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Critiques de Philippe Claudel (2649)
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L'arbre du pays Toraja

Il y a plus d'une semaine que j'ai fini mon premier roman de Philippe Claudel " L'arbre du pays Toraja ", et je n'arrivais pas à trouver mes mots, mes idées.

Pas facile de faire un billet sur un sujet comme le temps qui passe, la vieillesse et la mort.

Des Philosophes en ont parlé, des écrivains l'ont écrit bien mieux que moi.

" m'ont toujours hanté les mots de Montaigne sur le fait que philosopher c'est apprendre à mourir".

Il existe en Indonésie, au pays Toraja un peuple qui inhume les enfants en bas-âges d'une façon étrange pour nous occidentaux. ils creusent une niche dans le tronc d'un arbre, et avec le temps l'écorce se referme sur la dépouille.

De retour à Paris le narrateur découvre sur son répondeur un message de son ami Eugene lui annonçant son cancer.

De page en page on suit le cheminement du narrateur face à la maladie de son ami.

" Nous autres vivants sommes emplis par les rumeurs de nos fantômes".

" L'arbre du pays Toraja " est comme un album de souvenir, on tourne les pages, des images ressurgissent. Pendant ce temps la vie continue, notre corps suit le mouvement. Le narrateur va se jeter dans les bras d'Elena pensant que la jeunesse de son amoureuse pouvait arrêter le temps.

La mort fait peur et pourtant.

" La mort, qu'est-elle ? un épouvantail. Retourne-le et tu verras; regarde, il ne mord pas".

Epictète

J'ai découvert un écrivain qui a su me parler avec sa belle écriture, merci monsieur Claudel.
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L'Archipel du chien

Trois hommes morts, échoués sur la grève d’une île quelconque, même pas belle.

Trois hommes noirs, venant d’un ailleurs où la vie est de toute façon moins belle.

Trois migrants, rejetés par les vagues, aux yeux blancs.

Trois poids morts, dont il faut coûte que coûte se débarrasser !

C’est que le Maire n’en veut pas. Ils nuiront à l’image de l’île ! Les (im)probables touristes fuiraient cet endroit maudit !



Et la machine du rejet, du déni se met en marche.

Cela démarre donc comme cela, presque banalement. Oui, j’ose le dire, banalement, car qui de nos jours n’a jamais vu ces pauvres corps délestés de leurs rêves couchés sur une plage ou l’autre du Sud, au journal télévisé ?

Ce début semblait si banal, ces personnages de l’île étaient tellement typés, tellement « personnages de fable » que j’allais finir par m’ennuyer.



Et puis la machine du déni s’enraye.

Il faut dire qu’un pur, l’Instituteur, s’en est mêlé. Il a voulu vérifier, tenter des expériences, calculer. Quoi ? Je ne vous en dirai pas plus. Car l’arrivée du Commissaire précipite les choses...et nous entrons alors dans le vif du sujet, dans le vif de l’humain. Les stéréotypes se déchirent, la face intime se dévoile. Le méchant éprouve de la répugnance à exercer son méfait, le pur ne réfléchit pas et fonce. Et paradoxalement, l’individuel atteint l’universel.



Philippe Claudel signe ici une analyse caustique de l’espèce humaine, analyse dans laquelle nous nous reconnaissons, ou du moins, nous reconnaissons certains autres, car il est bien évident que nous, nous n’avons rien à nous reprocher, n’est-ce pas ?

Les trois corps des migrants ne sont qu’un prétexte à cette analyse car ce n’est pas ce problème qui est mis en scène, ce sont plutôt les réactions de tout un chacun face à cela, ainsi que la réaction face au mal, au pire de l’espèce humaine. Que ce soit en décrivant un phénomène de foule ou différentes réactions individuelles, Claudel nous met à plat face au mal.



Cynisme, sentiment de culpabilité, bêtise, honte, cupidité, remords...tout y passe.

Et la poésie s’en mêle. Qu’il écrit bien, Claudel ! Quelle force de l’expression, quelle puissance dans les images ! J’adore !

Lorsque j’ai refermé ce livre, j’ai réfléchi. Sur moi, sur l’espèce humaine, oui, rien que ça !

Je me dis que sous notre apparence simple, nous sommes compliqués.

Et je me dis que sous notre apparence compliquée, nous sommes simples.

Vous ne me comprenez pas ? Rendez-vous sur l’Archipel du Chien !

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Le rapport de Brodeck

Quelque part, dans la montagne, après une guerre mondiale qui ne dit pas son nom mais dont les camps de travail font partie des exactions, se trouve un petit village, pas très loin d'une frontière. Comme dans tous les villages, on trouve le maire, le curé, le tenancier… et un certain Brodeck, le lettré, celui qui écrit. Et écrire un rapport est justement la demande de son village : Brodeck doit raconter ce qu'il s'est passé au sujet de l'étranger, l'Anderer comme on l'appelait, avec son âne et ses manières différentes, son regard sans complaisance sur le village. Cet Anderer qui est mort à présent.

Comme on ne lui laisse pas vraiment le choix, Brodeck se met à l'ouvrage, alternant l'arrivée et la vie de l'étranger dans le village avec son vécu dans le camp de travail où il a (sur)vécu pendant un an. Il va évoquer sa femme également, qui depuis son retour, passe son temps à chantonner devant la fenêtre, incapable de s'exercer à d'autres activités. Et puis il va parler de sa fille, ou à sa fille aussi, peut-être et surtout.



Je suis tombée sous le charme de ce livre, dès les premières pages. Sous couvert d'un rapport administratif, Brodeck nous dépeint sans concession la lâcheté humaine, qu'elle soit la sienne propre face à l'impitoyable réalité des camps ou vis-à-vis de l'étranger, celle du curé qui tente d'oublier dans le vin le contenu des confessions dont il a la charge, celle de ce village où l'on reconnait tous les villages. P. Claudel démonte la mécanique qui amène à dénoncer son voisin, les hontes partagées, qu'il faut cacher à tout prix, surtout quand le regard de l'Autre menace de nous les dévoiler en plein jour. Il dénonce également l'intolérable intolérance faite aux étrangers, aux différents, en condamnant les modes de fonctionnement des petits villages bien de chez nous. Enfin, il fait la part belle à l'humanisme, et à l'espoir de pouvoir faire autrement.

Le rapport de Brodeck est un livre qui percute et dérange, qui interpelle et sonne comme une claque, et qui, bien que triste, n'est pas dépourvu d'une note d'espoir. A découvrir d'urgence !

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La petite fille de Monsieur Linh

"Pourquoi faut-il que les lendemains soient toujours plus amers que les jours passés qui le sont déjà trop ?"



Pourquoi je n'arrive pas à communiquer avec un collègue, un compagnon de route ou mes parents ? C'est ridicule et j'ai honte, de moi, d'eux, de cette situation de blocage alors qu'avec un peu d'empathie, d'écoute et un cœur qui bat, Claudel me le prouve, c'est réalisable et apporte tant de bonheur à toutes les parties en présence. Si deux hommes que tout sépare arrivent à se dire "bonjour" (ou "au revoir, à demain") en sachant le goût amer des séparations, grandes et définitives, si deux hommes peuvent se donner un paquet de cigarettes ou une robe pour cette si jolie poupinette, affirmant ainsi le respect qu'ils partagent pour ce prochain inconnu et pourtant si proche dans la douleur, alors demain, je tenterai à nouveau en cherchant une autre longueur d'ondes dans mon bonjour. Avec un peu de chance et à ma petite mesure j'espère apporter ma minuscule pierre pour que la vie humaine ne soit pas seulement "un collier de blessures que l'on passe autour de son cou" mais "oui, un bon jour."
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Les âmes grises

Belle de jour n'aura vécu que dix ans. En 1917, cette petite fille n'est pas morte à cause de la guerre, non, elle a été assassinée, son corps gelé retrouvé sur la rive d'un petit cours d'eau. Dans le village voisin pas très éloigné du front, tous au cours de l'enquête, les représentants de la justice, juge, procureur, inspecteur, les notables comme les plus modestes, révèlent leur nature profonde. Ni foncièrement bons, ni complètement mauvais, ils dévoilent leurs âmes grises.



Partant de ce qui ressemble à une banale intrigue policière, Philippe Claudel sonde magnifiquement l'âme humaine. Il nous entraîne dans une réflexion sur nous-mêmes, sur notre vérité qui ne serait jamais tout à fait blanche, ni noire.

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La petite fille de Monsieur Linh

C'est une de mes meilleures amies qui m'a fait connaître il y a quelques années l'écrivain Philippe Claudel, justement par ce magnifique et court roman qu'est La petite fille de Monsieur Linh. Elle m'avait pourtant prévenu, connaissant peut-être ma naïveté : « tu verras, tu ne t'attendras pas à la fin... »

À la faveur d'une actualité mondiale qui devient malheureusement presque habituelle, celle de ces personnes, hommes, femmes, enfants, jetés sur les océans à cause des guerres qui nous semblent si lointaines, parfois jetés sur les rivages, parfois noyés, j'ai eu envie d'écrire une chronique et je la leur dédie.

Monsieur Linh est un vieil homme, il appartient à ces destins-là. Il a fui son pays en sang, un pays d'Asie. Il n'est pas jeté sur un rivage, mais c'est presque cela. Ce n'est pas une plage de Méditerranée, c'est une ville bruyante d'Europe. Un instinct de survie l'aide à tenir debout, avancer sur ce chemin inconnu, protégeant de ses bras fragiles l'unique être qui le relie encore au milieu des vivants, sa petite fille. Pour rien au monde, il ne lâcherait son étreinte protectrice.

Et puis contre toute attente, lorsque le ciel semble fermé à toute lumière, lorsque nos villes sans âme sont impuissantes à tendre les bras, il y a brusquement de belles rencontres qui surgissent de l'ombre. Celle de Monsieur Bark est de celles-là. Leur amitié est improbable, elle se noue sur un banc public. On ne redira jamais assez la vertu de ces bancs publics, immortalisés par une chanson de Georges Brassens. Ils sont faiseurs d'amour, mais ici de solidarité et de bienveillance.

Les blessures sont lointaines, mais elles reviennent à la surface des gestes. Les mots les retiennent avec la pudeur de son auteur. C'est une voix qui nous parle, ce sont des mots qui tissent d'autres mots, nous avançons dans les dédales d'une ville où Monsieur Linh voudrait s'emparer d'un rêve, d'une fenêtre ouverte sur un autre ciel, peut-être trouver enfin un lieu apaisé, une chambre pourquoi pas, où déposer tranquillement sa fille qu'il tient presque à bout de bras. Continuer et la protéger pour que rien de mal ne lui arrive.

Les villes anonymes mugissent aussi par leur silence et leur indifférence affichée. Mais il suffit de deux hommes et de leur rencontre liée au hasard pour accrocher un peu de lumière à leurs pas encore hésitants, créer du lien, allumer un geste vers une main qui se tend. Ils sont tous deux déracinés, chacun à sa manière, et se comprennent mieux que s'ils pouvaient se dire des mots. Leurs gestes, leurs regards sont des ponts l'un vers l'autre.

Parfois dans l'effroi du monde, nous voudrions rêver que tous les enfants meurtris par les guerres se sentent protégées dans les bras de Monsieur Linh. Nous voudrions aussi que tous les réfugiés jetés malgré eux sur d'autre routes, trouvent un banc où s'asseoir près de Monsieur Bark.

Ce livre nous dit l'exil, le déracinement, la solitude, mais aussi l'amitié, la solidarité. Cependant j'oubliais peut-être, non pas le plus important, mais cette intention essentielle et presque anodine qui passe par une écriture à la fois pudique et généreuse, celle de son auteur Philippe Claudel.

J'ai adoré la manière qu'à cet auteur pour dérouler une histoire, peut-on dire ordinaire, et de la rendre proche de nous. Philippe Claudel nous amène au plus près de ses personnages, nous pourrions presque les prendre dans nos bras, où plutôt être par-dessus les épaules de Monsieur Linh et Monsieur Bark, au-dessus de ce fameux banc public, déployer nos bras au-dessus de leurs épaules et leur dire : « prenez soin de vous ».
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La petite fille de Monsieur Linh

Quelle merveille que ce roman ! Je l'ai découvert parce que je devais le couvrir pour la médiathèque et cela faisait un très long moment que j'avais envie de le lire mais je retardais chaque fois l'échéance, je ne sais pas pourquoi et peut-être maintenant fut-il le bon moment...le bon moment pour apprécier ce texte à sa juste valeur sans pleurer comme une madeleine (eh oui, je suis très, voire un peu trop sensible parfois).



Ce magnifique ouvrage raconte l'histoire d'un homme sans âge, bien que très âgé; Monsieur Linh, immigré, arrivé avec sa petite fille qui n'est encore qu'un bébé. En quittant son pays village natal où il connaissait absolument tout le monde, Monsieur Linh a fui un pays complètement ravagé, croulant sous les coups des tirs sous lesquels il a perdu son fils et sa belle-fille. Lorsqu'il arrive dans ce qui va devenir sa terre d'accueil, le vieil homme (c'est ainsi qu'il est souvent nommé ici) dont il ne comprend pas la langue, note protagoniste est parfois repoussé par les siens -femmes et enfants (ceux qui viennent du même endroit que lui) sans que l'on sache pourquoi mais Monsieur Linh s'en fiche : il a sa petite fille avec lui et en s'aventurant dans un parc avoisinant, il va faire la connaissance "du gros homme", Monsieur Bark. Entre les deux hommes, pas besoin de parler la même langue : les expressions dans leurs yeux ou sur leus visages quand ils parlent suffisent à ce qu'ils se comprennent. Deux hommes seuls, qui ont énormément souffert et entre lesquels va naître une amitié que, même si bien des frontières séparent, sera plus forte que tout !



Un roman fort, extrêmement poignant et qui, avec ses chapitres courts, se lit extrêmement vite (trop vite peut-être...aussi ai-je essayé de faire durer le plaisir au maximum - étant d'ailleurs un peu à la fois over mais hyper-bookée en ce moment- et je ne peux, si ce n'est pas déjà fait pour vous, que vous recommander cette lecture !
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Le rapport de Brodeck

Brodeck est le seul capable d'écrire dans son village. Et c'est pour cette raison qu'il est convié à relater dans un rapport des faits qui se sont produits depuis l'arrivée d'un étranger dans le village. Ce rapport doit servir, si ce n'est à justifier, au moins à expliquer le meurtre de cet étranger qui avait la mauvaise habitude d'être différent. Différent dans ses rapports aux autres, dans sa manière de communiquer, de comprendre son environnement et les autres. Il était l'étranger.

Brodeck va cheminer intérieurement pendant la rédaction de ce rapport, lors duquel son passé de déporté va ressurgir par bribes laissant sa vie se dessiner peu à peu.



Pour rédiger son rapport il va porter son regard et sa réflexion sur les actes des villageois conditionnés par la peur de la différence, le replis communautaire, l'effet de groupe, les croyances superstitieuses... qui vont mener à cette frayeur irrationnelle de l'autre qui se transforme en haine pour enfin donner lieu au sentiment de la nécessité de son élimination.

Le rapport est écrit au nom de la communauté à travers le "je" de l'auteur, excluant les responsabilités individuelles il suggère un consentement tacite de l'ensemble de la population dont on semble ignorer l'origine.



Philippe Claudel explore donc les mécanismes qui mènent à la haine en décrivant le microcosme du village dont les personnages principaux sont très bien construits et détaillés. On y retrouvent les personnages influents tels le maire, l’instituteur, l'aubergiste qui trainent avec eux leurs responsabilités plus ou moins assumées et les autres villageois qui semblent soumis à leur instincts primitifs alors qu'ils sont victimes de manipulation. L’atmosphère est oppressante et sinistre et les seuls rayons de lumière ne semblent émaner que de l'innocence de l'enfance et de l'insouciance réservées à ceux qui ne savent pas.



Brodeck, est le seul n'ayant pas participé au meurtre mais peut-il pour autant conserver un regard neutre sur les évènements? cela ne le positionne t'il pas d'emblée dans une position toute particulière au sein de sa communauté? Accepter en sachant tout et continuer à essayer de vivre avec son fardeau ou dénoncer au risque de tout bousculer?
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Au revoir Monsieur Friant

Quelque soit le sujet de ses livres, la prose sublime de Philippe Claudel me va droit au cœur. Un écrivain qui manit les mots sans artifice, avec douceur, une écriture visuelle , simple où tout sonne juste, un vrai bonheur de lecture .



Comme dans son "Autoportrait en miettes", les toiles d'un peintre éveillent chez lui de lointains souvenirs, ceux d'une enfance heureuse avec une grand-mère éclusière, et d'une jeunesse insouciante. Les tableaux s'animent, fourmillants d'images, de sensations et de pensées, nous glissant à travers une autre époque, où l'auteur s'immisce avec ses propres souvenirs y mêlant rêves et imaginaire. Le tout s'amalgame, si bien qu'il s'y perd lui-même. Et une fois qu'il s'éloigne du tableau, "......plus rien. Je suis sorti du musée comme on sort de sa vie."

Le peintre en question est Émile Friant, ce peintre nancéien du XIX e siècle au talent précoce ,que le succès a étouffé et jeté dans l'oubli ("Mort, éteint, enterré, fusillé sous les honneurs à trente ans"). À travers ses toiles, Claudel revient aussi sur sa propre trajectoire d'écrivain. Comment survivre au succès ? Comment conserver sa prose naturelle, sans souci d'être aimé ou non ?



Friant, je l'ai connu grâce à Claudel dans "Autoportrait en miettes" avec son tableau "Jeune nancéienne dans un paysage de neige". Ce livre me donne l'occasion d'en faire plus ample connaissance et de mieux l'apprécier dans cette riche perspective.



Un court texte puissant, émouvant qu'on lit d'une traite et qui nous réserve une belle surprise à la fin.......merci monsieur Claudel, merci monsieur Friant.















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Au revoir Monsieur Friant



Une friandise, un fondant plein de délicatesse.



Que de jolis souvenirs d’enfance ont marqué Philippe Claudel lorsqu’il se rendait chez sa grand-mère après l’école ! Bien sûr, ce n’est pas banal d’avoir une grand-mère éclusière sur le canal de Dombasle. « Il y avait chaque jour sur l’eau des morceaux d’Europe qui passaient ainsi, dans les remous et tourbillons d’hélice ». Cette grand-mère généreuse qui avait toujours un litre de vin sur sa table pour le facteur, pour le cantonnier. Un portrait sépia auquel elle murmurait des mots tendres et qu’elle couvrait de baisers. Une femme jeune et pleine des promesses de la vie à qui l’amour fut arraché peu avant l’armistice de 1918.



Très vite, Philippe Claudel fait des parallèles entre ses joies d’enfant et les tableaux d’Emile Friant, Nancéien d’adoption, qui se plut à saisir la vie quotidienne, âpre et rude de cette région trimballée d'une guerre à l’autre, d’un gouvernement à l’autre.



Que vient donc faire dans l’histoire, ce peintre naturaliste au succès rapide, distingué par une médaille d’or à l’exposition universelle de Paris de 1889 ? Qui, du moment où il accepta de nombreuses commandes, perdit de sa spontanéité créatrice ? Ce n’est qu’à la toute fin qu’on l’apprend. Jeune fille, la grand-mère de l’auteur quitta sa campagne pendant la Grande Guerre pour entrer au service d’un homme riche de Nancy, à l’apogée de sa carrière. Cet homme était Emile Friant. Ce n’est en rien dévoiler un fait quelconque de la vie de la grand-mère, c’est la rendre plus attachante, plus douce, plus feutrée. Passe un petit souffle de mélancolie…



En bon Lorrain, Philippe Claudel s’est intéressé au peintre de l’école de Nancy. Les tableaux d’Emile Friant font remonter des effluves d’insouciance et de joies enfantines dans ses propres souvenirs, à cent ans d’intervalle. C’est délicat, intimiste, simple et sensible. Comme le sont ses romans. Dommage que la réédition de 2016 n’ait pas inclus les toiles dont il est question. Le réalisme de Friant est touchant, proche d’un arrêt sur image. N’hésitez pas à consulter ses tableaux sur Internet. Les Buveurs, Les Canotiers de la Meurthe, Jeune Nancéienne dans un paysage de neige, La Toussaint, Les Amoureux, …



Les évocations de Philippe Claudel sont émouvantes en ce qu’elles touchent à l’enfance qui s’efface, au temps qui passe inexorablement, à la vie qu’il est bon de chérir.



J’hésite entre reprendre un délicieux bonbon à la bergamote ou un macaron. Une friandise, vous disais-je !

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La petite fille de Monsieur Linh

A cause de la guerre... des hommes, des femmes, ou des enfants perdent tout... leur famille, leur maison, leur terre, leur pays, et parfois leur raison de vivre.

Monsieur Linh aurait pu être de ceux-là, il a presque tout perdu, mais lui, il a encore une belle raison de vivre... sa petite fille !

Si loin de son pays, de sa vie simple mais qui avait un goût de bonheur... sans même pouvoir en parler... taire toutes ces horreurs, tous ces malheurs... sans la petite Sang Diû aurait-il pu garder la raison ?

Voilà qu'enfin, avec une amitié née sur un banc, reviennent des petits bonheurs, tout petits, tout légers. Une amitié qui donne un peu d'espoir.

Mais décidément le sort s'acharne toujours sur les mêmes...



Une histoire probablement vécue par de nombreuses personnes... une histoire d'exil et de deuil, une histoire triste et pourtant belle avec son écriture poétique, nostalgique. Un roman que l'on ne peut qu'apprécier.
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Le bruit des trousseaux

Ce " petit " livre , 120 pages divisées en petits paragraphes n'aurait jamais dû me tomber entre les mains et pourtant ...Offert pour l'achat de deux , il m'est apparu comme un pis aller dans une sélection peu aguichante .Voilà comment le hasard ...Remarquez , écrit par Philippe Claudel , c'est un signe .Et me voilà , un soir , " embarqué " en prison par ...un prof de Français chargé de rencontrer et de guider des détenus vers la culture nécessaire à la survie dans le monde extérieur , jungle impitoyable devrait -on dire .

Et le charme , ou plutôt la magie opére . Pas de pathos . Des flashes . Des instants de vie en prison . Une immersion dans un monde dont tout un chacun parle à voix feutrée ,en le réservant aux autres . Ces courts extraits dégueulent d'humanité , le regard sur cette " vie " est pudique , franc , compréhensif , esthétique .Les mots , économisés comme avant le dernier soupir , sont d'une extraordinaire puissance et traduisent , non pas le jugement ou la compassion , mais la sincérité et le respect .Il faut lire le message , s'il y a message , entre les lignes .Claudel a côtoyé l'univers carcéral sans "être allé en prison " et a qualifié son texte de " faux - témoignage ".

C'est en tout cas un texte ou plutôt de petits récits bouleversants que je suis trés content d'avoir découverts grâce à ce hasard qui , il faut bien l'avouer , intervient si souvent dans nos vies .

Un regard remarquable d'intelligence sur ces femmes et hommes que , le hasard , ou le destin ou peut être simplement la vie , a obligé à emprunter un " autre chemin ".

A bientôt , chers amis et amies .

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Autoportrait en miettes

Un musée personnel, dans la tête, dans le cœur.....un tableau, une sculpture, une installation......qui vous a fait palpiter le cœur, éprouver des sensations, susciter des pensées, des rêves, des souvenirs .....des tableaux, des sculptures, des installations qui n'ont " de sens que par rapport à vous, qui en êtes le lien".

Philippe Claudel à choisi dans son musée personnel dix-huit pièces, accrochées aux cimaises de sa vie qu'il nous propose dans ce trés beau livre.

Un ensemble éclectique d'œuvres choisis à travers les chefs-d'œuvre du musée des beaux-arts de Nancy, dont je n'en connaissais que deux, de trés belles découvertes. Claudel nous rapporte tout haut ce qu'elles ont déposé dans son cœur, dans son âme -"J'ai dit comment elles avaient rencontré mes jours, comment elle les avaient éclairés, obscurcis, étendus, embellie, tordus "-.



Quelques esquisses pour vous tenter,



La petite fille qui lit de Lebasque, "Sous la lampe", souvenir de l'enfant liseur qu'il était,



Les crânes en verre de Dietman ,"Voyage organisé dans l'Adriatique", formule "all inclusive" vers la mort, rappelle de ses collection d'os de son enfance et de sa phobie de la mort,



"Honfleur dans la brume" de Vallotton, un tableau de port peint en hauteur, tableau de montagne qui ravive son attirance pour le vide, le creux," où je pourrais basculer si je voulais",



"Jeune Nancéienne dans un paysage de neige" d'Emile Friand, portrait de jeune fille au regard perdu, nostalgie de tous les regards de femmes qui ne l'ont jamais vu,



"Jésus chassant les marchands du Temple" de Van Hemessen, une peinture qui n'est pas convenable, un Jésus humain," Un Clint Eastwood dans ses grands jours" qui convient mieux à l'athée qu'il est devenu, un tableau "d'avenir",



Et douze autres œuvres aux textes foisonnants d'imagination, saupoudrés d'humilité et d'humour, à déguster sans modération !

Si vous aimez l'Art et la plume de Philippe Claudel, ne passez pas à côté !





"J'ai parlé d'elles. Elles ont parlé de moi. Quelques miettes.Une vie dont on ne dit pas tout car tout dire ce serait inventer, ce serait mentir."
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La petite fille de Monsieur Linh

Lettre d’excuse à Philippe Claudel



Cher Monsieur Claudel,

Est-ce la providence qui m’a fait éplucher les journaux de la semaine, justement le jour de votre passage ? Si j’avais lu l’article, à peine deux heures plus tard, je vous aurais manqué. L’annonce de votre venue dans une ville proche de la mienne, où j’étais persuadée que vous ne mettriez jamais les pieds, me précipite dans une espèce d’exaltation incrédule. Mon fatalisme tempère mon enthousiasme et ne croit pas qu’il peut vous rencontrer ni vous parler réellement. Sans mon consentement, il a érigé, par protection, une barrière invisible et infranchissable entre vous et moi.

Devant le miroir, je m’observe d’un œil critique et décide de troquer ma tenue décontractée contre une robe plus habillée. Ma volonté de paraître de mon mieux devant vous est futile, mais le respect que je vous porte mérite un effort vestimentaire. Durant le trajet, une part de moi élabore des scénarios extravagants, tandis que l’autre tente de tempérer un enthousiasme à la limite de l’hystérie. Dans le cinéma, je calcule. Ne pas m’asseoir trop prêt ni trop loin de l’écran. Etablir une distance de sécurité et regretter un instant de ne pas avoir le cran de m’installer au premier rang pour vous voir mieux et baver malencontreusement sur vos chaussures.

A votre arrivée, je me place sur le bord de mon siège, suspendue à vos lèvres. Ma voisine trouve que vous faites trop de discours. Son ennui me paraît incongru. Le film, oui, mais l’occasion de vous entendre en parler, c’est de l’or. L’œuvre est accessible à tous mais l’auteur on le devine à peine derrière et lorsqu’on l’a devant soi, on a envie qu’il explique tout.

« Tous les soleils » commence et je vous oublie en faveur de votre œuvre. J’avais préparé des mouchoirs, qui ne serviront pas. Vous me surprenez. En visionnant « Il y a longtemps que je t’aime » mes sanglots auraient rempli une bassine. Mais celui-là, c’est autre chose. Gai, sentimental, absurde, il frôle le tragique sans jamais y basculer. Pourtant, à la fin, lorsque les morts observent les vivants, je me surprends à verser une larme. Vous n’avez pas perdu la main.

Après le film, j’écoute les questions du public avec affliction. Il me semble que personne n’apprécie votre présence à sa juste valeur. L’un vous interroge sur votre patronyme. Vous répondez d’une boutade : « Je m’appelais Proust mais j’ai pris un pseudonyme ». Un autre vous confond avec le responsable de la distribution du film, tandis, qu’un dernier vous parle de son livre préféré, qu’il souhaite faire dédicacer s’il parvient à trouver un stylo. Vous répondez très cordialement. Mais, ma patience, contrairement à la vôtre, a des limites. Pourquoi personne ne parle du contenu du film ? Je rassemble mon courage et lève la main, vous m’apercevez et tendez votre bras vers moi pour que je prenne la parole. C’est mortifiant tout ce monde, je déteste parler en public. J’aurais voulu vous avoir en face de moi sans cet auditoire. Je vous pose une question sur le rapport entre les adultes et les enfants. La réponse, il me semble l’avoir perçue mais je cherche une confirmation de votre part. Vous développez le paradoxe, les enfants sont plus matures que les adultes. Une autre interrogation sur l’apparition des morts me vient à l’esprit, mais je n’ose la poser car elle me paraît trop métaphysique et je ne désire pas vous mettre dans l’embarras.

Alors que les gens sortent de la salle, je reste assise sur mon siège, un peu assommée. L’eau à la bouche d’une discussion, qui n’aura jamais lieu.

A l’entrée, je vous aperçois, seul. Vous paraissez si accessible que je n’hésite pas à me planter devant vous. La volonté de vous remercier est plus forte que mon embarras. Peut-être aurais-je dû y réfléchir à deux fois, peut-être, aurais-je dû préparer quelque chose car me voilà complètement désemparée. « Je voulais vous dire merci… » je commence, mais, ensuite, il ne vient à mes lèvres qu’une pluie de clichés : « J’ai lu tous vos livres… » Vous semblez poliment flatté. J’enchaîne avec un compliment ridicule vous comparant à un Dieu vivant descendu du ciel. Je ne suis pas certaine que ma métaphore vous enchante. « Il ne faut rien exagérer » vous tremperez. J’acquiesce. Evidemment j’en fais trop, mais je ne trouve par d’autres mots pour vous faire comprendre l’importance de cette rencontre. Toute la discussion, je m’égare et vous parle de moi alors que je désirais vous parler de vous et de votre écriture.

Je vous explique mon sentiment de m’être fait bernée lors de la lecture de la petite fille de Monsieur Linh. « La scène où l’obus tombe sur la poupée au lieu de la petite fille, je me suis sentie soulagée, quelle chance que ce ne soit pas l’inverse... » Vous m’aidez : « Plus tard, on apprend que c’est le contraire… » Je continue sur ma lancée : « Oui, vous arrivez toujours à me surprendre. Pourtant, je le sais et je me méfie de vous. » Vous riez : « Oui vous avez raison de vous méfier. » J’insiste : « Mais vous réussissez toujours à me mener en bateau. » Quelques secondes de silence. Je me sens complètement stupide. Il me semble que je suis passée à côté de l’essentiel. J’aurais pu développer mon propos, vous dire que j’étais si impressionnée, que j’ai relu le livre une deuxième fois, à l’affût de tous les indices manqués et troublée par ce nouvel éclairage à la fois touchant et cruel. Pourtant, je conclus. C’est trop difficile, votre présence me paralyse. « Merci. » je répète. Alors que je fais mine de m’en aller, vous me tendez votre main. A la fois, étonnée et reconnaissante, je la sers entre la mienne.

Dans la rue, le regret m’envahit de n’avoir pas su transmettre la joie que j’ai de lire vos livres. J’aurais dû souligner la musicalité parfaite de votre écriture. Combien cette douce mélodie de mots que vous parvenez à composer, apparemment sans effort, me régale. Je n’ai pas su vous parler de vos personnages et de leurs failles, qui révèlent toute la complexité de l’humanité. Un équilibre parfait d’ombre et de lumière, qui coexiste à l’intérieur de chaque être. J’aurais voulu vous dire que votre écriture respire la bonté et que cette qualité, je la suppose vôtre. J’aurais voulu vous faire comprendre combien vous m’avez fait rire, pleurer, combien vous m’avez choquée, aussi, parfois. Savoir vous parler de votre façon si simple et si juste de retranscrire les sentiments d’amour, d’amitié, d’espoir mais aussi de violence et d’intolérance. J’aurais voulu vous faire comprendre combien ce que vous faites est important. J’aurais voulu vous écouter, mais je n’ai pas osé me taire et laisser s’installer le silence. Coupable de brièveté, je vous écris cette lettre d’excuse.

Mais peut-être avez-vous déjà entendu ces paroles un milliard de fois. Peut-être que mon simple « merci » n’était pas si dérisoire et que vous avez perçu dans mes non-dits, plus de sens, que dans mes paroles...
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Parfums

Philippe Claudel nous présente de courts textes classés par ordre alphabétique. Un classement très pratique dans mon cas, pour retrouver un extrait qu'on désire relire.

Passé ce petit détail technique, nous entrons dans les souvenirs de l'auteur, certains liés à son enfance en Lorraine près de Nancy, d'autres en tant qu'adolescent, jeune adulte et enfin des souvenirs plus proches.

Une grande poésie se dégage de l'écriture, une sensibilité, un ton juste, une écriture précise et ciselée avec de très beaux mots pour décrire les ambiances, les parfums liés au thème choisi.

Son âge n'est pas loin du mien, je peux donc, à travers des mots, visualiser des objets que j'ai connus, des ambiances de villages pleins de vie , sentir des odeurs que j'ai emmagasinés dans ma mémoire.

J'avais le livre depuis sa sortie en 2012 avec comme très belle couverture - jaquette, une partie du tableau de Klimt," les trois âges de la femme " dont il parle dans son texte "Enfant".

Je relis souvent mes textes préférés :

- Ail où le couteau de sa grand-mère le fait partir vers l'image du lapin qu'on tue et déshabille. L'image se dessine très précisément dans ma tête.

- Le brouillard qui lui permet de rentrer au plus profond de lui-même.

- La cannelle qui nous donne cette bonne recette de vin chaud dont je me souviens quand j'en prépare.

- Dans La cave, il aborde le sujet de l'électricité que les personnes âgées n'allumaient que lorsqu'on n'y voyait presque plus rien. Un souvenir partagé chez une de mes grands-mères qui adorait papoter dans la pénombre avec ses visiteurs. On lui rappelait alors qu'il était peut-être nécessaire d'allumer.

- L'Église qui lui donne l'occasion de nous fournir des réflexions savoureuses.

- L ' École qui nous fait sentir l'ancienne odeur de la colle qui sentait l'amande...

...et bien d'autres souvenirs que j'ai partagés avec l'auteur ou d'autres textes sur des évènements, des sentiments , des ressentis que j'ai découverts .

Un livre qui ne se range jamais définitivement.





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Les âmes grises

La fille du cafetier Bourrache, “Belle de jour”, 10 ans, a été retrouvée morte, assassinée. A partir de ce fait divers sordide qui ébranle et bouleverse tout un village, Philippe Claudel met en scène la vie provinciale d'une petite bourgade française au début du siècle dernier, avec ses petites gens et ses notables et, en arrière-plan - nous sommes en 1917 - les sinistres échos de la Grande Guerre.



Le récit, rédigé bien des années après, est confié à un narrateur inconnu dont nous comprenons peu à peu qu'il était policier au moment de ce que les villageois ont appelé “l'Affaire”. Récit en apparence “bien embrouillé, comme un coq-à-l'âne cafouilleux”, car “pour essayer de comprendre les hommes, il faut creuser jusqu'aux racines”. Et il creuse, ce narrateur anonyme, il creuse, il remonte le fil du temps, des petits événements du village et de ses drames - comme la mort de la jeune et jolie institutrice -, il creuse, il explore, il raconte.



Malveillance, solitude, blessures intimes et secrets inavoués tissent la trame de cette comédie humaine où, sous la plume intelligente, sensible et acérée de Claudel, s'agitent et se dénudent des âmes ni tout à fait coupables, ni totalement innocentes : des âmes simplement médiocres et parfois pire, des âmes grises. Parce qu'en ce monde “rien n'est ni tout noir, ni tout blanc, c'est le gris qui gagne. Les hommes et leurs âmes, c'est pareil…”



Comme toujours chez Philippe Claudel, le style est magnifique, les personnages parfaitement incarnés et crédibles, et l'histoire - prenante et habilement enchevêtrée comme un écheveau qui patiemment se dévide -, tient le lecteur en haleine de bout en bout jusqu'au dénouement final. Avec "Les âmes grises", Claudel signait, il y a plus de 15 ans déjà, l'un de ses grands romans et faisait la démonstration d'un talent qui, de “La petite fille de Monsieur Linh” à “L'arbre du pays Toraja” ou à “L'Archipel du Chien”, ne s'est pas démenti depuis.



Un grand écrivain, et une très belle lecture.



[Challenge Multi-Défis 2020]

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Inhumaines

Je me permets de mettre une seule étoile bien que n'ayant pas terminé cette lecture au delà du tiers. On est bien loin des Âmes grises, ou de La petite fille de monsieur Linh, si bien que j'ai eu l'impression de lire la plume d'un autre auteur.

Certes, la satire me semblait prometteuse, je me réjouissais de démarrer cette lecture, avide de bons mots et de parodies jouissives.



Je n'ai ressenti que nausée et dégoût, et passé le choc de la première nouvelle, les suivantes m'ont poussée à penser que non seulement il va loin, mais si loin qu'il m'a perdue.



J'oublie ce livre, et non l'auteur !
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La petite fille de Monsieur Linh

Quelques heures !

A peine quelques heures pour être pénétrée de cet ouvrage de plus ou moins deux cents pages .

Sortir de cette histoire , le coeur brisé .

Sentir sur mon visage les larmes couler .



Partir !

Quitter son pays en proie à la folie de la guerre .

Savoir ne pas y revenir .

Emporter quelques affaires dont un peu de terre et une photo jaunie .

Serrer dans ses bras , le seul être qui lui reste et qui lui est si cher : une toute petite .



La vieillesse a-t-elle besoin de tant de tourments , n'a-t-il pas eu son lot de misères et si peu de bons moments .

Lui , Monsieur Linh , qui va le pousser à affronter une autre vie , loin de ses rizières et du chant de ses rivières , si loin à l'Ouest .

Qui est-il dans ce pays aux odeurs inconnues , où la foule grouillante se croise et s'entrecroise et jamais ne se salue .



Son désir le plus fou est de sauver " Sang Diû " , son rayon de soleil , la fille de son fils tué avec le reste de sa famille .

Mais , dans ce monde qui bouge , qui court , il se sent démuni .



Les nuages se retirent doucement de ses pensées lorsqu'il rencontre , sur un banc , un gros monsieur aux doigts colorés par la nicotine .

Monsieur Bark lui sourit généreusement . Ses paroles sont curieuses , il ne les comprend pas , ce n'est pas grave .

Ils se revoient souvent sur ce banc .

le vieil homme se réconcilie avec la vie .

" Grâce à Monsieur Bark , le pays nouveau a un visage , une façon de marcher , un poids , une fatigue et un sourire , un parfum aussi , celui de la fumée des cigarettes .

Le gros homme a donné tout cela à Monsieur Linh , sans le savoir . " P. 84



Ils vont pourtant se perdre de vue .

Monsieur Linh est envoyé dans un home pour personnes âgées , heureusement avec son bien le plus précieux : le bébé .



Se retrouveront-ils ?

" le soleil brille toujours après une nuit sombre "

( Ngugi Wa Thiong 'o)



Philippe Claudel nous offre une mélopée où les répétitions d'état d'âme du vieux monsieur , sont un chant d'amour à l'Asie et ses mystères , à ses rites ancestraux , à sa famille .

Sa plume , si légère , si noble , effleure notre esprit avec tellement de délicatesse mais aussi de détresse qu'il sublime Monsieur Linh et son courage .























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La petite fille de Monsieur Linh







“Qu'est-ce donc que la vie humaine sinon un collier de blessures que l'on passe autour de son cou?"



***



La guerre sévissant depuis plusieurs années lui a tout pris. Son village, dévasté. Sa famille, décimée. Il ne reste plus rien à Monsieur Linh si ce n'est une petite fille âgée de quelques semaines, dernier lien qui le raccroche encore à l'existence. 



Pour elle, il a décidé de fuir sa terre natale, celle "de ses ancêtres et de ses morts" et entreprend une longue traversée sur un océan chahuté. 



"Des jours et des jours. (...) tout ce temps, le viel homme le passe à l'arrière du bateau, les yeux dans le sillage blanc qui finit par s'unir au ciel, à fouiller le lointain pour y chercher encore les rivages anéantis."



Arrivé à destination, il rejoint un camp de transit pour réfugiés. La ville lui semble grande, froide, grise, sans odeur ni saveur. Rien ne s'apparente à ce qu'il connaît. Aucun visage ou repère familiers.



"C'est comme de venir au monde une seconde fois." 



Face au va-et-vient incessant de la foule, au vacarme assourdissant et aux regards indifférents voire hostiles, le vieillard se sent perdu, complètement démuni. 



" (...) c'est un pays étrange et étranger, et qui le restera toujours pour lui, malgré le temps qui passera, malgré  la distance toujours plus grande entre les souvenirs et le présent." 



Lorsque son chemin croise celui de Monsieur Bark, ce sont deux solitudes, deux âmes en souffrance qui se rencontrent, s'apprivoisent et se reconnaissent au-delà des mots.



Que leur réservera l'avenir ? 



*



Philippe Claudel nous offre un récit aussi sombre que lumineux mêlant subtilement tragédie humaine et force des sentiments. 



Conteur de talent au style sobre et dépouillé, il se place au plus près des personnages qui apparaissent bouleversants de fragilité.



Monsieur Linh fait partie de ceux dont je me souviendrai longtemps. Son dévouement, son courage et sa détermination forcent le respect.



Avec une simplicité désarmante, l'auteur dénonce l'absurdité de la guerre et interroge le regard que nous portons sur l'autre. 



Page après page, je me suis laissée bercer par la musicalité de ses mots et étreindre par l'émotion. 



Un beau roman sur le deuil, l'exil forcé, la nostalgie et les amitiés salvatrices à découvrir assurément.



***



"(...) ce peut être aussi cela l'existence! Des miracles parfois, de l'or et des rires, et de nouveau l'espoir quand on croit que tout autour de soi n'est que saccage et silence."

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La petite fille de Monsieur Linh

Ce livre m’intriguait depuis un bon moment, pour moi il abritait un mystère, alors afin de le découvrir je me suis glissée tout en douceur dans cette histoire singulière.



Le pays où vit Monsieur Linh probablement l’Asie est dévasté par la guerre. Son village a été décimé ainsi que toute sa famille, à l’exception de sa petite fille Sang Diû.



Après un long voyage, il se trouve débarqué dans un pays qu’il ne connaît pas.



Il finit par s’aventurer dehors pour leur bien. Monsieur Linh s’installe sur un banc avec Sang Diû toute emmaillotée. Il lui chante une vieille chanson et ainsi la berce tout en songeant à son pays.



Il y rencontre Monsieur Bark, qui vient tous les jours s’asseoir sur le banc. C’est la rencontre de deux solitudes, une amitié forte va se nouer entre les deux hommes.



Malgré la barrière de la langue, ils se trouvent en bonne compagnie et établissent des liens, ce qui rompt leur isolement. Ces deux âmes solitaires, s’apprivoisent, s’attachent. Son ami sécurise le vieil homme qui ne lâche pas sa petite fille de ses bras. Leur duo symbolise la manifestation de leur souffrance, leur rencontre va leur offrir un regain de vie.



Monsieur Linh est accueilli provisoirement dans un dortoir mais va devoir le quitter pour regagner un autre refuge et là, leur amitié va être éprouvée durement.



Que vont-ils devenir ? Que nous cache l’auteur ?



La chute est brutale, étonnante. Le lecteur est convoqué par l’auteur à se rassembler pour remonter le temps afin de comprendre.



Elle montre combien la guerre peut conduire un homme à la folie pour s’en sortir.



Une histoire hors du temps que je ne suis pas prête d’oublier

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