendra qu'il à gâché sa vie, sa mission est maintenant d'oublier pour recommencer a vivre comme un homme normal. La fin n'est pas optimiste elle n'est pas non plus défaitiste, elle apprend une réalité humaine plutôt pessimiste et une leçon de vie au personnage et au lecteur . La fin est incroyable, l'écriture de Kundera est magnifique, chaque mot est bien choisit pour décrire un sentiment, les mots transpercent l'âme du lecteur, sincèrement ce livre est grandiose et figure dans ma liste de coup de cœur, a lire donc.
Commenter  J’apprécie          490
La lenteur

Avec « La lenteur », Milan Kundera écrit un roman beaucoup plus bref que ses précédentes œuvres. C’est aussi son premier roman écrit directement dans la langue française, dans une langue épurée, précise, sans fioriture ni effet de style afin de mettre en avant le jeu des personnages. Le décorum disparait, il y a unité de lieu, on est dans une pièce de théâtre, tragédie, comédie, l’action se déroule sur fond de page blanche.

Milan et Véra partent en week-end dans un château encerclé d’autoroutes, comme une retraite « in-utéro » où les protagonistes seraient protégés du tumulte de la vie, retraite idéale pour une réflexion. Ce château a une légende racontée par Vivant Denon, auteur du XVIIIe siècle, où une comtesse ramène dans son foyer un chevalier qu’elle affiche devant son mari comme son amant, alors que le vrai amant n’est autre qu’un marquis dont elle souhaite cacher l’identité.

Ce week-end est le prétexte pour Milan d’annoncer à Véra : « … Vouloir écrire un roman où aucun mot ne serait sérieux. Une Grande Bêtise Pour Ton Plaisir. » C’est aussi l’occasion de voir défiler une brochette de personnages au prétexte d’un colloque d’entomologistes.

L’auteur écrit : « Il y a un lien secret entre la lenteur et la mémoire, entre la vitesse et l’oubli… Le degré de la lenteur est directement proportionnel à l’intensité de la mémoire ; le degré de la vitesse est directement proportionnel à l’intensité de l’oubli. » Il nous en fait la démonstration par le jeu des personnages, leurs interactions, leur état d’observateur ou d’acteur. Ils ont le défaut des politiques, d’être des « danseurs », gesticuler pour masquer la pauvreté de leur discours. Il nous met face à notre couardise devant la réalité crue du moment présent, que nous fuyons dans une course sans fin vers un meilleur sans doute illusoire. Cette fuite en avant serait l’artifice qui nous ferait oublier la fadeur du quotidien, nos accidents, nos erreurs.

On pourrait assimiler ce roman à la première partie d’un triptyque composé de « la lenteur », « l’identité » et de « l’ignorance ».

Postface de François Ricard.

Editions Gallimard, Folio, 183 pages.

Commenter  J’apprécie          480
La Vie est ailleurs



Un beau documentaire récent d’Arte, intelligent et nuancé, consacré à Milan Kundera, montre la complexité de ce grand auteur, la puissance de son analyse du monde et de l’être humain, mais aussi ses aspirations et ses contradictions.

Kundera est un de mes auteurs préférés, si ce n’est le préféré, et ce documentaire m’a conduit à terminer la nouvelle relecture de ses romans, en relisant une nouvelle fois La vie est ailleurs.



Un roman publié en 1973 que j’aborde chaque fois avec appréhension, tant c’est pour moi le plus cruel, le plus plus grinçant, le plus subversif, le plus désabusé, le plus nihiliste de tous ses romans.

C’est sans doute aussi celui où, en partie, Kundera règle une dernière fois ses comptes avec la période communiste de la Tchécoslovaquie, en réalité sa propre période communiste, de la fin des années 40 au milieu des années 50, qu’il a dit plus tard regarder avec un profond dégoût du jeune homme qu’il était alors.

Et de régler ses comptes avec cette illusion lyrique qui l’a saisi, qui lui a fait écrire dans les années 50 plusieurs recueils de poèmes, reniés depuis lors, et qu’il a refusé d’inclure dans l’anthologie de La Pléiade parue en 2011 qui contient toute son œuvre.



Que cette histoire est grinçante! Quel héros inconscient, grotesque, pitoyable et effroyable, ce Jaromil, cet être immature, enfant surprotégé, vampirisé par son horrible mère, adolescent puis jeune homme complexé, inadapté à la vie sociale, qui va d’abord compenser son problème avec la réalité de tous les jours par une évasion dans l’écriture poétique, puis qui va trouver dans l’action révolutionnaire qui accompagne les débuts de l’ère communiste en Tchécoslovaquie une façon inhumaine, sadique, de s’affirmer, aux dépends même de la jeune fille avec laquelle il vit.

Même sa mort surviendra de façon totalement incongrue, stupide.



Mais aussi cette œuvre démonte complètement, de façon totalement radicale, tout ce à quoi l’être humain croit, tout ce à quoi l’humain est attaché, y compris la beauté poétique prise par Kundera pour une illusion, au même titre pourrait-on dire que la religion.

Evidemment, si l’on prend la chose au premier degré, ça fait mal, c’est difficile à admettre pour ceux qui, comme moi, aiment Baudelaire, Rimbaud, Verlaine, Mallarmé, Apollinaire, Char, Desnos, Césaire, et tant, tant d’autres poètes.

En définitive, Kundera semble nous dire, en quelque sorte « La poésie est l’opium du peuple », ne vous fiez pas à l’illusion lyrique qu’elle vous apporte. Et aussi, la vie n’est qu’une supercherie, tout y est relatif, rien n’a de sens.

Et je crois que c’est ce refus apparent de tout, richesse et notoriété bien sûr, mais aussi religion, politique, poésie, qui fait que Kundera est clivant, rejeté, voire détesté, par un certain lectorat.



Mais, il faut voir au-delà. Et la réponse aussi est dans ce roman, dans l’émouvant chapitre intitulé le quadragénaire. Cet homme qui a connu la « jeune fille rousse », la petite amie de Jaromil, celle dont le témoignage insensé de ce dernier contre son frère a conduite en prison, ce quadragénaire, l’accueillera à sa sortie de prison avec humanité, avec une compassion désintéressée.

Cette partie du roman nous invite à penser que, dans un monde désenchanté, où rien ne mérite notre adhésion, où rien, y compris la poésie, n’est à sacraliser, seules ont valeur humaine, la compassion, l’attention désintéressée, la « main secourable ».



Pour conclure, et ne pas être trop long, un petit mot pour dire, que comme toujours, la construction du récit est parfaite, et que l’écriture a toujours cette petite musique spéciale, en apparence si simple, comme du Mozart.
Commenter  J’apprécie          487
L'ignorance

Je relis par épisodes toute l'oeuvre de Milan Kundera, romans, théâtre, essais. Une oeuvre peu abondante, mais d'une exceptionnelle qualité.



Quand je reviens à un texte de lui, j'ai le sentiment de retrouver un ami; peu d'autrices et d'auteurs me donnent cette sensation, Duras, Woolf, Auster, Modiano, et plus loin dans le passé Tolstoï.



Mais avec Kundera, c'est encore différent, chacun de ses romans me touche au plus profond de moi-même, comme c'est le cas dans d'autres domaines, par exemple avec Brel, ou avec Rembrandt.

Comment l'expliquer? Je ne sais, et celles et ceux qui n'aiment pas Kundera ne pourraient pas comprendre, pourraient se moquer de cet attachement à cet auteur. Si Proust nous dit, et je suis d'accord,

« Chaque lecteur est, quand il lit, le propre lecteur de soi-même », cela doit être cela, chacun des livres de Kundera me permet d'explorer un peu de moi-même, de me révéler à moi-même, comme font les chansons de Brel et les tableaux de Rembrandt.



Ce court roman, L'ignorance, n'a pas pourtant la complexité de construction de L'insoutenable légèreté de l'être ou de l'Immortalité, la virtuosité implacable de la valse aux adieux, la puissance de La plaisanterie ou de la vie est ailleurs.

Mais sa beauté bouleversante est autre, et ressentie plus fortement dans cette deuxième lecture, les années ont passé et changé ma perception.



Dans les premiers pages, l'auteur nous évoque l'histoire d'Ulysse, et ce faisant, en vient à cette notion de nostalgie, mot dont la racine en espagnol est l'ignorance. Ainsi, la nostalgie est elle la souffrance de ne pas savoir ce qu'est l'autre, ce que devient l'autre, qu'il s'agisse de son pays, de sa région, sa famille, et même de ses chers disparus.



C'est par les histoires d'Irina et de Josef, deux tchèques qui ont émigré, l'une en France et l'autre au Danemark, et qui font un séjour dans leur pays d'origine après 1989, que le thème du retour de l'exilé sera le prélude à un grand développement sur la mémoire, l'incommunicabilité et la solitude.



De l'injonction des amies françaises d'Irina à retourner dans sa patrie, de l'indifférence des familles et amis d'Irina et Josef à ce qu'ils sont devenus en exil, du sentiment de ne plus exister aux yeux des autres autrement que comme l'exilé(e) qui revient, qui doit revenir, du sentiment que celles et ceux que vous avez connus il y a vingt ans ne sont plus que des étrangers pour vous, du temps qui efface progressivement de la mémoire le souvenir de l'être cher (la femme décédée de Josef), que l'on n'arrive à maintenir en soi que par la présence d'objets, de rituels du quotidien, de l'histoire de Milada qui tenta autrefois de se suicider par amour pour Josef et qui vit dans la solitude, c'est l'ignorance, voulue ou subie, l'incommunicabilité, ce thème si cher à Kundera, et la désolation du monde, comme le dit si bien François Ricard dans sa postface.

Mais ce tableau pessimiste se termine pourtant par la rencontre sentimentale et intime d'Irina et de Josef, et malgré la découverte par Irina de « l'ignorance » de Josef (il a feint de se souvenir de leur amitié passée, alors qu'il ne se souvient pas du tout d'elle), c'est la rencontre de deux êtres qui se comprennent profondément, qui se découvrent partager la même vision de la vie, de l'âme soeur, « ma soeur » comme l'écrit Josef dans son petit mot. Et donc sur l'idée que, oui, c'est possible de partager avec quelqu'une ou quelqu'un, et d'envisager de vivre le même chemin.



En conclusion, ce roman va bien au-delà du propos de l'histoire de l'exil et du retour au pays.

Et puis, je trouve que c'est un vrai roman , et non comme le trouvent certains, le prétexte à une digression philosophique.

Et enfin, il y a, comme toujours, cette écriture si fluide, si belle.
Commenter  J’apprécie          483
L'insoutenable légèreté de l'être

Kundera évoque Nietzsche enlaçant le cheval qu'un cocher fouettait, et ceci de façon très émouvante . D'après lui, sa folie vient de ce "divorce d'avec l'humanité"par écœurement. Je sens les deux hommes proches, sur ce point de vue.

.

Je suis très sensible à cet essai-roman, mais la première moitié me laisse un goût amer. En effet, comme Boileau, je pense que " Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement," mais là, ça me parait fouillis, ça part dans tous les sens, c'est compliqué, ou plutôt c'est un système complexe : au départ, nous avons deux couples, mais on est en 68, et ils pratiquent plus ou moins l'amour libre, d'autres personnages viennent donc se greffer.. Or, nous sommes à Prague, et les chars russes envahissent la ville, la politique vient se greffer là-dessus, la police russe, mais aussi Robespierre, mais aussi Freud, la Genèse, Moïse, Œdipe et Sophocle, Platon, Parménide, Descartes, Beethoven, le massacre cambodgien et les BHL de l'époque qui veulent se faire mousser sur un événement cruel...

MAIS....

Dans ce fourre-tout, j'ai trouvé, à travers une sorte de roman d'amours au pluriel, de splendides analyses sociétales appuyées sur de belles références, mais aussi un solide vécu, puisque Milan Kundera a dû fuir son pays sous la pression de l'URSS : il sait de quoi il parle, et sans doute qu'il peut délivrer, dans ce livre sorti à sa naturalisation française, des messages non diffusés dans la presse tchèque de l'époque.

.

On peut entamer cette critique par les esquisses des personnages : Tomas-sa femme-Simon, Tereza, Sabina... Franz-Marie-Claude, Marie-Anne, Sabina encore, l'étudiante... Chaque lecteur peut rattacher une de ses connaissances à un personnage. Mais en fait, l'auteur montre que le plus intéressant est Karenine, non pas le mari d'Anna Karenine, mais le chien de Tomas et Tereza.

.

Pourquoi ?

Justement, à cause de la philosophie de Milan Kundera.

Donc, je vais essayer d'évoquer, dans cette critique, quelques aspects philosophiques du livre, livre tellement entropique qu'il en est presque trop riche malgré ses 460 pages.

Il y a d'abord l'insoutenable légèreté de l'être. Qu'est ce que ça veut dire ? j'ai mis du temps à comprendre, mais je pense qu'il s'agit de l'inconséquence et de la non-empathie des gens, tout le système de pensée de l'auteur s'y rattache.

Je vais analyser une dizaine de points.

1- Les mots et les sens sont souvent interprétés à tort : quand Marie-Claire rapatrie son mari, ses pensées sont à l'opposé de ce qu'elle croit. Elle pense ce qui l'arrange, pas forcément la vérité.

L'infidélité des mots et des sens, on le voit aussi chez Saint-Augustin, par exemple.

2 -Doit-on condamner ceux qui ne savaient pas ? Moïse doit-il se crever les yeux parce qu'il ne savait pas qu'il s'unissait à sa mère ? Les communistes tchèques doivent-ils être condamnés, même s'il jurent qu'ils ne savaient pas que les Russes faisaient des atrocités chez eux ? En est-on sûrs ?

3- La vie ne se déroule qu'une seule fois, donc, comment choisir ?...

a ) Je pense qu'en comparant la vie à un jeu de billes sur un plan incliné comme le faisait mon père, en donnant de plus en plus souvent l'impulsion du bon côté quand la bille rencontre un clou, on arrive à peu près où l'on veut au final, en bas du plan incliné.

b) en général, on a plusieurs chances.

Mais bon, il y en a toujours qui se retrouvent dans la m... A ceux-là, je dirais 50/50.

4- Sexe ( Tomas et Sabina ) et amour ( Tomas et Tereza ) sont deux choses différentes. Bien sûr, souvent, pas toujours., et là, la légèreté de l'être Tomas est insoutenable pour Tereza.

5-Tomas doit-il choisir entre le hasard, Tereza, la Moïse apportée dans une corbeille au fil de l'eau, et son travail de chirurgien, qui est la nécessité, sa passion, le "Es muss sein" de Beethoven ?

6- L'homme doit il préférer le progrès linéaire, le "toujours plus" ou le bonheur qui est un rituel en boucle, le désir de répétition ?

7- Lourdeur : comment réagir face au système soviétique lourd qui vous écrase, par un chantage comme si c'était une partie d'échecs ? L'affrontement conduit à la prison ou la mort, il y a aussi la fuite à l'étranger, Tomas et Tereza choisissent une autre solution, un peu du style "aïkido".

8- Légèreté : Paménide choisit la légèreté comme système positif ; Sabina aussi : ça fait souffrir Tomas et Franz, évidemment.

9- Le kitsch est synonyme de "mauvais goût", mais pour l'auteur, c'est une dictature du cœur, un épitaphe de l'être entre l'existence et l'oubli, par exemple :



"Qu'est-il resté des agonisants du Cambodge en 1980 ?

Une grande photo de la star américaine tenant dans ses bras un enfant jaune."

C'est d'une insoutenable légèreté.



10- La Genèse, écrite par un homme, donc pas forcément vraie, dit que l'homme règne sur les animaux. A ce titre, Descartes pense que les animaux sont des machines sans âme.

Or, la septième partie du roman est consacrée au chien de Tomas et Tereza, Karenine, et l'auteur, en 50 pages, démontre bien que le chien, l'animal est tout sauf une machine.... D'ailleurs, Karenine me fait penser à notre Chamallow, surtout quand le chien te regarde ainsi :



"Ce n'était pas un regard désespéré ou triste, non.C'était un regard d'une effrayante , d'une insoutenable confiance. Ce regard était une question avide."

Commenter  J’apprécie          486
L'insoutenable légèreté de l'être

Un très grand livre, roman qui suscite des réflexions sur la vie. Il questionne sur l’âme humaine, voir animal avec le chien Karenine, l’amour, la trahison, l’engagement politique ...

Quatre personnages, deux couples, Tomas, Tereza, Sabina et Franz, nous lisons leurs amours, leurs quêtes, leurs extrêmes, leurs idéaux ...L’histoire va et vient entre la vie privée des personnages et des digressions sur des problèmes universels et philosophiques sous toile de fond l’occupation soviétique de la Tchécoslovaquie en 1968.

C’est un livre à penser, une oeuvre majeure que l’on peut lire et relire avec grand plaisir pour ma part. J’ai aussi beaucoup apprécié le style de Kundera enlevé avec une douce ironie. Je peux qualifier ce livre de chef-d’œuvre que j’emporterais sur une île déserte.
Commenter  J’apprécie          480
L'Identité

Le roman de la déconvenue, du jeu de l'amour et du hasard et de la métamorphose.

« Un hôtel dans une petite ville au bord de la mer normande qu'ils avaient trouvé par hasard dans un guide. Chantal arriva le vendredi soir pour y passer une nuit solitaire, sans Jean-Marc qui devait la rejoindre le lendemain vers midi. » Elle passe son temps libre à se promener et s'aperçoit qu'elle laisse indifférents les hommes qu'elle croise. le lendemain elle en parle à Jean-Marc : « Les hommes ne se retournent plus sur moi. » il y a dans leur relation un rapport de force : elle est plus âgée que lui, gagne cinq fois plus que lui et lui, vit dans son appartement à elle. Jean-Marc va inventer un stratagème pour la rassurer sur son pouvoir de séduction…

A travers ce roman, Kundera raconte les différentes personnalités de ses héros. Chantal est tour à tour la femme amoureuse qui attend son amant, la mère que la mort de son fils n'émeut pas, la libertine honteuse… Autant d'identités révélées par les circonstances, l'environnement, le temps et l'espace. Il nous montre le caractère mutant de l'identité. Il parle de la même femme tout en en faisant plusieurs portraits s'inscrivant dans une suite logique d'actions. Cette identité est démultipliée par la perception qu'en ont la principale intéressée et les différentes personnes qu'elle croise aussi bien dans son passé, dans son présent, dans la réalité que dans ses rêves.

On retrouve dans ce roman, de même que dans le précédent, « La lenteur », le thème du souvenir et de la mémoire. Il écrit : « Voilà la vraie et seule raison d'être de l'amitié : procurer un miroir dans lequel l'autre peut contempler son image d'autrefois qui, sans l'éternel bla-bla de souvenirs entre copains, se serait effacée depuis longtemps. » Mais aussi : « L'amitié est indispensable à l'homme pour le bon fonctionnement de sa mémoire. Se souvenir de son passé, le porter toujours avec soi, c'est peut-être la condition nécessaire pour conserver, comme on dit, l'intégrité de son moi. » Où l'amitié serait prise au sens large, en tant que relation de confiance. Ces personnes seraient les gardiens de certaines de nos identités, qu'elles nous conviennent ou pas, qu'elles soient authentiques ou pas. C'est la raison qui pousse Jean-Marc à renier son ami du Lycée, F. ou Chantal qui part à Londres sur les traces de cet homme qui avait cherché à la séduire et dont elle avait repoussé les avances. Tous sont des miroirs qui renvoient une image, une identité, dévalorisante ou flatteuse.

C'est un roman sur l'aspect mutant de l'identité, son impermanence, sa relativité et notre propension à composer avec, à nous arranger avec, à en jouer.

« l'identité » a la même structure que son précédent roman « La lenteur », 51 chapitres, un texte court dans un style clair au vocabulaire simple, un roman éclair. C'est un petit chef d'oeuvre !

Postface de François Ricard.

Editions Gallimard, Folio, 207 pages.

Commenter  J’apprécie          466
L'insoutenable légèreté de l'être

J avais lu le livre du rire et de l oubli en étant pas très convaincue mais j avais le sentiment profond que j allais passer un bon moment avec l insoutenable légèreté de l être. A force de lire kundera, je me suis tellement habituée à son écriture et à son univers que j avais la sensation étrange d avoir déjà lu ce livre. Kundera s est révélé être pour moi, un ami, vous savez celui qui ne dit pas forcément ce que vous voulez entendre, mais qui dit des choses justes et vous fait avancer. Pour Kundera le bonheur est indissociable du malheur, la légèreté de la pesanteur. La vie n est pas faite que de belles choses et c'est ce qui fait sa richesse. Merci monsieur kundera pour cette jolie leçon de vie.
Commenter  J’apprécie          461
L'insoutenable légèreté de l'être

L'âme humaine est-elle légère ou pesante ? Et d'ailleurs, lequel de ces adjectifs est une qualité ? Vaste question à laquelle tentent de répondre nos protagonistes. Pris dans la tourmente de l'invasion soviétique à Prague, Tomas représente le doute, coincé entre son attirance pour les aventures sans lendemain et son amour indéfectible pour Tereza. Cette dernière représente la pesanteur : elle supporte tous les coups durs sans broncher, persuadée que l'amour pur triomphera quoi qu'il arrive au bout du chemin. Une des maîtresses de Tomas, Sabina, artiste avide de liberté, représente la légèreté.



Le roman est complexe, et aborde une foule de thématique. Durant les premières parties, j'ai pensé que le récit était la simple histoire d'un triangle amoureux, avec toutefois une grande précision d'analyse dans les motivations et les ressorts intimes des différents personnages. Le volet politique pointe le bout de son nez dans les dernières parties. La légèreté n'est pas seulement discutée du point de vue de l'être humain, les systèmes politiques sont aussi mis sur le grill.



L'écriture est un vrai régal, et le livre comporte des scènes qui me marqueront durablement. Comme cette marche de protestation d'une vingtaine d'intellectuels, événement couvert par plus de trois cents journalistes, qui tourne à la mise en scène d'un spectacle grotesque. Ou la scène finale, qui provoque une charge émotionnelle impressionnante au vu du caractère finalement anodin de la situation.



Il m'a fallu du temps pour le découvrir, mais Kundera n'usurpe clairement pas sa réputation de grand écrivain du XXe siècle. Son roman continue à me faire réfléchir longtemps après l'avoir terminé.
Commenter  J’apprécie          452




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Milan Kundera Voir plus

Quiz Voir plus

Milan Kundera

Presque tous les romans de Kundera comportent le même nombre de parties : quelle est la structure type de ses romans ?

3 parties
5 parties
7 parties

10 questions
165 lecteurs ont répondu
Thème : Milan KunderaCréer un quiz sur cet auteur

{* *}