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EAN : 9782754834513
304 pages
Futuropolis (22/11/2023)
3.84/5   16 notes
Résumé :
En 1988, à la veille de l'élection présidentielle, François Mitterrand est à l'Élysée, Jacques Chirac à Matignon. Dans ce contexte de cohabitation entre la gauche et la droite, l'assassinat de Dulcie September, 52 ans, est hautement symbolique. La représentante de l'ANC en France est abattue deux ans avant la libération de Nelson Mandela et six ans avant l'élection de ce dernier à la présidence sud-africaine, le 9 mai 1994.
Dulcie September a-t-elle été élim... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Avec le discret, on est peinard !
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Ce tome contient une enquête journalistique sur la mort de Dulcie September, abattu à Paris le 29 mars 1988. Sa première édition date de 2023. Il a été réalisé par Benoît Collombat, journaliste, et Grégory Mardon, bédéiste. Il compte deux-cent quatre-vingt-dix-huit pages de bandes dessinées, en noir et blanc avec des nuances de gris. Il se termine avec deux pages de notes et crédits, un paragraphe de remerciements, et une page listant les autres ouvrages de ces auteurs.

Paris 10e arrondissement, rue des petites Écuries, le 29 mars 1988, Dulcie September marche dans la rue, en se retournant une fois ou deux pour voir s'il y a quelqu'un derrière elle. Elle atteint le numéro trente-huit de la rue et pénètre par la porte d'entrée dans un porche. En passant devant loge, elle prend le courrier que lui remet la gardienne. Elle pénètre dans l'immeuble par l'accès au fond de la cour, ouvre la porte de l'ascenseur et appuie sur le bouton du quatrième étage. Elle sort de la cabine à 09h47. Elle prend les clés dans sa poche pour ouvrir la porte des locaux parisiens de l'ANC (Congrès National Africain) et commence à tourner la clé. Dans son dos, un homme fait feu à cinq reprises, un autre se tenant derrière lui. Ils descendent par l'escalier, alors que la femme gît morte, étendue sur le sol dans une flaque de sang. Ils croisent un homme qui entre dans l'immeuble et qui monte dans l'escalier après les avoir laissé sortir.

Extraits du rapport d'enquête de la brigade criminelle – le cadavre repose en position dorsale, en diagonale d'un axe imaginaire situé entre la porte d'ascenseur et la photocopieuse posée au sol. La face, maculée de sang, est tournée vers le plafond. La tête se situe à 60 cm de la porte d'ascenseur et 108 cm du mur de gauche, en sortant de ce dernier. Les paumes de mains sont tournées vers le plafond, les doigts repliés sur les paumes. La main gauche se situe à 60 cm du mur de gauche et à 34 cm de la porte d'ascenseur. Les jambes sont pliées et écartées, la distance entre les deux genoux est de 80 cm. À droite de la tête de la victime, un important écoulement sanguin imprègne le tapis et la moquette, ainsi que la chevelure au niveau postérieur du crâne. Au total, six coups de feu ont été tirés par un pistolet petit calibre 22 LR, cinq balles ont atteint Dulcie September à courte distance, précise le rapport d'enquête. Six douilles cuivrées longues de 15 mm sont retrouvées sur place. Dans le salon d'un appartement, les auteurs écoutent Jacqueline Derens, ancienne militante anti-apartheid, raconter sa première rencontre avec Dulcie September : cette dernière était venue à l'UNESCO témoigner du sort des enfants sous l'apartheid, qui mouraient à cause de la malnutrition ou faute de vaccins. Jacqueline était fascinée par la passion avec laquelle Dulcie expliquait les choses. Elle ne se contentait pas d'aligner des chiffres, elle vivait l'horreur de l'apartheid dans sa chair, et ça, pour les militants, c'était irremplaçable

Le sous-titre annonce clairement la nature de l'ouvrage : une enquête de journaliste sur un assassinat dans Paris, d'une militante anti-apartheid. Cette enquête est menée par un journaliste de profession, travaillant à la rédaction de France Inter depuis 1994 en qualité de grand reporter. Il raconte l'enquête qu'il a menée sur ce meurtre, et il explique la raison qui l'a amené à se lancer dans cette entreprise : Pourquoi raconter cette histoire aujourd'hui ? D'abord parce que cet assassinat s'est déroulé sur le sol français, en plein Paris, quelques semaines avant la réélection de François Mitterrand à l'Élysée. Ensuite, parce que cette affaire reste un mystère. L'enquête judiciaire française s'est soldée par un non-lieu en juillet 1992, sans que soient identifiés les coupables. […] L'assassinat de Dulcie September est une histoire qui reste très gênante pour la France : Dulcie dénonçait les relations économiques illégales entre Paris et le régime de l'apartheid, notamment en matière d'armement. Ce soutien des autorités françaises à un régime officiellement raciste est, aujourd'hui, encore, largement méconnu. […] Depuis plus de dix ans, Collombat accumule de la documentation, il épluche les archives et il réalise des interviews filmées avec celles et ceux qui ont connu Dulcie à l'époque. Beaucoup sont morts aujourd'hui. le temps est venu de raconter cette histoire et de tenter de comprendre pourquoi Dulcie September est devenue une cible.

Ayant conscience de cela, le lecteur s'attend à une narration visuelle adaptée en conséquence. En particulier, elle comporte une forte part de têtes en train de parler : des témoins d'origine très diverse, racontant ce qu'ils ont vécu, parfois au temps présent, parfois comme souvenirs du passé. L'artiste doit reproduire l'apparence de nombreuses personnes politiques et autres. Il a dû produire un grand nombre de pages, ce qui a dû s'accompagner d'une cadence assez élevée. Très rapidement, le lecteur se rend compte que chaque page contient une forte densité d'informations, et que la narration est entièrement soumise à l'enquête. de temps en temps, une page ne peut être composée que des cases avec le buste d'une personne en train de parler, au travers d'un copieux phylactère. Pour autant ce dispositif permet d'incarner chaque propos, de voir qui les tient, et il montre qui parle, en toute transparence. Les deux auteurs font en sorte que le lecteur puisse voir qui parle, et à quel moment de sa vie, c'est-à-dire autant d'éléments d'information et de contexte laissant le lecteur libre d'apprécier les biais potentiels du locuteur. Par exemple Jacqueline Derens évoquant ses souvenirs de Dulcie September, trente ans plus tard. Ou bien Jean-Marie le Pen en train de s'exprimer en direct au cours de l'émission L'heure de vérité, le 27 janvier 1988, les archives permettant de reproduire la séquence sans risque de déformation du fait des décennies passées. de même, voir Collombat poser des questions rappelle que lui aussi se livre à cette enquête avec un objectif précis, ce qui oriente le champ de ses questions, ce qui peut avoir une incidence sur la réponse de ses interlocuteurs.

Le journaliste réalise une enquête qui explore de nombreuses possibilités, en fonction des réponses des personnes qu'il interroge, avec qui il discute, aussi bien ceux qui ont côtoyé Dulcie September dans sa famille, dans la branche parisienne de l'ANC (African National Congress), aussi bien des policiers qui ont enquêté sur le meurtre, d'autres activistes, des politiciens avec des niveaux de responsabilité variés. L'enquête évoque aussi bien des enjeux politiques que des enjeux économiques à l'échelle d'entreprises internationales, à l'échelle également de plusieurs nations. Cela induit que le dessinateur représente des situations, des environnements, des accessoires très variés. Cela commence avec une rue de Paris, une cage d'escalier avec un ascenseur, pour déboucher dans cette première scène sur un pistolet équipé d'un silencieux et un cadavre ensanglanté. Par la suite, Grégory Mardon montre les discussions assises autour d'une table pour recueillir des témoignages, aussi bien dans une cuisine que dans un salon bourgeois, des colloques et des allocutions officielles, des violences de foule, la ville d'Althone dans la banlieue du Cap, des manifestations de protestation, une cellule de prison, des cartes géographiques pour montrer les frontières, la ville de Genève, de Nice, de Zagora, la place de la Bastille, son opéra et la colonne de Juillet, l'assemblée nationale, les couloirs du métro parisien, des installations de centrale nucléaire, la gare d'Amsterdam, des missiles, d'avions militaires Mirage F1, etc. Il reproduit également la ressemblance de nombreux hommes politiques ou de personnalités comme François Mitterrand, Jacques Chirac, Charles Pasqua, Nelson Mandela, Simone Signoret & Jean-Paul Sartre, Pierre Joxe, et d'autres moins connus. Deux musiciens : Johnny Clegg, Abdullah Ibrahim (Dollar Brand).

Dans un premier temps, le lecteur manque d'assurance quant à la construction de l'ouvrage. Celui-ci s'ouvre avec l'assassinat de sang-froid par un professionnel, permettant d'appréhender la réalité de ce crime, de cette exécution commanditée. Puis les deux auteurs se mettent en scène en train d'écouter Jacqueline Derens chez elle, au temps présent de la réalisation de l'ouvrage. Celle-ci raconte sa première rencontre avec Dulcie September en 1979. Il va ainsi se produire de nombreux va-et-vient temporels entre le temps présent des entretiens et celui des faits relatés, des développements sur la persistance du racisme dans la société française, trois pages consacrées au régime de l'apartheid, la jeunesse et la vie de Dulcie September jusqu'à son arrivée à Pairs, l'emprisonnement de Nelson Mandela en 1964, suite au jugement à Rivonia, prison à perpétuité pour lui et sept autres compagnons de lutte (Walter Sisulu, Govan Mbeki, Raymond Mhlaba, Elias Motsoaledi, Andrex Mlangeni, Ahmed Kathrada, Denis Glodberg). Une page consacrée à l'ANC et à l'établissement de sa direction en exil à Lusaka en Zambie. L'élection de François Mitterrand en 1981. La visite des anciens locaux de l'ANC à Paris au temps présent de l'enquête. Un séjour à Genève en septembre 2011, pour rencontrer Margrit Lienert, ancienne hôtesse de l'air, engagée par la suite dans le mouvement anti-apartheid suisse (branche romande) au début des années 1970. Etc. Progressivement, la ligne conductrice de l'enquête apparaît : des recherches pour chaque possibilité à envisager, des recherches de témoignages, des explications concises sur les différents acteurs, des membres de l'ANC, des politiciens, des militaires, des patrons d'entreprise, etc. Il s'agit d'une véritable enquête menée avec rigueur, confrontée au fait que certains témoins sont décédés depuis, que certains ne sont pas forcément fiables, et que les enjeux se révèlent énormes, à la fois sur le plan économique et le plan politique. Il est question des services secrets de plusieurs nations, de mercenaires aux agissements discutables (l'ombre de Bob Denard, 1929-2007, se faisant sentir), et de secrets d'état. En fonction des témoignages, le lecteur voit bien quand les auteurs se heurtent à des murs, et à d'autres moments il est même surpris qu'ils puissent en apprendre autant.

Une enquête d'un journaliste professionnel, sur un assassinat commis à Paris, contre une militante anti-apartheid, et jamais élucidé. Une mise en images réalisée par un bédéiste professionnel, adaptant son approche à la nature de l'ouvrage, réalisant un travail impressionnant pour montrer les différentes personnes, soit racontant leurs souvenirs, soit lors de reconstitution du passé, participant à la rigueur de la présentation, et à son honnêteté intellectuelle. le lecteur explore ainsi les nombreuses ramifications de ce meurtre commandité, suivant chaque possibilité, pour voir progressivement se dessiner la plus probable, étayée par de nombreux faits. Édifiant. Benoît Collombat a réalisé le scénario d'autres bandes dessinées, en particulier Cher pays de notre enfance: Enquête sur les années de plomb de la Vᵉ République (2015) avec Étienne Davodeau, le choix du chômage: de Pompidou à Macron, enquête sur les racines de la violence économique (2021) avec Damien Cuvillier.
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— Affaire sensible —

Le 29 mars 1988, Dulcie September est éliminée en plein Paris. C'est du travail de pro et assurément un assassinat politique puisqu'elle était la représentante en France de l'ANC de Nelson Mandela qui lutte contre l'apartheid en Afrique du Sud.

On ne sait toujours pas qui est, qui sont les meurtriers. À lire l'enquête de Benoît Collombat, journaliste à Radio France, les candidats sont nombreux, leurs intérêts convergents, aussi pourrait-on poser autrement la question : qui n'a pas tué Dulcie September ?

Les services secrets du régime sud-africain, les français, israéliens, américains, barbouzes ou faux-amis… Tous les cocktails sont possibles. Intraitable, Dulcie September a donné un coup de pied dans la fourmilière et, comme dit un témoin, « il est possible qu'elle se soit fait mordre par les fourmis. »

Servie par les dessins clairs et élégants de Grégory Mardon (j'aurais apprécié un making of : comment les auteurs ont-ils travaillé?), l'enquête nous (re)plonge dans les années 80, rappelant utilement les soutiens à droite et à l'extrême-droite aux nazis sud-africains, la duplicité de la mitterrandie, peu encline à faire respecter le blocus économique, aidant les grandes entreprises françaises et les groupes d'armement à contourner « discrètement » l'embargo.
(Parenthèse à ce propos : Pierre Joxe s'en sort avec les honneurs, comme lors du génocide rwandais pour lequel l'implication de Mitterrand et des siens est en revanche accablante — dommage au demeurant qu'une curieuse carte de l'Afrique page 43 ait effacé Rwanda et Burundi…).

L'affaire Dulcie September, où les justes tentent de faire jour à la vérité cachée par les pourris, où la politique est au service des intérêts économiques et personnels, reste d'une terrible actualité.
En exergue, une citation de Bertolt Brecht : « Le fascisme n'est pas le contraire de la démocratie mais son évolution par temps de crise. »

La fourmilière dans laquelle Dulcie September a mis les pieds (non sans prudence : « Pour tuer Dulcie, il fallait littéralement sortir du mur ») ce sont les menées pour exporter en Afrique-du-Sud le nucléaire français, qui permit notamment au régime de se doter de l'arme atomique.

« Quand il s'agit de l'intérêt supérieur de la France et de la force atomique, la gauche et la droite tombe toujours d'accord. »

La thèse du livre n'est pas seulement la découverte de secrets dangereux par la dirigeante de l'ANC, c'est aussi les intérêts afférents qu'elle risquait de déranger au moment où se négociait la fin de l'apartheid et que se nouaient les relations avec les futurs dirigeants, que se discutaient dans l'ombre contrats et dessous de table.
De l'autre côté, dans la lumière, Dulcie défendait avec intransigeance l'embargo, enrageant même contre les concerts donnés par Johnny Clegg !

Benoît Collombat ne néglige cependant aucune piste, interroge des dizaines de protagonistes, évoque d'autres affaires possiblement connexes (en particulier les assassinats de Henri Curiel ou Olof Palme).

On comprend tout, mais si c'est clair ce n'est pas toujours très digeste. Et puis, 300 pages, il faut quand même s'accrocher. D'où le bémol de ma note : il faut aimer le genre.
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Le 29 mars 1988, Dulcie September, la représentante de l'ANC pour la France, est assassinée à bout portant, rue des Petites-écuries, à Paris. Pendant dix ans, Benoît Collombat, journaliste à la Cellule investigation de Radio France a accumulé de la documentation, enquêté, interrogé ses proches, rencontré ceux qui l'ont croisée ou approchée, militants anti-apartheid, proches collaborateurs mais aussi anciens employés d'entreprises stratégiques (EDF, SEP, filiale de la SNECMA, etc), pour comprendre quelles informations elle pouvait détenir, inquiétant certains au point de chercher à la faire taire.
Il revient sur son enfance, montre qu'elle n'a jamais accepté les règles qu'on lui imposait. Assignée à résidence alors qu'elle est enseignante (et militante), elle préfère l'exil, qui représente un bannissement à vie, et débarque tout d'abord à Londres où elle devient responsable de la ligue des femmes de l'ANC. Il raconte l'histoire récente de l'Afrique de Sud, depuis l'instauration de l'Apartheid en 1948, après la prise du pouvoir par les Afrikaners, celle du principal mouvement d'opposition et de ses leaders, et aussi celle des relations très ambiguës avec la France, notamment après l'arrivée de François Mitterand au pouvoir qui devait afficher un discours antiraciste fort pour faire oublier l'ampleur de la marche des Beurs, tout en veillant à ne pas nuire à « la bonne santé économiques » des entreprises françaises.
Malgré l'embargo international, la France entretenait des relations commerciales avec le régime raciste d'Afrique du Sud, notamment en matière d'armement et de coopération nucléaire. L'île de la Réunion servait de pivot aux livraisons discrètes de matériels stratégiques nécessaires à la fabrication des bombes atomiques, après transit par Israël.
L'enquête française s'est soldée par un non-lieu en 1992, sans que les coupables soient identifiés. Fausses pistes, écrans de fumée, rumeurs entretenues pas les services secrets, sociétés suspectes installées à proximité des bureaux de l'ANC (dont le loyer est payé par le Parti socialiste !), membres de la garde présidentielle des Comores, dirigée par Bob Denard – qui semble décidément lié à beaucoup d' « affaires » de la Ve République –, Benoît Collombat explore chaque indice pour tenter de démêler l'écheveau. Bien qu'alertées des menaces qui pesaient sur elle, les autorités françaises ne l'ont pas mise sous protection.
Les illustrations en noir et blanc de Grégory Mardon permettent de mettre des visages sur des noms et rendent la lecture plus aisée que celle d'un simple essai documentaire. En reprenant des articles de journaux, des cartes ou des affiches, il prend en charge une partie de l'information et allège ainsi le texte déjà très dense.

« le fascisme n'est pas le contraire de la démocratie, mais son évolution en temps de crise. » Cette citation de Bertold Brecht, fameuse, a été mise en exergue de cet ouvrage, lui donnant une toute autre portée, notamment aujourd'hui où ressort de son placard « la bête immonde » (voir Arturo Ui) : les malversations pour « raison d'État » dans des pays supposés démocratiques, seraient le premier pas vers le totalitarisme, en sanctuarisant et opacifiant, hors de tout contrôle, les liens entre les sphères économiques et politiques.

Article à retrouver sur le blog de la Bibliothèque Fahrenheit 451 :
Lien : https://bibliothequefahrenhe..
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29 mars 1987, il est 9h47, rue des petites-écuries à Paris dans le 10ème arrondissement, quand Dulcie September est abattue à bout portant de six coups de feu devant la porte du local de l'antenne française de l'ANC (African National Congress).

Qui est Dulcie September ? Pourquoi a-t-elle été tuée ? Représentait-elle une menace et si oui, pour qui ? Qui a bien pu commanditer cet assassinat ? Autant de questions auxquelles le journaliste Benoît Collombat a tenté de répondre en menant une enquête exhaustive.

Sur près de 300 pages, un peu à la manière de ce qu'il avait fait dans "Cher pays de notre enfance" ou "Le choix du chômage", il se met en scène pour raconter son enquête, ses interviews en replaçant Dulcie September dans le contexte historique et son rôle de combattante contre l'apartheid et surtout en pointant le rôle possible de la France dans ce meurtre.

C'est Grégory Mardon qui se charge de la mise en scène graphique et son dessin en noir et blanc accompagne bien l'aspect factuel et journalistique de l'enquête, sans s'encombrer de détails, on va droit à l'essentiel.

La BD de journalisme tient ici un beau représentant avec cet album fouillé et précis qui n'en reste pas moins passionnant autour d'une militante que je ne connaissais pas et qui mérite le coup de projecteur.
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Pendant le festival quais du polar on a eu la chance ce rencontrer les auteurs de Dulcie, Benoit Collombat et Grégory Mardon.

Focus sur leur BD de salubrité publique sorti en fin d'année dernière aux éditions Futuropolis Membre actif de l'ANC, Dulcie Septembre a continué son combat de lutte contre le régime d'Apartheid en Afrique du Sud pendant que le gouvernement français continuait à lui vendre des armes.

Une enquête très documentée pour une lecture indispensable afin de comprendre un monde particulièrement complexe et sans pitié.

Lien : http://www.baz-art.org/2024/..
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critiques presse (1)
Culturebox
11 décembre 2023
Le journaliste Benoît Collombat mène l'enquête sur l'assassinat, toujours impuni, de Dulcie September. La représentante en France de l'ANC, le mouvement de Nelson Mandela, a été tuée à Paris, en 1988.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Pourquoi raconter cette histoire aujourd’hui ? D’abord parce que cet assassinat s’est déroulé sur le sol français, en plein Paris, quelques semaines avant la réélection de François Mitterrand à l’Élysée. Ensuite, parce que cette affaire reste un mystère. L’enquête judiciaire française s’est soldée par un non-lieu en juillet 1992, sans que soient identifiés les coupables. […] L’assassinat de Dulcie September est une histoire qui reste très gênante pour la France : Dulcie dénonçait les relations économiques illégales entre Paris et le régime de l’apartheid, notamment en matière d’armement. Ce soutien des autorités françaises à un régime officiellement raciste est, aujourd’hui, encore, largement méconnu. […] Depuis plus de dix ans, j’accumule de la documentation, j’épluche les archives et je réalise des interviews filmées avec celles et ceux qui ont connu Dulcie à l’époque. Beaucoup sont morts aujourd’hui. Le temps est venu de raconter cette histoire et de tenter de comprendre pourquoi Dulcie September est devenue une cible. – Benoît Colombat
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Paris, novembre 2011. Pierre Juquin – Je proposais ce que j’appelais la rénovation communiste, c’est-à-dire une modernisation, une autre façon de construire le parti communiste que j’avais quitté, afin de faire vivre une politique en prise sur notre époque. Nous voulions manifester notre solidarité avec l’ANC et ceux qui luttaient contre l’apartheid, pour des raisons politiques et éthiques. J’avais la volonté de pousser plus loin la recherche sur la politique africaine de la France, ses magouilles, ses tripatouillages… Je vais prononcer un mot que je ne devrais pas prononcer : les saloperies qu’il pouvait y avoir derrière, notamment en matière de trafics d’armes. Cette politique me paraissait immorale, bien sûr, et politiquement dangereuse. Un aspect de ma campagne, c’était : établir de nouvelles relations transparentes et solidaires avec ce qu’on appelait encore à l’époque le tiers-monde, en développement. Je ne voulais pas que se poursuive cette politique. Dulcie September n’avait aucun préjugé à mon égard. Nous nous sommes serré chaleureusement la main. Nous avons convenu de nous revoir le lendemain matin, vers 10 heures je crois, à son bureau. Elle m’a dit : Je suis tout à fait d’avis que nous parlions. Le lendemain, elle était assassinée. Je suis donc l’une des dernières personnes à l’avoir vue. Nous n’avions pas établi le programme de notre rencontre, mais j’avais bien l’intention d’aller au fond des choses avec elle, afin de voir comment je pouvais aborder certains sujets dans ma campagne électorale, et dénoncer en accord avec elle, d’éventuelles magouilles, des trafics portant surtout sur la question des armes. Je me posais des questions et je voulais en parler avec elle. Je n’avais pas d’éléments précis, mais j’avais une intuition. L‘intuition que les services secrets français pouvaient poursuivre la politique de Jacques Foccart et l’appliquer aussi à l’Afrique du Sud et que par conséquent Dulcie September n'était pas très en sécurité à Paris. Mais je n’avais pas de preuves, je voulais en parler avec elle. J’avais l’intention de lui poser toutes ces questions, je lui en avais fait part entre deux portes, avant de quitter le lieu de la réunion. Elle m’avait dit : Mais oui, nous allons en parler.
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François-Richard Rouget, 8 juin 1988 – Début juin 1985, j’ai quitté la France pour les Comores où je suis rentré avec le grade lieutenant dans la garde présidentielle. Mon chef était le colonel Bob Denard qu’il est inutile de présenter. Je suis parti de la garde pour convenance personnelle fin 1986. J’ai quitté les Comores définitivement début janvier 1987. Pendant ce séjour comorien, j’ai fait la connaissance d’un homme d’affaires sud-africain qui est mon actuel associé, avec lequel j’ai sympathisé. Je tire mes ressources de mes activités en Afrique du Sud où je suis associé dans une affaire de laminage d’acier. Parallèlement, je travaille avec deux sociétés françaises dont je suis le représentant en Afrique du Sud pour leur trouver des débouchés en Afrique australe et inversement pour qu’elles m’en trouvent en France ou en Europe. À une certaine époque en France, j’ai milité et même été président du GUD (Groupe Union Défense), syndicat étudiant, alors que j’étais en droit à Assas. J’ai également été membre du bureau politique du PFN (Parti des Forces Nouvelles) dont j’ai démissionné en partant à l’armée. Depuis, je n’ai jamais milité ni à droite, ni à gauche. Évidemment, j’étais au courant de l’assassinat à Paris de Dulcie September, militante de l’ANC. La presse mondiale s’ne étant fait largement écho, et plus particulièrement en Afrique du Sud. Par contre, je ne me souvenais plus de la date du 29 mars 1988. Ce jour-là, j’étais à Johannesburg, à mon bureau. Je ne connais personnellement aucun membre de l’ANC, mais je peux dire que j’entretiens quelques relations amicales avec certains noirs libéraux d’Afrique du Sud, lesquels n’ont aucun problème d’intégration dans la société blanche. Parallèlement, les seuls contacts que j’ai avec l’administration sud-africaine sont ceux que j’entretiens avec le ministère du Commerce et de l’Industrie. Jamais personne ne m’a pressenti pour prendre des contacts, porter des plis ou des messages à l’occasion de mes déplacements en Europe, et plus particulièrement à Paris. Certains sont allés jusqu’à dire que j’étais l’homme de liaison de Bon Denard, à Paris. Je tiens à dire que depuis un an je n’ai pas revu ce dernier. Peu après mon installation à Johannesburg, j’ai pris des contacts avec lui, en vue d’attirer des investissements sud-africains aux Comores, pensant qu’il pourrait m’aider dans mes démarches. L’affaire a capoté. Je ne dois absolument rien à Bob Denard. Vous me faites savoir que mon interpellation a été motivée par une information émanant de services spécialisées, information me présentant comme l’un des instigateurs possibles de l’attentat du 29 mars 1988. À mon avis, cette information, basée sur aucun fait concret, pourrait émaner de l’ancien milieu exclu de la garde comorienne. En effet, certains collègues officiers, de nationalité française, ont été virés de la garde pour divers motifs, et notamment pour incompétence. Je pense que l’un ou l’autre a pu en concevoir de la rancœur et jalouser ma réussite actuelle. Il évidemment facile de faire l’amalgame entre mon ancien statut d’officier de l’armée française, ancien officier de la garde comorienne, commandée par un mercenaire, et ma position actuelle en Afrique du Sud. Pour moi, ce n’est que de la calomnie et rien d’autre.
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Paris. UNESCO (Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture). 16 juin 1979. La première fois que j’ai rencontré Dulcie, elle était venue à l’UNESCO témoigner du sort des enfants sous l’apartheid, qui mouraient à cause de la malnutrition ou faute de vaccins. J’étais fascinée par la passion avec laquelle elle expliquait les choses. Elle ne se contentait pas d’aligner des chiffres, elle vivait l’horreur de l’apartheid dans sa chair, et ça, pour nous, c’était irremplaçable. Après son intervention à l’UNESCO, la salle est restée silencieuse… sous le choc. Pendant toutes ces années qu’elle a consacrées au travail de l’ANC, la camarade Dulcie September n’a jamais manié d’arme plus mortelle que la plume ou la machine à écrire. Ceux qui ont ourdi le complot visant à l’assassiner, ceux qui ont sélectionné et recruté les meurtriers auxquels ils confièrent la mission de la traquer, de lui tendre une embuscade, le savaient parfaitement bien. L’apartheid a été reconnu comme un crime contre l’humanité. Dulcie était quelqu’un d’intègre, de dévoué corps et âme à la lutte. Il faut que justice soit rendue, on ne peut pas laisser courir les assassins. - Jacqueline Derens (militante anti-apartheid)
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Extraits du rapport d’enquête de la brigade criminelle – Le cadavre repose en position dorsale, en diagonale d’un axe imaginaire situé entre la porte d’ascenseur et la photocopieuse posée au sol. La face, maculée de sang, est tournée vers le plafond. La tête se situe à 60 cm de la porte d’ascenseur et 108 cm du mur de gauche, en sortant de ce dernier. Les paumes de mains sont tournées vers le plafond, les doigts repliés sur les paumes. La main gauche se situe à 60 cm du mur de gauche et à 34 cm de la porte d’ascenseur. Les jambes sont pliées et écartées, la distance entre les deux genoux est de 80 cm. À droite de la tête de la victime, un important écoulement sanguin imprègne le tapis et la moquette, ainsi que la chevelure au niveau postérieur du crâne. Au total, six coups de feu ont été tirés par un pistolet petit calibre 22 LR, cinq balles ont atteint Dulcie September à courte distance, précise le rapport d’enquête. Six douilles cuivrées longues de 15 mm sont retrouvées sur place.
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Vidéo de Benoît Collombat
Pour les fêtes, nous vous réservons d’immenses surprises : le nouveau livre de Baru, Grand prix d’Angoulême, qui aborde la Seconde Guerre mondiale dans Rodina, la nouvelle enquête de Benoit Collombat (Cher Pays de notre enfance, Le Choix du chômage) , avec Grégory Mardon, sur les dessous de l’assassinat à Paris de Dulcie September, deux beaux textes illustrés avec Edgar Poe revisité par Paul & Gaëtan Brizzi (grand format) et le célèbre Chant de Noël de Dickens illustré par Manuele Fior.
Accrochez-vous aussi car nous aurons de très beaux livres en complément : l’édition anniversaire du Voyage de Marcel Grob avec un épilogue de 6 pages inédites, l’édition format comics de Shaolin Cowboy et des intégrales d’Urban et de Kililana Song.
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