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sur 2656 notes
Le Colonel Chabert est l'un des trésors que nous a légué Balzac et auquel je témoigne le plus grand respect. On y sent souffler les accents sublimes qui deviendront, sous la plume d'Hugo, Les Misérables.

Dans ce petit roman, l'auteur nous mène sur les sentiers d'une quasi résurrection, celle d'un brillant et brave grognard de Napoléon que tout le monde a cru mort et enterré à la bataille d'Eylau. L'histoire se corse lorsque réapparaît le vieux colonel bien des années plus tard et que sa légitime épouse, remariée, devenue comtesse et richissime s'aperçoit que l'essentiel de son bien pourrait être revendiqué par son ancien mari...

Honoré de Balzac cisèle dans la dentelle une narration impeccable, et dresse un portrait surprenant de l'avoué Derville, qu'on sent mi honnête homme, mi canaille, pouvant verser de l'un ou l'autre côté selon d'où vient le vent, à l'image de Petit-Claud dans les Illusions Perdues, mais qui, pris d'une commisération, rare en cette engeance, et tel que nous le connaissons par ailleurs, dans Gobseck par exemple, va tout mettre en oeuvre pour secourir le vaillant vieux soldat.

J'en ai assez dit si je ne veux pas trop déflorer cette perle, ce grand chef-d'oeuvre de littérature, mais bien sûr, tout ceci n'est que mon avis, dont la validité ne tient qu'à un coup de sabre, plus ou moins bien placé, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Ce livre traînait depuis longtemps dans ma bibliothèque, je ne saurais dire les raisons pour lesquelles je freinais à y aller et je ne sais pas si c'était le côté colonel qui me faisait hésiter, ou bien autre chose, en tout cas mon geste d'y aller fut par le côté Balzac...
Le Colonel Chabert est un personnage tragique, réfugié dans une absolue solitude, sidéré par un monde qui se renverse, passant d'une société de l'honneur à celle de la cupidité et de l'argent. C'est sans doute là que se noue la tension de ce court roman.
C'est un récit en très peu de pages, mais ô combien dense en intensité dramatique. On est suspendu tout au long du récit au dénouement à venir, un peu comme à la sortie d'un tribunal, comme si nous attendions la venue des avocats pour nous révéler le verdict d'un procès.
Pour revenir à la narration, le Colonel Chabert, comte d'Empire, fier cavalier des armées de Napoléon, est un personnage sensé être mort sur le champ de bataille à Eylau en 1807, bataille dans laquelle par ailleurs il s'est conduit en héros. Or, visiblement il n'est pas mort, il ressurgit d'un charnier humain, aidé par un couple paysan qui le sauve.
Il revient dans le monde des vivants, apprenant qu'il est mort, presque oublié, sa veuve s'est remariée depuis avec un comte réputé et fortuné, celui-ci lui ayant fait deux enfants.
Une parole vient alors : « J'ai été enterré sous des morts, mais maintenant je suis enterré sous des vivants, sous des actes, sous des faits, sous la société tout entière, qui veut me faire rentrer sous terre ! »
L'affaire s'aborde tout d'abord sous l'angle judiciaire. Un avoué, un certain Derville, est approché, qui connaît les deux parties, cela semble une manière de pouvoir aborder sereinement le sujet, il apparaît neutre, permet de faire un pas de côté à tel point qu'il pourrait subtilement être l'incarnation De Balzac qui se serait introduit à notre insu dans ce récit. Mais l'affaire s'avère compliquée. Cet homme qui resurgit du néant, d'un charnier humain, alors que son décès est consigné dans des actes militaires, forcément on croit tout d'abord à la mystification, à la folie... Cela m'a fait penser à l'histoire de Martin Guerre, vous vous rappelez ?
La « veuve », devenue la comtesse Ferraud, ne l'entend pas de cette oreille. Aussi... Mais je m'arrêterai là pour ce qui est du récit et de l'intrigue.
Laissons place à mon ressenti : en deux mots, j'ai adoré. C'est un petit bijou finement ciselé qui se révèle peu à peu au détour de chaque page, offrant un suspense magnifiquement mené avec une émotion, une empathie, qui invite le lecteur à ressentir très vite une compassion pour ce pauvre Colonel Chabert. La narration est impressionnante, dans la manière dont Balzac la mène, mais aussi dans son talent de peindre à l'essentiel, à l'épure, les portraits saisis au vif des principaux protagonistes, ainsi en l'occurrence ces trois fameux personnages, le colonel, sa femme et l'avoué. Et puis il y a ces méandres dans lesquels les personnages vont évoluer, avancer, poser leur pions, se perdre dans le jeu de l'autre... À certains moments, mon coeur s'est serré sur les mots De Balzac lorsque je pensais à un autre de ses personnages célèbres, le Père Goriot, contexte certes différent mais personnage rejeté lui aussi d'une certaine manière par les siens et l'on sent au travers des pages toute l'empathie de l'auteur pour ses personnages qu'il nous esquisse.
Mais aussi il se dégage une forme de morale pas ostentatoire, qui se laisse questionner avec plaisir et intérêt par le récit, elle est décalée forcément avec la réponse que peut proposer la justice dans ces cas-là. La magie des mots De Balzac est subtile pour ne pas opposer ces deux antagonismes comme deux blocs monolithiques qui pourraient se confronter avec la violence attendue ; c'est l'art d'un couturier, d'un ciseleur qui opère ici. Balzac nous préserve de cela tout en disant les violences intérieures que la douleur d'un désastre peut dessiner.
Le Colonel Chabert, c'est un peu cet homme égaré qui revient vivant du pays des morts et qui se retrouve comme mort au pays des vivants...
C'est toute simplement beau et c'est à cela qu'on reconnaît un grand écrivain capable de traverser les âges et perdurer après nous. Ce court texte m'a tout simplement donné envie de me remettre en selle vers d'autres textes de ce fabuleux auteur classique.
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Déclaré mort à la bataille d'Eylau, en 1807, le Colonel Chabert, comte d'Empire réapparaît en 1817 après plusieurs années de soins à l'étranger et pense ingénument qu'il va recouvrer son identité, son patrimoine et son mariage, mais malheureusement pour lui, les temps ont changé, le nouveau régime a oublié l'Empire. Sa femme, héritière de l'ensemble des biens s'est remariée avec le comte Ferraud issu d'une famille de la vieille noblesse et elle n' a pas l'intention de changer sa situation et encore moins reconnaître comme son mari ce vieil homme réapparu de nulle part...
Le Colonel Chabert apparaît comme l'empêcheur de tourner en rond. Résigné et généreux, il abandonnera ses droits pour éviter le scandale qui pourrait rejaillir sur sa première femme, sans aucune reconnaissance de cette dernière.
Une nouvelle émouvante où, au travers du destin du vieux Colonel Chabert, Balzac confronte deux mondes qui ne peuvent plus cohabiter : celui de Chabert un homme du peuple, incarnant la réussite par le mérite, symbole des valeurs de l'Empire, une société qui permet l'ascension par l'engagement, le courage et le respect de la parole et l'autre, la Restauration qui a remis en selle les aristocrates, revenus pour la plupart d'exil qui ne cherchent qu'à reconquérir leur prestige passé.
Avec cette nouvelle Balzac propose une étude moeurs en épinglant la médiocrité de Mme Ferraud et avec elle le régime de la Restauration en lui opposant la grandeur d'âme de son premier mari et celle du régime d'Empire.
Un texte poignant qui rend hommage aux perdants qui gardent la tête haute.
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Imaginez deux secondes votre retour au pays, alors que tout le monde vous croyait mort sur le champ de bataille depuis plusieurs années. Des exclamations de joie seraient les bienvenues, ainsi que quelques larmes de bonheur. Et bien que cela offense votre modestie habituelle, vous accueilleriez cette fois-ci les qualificatifs de béni des dieux et de miraculé avec une certaine indulgence.

Malheureusement pour le colonel Chabert, cette situation idéale est entravée par plusieurs obstacles : l'administration l'a déclaré mort, et n'est pas d'humeur à changer d'avis aussi facilement ; si le colonel était le bras droit fidèle d'un empereur, il se retrouve aujourd'hui face à un roi, qui ignore tout de lui ; sa femme a épousé son amant, s'est constitué une solide fortune avec l'héritage qu'elle a reçu, et a maintenant deux enfants. Bref, la société toute entière se porte beaucoup mieux avec un Chabert mort qu'avec un Chabert vivant, et n'entend pas se laisser contrarier par la vulgaire réalité des faits.

Habitué à rugueuse franchise de l'armée, et ayant rempli ses devoirs de soldat et d'époux, le colonel a bien du mal à comprendre pourquoi son comportement n'est pas payé de retour, et les voies tortueuses de la justice ont de quoi le surprendre : on l'encourage à être vivant, mais pas trop, à réclamer l'argent qui lui appartient, mais pas tout, à laisser sa femme qui lui a juré fidélité vivre avec quelqu'un d'autre. le fait qu'il soit dans son bon droit sur toute la ligne ne semble impressionner personne.

Le portrait que Balzac nous livre est finalement assez cruel : un homme qui a été intègre toute sa vie et qui ne reçoit comme récompenses que manipulation, tromperie et complications juridiques. Ce récit souligne également la fragilité de la position sociale, qui ne tient que par la bonne volonté des pairs. Quand ils tournent le dos au colonel, il ne reste plus que les anciens frères d'arme pour lui offrir un bout de pain.
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Un drame comme je les aime, court mais captivant. Impossible de ne pas s'attacher à ce Hyacinthe, dit Chabert, car à l'instar du père Goriot, c'est une âme généreuse. Mais on le sais, les justes ne sont pas toujours récompensés, et avec ce livre, Honoré de Balzac nous rappel que parfois, il ne suffit pas d'être bon pour voir la vie nous sourire.
J'ai beaucoup aimé la façon dont l'auteur dépeint la misère, ainsi que la souffrance du colonel Chabert, qui malgré tout garde sa dignité jusqu'à la fin. Il y a aussi un peu d'humour, avec les membres de l'étude qui ne sont pas les derniers à faire les pitres.
Merci à Nastasia pour son conseil personnalisé qui a touché droit dans le mille ! Très bon bouquin !
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"Le Colonel Chabert" (publié pour la première fois en 1832 sous le titre "La Transaction" dans la revue "L'Artiste") est un très court roman bien peu aisé à résumer : histoire d'une résurrection ratée ? Certes, mais à la manière d'une version optimiste du film "The Night of the Living Dead" de Georges A. ROMERO [1968]... Pourtant, notre "mort vivant" a authentiquement l'air d'un mort (cerveau bien visible sous la cicatrice de son cuir chevelu déplumé dissimulé sous une perruque en loques), mais est encore trop bonne-pâte pour survivre à la rapacité et la pourriture de ce monde-ci ("La Restauration" de tous ces petits-bourgeois en quête d'anoblissement, vrais nobliaux émigrés et autres fieffés arrivistes tourneurs-de-casaque).

Le "présumé mort" (rendu à la vie par miracle en 1807 depuis le fond d'une fosse commune à Eylau) semble, au fond, une sorte de masochiste du Bien, une figure christique, un Saint-Sébastien déjà criblé de flèches acceptant de "se suicider" socialement par respect et amour pour son ex-femme (en souvenir de Rose Chapotel, celle qu'il aima et tira du ruisseau), désormais "Comtesse Ferraud" qu'il méprise... Ce bon avoué de Derville acceptera de l'aider... en pure perte ! L'orphelin Hyacinthe Chabert a choisi sa vie, le lieu de sa fin d'existence (déjà finie) : à savoir, cet "Hospice de la Vieillesse" de Bicêtre où l'on vous vêt de cette "robe de drap rougeâtre que l'Hospice accorde à ses hôtes", pour mieux les reconnaître de loin, sans doute...

Monsieur "De" BALZAC, forçat des Lettres, (1799-1850) est définitivement un Maître : "Les Chouans", "La Peau de Chagrin, "L'auberge rouge", "Eugénie Grandet", "Le Père Goriot", "Illusions Perdues" figurent - du moins pour nous - parmi ses sommets inégalables ; ajoutons-y désormais "Le Colonel Chabert", impitoyable peinture de moeurs pour laquelle le talent de conteur du Tourangeau fait à nouveau des merveilles...

Ce bon Henri Beyle/STENDHAL et son mirifique "Le Rouge et le Noir" [1830] n'avait certes pas TOUT dit sur cette fosse commune des idéaux que fut cette "Restauration" de tous les veules...

La préface de Stéphane VACHON pour l'édition de 1994 & 2012 de L.G.F./"Le Livre de Poche", collection "Les Classiques de Poche" est une mine d'érudition, de didactisme et de passion partageuse.
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Serais-je enfin réconciliée avec Balzac ?
Après plusieurs tentatives infructueuses à l'exception du Père Goriot et depuis froide et distante devant sa plume ardue à conquérir, ses comptabilités de notaire, ses descriptions sans fin, voilà qu'une porte s'ouvre avec ce Colonel Chabert dont le noble profil et le destin tragique m'ont émue et conquise.
Peut-être Balzac m'est plus accessible sous le format de la nouvelle ou du roman court ; sans doute, d'autres auteurs m'ont peu à peu amenée, de pierre en pierre, à traverser la rivière : merci à Tolstoi et à son humaine soldature de Guerre et Paix qui m'ont rapproché de Chabert ; merci à Melville d'avoir planté le décor de l'étude de Bartleby qui bizarrement m'a semblé familière et proche de l'ouverture de cette nouvelle ; merci à Dumas d'avoir ancré dans mon cerveau reptilien la compassion pour un Dantès qui comme Chabert revient d'entre les morts….
D'oeuvre en oeuvre, mon horizon s'élargit et je compte bien maintenant continuer de creuser pas à pas le sillon, incontournable pour un amateur du 19ème, de mon nouvel ami Honoré de Balzac. Vos suggestions sont les bienvenues !
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Un petit roman mais très dense en émotion! Quelle résurrection! Balzac nous raconte l'étonnante résurrection du colonel Chabert, l'homme mort sous les yeux de Napoléon, dont l'acte de décès a été établi en bonne et due forme et reconnu par toute la nation française, dont la femme, après la fin de son veuvage, devient madame Ferraud, dont le retour ne sera qu'une plongée dans les enfers, couronnée de raillerie, de déraison, parfois d'emprisonnement et pis d'injustice....
Un véritable bijou!
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À Paris, à l'époque de la Restauration, apparaît un ancien grognard napoléonien dans une étude d'avoué crasseuse. C'est à partir de là que commence ce roman, certes petit par la taille, mais grand par les sentiments qu'il inspire. Dans son superbe portrait du Colonel Chabert, Balzac réussit à insuffler à son personnage une majesté sans pareille, qui n'en rend son histoire que plus touchante, révoltante même. Par l'opposition des caractères manichéens de Chabert et sa femme, l'auteur ne fait que sublimer l'aura de son personnage, qui reste probe et droit face à l'injustice qui lui est faite.
Le Colonel Chabert est mon premier Balzac -il n'est jamais trop tard- et il a réussi à me donner l'envie de continuer à chercher quelques lectures dans La Comédie Humaine. Je dois dire que j'ai été absolument fasciné par cet ouvrage, et que j'ai profité de chaque moment. Il m'en restera sans doute un excellent souvenir, alors, merci NastasiaBuergo, d'avoir pu me le conseiller.
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Quand j'étais petite – je devais avoir quatre ou cinq ans – mon père avait un chat, récupéré à la mort de mon grand-père.
On l'appelait Legros (le chat, pas mon grand-père).
Legros était, ironie du sort, un chat tout maigre, tout noir, avec des yeux méprisants.
En réalité, Legros avait mal supporté la mort de mon grand-père, mais il finit par s'habituer à nous.
Je l'aimais bien, ce chat.

Un jour, Legros disparut. Plus une trace de lui, alors qu'il sortait peu.
Me trouvant inconsolable, mon père eût tôt fait de trouver un petit chaton, chez une voisine. On l'appela Tancrède.
J'avais toujours ce chagrin d'avoir perdu Legros, mais Tancrède finit par me consoler.
Tancrède était jeune, vif, joueur. Legros était fuyant, triste, acariâtre. Vieux.
Tancrède était-il mieux que Legros?
Oui, peut-être.

Et puis, quelques semaines plus tard, Legros revint.

Il n'avait pas changé, hormis son regard qui avait troqué son air dédaigneux pour une lueur définitivement triste.
Il eut en plus la surprise de constater qu'en son absence, on l'avait remplacé.
Je me souviens que Tancrède essaya de nouer avec lui.
Ça ne dura pas. Legros repartit trois jours plus tard. Pour ne jamais revenir.

C'est ce qui arrive au Colonel Chabert.

Car oui, ne t'inquiète pas, j'ai beau divaguer sur mon chat, j'ai un fil conducteur et je sais où je te mène.

Le colon Chabert est officiellement mort pendant la bataille d'Eylau.

(8 février 1807, je rafraîchis ta mémoire parce que je sais que tes cours d'histoire sont loin)

Sa veuve, donc, a convolé avec un joli comte dont elle est très amoureuse.
En plus il lui fait des enfants. Deux.
Elle s'est faite plein de thune grâce à la rente de son défunt – croit-elle – mari, et en plus elle est super jolie.

Sauf que, Dieu étant ce qu'il est – c'est-à-dire un vieillard qui aime bien foutre la merde quand on ne le lui demande pas – il décide de faire en sorte que, protégé par la carcasse de son cheval, Chabert s'en sorte.

Alors, quelques années plus tard, ce haut colonel adulé par la Patrie, parce qu'elle ne vénère toujours que ses morts, il revient en France, vêtu de haillons, sans dents, sans cheveux, sans illusions.

Sans illusions ? Pas tellement.

Car Chabert a l'espoir de retrouver son identité puisque, comme de bien entendu, personne ne le croit quand il dit qu'il est El Famoso Colonel Chabert.

Il frappe alors à la porte de tous les notaires possibles, mais aucun ne le prend au sérieux.
Sa dernière chance, c'est Monsieur Derville.
Derville le croit.
Alors Derville va l'aider.

Ce très court roman (80 pages, parfait pour faire remonter tes stats dans Babelio vu que tu passes trop de temps sur TikTok au lieu de lire) exploite donc le sujet du retour des morts.
Ou du Réveil des Morts, peut-être.

Dorgelès, dans ce livre que je viens de citer une ligne au-dessus donc, abordait en 1920 je crois, ce thème avec un oeil de Poilu traumatisé.
J'en avais parlé l'année dernière (déjà !).
Dorgelès demande : Une veuve a-t-elle décemment le droit de convoler après la disparition de son soldat de mari ?
Honoré, lui, préfère : Tiens, et si le disparu revenait remuer la merde ?

C'est un joli sujet, très émouvant, même si je préfère cent fois la manière de l'aborder de Dorgelès à celle De Balzac. Heureusement qu'il ne fait pas 200 pages, sinon je l'aurais sans doute abandonné rapidement. le sujet est traité trop en surface. Je le trouve trop superficiel sur, par exemple, les sentiments du Colonel.
C'est dommage, mais je lui pardonne.

La relecture de mon billet me rappelle l'histoire d'Anthelme Mangin.
Revenu amnésique du front, incapable de décliner son identité, pendant plus de vingt ans près de trois cents familles déchirées par le deuil impossible vont tenter de prouver à la justice que ce bonhomme est bien leur fils, leur mari, leur frère.
Une fois son identité retrouvée – après vingt ans d'acharnement judiciaire – Mangin retombe dans l'oubli, lui qui avait été la figure du Disparu des tranchées pour beaucoup de mères et veuves inconsolables.

Ainsi, la Patrie ne retient que ses morts. Elle condamne ceux qui reviennent à une pension misérable (lis le Réveil des Morts, franchement, tu verras de quoi je parle), après leur avoir ôté un bras, une jambe, un oeil, un visage.

Ceux qui reviennent fous sont laissés pour compte dans les asiles, où ils seront achevés sous le régime de Vichy quand il décrètera les réquisitions et donc la revue à la baisse des repas donnés aux aliénés (400 calories par jour, ouais, c'est maigre).

Mais ceux qui sont morts au champ d'honneur, on leur fait un beau monument dans chaque ville de France. On déposera une gerbe de fleurs en pleurant un peu, avant de boire pour célébrer la victoire.

On fera du jour de leur mort un jour de liesse, car c'est avant tout la victoire nationale.

Devrions-nous ? Ne serait-il pas plus commode de faire du 11-Novembre un jour de deuil et de honte nationale ? de deuil pour avoir envoyé au casse-pipe des braves gens que l'on n'honore que si leur mort résulte d'une balle allemande, et de honte pour ne pas, ensuite, avoir été foutus de créer un monde plus juste, où la guerre ne se voit plus que dans les livres ?

Mon billet prend un ton trop politique. Je conclurai donc ici, avec une dernière question néanmoins :

le Colonel Chabert, lui, n'aurait-il pas mieux fait de rester mort ?
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