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EAN : 9782070361915
151 pages
Gallimard (30/11/-1)
3.93/5   74 notes
Résumé :
Thomas Becket, fidèle conseiller et ami du roi d’Angleterre, est brillant, jeune et intelligent. Il partage tous les plaisirs de Henry II qui l’admire et combat à ses côtés l’influence rivale de l’épiscopat. Jusqu’au jour où l’archevêque de Cantorbéry meurt. Le roi exige de Thomas, son homme de confiance, qu’il prenne sa place, persuadé de protéger ainsi ses intérêts en ralliant le clergé à sa cause. Mais Becket est un homme de devoir. Il prend sa charge très à cœur... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
"La sainteté est une tentation."

Fichtre. Quand je pense que j'ai lu cette pièce seulement en complèment de "Meurtre dans la cathédrale", tout en m'attendant à moitié à ce que ça ne me plaise pas... !

"Becket", qui reprend le fameux épisode de l'histoire anglaise (12ème siècle), emploie la technique de "théâtre dans le théâtre" pour évoquer l'histoire de l'amitié, et plus tard la rivalité, entre le roi Henry II Plantagenêt et Thomas Becket, son compagnon de buverie anglo-saxon.
Celui-ci danse avec virtuosité sur des oeufs : il est jeune, insouciant, il veut vivre et profiter de la vie. Jusqu'au moment où le roi le pousse à accepter le poste suprême d'archevêque de Canterbury :
"J'étais un homme sans honneur. Et tout d'un coup, j'en ai eu un, celui que je n'aurais jamais imaginé devoir devenir mien, celui de Dieu. Un honneur incompréhensible et fragile, comme un enfant-roi poursuivi."
Traduit en mots ordinaires, Thomas retrouve sa dignité et l'estime perdues de lui-même. Pour les garder, il va sacrifier sa patrie, son confort, l'amitié du roi et finalement aussi sa vie.

En tant que double contrasté d'Eliot, Anouilh fonctionne impeccablement. La pièce est prenante, elle utilise un maximum d'effets dramatiques et les scènes alternent très vite, de manière presque cinématographique.
Les répliques des deux protagonistes, Thomas Becket et Henry II, sonnent de façon tout à fait convaincante, et en même temps elles sont intelligentes, pétillantes, surprenantes. Tant de fois je me demandais en tournant la page : "ha, qu'est-ce que le roi pourrait répondre à ça ?". Et la réplique suivante ne m'a jamais déçue.
Je ne connais qu'un seul autre dramaturge qui maîtrise aussi bien les dialogues, et je pense là à G. B. Shaw. La même façon élégante de traiter le thème politique en hyperboles, avec l'humour sec et la phrase ciselée. Entre bouffonnerie et méditation philosophique, entre comédie et tragédie, il aborde la révolte d'un individu contre l'ordre établi, la dichotomie de l'intimité et de la vie publique, mais avant tout, la recherche de responsabilité de sa propre vie.
Le talon d'Achille de la plupart des drames historiques est l'art d'incarner les faits notoires de façon presque désinvolte, pour ne pas donner une impression didactique et crispée, et ici c'est une réussite.
Et encore une chose : Anouilh montre en prime une imagination vigoureuse et le sens du geste dans ses notes scéniques (tamtams, éclairages, décors mobiles). Bref, en examinant "Becket" sous toutes les coutures, je ne trouve rien à lui reprocher.

Je supposais qu'Anouilh brossera le portrait de Saint Thomas de façon négative (l'annotation va plus ou moins dans ces sens) et que ça allait m'énerver. Je craignais aussi qu'après la justesse historique d'Eliot j'aurai une mauvaise surprise sous forme de roi-crapule. Mais non. "Becket" montre une délicate image de la relation compliquée entre le souverain et son ami - chancelier - archevêque - adversaire. Leur amitié problématique fait toute la beauté de la pièce. Henry s'en sort comme un homme faible mais sensible, malléable vis-à-vis de son compagnon intelligent dont il réclame l'affection. Chez Thomas, le dramaturge montre une continuité dans toutes les trois étapes da sa vie : bambocheur, homme d'état, saint martyr. Les deux têtus comme une mule. On ne peut (enfin, je ne peux) qu'aimer Becket, et ressentir au moins un peu de compassion pour le roi.
Quant au niveau "politique" de la pièce : on y parle si souvent de l'occupation normande de l'Angleterre que j'étais persuadée qu'Anouilh l'a écrit pendant la Seconde Guerre Mondiale, comme "Antigone". Un fois de plus je me trompais, elle est plus tardive. Mais on ne peut pas passer sur le fait que le patriotisme anglo-saxon de Thomas reflète le patriotisme de l'auteur ; d'ailleurs, quelques anachronismes intentionnels ne nuisent pas à la véracité historique, ils sont charmants.
Et ce leitmotiv de la fourchette... tout simplement parfait ! 4,5/5
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"- Alors, Thomas Becket, tu es content ? Je suis nu sur ta tombe et tes moines vont venir me battre. Quelle fin pour notre histoire ! Toi, pourrissant dans ce tombeau, lardé des coups de dague de mes barons et moi, tout nu, comme un imbécile, dans les courants d'air, attendant que ces brutes viennent me taper dessus. Tu ne crois pas qu'on aurait mieux fait de s'entendre ?"
- On ne pouvait pas s'entendre...."
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Une pièce très nettement au-dessus du panier chez Anouilh, dont je trouve souvent le pathos un peu facile et les personnages mesquinement petits-bourgeois, même quand ils sont censés être des mythes revisités..

Un peu comme Thomas More a résisté à Henry VIII, Becket, ami et ancien compagnon des fredaines du roi Henry II Plantagenet, devient brusquement son principal adversaire, tant la fonction à laquelle le Roi vient de l'élever a fait de lui un autre homme, épris d'honneur, de dignité et tiré hors de son existence terrestre par la gravité et le caractère sacré de sa fonction.

Un texte brillant, profond, jamais facile. Une pièce à voir mais aussi à lire et à relire, tant elle donne du grain à moudre dans ces temps où les fonctions sont des habits que l'on prend et que l'on rejette comme de vulgaires oripeaux de jongleurs , des attifements de Paillasse..
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Henri II Plantagenêt, roi normand d'Angleterre, confie à Becket le grand sceau royal et lui donne tous les pouvoirs.
Mis à la tête de l'église, pour la ramener sous la coupe du roi, il se révèle soudain comme inflexible à la défense des intérêts religieux et se dresse contre son monarque.
Par delà l'honneur du roi ou de Dieu, c'est l'honneur de l'homme que Jean Anouilh met en question dans cette pièce costumée où se cristallisent presque tous ses thèmes de prédilection
A mon sens cette pièce prestigieuse, brillante, intelligente et élégante, est le sommet de son oeuvre.
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Anouilh échoua à mettre en scène des héroïnes tragiques antiques à la hauteur de leur destin, en les rétrécissant à une navrante mentalité petite-bourgeoise. Il réussit mieux son Becket, se hisse au niveau de son sujet et sait mettre en scène ces deux amis, l'évêque et le roi, saisis l'un et l'autre par leur charge, leur destin, leur devoir, et devenant ennemis malgré eux, malgré leur humain attachement. Anouilh comprend ici que la tragédie met en scène non l'humain, mais le surhumain, le dépassement de la personne privée et individuelle par quelque chose qui la transcende et la saisit. Il fait ici l'inverse de son Antigone, où il transformait en une pauvre crise d'adolescence les exigences impitoyables de la naissance et des dieux.
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Vraiment un très beau livre, qui montre l'amitié sous un jour plus sombre, plus complexe.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Tu réfléchis trop, cela finira par te jouer un mauvais tour. C'est parce qu'on pense, qu'il y a des problèmes. Un jour, à force de penser, tu te trouveras devant un problème, ta grosse tête te présentera une solution et tu te flanqueras dans une histoire impossible - qu'il aurait été beaucoup plus simple d'ignorer, comme le font la plupart des imbéciles qui, eux, vivent vieux.
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Un décor vague avec des piliers partout. C'est la cathédrale. Le tombeau de Becket, au milieu de la scène, une dalle avec un nom gravé sur la pierre. Deux gardes entrent et se postent au loin. Puis le roi entre par le fond. Il a sa couronne sur la tête, il est nu sous un vaste manteau. Un page le suit à distance. Le roi hésite un peu devant la tombe, puis, soudain il enlève son manteau que le page emporte. Il tombe à genoux, priant sur les dalles, seul, tout nu, au milieu de la scène, derrière les piliers, dans l'ombre, on devine des présences inquiétantes.
Le roi
- Alors, Thomas Becket, tu es content ? Je suis nu sur ta tombe et tes moines vont venir me battre. Quelle fin pour notre histoire ! Toi, pourrissant dans ce tombeau, lardé des coups de dague de mes barons et moi, tout nu, comme un imbécile, dans les courants d'air, attendant que ces brutes viennent me taper dessus. Tu ne crois pas qu'on aurait mieux fait de s'entendre ?
Becket en archevêque, comme au jour de sa mort, est apparu sur le côté,derrière un pilier. Il dit doucement :
Becket
- On ne pouvait pas s'entendre....
(lever de rideau de l'édition parue à "La table ronde" en 1965)
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Ô la bonne tempête de Dieu ! Les tempêtes des hommes sont ignobles. Elles laissent un mauvais goût dans la bouche, qu'on en sorte vainqueur ou vaincu. Il n'y a que contre les bêtes sauvages, contre l'eau, le feu et le vent qu'il est bon à l'homme de lutter.
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L'amitié est une bête familière,vivante et tendre. Elle ne semble avoir que deux yeux toujours posés sur vous et qui vous réchauffent. On ne voit pas ses dents. Mais c'est une bête qui a une particularité curieuse,c'est quand elle est morte qu'elle mord.
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LE ROI, écumant

Becket est mon ennemi, mais dans la balance des êtres, bâtard, nu, comme sa mère l'a fait, il pèse mille fois votre poids, Madame, avec votre couronne, tous vos joyaux et votre auguste père, par-dessus le marché !... Becket m'attaque et il m'a trahi. Je suis obligé de me battre contre lui et de le briser mais, du moins, m'a-t-il donné, à pleines mains, tout ce qu'il y a d'un peu bon en moi. Et vous ne m'avez jamais rien donné que votre médiocrité pointilleuse, le souci éternel de votre petite personne étriquée et de vos prérogatives ! C'est pourquoi je vous interdis de sourire, quand il meurt !
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Videos de Jean Anouilh (26) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean Anouilh
Le voici, le deuxième épisode de notre série Dans Les Pages avec le grand romancier et journaliste Sorj Chalandon.
Merci à lui d'être venu nous parler de ses livres préférés, de G. Simenon, de F. Aubenas, De W.B. Yeats, d'Anouilh et de J. Vallès.
Tous les livres sont disponibles à la librairie et "l'enragé", le dernier roman de Sorj Chalandon est édité @editionsgrasset7893!
Bon épisode !
Arthur Scanu à la réalisation au montage et à la prise de son et Antoine Daviaud au mastering
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