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Cyril Veken (Traducteur)
EAN : 9782859405519
256 pages
Phébus (16/05/2001)
4.02/5   120 notes
Résumé :
Le sujet invisible de ce roman pourrait bien être le paradoxe irlandais : il se peut en effet que la vertu première des hommes tranquilles de la verte Erin soit, précisément, l’intranquillité. Comment expliquer la douloureuse coexistence, sur cette terre fertile comme aucune autre en fous et en poètes, d’un imaginaire épris de toutes les fièvres, de toutes les audaces, de tous les délires, et d’une pesanteur sociale appelée à freiner tous les élans ? Ainsi allons-no... >Voir plus
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En lisant Tourgueniev de William Trevor j'ai rencontré Marie Louise, une jeune fille protestante à la lisière du monde et de celle d'une communauté catholique provinciale. le cadre: l'Irlande encore figée du début des années 50 mais montrant des signes avant-coureurs de changement.

Mais qui est Marie Louise? Qu'attend-elle au bord du gouffre et comment en est-elle arrivée là ?
Dans un récit alternant les temporalités, nous découvrons l'histoire de Marie Louise Dallon.
Marie Louise, adulte, recluse dans un asile dans les années 80 dont la fermeture est imminente, cohabitant avec une douzaine de femmes, une sororité en marge.
Marie Louise jeune femme en devenir dans la petite ferme familiale, rêvant de vivre en ville, à la recherche de l'époux idéal.

Un récit où la vie de l'héroïne, au-delà de ses propres souvenirs, est mise en lumière par le biais de ses proches, sa famille, Mrs Mullover l'institutrice à la retraite toujours soucieuse des ses anciens élèves, le révérend, mais aussi obscurcie par le regard de ses belles soeurs jalouses, malveillantes, de vielles filles frustrées, maniaques et acariâtres avec qui Marie Louise doit partager son quotidien depuis qu'elle a épousé leur frère Elmer Quarry, un drapier protestant de la bourgade, et qu'elle s'est installée dans leur maison familiale rivée au commerce du rez de chaussée, outil de travail de toute la famille. Ainsi sous nos yeux peu à peu un tableau prend vie animé par autant de voix que de personnages.

Très vite l'émancipation de Marie Louise tourne aux désillusions, au cauchemar et elle comprend que cette union avec un homme bien plus âgé qu'elle, un commerçant, est une erreur. Mariage de raison, mariage de convenance mais non mariage d'amour. Isolée, Marie Louise se replie sur elle même alors qu' Elmer est aspiré dans une sombre spirale. Deux êtres noyés dans leur propre solitude, sans aucun confident, lui trouvant réconfort dans la boisson, elle dans un monde parallèle papier buvard de sa désespérance.

Alors que Marie Louise attend dans un univers qu'elle a recréé loin des contingences du monde réel elle s'évade et s'accomplit dans une relation amoureuse esquissée dans sa jeunesse en ressassant et en lisant Tourgueniev… Une ouverture rendue possible par le fruit du hasard, une retrouvaille inattendue avec Robert, un cousin perdu de vue qui ranime sa flamme... « le hasard à son mot à dire » se plaît à souligner William Trevor.

William Trevor a su m'absorber et m'entraîner dans les tourments, les difficultés de vivre de deux êtres que tout oppose et le bonheur de deux êtres qui se complètent. L'écriture et la finesse des analyses psychologiques permettent une immersion entière et rendent les personnages intimes. En filigrane se dessine les changements d'une société en pleine transition qui relâche peu à peu ses brides comportementales où deviennent envisageables les mariages mixtes entre Protestants et Catholiques. Aliénation et frustration sont ici évoquées avec une grande humanité et sensibilité mais une certaine tristesse se dégage à deviner ses vies sous clés, écartées de la société, de leur famille pour leurs comportements incompréhensibles ou dérangeants, les « timbrées », les mélancoliques. A travers Marie Louise, William Trevor nous suggère que lorsque le monde réel devient cruel et insupportable, le rêve peut devenir refuge et l'imagination consolation. “Je m'intéresse aux ‘désaxés temporaires‘, parce qu'ils sont un miroir possible pour chacun de nous” une confidence de William Trevor qui prend du sens dans En lisant Tourgueniev.

En lisant Tourgueniev j'ai découvert l'univers de William Trevor (1928-2016) et j'ai été heureuse de partager les chemins de vie d'êtres en souffrance, des vies bouleversées et, parcourir la campagne irlandaise avec ses lieux cachés et oubliés lors des escapades en vélo de Marie Louise.

En lisant Tourgueniev forme un diptyque avec Ma maison en Ombrie, l'ensemble ayant été publié en anglais sous le titre générique Two Lives. Un titre déniché en papillonnant dans les rayons de la librairie d'une recyclerie. Un hasard heureux. Un univers à redécouvrir.
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Marie-Louise Dallon a grandi dans la ferme de ses parents, avec sa soeur Letty et son frère James. Quand elle accepte la demande en mariage d'Elmer Quarry, qui dirige la boutique de draps de la ville, elle s'engage dans une union morne. « Elle s'était mariée moitié par impatience, moitié par ennui et elle avait été payée de retour, avec usure. » (p. 114) le mariage est un échec et les époux cohabitent sans vraiment se rencontrer, sous l'oeil aigre des soeurs d'Elmer, Rose et Mathilde, deux vieilles filles acariâtres qui n'ont jamais accepté l'union de leur frère avec cette fille trop jeune. La déception conjugale est mutuelle, mais les époux ne se haïssent pas. Ils se contentent de vivre côte à côte sans rien attendre. Et voilà que Marie-Louise renoue avec son cousin Robert, un jeune homme à la santé fragile. Une ancienne attirance renaît et devient une véritable affection. « C'est ainsi que son cousin lui a fait la cour, en la faisant accéder à l'univers d'un romancier : c'était la seule chose en leur pouvoir, lui, d'offrir, elle, de recevoir. Et pourtant la passion est née, seule forme de consommation de leur amour. » (p. 235) Hélas, cet éveil à la tendresse est de courte durée et Marie-Louise reste seule avec ses sentiments, prisonnière de son mariage et de l'attention suspicieuse de ses belles-soeurs. C'est dans un grenier qu'elle vit ses meilleures heures, entourée des souvenirs et des livres de son cousin.

Le lecteur découvre Marie-Louise des décennies après le début de son histoire, alors qu'elle vit dans un établissement de soin, traitée pour un mal que l'on suppose moins physique que mental. Solitaire et mutique, elle nourrit en elle le souvenir d'un amour non consommé, plus précieux que la parodie de mariage qu'elle a vécue. « Qu'elle et Robert se soient aimés était une chose, faire part de cet amour en était une autre. » (p. 131) Lourde d'un amour adultère et indicible, Marie-Louise souffre de cette affection secrète. Et, à l'instar des autres personnes, elle ne sait jamais se confier et avouer : dans l'Irlande des années 1960 peinte par William Trevor, dans cette petite ville sans agitation, on ne dit pas les choses tout haut, mais les rumeurs vont bon train et c'est dans le sous-texte qu'on apprend le plus de choses.

Fin et délicat, ce roman offre un émouvant portrait de femme porté par le style puissant de William Trevor. Qu'il me tarde de découvrir les autres textes de cet auteur irlandais !
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En lisant William Trevor, je me disais que ce court roman était à sa façon un vrai petit chef-d'oeuvre. Tourgueniev désigne ici l'auteur le plus fréquemment lu par une femme mal mariée et son cousin (aimé d'elle en secret puis ouvertement). En se plaçant sous le patronage du grand roman russe, cette oeuvre se trouve en bonne compagnie. Mais il faut dire que les points communs sont nombreux. Comme Anna Karénine le roman retrace l'existence d'une femme malheureuse et comme chez Tchekov on dépeint ici l'a vie de province, les rêves avortés, les hommes parfois minables et pourtant d'une grande bonté...
Rien ici ne correspond à l'image que l'on peut se faire d'une Irlande de carte postale des années 1950 qui occupent la place centrale du livre. On est aux antipodes de l'Homme tranquille. Pas de joie de vivre dans les pubs, pas d'évocation de la nature sauvage, mais au contraire les mesquineries d'une campagne arriérée vue au prisme d'une famille protestante au sein d'une Irlande ultra-majoritairement catholique.
La traduction semble parfois renforcer la volonté apparente de Trevor de se rapprocher des grandes oeuvres russes.
Toutefois ce livre écrit à la fin du 20ème siècle n'est pas que cela. Sa construction habile mélange chapitre anciens et situation actuelle en préservant une large part de mystère et le roman se révèle d'une incroyable profondeur en particulier à propos du pouvoir de la littérature (mais le livre en témoigne), de la beauté des amours platoniques, et de la difficulté à percevoir les autres. Un roman magistral que je recommande chaudement ! Certaines scènes restent gravées telle cette dérisoire et terrible soirée au premier jour du voyage de noces...
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Dans cette histoire un personnage vient hanter les pages comme un esprit tourmenté. Et pour cause puisque Marie-Louise qui est placée au centre de l'intrigue est comme un élément rapporté qui n'a aucune maîtrise de la situation ni de sa vie. J'aime prendre référence sur d'autres ouvrages et celui-ci m'a particulièrement fait penser à Madame Bovary de Flaubert. Je m'explique : notre héroïne de ce jour est une femme qui pense trouver son salut dans le mariage et la chaleur d'un foyer bien établi (mais elle leurre, cela va de soi). Bien avant de conclure l'arrangement nous sentons que l'entourage à une forte emprise sur notre personnage : sa soeur Letty est fermement opposée à cette union et son frère James semble être plus indifférent à cette relation.

Le livre prend de l'élan avec le fameux jour qui est normalement l'un des plus beaux dans une vie. Elmer Quarry, tenancier d'une grande boutique de tissus qui fait de constants bénéfices devient donc son mari. Mais en s'unissant à l'homme Marie-Louise aurait-elle pu soupçonner qu'elle devrait aussi prendre les soeurs de celui-ci dans son ménage futur? Et ce n'est pas une famille qui lui ouvre ses bras avec joie à laquelle Marie-Louise se retrouve confrontée : Rose et Mathilde, ses belle-soeurs sont deux vieilles filles recluses au magasin et rendues acariâtres par la vie. Une autre image m'est venue en faisant connaissance de ces demoiselles : Javotte et Anasthasie, les deux pimbêches de Cendrillon. J'ai peut-être besoin de signaler que Marie-Louise est issue d'une modeste famille fermière sans le sou mais dont les liens affectifs ne se démentent pas. Cette union entre deux familles que tout oppose sera explosive !


Passons maintenant à la structure du récit qui m'a quelque peu perturbée au départ. le livre est construit avec une succession de courts chapitres qui illustrent en parallèle la vie de Marie-Louise à l'aube de sa vie de jeune mariée, et celle d'une Marie-Louise 50 ans après. Même si on se doute que l'action est scindée et que les deux voix n'ont donc pas de continuité, la construction du récit augure une mise en abime des plus efficaces. On a l'impression de voir les faits, puis de voir leurs conséquences par un trou de la serrure. C'est écrit avec une réelle habilité, dans un ton à la fois neutre et mesuré mais aussi avec une gravité qui nous touche indéniablement. Plus j'avançais dans l'intrigue plus j'arrivais à cerner des personnes complexes, en proie aux doutes, à la suspicion ou au vice (l'alcool). Et Marie-Louise tirait son épingle du jeu admirablement. Je ne veux pas révéler le fin mot mais dans ce tourbillon d'épreuves qui peu à peu la mettent en pièce, j'en arrivais à regarder son petit jeu avec la sévérité de son entourage. Que les autres fautent, cela passe encore, mais que Marie-Louise cherche une quelconque distraction dans la campagne environnante, dans la lecture de Tourgueniev entreprise avec son cousin… cela engendre une sorte d'amertume et de mépris. Dans ses errances, dans ses prises de conscience, on découvre une héroïne faible et qui fuit, qui préfère laisser les rumeurs se colporter plutôt que de rétablir la vérité. Et finalement… on la comprend !


Superbe ce livre ! Première découverte de la littérature irlandaise contemporaine grâce à mon amie Canel qui me l'a offert récemment à l'occasion du swap de la Saint-Patrick. J'y ai trouvé tous les ingrédients qui me ravissent dans un récit où le personnage prend tout le drap à lui. Les relations humaines, la difficile frontière entre vérité et mensonge sont aussi les enjeux de ce livre. Mais avant tout je retiendrai une petite bonne femme qui a l'étoffe d'une grande et qui se permet de nous le prouver avec son brin d'histoire.
Quel bon moment ! du William Trevor, j'en redemande ! Et chose notable, on brûle d'envie d'ouvrir un roman de Tourgueniev pour connaître les mêmes vagues à l'âme que l'héroïne ce qui montre que ce livre ne demande qu'à être prolongé par d'autres de la même veine.
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Nous suivons Marie-Louise, d'abord jeune fille chez ses parents, dans une ferme d'Irlande. Ils sont protestants, dans une région où ils sont de moins en moins nombreux, et le choix d'homme épousables se restreint, elle accepte la demande un commerçant de vingt ans son aîné, vivant avec ses deux soeurs, avec qui elle n'a pas grand chose en commun. Un amour d'enfance la lie à un cousin, malade, dont elle se rapproche après son mariage. Après la mort du cousin, ses comportements de plus en plus excentriques pour la petite communauté où elle vit, finissent pas la conduire dans "une maison de santé pour troubles nerveux".

Un livre bouleversant. Marie-Louise qui se réfugie de plus en plus dans une vie imaginaire, rêvée, pour fuir un quotidien terne et pénible, son mari qui fuit dans l'alcool, les deux soeurs acariâtres, les parents gentils mais à côté....tous les personnages sont rendus avec une grande justesse et sensibilité. Malgré la noirceur du sujet, il y a de beaux moments, une ironie aussi, finalement la "folie" de Marie-Louise lui donne une liberté, la possibilité d'échapper à ce qu'on veut lui imposer.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Il faisait souvent froid dans le galetas, mais elle n'y prêtait pas attention. Les jambes repliées sous elle, elle songeait dans son fauteuil à son cousin enterré, les os saillant de son crâne, le corps en train de se putréfier. Et c'était la faute de Dieu. De son grenier, elle déclara la guerre à Dieu, car c'était à cause de lui qu'il ne lui restait plus de son cousin qu'un écho, sa façon de prononcer certains mots, ses intonations, les images qu'évoquaient ses paroles.
Je rêvais que j'étais triste et parfois je pleurais. Mais à travers les larmes et la mélancolie que m'inspiraient la musique de la poésie ou la beauté du soir, il montait toujours en moi, comme les herbes au début du printemps, des poussées de sentiments heureux...
A sa voix qui répétait inlassablement ces phrases, elle mêla la sienne. C'étaient ces lignes qu'il voulait qu'ils apprennent par coeur.
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« Elle s’était mariée moitié par impatience, moitié par ennui et elle avait été payée de retour, avec usure. » (p. 114)
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Seule à sa table, une femme, cinquante-sept ans à peine, menue et d'apparence fragile, s'applique devant son repas. On lui a taillé en deux ses tranches de pain beurré, bien mélangé son œuf frit et découpé son bacon. "Le bonheur, en somme !" fait-elle à voix haute. Mais dans la salle à manger, personne ne relève : elles sont toutes trop loin pour avoir entendu. Pour les autres c'est une privilégiées , elle a droit à la table du coin, celle qui n'a pas de toile cirée, et elle a même son sel et son poivre rien que pour elle.
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Une fois dans sa vie on lui avait dit qu'elle était jolie, mais le compliment l'avait fait rire : le miroir de sa chambre ne lui renvoyait rien de si remarquable.
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Les jours, de plus en plus brefs, hésitaient entre les saisons, jusqu’à ce que novembre vînt les placer résolument sous l’empire de l’hiver.
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Video de William Trevor (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de William Trevor
Diana Reich interviewe William Trevor Podcast traduit en français ( sous-titres) Diana Reich, directrice artistique de Small Wonder, interviewe William Trevor, le récipiendaire du premier prix Charleston - Chichester pour l'excellence d'une vie dans la fiction courte.
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