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L'étranger, c'est lui, Meursault, lui qui paraît tellement insensible. Aujourd'hui sa mère est morte dit-il froidement. Pas une larme ne sera versée à son enterrement or voilà une attitude bien choquante aux yeux de la société.
Choquant aussi d'aller voir une comédie au cinéma et de passer la nuit avec son ancienne secrétaire lorsque sa mère que l'on avait préalablement placée à l'asile vient de mourir.
Le personnage de Meursault apparaît tout au long du récit comme totalement dénué d'empathie, or l'empathie est l'essence même de l'humanité, permettant la vie en société. Alors comment s'y intégrer lorsque l'on en est dépourvu. Meursault est un étranger aux yeux des hommes, ses comportements et attitudes semblent incohérents, ils ne trouvent pas d'explications rationnelles, lui même étant d'ailleurs incapable de s'en expliquer comme on le voit lors du procès qui fera suite au meurtre de l'arabe, car Meursault est aussi un meurtrier, tuant mais toujours sans vraiment savoir pourquoi.
Il faudra attendre la fin du récit pour voir poindre en lui une lueur d'humanité, avec cette révolte et son effusion de sentiments qui le gagnera au passage dans sa cellule d'un aumônier. Condamné à mort non pas pour le meurtre qu'il a commis mais plutôt pour n'avoir pas pleuré à l'enterrement de sa mère, pour n'être pas comme il le faudrait, pour être socialement inadapté, Meursault se retrouve alors enfin en paix avec lui-même et avec le monde.

Chercher un sens à son existence dans un univers qui n'en a pas, voilà en gros résumé le concept de l'absurdité selon Camus, concept que L'Etranger met brillamment en récit au travers de cet étonnant personnage qu'est Meursault.
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Comment aborder ce monument qu'est « l'Étranger », sans ce sale souvenir de terminale que m'a laissé la lecture obligatoire de « la Peste » ? C'est verbeux « la Peste », plein de descriptions sordides qui m'avaient fortement marquées à l'époque. Alors, j'avoue… lâchement, j'ai biaisé. J'ai commencé prudemment par « les justes » et encouragée par une grande fluidité d'écriture, je me suis enfin attaquée à « l'étranger »… Quel roman étrange, que cet « Étranger » qui bouscule, questionne et déstabilise à la fois. Ça suppose une lecture particulièrement attentive tant les interprétations sur le fond et sa symbolique sont denses.

En préambule je dirai que ce qui me surprend le plus, c'est que personne ne parle (pas lues toutes les critiques c'est vrai !) d' « Existentialisme » alors que ça me semble pourtant être fondamental. L'existentialisme, c'est quoi ? C'est un courant philosophique et littéraire qui considère que l'humain forme l'essence de sa vie par ses propres actions. Celles-ci n'étant pas prédéterminées par des doctrines théologiques, philosophiques ou morales. Être l'unique maitre de ses actes, de son destin et des valeurs qu'il décide d'adopter, c'est l'antithèse de Meursault.

Les thèmes de prédilection des existentialistes sont, L'absurde (là on est en plein dedans puisque « l'étranger » fait partie du « cycle de l'absurde » avec « Caligula » et « le Malentendu »), l'ennui (encore ça), l'engagement (ou le non-engagement), la liberté (de faire un choix) et le néant présentés comme fondamentaux de l'existence humaine (Cf. Wiki). Il est vrai que Camus refuse complètement la définition de Sartre et rejette son appartenance à ce courant de pensées. Cependant, il explore les mêmes thèmes. Futilité de la vie, indifférence de l'univers etc...Alors, on parle bien d'existentialisme « Sartrien » pourquoi ne pourrait-on pas parler alors d'existentialisme « Camusien » ? Ça me semble totalement approprié.

Ensuite me vient une question: Pour « aimer » un livre est-on obligé de s'identifier au personnage principal ? Si possible y trouver un côté sympathique, qui éveille notre empathie à nous lecteur ? Parce que si c'est ça, il y a un vrai problème… Meursault n'est pas sympathique du tout, mais alors pas du tout. Avec cette nonchalance indolente, cette apathie chronique, cet ennui et cette fatigue pathologique finissent par devenir rebutant. Décidément cet anti-héros est désespérément désagréable !

Pour le cadre : nous sommes en Algérie avec une chaleur écrasante, une lumière trop éclatante, une réverbération qui fracture la rétine. Et cette mer qui clapote et qui danse. le tout combiné vous rend à moitié fou. A moitié seulement ? Et Meursault est hypersensible à toutes ces sensations, il est soumis à toutes ces fluctuations environnementales. Donc vous voyez bien qu'il n'est pas indifférent à tout le Meursault, tout juste un grand invalide des sentiments… un spectateur de sa vie à laquelle il ne prend pas une part volontaire. Et ce comportement va lui coûter cher, très cher !

Dans cette première partie, le style épuré jusqu'à l'extrême, l'apparente simplicité de l'histoire sur laquelle je ne vais pas trop m'étendre, rend le roman complètement atone tout comme l'est le personnage. Meursault subit sa vie avec distance et vit l'instant « T » exclusivement au présent. Il constate les évènements qui surviennent de façon factuelle, sans chercher d'explications, sans ébaucher de jugement. Il ne fait aucune interprétation des choses et est étranger aux conventions sociales. Ça n'est même pas un fataliste nihiliste. Il la prend la vie comme elle vient, sans chercher midi à quatorze heure. Et il ne proteste pas, le Meursault, non, il n'est pas compliqué, tout lui convient du moment que ça ne lui cause pas de tracas. Mais en fait c'est une bombe à retardement ce gars-là !!

Dans la deuxième partie, un peu plus « tonique », suite au meurtre, commis de sang-froid par cet être distant (5 coups tirés dont 4 sur la victime déjà morte et à terre) on assiste au jugement en règle par la « Société », via le procès de cet inadapté asocial que personne ne comprend. Il va être érigé en véritable « monstre », un extra-terrestre sans âme, un marginal non-intégré à la société dirait-on de nos jours. Comportement incohérent. Par rapport à quoi ? Aux normes sociétales ? A la bien-pensance ? Au « politiquement correct » ?

Une autre question me turlupine : s'il a tué de sang-froid, dans ce cas comment a-t-il pu commettre cet acte sur une impulsion ? Impossible puisqu'on le dépeint sans aucune sensibilité. Et pourtant le geste de Meursault reste instinctif et primaire. Il tire parce qu'il fait trop chaud, parce que la lame de couteau miroite, parce qu'il est fatigué. Incommodé par ces éléments il tire pour s'en extraire… quoi de plus ahurissant ? Alors, est-il important de qualifier la victime « d'Arabe » ? Sans doute au sens ou l'Arabe est un étranger pour la France colonialiste et vice-versa.

Et même si l'avocat de la défense emploi la première personne du singulier dans son semblant de plaidoirie c'est pour tenter de déplacer l'empathie vers lui. Si son client est un monstre, lui, peut-être pas ? Ou moins… Meursault lui, renonce à se défendre puisqu'il est indifférent à son sort, à lui-même. Il ne cherche pas à échapper à la mécanique judiciaire, se soustraire à la vindicte populaire, éviter l'inévitable… Réfléchir à l'inéluctable est décidément trop fatigant et surtout, pourquoi faire ? Finalement, le tribunal conclura à la préméditation, sous-entendu par ressentiment, ce qui est déjà un sentiment, alors qu'ils s'efforcent de démontrer que Meursault en est dépourvu. Quelle contradiction. C'est Kafkaïen !!

Il va écoper de la peine maximale qui est la mort à cette époque. Réquisitoire contre cette sentence suprême ? Oui forcément puisqu'il souligne que cet homme est jugé sur des apparences et parce qu'il ne rentre pas dans des cases pré-formatées. Un procès de l'absurde par l'absurde avec un tribunal qui se prend pour Dieu….

Tout autre chose : je trouve son attitude proche de la philosophie orientale, indienne ou asiatique qui prône le détachement total du monde par la méditation. La méditation c'est faire le vide en soi. En cela Meursault est « vide »… Et quelque part il atteindra une espèce de « Nirvana » personnel au final puisque son esprit sera libre d'accueillir enfin une explication à sa vie après avoir « exprimé violemment » une colère couvée depuis toujours. Sans espoir, « Il se découvre néanmoins libre, tout comme Sisyphe, de réaliser l'absurdité de sa situation et de parvenir à un état d'acceptation qui le délivre » (source wiki).

Que ce soit un prêtre qui déclenche sa libération est-elle significative ? Pour l'époque certainement. Il relève d'un athéisme farouche qui finalement le transcende. La justice des hommes qui l'ont condamné s'est substituée à la justice de Dieu, pourquoi l'accepterait-il puisque a été jugé celui qui ne jugeait pas? La Comédie humaine dans toute sa splendeur quoi !

Alors, non seulement Meursault se sent « étranger » à lui-même, mais les autres le sont aussi pour lui. Et pour les autres c'est un étranger, un être incompréhensible. Bref, personne ne se comprend. Ne parlerait-on pas d'autisme de nos jours ?

Allons voilà que j'introduis une notion qui n'est pas prise en compte dans ce roman : la responsabilité de ses actes (ou plutôt si juste, responsable de ses actes, de sa vie)… Mais je parle au sens de responsabilité mentale (est-il fou? a-t-il agit sur un moment d'égarement, une bouffée délirante?) Serait-il jugé aujourd'hui différemment qu'hier ? La notion « psychiatrique » serait introduite pas pour irresponsabilité mais pour désordre de conscience. Tuer quelqu'un parce qu'on ne supporte pas le soleil ; parce que celui-ci oblitère son comportement ; être poussé au meurtre par la chaleur et la fatigue relève de la pathologie. Pour échapper au soleil il commet un acte mécanique dépourvu de sens pour lui. Son inconscient aurait-il prémédité l'acte ? Pourquoi ? En même temps cette histoire n'a pas de logique donc pourquoi en chercher une?

Pour finir, je voulais éviter une « redite » avec LA « fameuse » phrase du prologue, quoique malgré tout je ne trouve pas que l'indifférence de Meursault se manifeste vraiment dans cette phrase-là, du moins elle ne me semble pas emblématique. Sa mère est morte (c'est factuel) aujourd'hui ou hier, le télégramme reçu ne le précise pas… Mais bon bref, ça ne change rien et ça ne mine pas notre Meursault pour autant c'est vrai ! Et puis, il ne pleurera pas à l'enterrement, il va même jusqu'à fumer là-bas et en plus se rendre à la plage juste après avec sa nouvelle petite amie!!! Quelle indécence ! Autant d'éléments à charge qui vont faire de lui un coupable « idéal ». D'autant que les amis qui témoigneront en sa faveur ne sont pas tous recommandables !...

Ouf, j'ai écrit tout le mal que je pense en bien de ce livre ! Merci à tous ceux qui auront eu le courage et la patience de lire ce long avis jusqu'à la fin tant cela relève du challenge !!
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Trouvé…..par hasard dans une boite à livres.
Lecture scolaire obligatoire dans un temps passé et même trépassé d'adolescence…….obligatoire comme celle de tant d'autres livres……obligatoire, donc peu ou pas du tout appréciée….obligatoire…
Je m'étais toujours promis de reprendre l'objet en main et d'y porter un regard serein et ouvert.
Et puis, je ne voulais pas entamer le « Meursault, contre-enquête » de Kamel Daoud sans avoir rencontré le Meursault de Camus.
Et le hasard, ce dieu efficace qui apporte tant de solutions à qui sait attendre et voir, à encore bien fait les choses.
Evidemment, j'ai apprécié la lecture de ce roman, son style simple et complet, le personnage de Meursault, sorte d'autiste au milieu d'un monde en mouvement, qui voudrait dire son mal, l'expliquer peut-être, mais à qui on ne laisse ni la possibilité ni le temps de s'exprimer.
Ce livre retournera, un jour dans une « boite à livres » mais avant sera partagé avec certains proches.
A lire et relire.
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L'étranger, c'est le narrateur, un homme détaché de ce qui lui arrive. Froid, dépourvu d'empathie, il est plus ému par ses sensations directes que par les souffrances ou bonheurs des autres.
On ne sait presque rien sur lui et son nom, Meursault, n'est évoqué que rarement. Il n'est qu'une voix qui n'exprime pas ses émotions.

Le livre débute avec l'enterrement de sa mère, dont il parle comme d'un évènement ordinaire. Dans un vocabulaire simple, il détaille la cérémonie d'un regard clinique.
Un jour, il va tuer un homme sans véritable raison, si ce n'est qu'il fait chaud (le gars n'est pas émotif mais il ne supporte pas de transpirer).
On assiste alors à son procès qui tourne au ridicule. En effet, Meursault va être condamné pour ce qu'il est (un homme sans remord et pour qui les conventions sociales ne signifient rien) et non pour ce qu'il a fait. Ce qu'on lui reproche le plus, c'est qu'il n'a pas pleuré sa mère. L'enjeu n'est pas la victime (dont on ne sait pas grand chose d'ailleurs) ni le meurtre mais bien la nature du meurtrier. A son absence d'empathie répondent les règles et les idéologies censées canaliser l'individualisme de la nature humaine.

L'étranger est une réflexion sur le fonctionnement de notre société. Comme étranger au monde, le narrateur ne connaît pas le mensonge. Dans son récit, il décrit la société sans artifice ni sentiment. Son regard naïf nous montre la vacuité de la justice, l'absurdité de la société, le ridicule des règles et des institutions, l'inutilité de la religion (rien que ça!).
En nous faisant vivre les événements de l'intérieur, l'auteur nous invite à adopter cette réflexion sur le fonctionnement de la société.

L'écriture simple se contente de phrases courtes qui nous font partager le détachement du personnage. Nous sommes en immersion dans la tête de quelqu'un qui voit défiler sa vie sans vraiment y prendre part. Nous assistons au sacrifice de celui qui, parce qu'il ne sait pas mentir et qu'il fait preuve d'indifférence ne leur ressemble pas. C'est un coupable-innocent. Un homme qu'on rend étranger à son propre procès et qu'on condamne à mort au nom de certitudes.

J'ai beaucoup aimé ce roman, assez déroutant mais très bien écrit. Les interprétations de ce texte sont nombreuses, réveillant nos émotions pour un homme qui n'en exprime aucune.

Ce livre a été adapté au cinéma.
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L'étranger a eu sur moi le même effet qu'un citron : on grimace puis on apprécie. La seule différence est qu'avec le citron ça pique, ça titille les papilles, ça met les sens en éveil alors qu'avec le début de ce roman à part grimacer d'ennui, il n'y a pas un pépin à se mettre sous la dent. Enfin si, la force et l'originalité de la première page m'ont intriguée mais mon enthousiasme est retombé dès la seconde.
La première partie de ce classique est fade et sans saveur. le texte, écrit à la première personne, est construit avec des phrases courtes et sans émotion. le narrateur raconte la platitude de sa vie à l'image de la platitude de son être. Il est indifférent à la vie, aux autres et à lui-même.
Dans la seconde partie, les phrases deviennent plus longues, plus profondes et moins factuelles. Meursault devient plus « humain » et plus « normal » en éprouvant enfin des émotions. Il confesse sa peur, son espoir et libère sa colère. Confronté à l'absurdité de la condition de l'homme, il finit par se résigner et ne trouve sa place que dans l'environnement qui l'entoure, dans le monde sans ceux qui le compose. Pour lui, qu'importe nos actes, nos erreurs, nos faiblesses, rien n'a d'importance puisque nous sommes tous condamnés.

La lecture de ce court roman ne m'a pas transcendée mais j'aime la réflexion qui s'ensuit. Camus nous amène à juger davantage Meursault pour son absence d'empathie que pour son crime en manipulant nos défauts et notre conditionnement. On le pointe du doigt car il ne fait pas semblant d'être ce qu'il n'est pas, on le condamne de ne pas être ce qu'on voudrait qu'il soit, on l'exclut du nous, on l'exile de tout, on fait de lui : l'étranger.

Merci à Adl pour la lecture commune de ce grand classique.
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Un magnifique roman qui raconte une tranche de vie de quelqu'un des plus communs, qui se retrouve incarcéré pour meurtre et se voit condamné à mort.
Les situations que nous fait traverser l'auteur par le biais du héros ne manquent pas d'extravagance, nous amenant à développer un sentiment d'empathie pour le personnage principal, qui subit, plus qui ne contribue.
La peine de mort et les sentiments du condamné sont traités ici avec justesse.
L'inéluctabilité de la mort pose question sur le sens réel de la vie des hommes et pour ma part je pense que le nom du personnage principal aura été pensé avec beaucoup de pertinence. Un livre puissant, que je ne peux que vous conseiller de lire.
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La start-up Koober - https://koober.com/fr/ - propose de « sélectionner les meilleurs livres » et « les livres les plus cools » (sic) du moment afin que ses « auteurs en extraient l'essence » (re-sic) afin de livrer des « résumés clairs et didactiques » (re-re-sic) des « livres que vous devez avoir lus » (re-re-re-sic)*. La start-up s'adresse à un public d'étudiants, de chercheurs ou de personnes trop pressées pour lire auxquels elle permet de lire des livres de 500 pages en vingt minutes. Parmi les livres les plus lus du moment, on trouve un livre de Timothy Ferriss, La semaine de 4 heures. Travaillez moins, gagnez plus et vivez mieux ! Je ne sais pas ce que les lecteurs feront de toute cette économie de temps… peut-être liront-ils dans leur intégralité des livres de 500 pages ! Il y a même un Koob de « How to Read a Book » de Mortimer J. Adler et Charles van Doren !!!

Il y a aucune chance de trouver L'étranger d'Albert Camus sur le site de Koober. Les livres proposés appartiennent à des catégories comme marketing, développement personnel, management et leadership, économie ou performance. Les étudiants, les chercheurs ou les personnes trop pressées pour lire ne lisent certainement pas des romans - c'est un des tristes constats de François Dupuy dans Lost in management: Tome 2, La faillite de la pensée managériale lorsqu'il note que « Ce qui permet de prendre de la distance par rapport à soi-même, à ses sentiments partisans, à l'immédiateté, ce qui rend possible de prendre du recul, c'est la culture générale. Et celle-ci fait cruellement défaut à la population des cadres. »

Ce n'est pas bien grave car il existe nettement mieux et plus efficace que Koober. Ce service date de 1978 et les 191 pages de L'étranger sont résumées en 2'22. Ce résumé, c'est la chanson « Killing an Arab » (sur l'album « Starring at the beach ») de The Cure.

Voici donc le résumé :

« Standing on the beach

With a gun in my hand

Staring at the sea

Staring at the sand

Staring down the barrel

At the Arab on the ground

I can see his open mouth

But I hear no sound 

I'm alive

I'm dead

I'm the stranger

Killing an Arab
I can turn 

And walk away

Or I can fire the gun

Staring at the sky

Staring at the sun

Whichever I chose
It amounts to the same

Absolutely nothing

I'm alive

I'm dead

I'm the stranger

Killing an Arab

I feel the steel butt jump

Smooth in my hand

Staring at the sea

Staring at the sand

Staring at myself

Reflected in the eyes

Of the dead man on the beach

The dead man on the beach

I'm alive

I'm dead

I'm the stranger

Killing an Arab »

Cette chanson n'est pas vraiment un résumé du livre mais davantage les émotions de Robert Smith, le chanteur et leader du groupe, à la lecture du livre de Camus. À l'époque, The Cure envoyait à la presse un exemplaire de L'étranger pour expliquer que la chanson n'était pas raciste mais une libre interprétation de l'oeuvre du prix Nobel de littérature de 1957. Régulièrement - pendant la Guerre du Golfe par exemple -, cette chanson posera des problèmes à The Cure et Robert Smith la reniera même car elle sera perçue comme raciste. The Cure l'adaptera en « Kissing an Arab », « Killing another » ou même « Killing Kevin Keegan » quand le grand Nottingham Forest affronta le Hamburger Sport-Verein e.V. en finale de la Coupe des Clubs Champions de l'année 1980 dans laquelle l'anglais Kevin Keegan jouait.

Cette dernière version de la chanson de The Cure permet de revenir à Camus dont l'intérêt et la passion pour le football ne sont plus démontrer. Élèment du cycle de l'absurde avec l'essai, le Mythe de Sisyphe, et les pièces de théâtre, Calligula et Le malentendu, L'étranger est aujourd'hui le roman le plus connu de Camus. C'est un bon roman doublé d'un bon souvenir de lecture mais qui ne surpasse pas pour moi le Mythe de Sisyphe avec ce sommet dès la première phrase « Il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux : c'est le suicide. Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d'être vécue, c'est répondre à la question fondamentale de la philosophie. Le reste, si le monde a trois dimensions, si l'esprit a neuf ou douze catégories, vient ensuite. Ce sont des jeux ; il faut d'abord répondre. Et s'il est vrai, comme le veut Nietzsche, qu'un philosophe, pour être estimable, doive prêcher d'exemple, on saisit l'importance de cette réponse puisqu'elle va précéder le geste définitif. Ce sont là des évidences sensibles au coeur, mais qu'il faut approfondir pour les rendre claires à l'esprit ».

* Dans ce paragraphe, les parties en parenthèse proviennent du site de Koober.
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Pour tout bon lycéen français qui se respecte, il y a un passage obligé (ou presque) : L'étranger, d'Albert Camus. Aujourd'hui en fin de Première, j'ai enfin lu ce classique de la littérature. le livre que j'ai entre les mains a d'ailleurs appartenu à ma grand-mère, qui l'avait acheté par curiosité, puis à ma mère, qui l'a étudié au lycée.

le roman L'étranger a été publié en 1942, et fait partie du cycle de l'absurde, qui comprend également la pièce de théâtre Caligula et l'essai le Mythe de Sisyphe. L'histoire de L'étranger se déroule en Algérie, à l'heure où ce pays était une colonie française. Meursault, le personnage principal, apprend la mort de sa mère dans l'asile où elle résidait. Il se rend à la veillée funèbre, puis assiste à l'enterrement. Il rentre ensuite à Alger et la vie reprend son cours. Un jour, son voisin Raymond Sintès, l'invite chez son ami Masson, qui a un cabanon au bord de la mer. Ils y croisent des Arabes, qui les ont suivi car Raymond a battu la soeur d'un des hommes. Une bagarre éclate, au cours de laquelle Raymond est blessé au visage par un coup de couteau. Plus tard, Meursault, seul sur la plage, rencontre à nouveau l'un des Arabes, qui, à sa vue, sort son couteau. Meursault tire de sa poche le revolver que Raymond lui a confié. « La lumière a giclé sur l'acier et c'était comme une longue lame étincelante qui m'atteignait au front […] C'est là que tout a vacillé ». Meursault tue l'Arabe d'une seule balle. Puis, il tire quatre autres coups sur le corps inerte. « Et c'était comme quatre coups brefs que je frappais sur la porte du malheur ». Dans la deuxième partie de l'oeuvre sont relatés l'arrestation, l'instruction, le procès et la sentence, terrible : « j'aurais la tête tranchée sur une place publique au nom du peuple français ».

Tout d'abord, la première pensée qui vient à l'esprit quand on ouvre le roman et qu'on en lit les premières lignes est le choc. « Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. », débute le personnage-narrateur, Meursault, qui fait preuve d'une insensibilité non dissimulée n'ayant aucune explication. Ce début surprenant est une des plus grandes forces de L'étranger, car le lecteur se questionne, s'interroge face à ce personnage déroutant, et malgré lui, tourne les pages du livre.

Il y a le style, aussi, qui à l'image de Meursault, reste froid et neutre. Étrange, presque étranger à la littérature. Des phrases courtes, juxtaposées, renvoyant au style journalistique : « le degré zéro de l'écriture », comme le soulignait le critique Roland Barthes. Cependant, bien que le style simple et épuré que Camus emploie laisse à penser que seule l'action et les éléments les plus importants seraient narrés, Meursault décrit tout : les pâles de la salle d'audience où il est jugé, la beauté du paysage lors de son invitation chez Masson, les oreilles rouges de Pérez qui contrastent avec son visage pâle... Tous ces détails, ces descriptions que l'on jugerait inutiles apportent à l'oeuvre de Camus une précision incroyable, et aident à mieux comprendre le drôle de personnage qu'est Meursault, puisque c'est son regard perçant qui nous décrit sans fard le monde dans lequel il vit.

Quelle difficulté, en effet, au premier abord, de s'attacher à un tel personnage ! Puis, on accepte l'intrus, on accepte « L'étranger » aux conventions sociales, aux sentiments humains. Et par cette plume incroyable, Camus nous oblige à l'aimer, à le comprendre. Comme on a envie d'aider l'avocat de Meursault lors de son jugement, comme on aimerait crier sur Céleste, qui n'arrive pas à défendre son ami autrement que par des « C'est un malheur. », comme on aimerait faire taire tous ces gens qui attendent la condamnation comme un spectacle auquel on assiste, comme on attend la mort !

Pourtant, plus que provoquer de l'empathie pour un homme, Camus veut défendre des hommes. Ainsi, sans s'engager contre la peine de mort, sans condamner directement la vie ôtée, Camus amène le lecteur à réfléchir, à travers les yeux de Meursault, à l'injustice de la justice, capable de tuer. Il la dénonce notamment par le biais du juge d'instruction, qui dit à Meursault que tout irait bien s'il n'avait pas tiré quatre coups sur un corps inerte, sous-entendant que tuer un Arabe d'un seul coup ne l'aurait pas fait condamner. L'auteur critique donc aussi la colonisation et la suprématie de l'homme blanc.

Bien en avance sur son temps, Camus met également en exergue le pouvoir de la presse, qui déjà influençait l'opinion publique et, ici, le déroulement d'un procès. Ainsi, Camus fait dire à un journaliste : « Vous savez, nous avons un peu monté votre affaire. l'été, c'est la saison creuse pour les journaux ». Il dénonce aussi la manipulation de la foule de l'audience par la rhétorique sophistique de l'avocat et du procureur, qui renchérissent à coups de belles formules décidant du sort d'un homme : « j'accuse cet homme d'avoir enterré une mère avec un coeur de criminel ». Camus précise : « Cette déclaration a paru faire un effet considérable sur le public. »

Ensuite, l'auteur fait réfléchir sur les conventions sociales, ces codes que l'on intègre dès notre plus jeune âge, et auxquels Meursault est « étranger ». Il en a acquis certains, comme porter du noir aux enterrements (c'est pourquoi il emprunte une cravate noire à son ami Emmanuel), mais il ne comprend pas le principe du deuil, pourquoi il ne pourrait pas nouer une liaison et voir un film comique le lendemain de la mort de sa mère, ou fumer une cigarette et boire du café au lait devant la dépouille de celle-ci. le principe du mariage lui est étranger et ne signifie rien, c'est d'ailleurs Marie qui lui demande de l'épouser : « J'ai dit que ça m'était égal et que nous pourrions le faire si elle le voulait. »

Pour finir, Camus, dans L'étranger, livre une réflexion philosophique. En effet, Meursault s'interroge sur la vie et la condition humaine, par exemple lorsque son patron lui propose de travailler à Paris : « J'ai répondu qu'on ne changeait jamais de vie, qu'en tout cas toutes se valaient et que la mienne ici ne me déplaisait pas du tout. » Ou encore dans sa cellule, lorsqu'il déclare à l'aumônier qu'il mourra comme les autres, que tout le monde est condamné. Il y a aussi une réflexion sur l'habitude qui revient de façon récurrente, que ce soit la mère de Meursault qui disait « on s'habitue à tout », ou le vieux Salamano, qui quand il perd son chien a beaucoup de chagrin car il s'était habitué à lui, alors qu'il le battait à longueur de journée en le traitant de « Salaud ! Charogne ! ». Ensuite, Meursault réfléchit à l'espoir, en songeant que le seul inconvénient de la guillotine (sic), c'est qu'elle ne laisse aucune chance. Selon lui, il faudrait injecter aux condamnés un produit qui les tuerait 9 fois sur 10, pour laisser un peu d'espoir. Dans toutes ses pensées, Meursault est philosophe, analysant chaque chose qu'il voit, se questionnant sur chaque parole qu'il entend. On peut par exemple citer sa réflexion à son avocat, lorsque celui-ci lui demande s'il est triste de la mort de sa mère : « Tous les êtres sains avaient plus ou moins souhaité la mort de ceux qu'ils aimaient. ». Cette réponse trouble l'avocat, car cela on le pense, mais on ne le dit pas. C'est pourquoi le personnage de Meursault propose aussi une belle réflexion sur la vérité. Il pourrait dire à Marie qu'il l'aime pour lui faire plaisir, il pourrait feindre la tristesse lors de la mort de sa mère, il pourrait mentir lors du procès, inventer des regrets et un repentir, mais il choisit de mourir pour la vérité. Comme le dit Camus dans une préface américaine de L'étranger, « Le héros du livre est condamné car il ne joue pas le jeu ».
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C'est un sentiment bizarre que laisse L'Étranger, on aime ou on est totalement indifférent. Camus se conduit comme Meursault, le narrateur, il va à l'essentiel, pas de fioritures, juste les faits dans toute leur brutalité ou leur platitude. Meursault ne ressent rien, stoïque à l'extrême ou sociopathe? Socialement inadapté ou au contraire électron libre? C'est une oeuvre où il est très difficile de se sentir proche du personnage tellement il est détaché. Roman étudié en première, je l'avais adoré, curieuse de ce style que je ne connaissais pas, j'ai eu le sentiment de découvrir un ovni et je ne crois pas avoir rencontré d'équivalent depuis. Cette relecture est un succès, j'y ai retrouvé le même sentiment d'injustice pour un homme plus jugé car différent que pour ses actes.
Malgré une écriture et un ton paraissant « simples », ce texte a beaucoup de force.
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Merveilleusement monstrueux.
Bien évidemment, ce livre n'est pas à prendre au pied de la lettre, sous peine de ressortir choqué, horrifié. Mais cette absence de sentiments, cette absurdité, tout cela est... fascinant.
« L'absurde, c'est la raison logique qui constate ses limites. » comme disait Camus.
Par ailleurs, le style est riche, impressionnant, et la société dépeinte passionnante.
A lire, vraiment !
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