Il serait difficile de conseiller cette lecture pour qui n'a pas lu au préalable le récit qui constitue probablement la pièce centrale de toute l'oeuvre d'
Imre Kertesz "
Etre sans destin" .
Ce refus , ce fut bien celui qu'il essuyât lorsqu'il proposa
Etre sans destin aux éditeurs . Il est bien évident qu'au sein d'un régime totalitaire , remuer les entrailles du passé, surtoutlorsqu'il s'agit des plus grands crimes de l'humanité , c'est audacieux .Plus encore si l'accent que revêt le témoignage prend une forme subversive et carrément dérangeante .
Qu'à cela ne tienne ,
Imre Kertesz continuera , envers et contre tout à écrire . Qu'a-ton à perdre quand finalement on est déjà mort quelque part ?
Alors il y va gaillardement notre fantôme , car dès lors qu'on a cotoyé la monstruosité de la vie concentrationnaire , tout est permis dans l'écriture . Même le plus indicible .
Provocation de la part de
Kertesz lorsqu'il se penche sur les écrits de
Jorge Semprun dénonçant des fait aussi atroces que celui de la confection d'un abat-jour avec une peau humaine , en essayant de réfléchir sur la position de ces êtres qui commirent ces actes qui selon lui "découlent de l'essence même de ce monde ".
Insulte face à la mémoire collective que d'affirmer que le tortionnaire était "dans son rôle " ?
Alors oui ,
Imre Kertesz ne nous facilite pas la tâche pour avancer dans le chemin du devoir de mémoire et de la réconcilation avec notre propre humanité . On aura bien compris que notre homme farouchement misanthrope cherche uniquement des percées à travers le peu qui lui reste depuis son retour des camps pour accepter l'inacceptable , l'absurde . D'ailleurs dans les multiples clés de ce récit le lecteur y rencontrera une petite pierre , allusion à Sysiphe .
En deuxième partie du récit , il mettra en image toutes ces convictions sur le non-sens et l'incommunicabilité avec le monde extérieur ,la notion de culpabilité et de grâce , la privation de liberté dans des régimes totalitaires à travers une histoire Kafkaïenne aussi déroutante qu'hypnotisante .
Une lecture complexe , à l'image de l'écrivain . Pour lecteurs avertis ( ça peut violenter ) . Mais passionnante .