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EAN : 9782070124244
476 pages
Gallimard (19/02/2009)
3.56/5   18 notes
Résumé :
Ce roman d'aventures met en scène la jeunesse de Tom Lingard, personnage de La folie Almayer et de Un paria des îles.


"Elle pensa qu'elle n'avait jamais entendu aucune voix qui lui plût autant - sauf une, peut-être. Mais c'était celle d'un grand acteur, tandis que cet homme ne jouait pas, n'était rien d'autre que lui-même. Il persuadait, il attendrissait, il troublait, il apaisait, par sa seule authenticité naturelle. Il avait voulu savoir et ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Sans doute le plus beau roman de Joseph Conrad.

Publié en 1920, "La rescousse" est l'un des quatre derniers romans de Joseph Conrad, et fut longtemps à ce titre considéré par une certaine critique (avant d'être largement "réhabilité" à partir des années 1975-1980) comme "inférieur" aux romans plus connus de leur auteur, jugé parfois "fatigué et usé" à l'époque de son écriture.

Bien au contraire, je considère qu'il s'agit peut-être du meilleur roman de Conrad, et sans doute de celui qui reflète le mieux la complexité des constructions éthiques de ce grand maître du roman d'aventures, loin des relatives simplifications du "Nègre du Narcisse", de "Lord Jim" ou des novellas "Au coeur des ténèbres" et "Typhon".

Le roman est avant tout celui du personnage de Tom Lingard, commandant du "plus beau brick" d'Indonésie, lancé dans une folle équipée pour aider deux de ses amis malais, frère et soeur, à reconquérir leur royaume, en une dette d'honneur qu'il s'est lui-même imposée, et dans laquelle il engage, encore jeune alors, toute sa réputation, toute sa science et toute sa fortune - équipée dont la perturbation, par l'échouement d'un yacht anglais venu de Hong-Kong, à quelques encablures de la principale base d'opérations de Lingard, constitue le principal sujet apparent de l'oeuvre.

Décrire l'intensité mise en jeu, le raffinement des conflits intérieurs du silencieux Tom Lingard (qui fournit d'ailleurs leur modèle de commandant aux trois maîtres plus tardifs du "roman de marine à voile", le Hornblower de Forester, le Bolitho de Kent, comme le duo Aubrey / Maturin d'O'Brian), la sobriété avec laquelle sont retranscrites la terrifiante violence et les complexités des fourberies des factions du conflit, et surtout la subtilité psychologique et morale ici développée, serait bien difficile, cette dernière pouvant peut-être expliquer à elle seule, au fond, que Conrad, qui avait commencé ce roman en 1897, pour être sa troisième oeuvre en même temps que le troisième tome de la curieuse "trilogie à rebours" formée avec "La folie Almayer" (où Lingard apparaît très âgé) et "Un paria des îles" (où il est déjà vieillissant), en ait interrompu la rédaction pour se lancer dans le (relativement) facile "Nègre du Narcisse", et ne s'y atteler à nouveau que vingt ans plus tard...

Du très grand Conrad, du très grand roman, intelligent, raffiné, et terriblement poignant.
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Ce livre eût une composition des plus étranges. Conrad a commencé à l'écrire en 1896, l'année de parution de ses deux premiers romans, La folie Almayer et Un paria des îles. Il abandonna un roman, qui repris plus tard deviendra La flèche d'or pour se consacrer à La rescousse. Mais après trois ans de travail, Conrad le met de côté en 1899. Il s'est remis à sa rédaction en 1916, mais c'est en 1918 et 1919 seulement qu'il écrivit la plus grande partie de la deuxième moitié du roman. Donc la composition finale a duré 23 ans, un record, même pour un écrivain aussi lent que Conrad.

Le personnage central du récit, le capitaine Lingard, était déjà un personnage important de la folie Almayer et le paria des îles. Dans La rescousse il est au centre du récit, il est plus jeune que dans les deux premiers romans de Conrad, et possède une personnalité des plus intrépide. La rescousse nous plonge vraiment dans le même univers que les premiers romans de l'auteur, La folie Almayer, le paria des îles, et Lord Jim. Nous sommes dans les îles de la Malaisie, les indigènes même s'ils parlent peu sont très présents, nous voyons les mêmes paysages, l'essentiel se passe sur la mer, peuplée de pirates et d'aventuriers souhaitant faire rapidement fortune. C'est un roman d'aventures, le plus pur dans le genre que Conrad n'ait jamais écrit à mon avis. Il y a un radjah et une princesse qui ont perdu leur royaume, il y a une amitié indéfectible scellée dans une bataille, il y a aussi un yacht échoué, avec une bande de dangereux pirates et guerriers à proximité, deux femmes fascinantes, une guerre en préparation, enfin l'action ne manque vraiment pas. C'est aussi une histoire d'amour, la plus clairement identifiée comme telle dans tous les livres de Conrad. Mais comme il s'agit de Conrad il est aussi question de loyauté et de trahison, d'amitié et de fidélité à soi-même, et les héros ont peu de chances de sortir indemnes de leurs aventures, pas physiquement, mais moralement.

Et je dois dire que j'étais tout particulièrement ravie de retourner dans cet archipel malais que dans la suite de son oeuvre Conrad a progressivement délaissé pour d'autres contrée. Ce roman ne fait pas partie de ceux appréciés par les critiques, et j'ai été très heureuse de constater que c'était un excellent livre, sans doute moins profond que les plus grands romans de l'auteur, mais néanmoins très réussi dans son genre, et parfaitement maîtrisé dans la structure narrative. Tous les personnages sont parfaitement bien caractérisés, et c'est bien sûr dans la personnalité de chacun d'entre eux que se noue l'intrigue.

Conrad a toujours le même regard acéré sur le monde, il a en particulier l'art de décrire les relations coloniales d'une façon subtile et impitoyable, la façon dont chaque communauté perçoit l'autre est sans aucune illusion, et comme c'est le cas avec les grandes oeuvres, c'est complètement intemporel. Les riches passager du yacht ont terriblement évoqué pour moi quelques prises d'otages dans ces parages.

Pour résumer, peut être pas le plus grand roman de l'auteur, mais incontestablement un livre très réussi, que j'ai pris beaucoup de plaisir à lire. Heureusement que l'auteur ne l'a pas abandonné, et qu'il l'a fini après toutes ces années de composition.
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"Sur un banc de sable il y a place pour tout un monde de souffrance, pour toute l'amertume et tout le ressentiment qu'on peut faire éprouver à une âme humaine."

Une anse secrète de l'archipel malais (The Shore of Refuge), un yacht échoué, des Anglais gourmés, des factions indigènes rivales, un rajah et une princesse en exil, un capitaine ombrageux... L'aventure commence !

Le troisième récit consacré par Joseph Conrad à Tom Lingard, King Tom, (après La Folie Almayer et Un paria des îles) a connu une genèse difficile puisque sa rédaction s'est étendue sur plus de vingt ans. Ankylosé par un manque soudain d'inspiration, l'écrivain a donc prorogé le roman avant enfin de l'achever sur ses vieux jours. Ce sursis est sans doute responsable de l'étrangeté de son écriture qui mêle la flamboyance des aventures ultra-marines à l'apathie de l'étude psychologique.

Roman de l'immobilisme -brick encalminé, yacht ensablé, pourparlers solennels, personnages hiératiques-, La Rescousse s'enlise parfois dans des dialogues fangeux, à la limite du théâtre. Conrad, écrivain d'action, inhibe la parole de ses protagonistes qui ne font qu'effleurer leurs sentiments. On quitte alors les hauts fonds des péripéties maritimes pour gagner le rivage du drame claudélien. Comment ne pas penser au Partage de Midi avec ce huis clos nautique : une femme hautaine, un mari conventionnel, un ami de coeur et un séduisant vagabond des mers... Ysé et Mesa, passion universelle !

Las, pusillanime quand il s'agit de chanter l'amour, Conrad chaponne sa plume et ses deux amants ne le sont que du bout des doigts. le chaste Lingard et son égérie, comme empoicrés dans leur tempérance, n'échangent que des propos abstrus et artificiels à force d'asepsie morale. Que n'a-t-il su rendre ses amoureux muets ! En une scène prodigieuse d'efficacité, Conrad nous fait assister à des tractations autour d'otages sans qu'une seule parole ne soit échangée, le narrateur omniscient feignant d'ignorer la langue des négociateurs : les seuls postures, gestes et regards dramatisent l'enjeu et l'on assiste -car nous y sommes- médusés à cette inquiétante pantomime.

Pourtant le style brasille ardemment qui offre au lecteur de superbes morceaux de bravoure. Qu'il évoque le miroir d'une bonace, des aubes et des crépuscules diaprés ou les ombres de la nuit, Conrad n'a pas d'égal. Sa précision pour croquer une attitude, faire résonner le silence ou enluminer un paysage diurne demeure infaillible.

La vieille barbiche -même en surjetant des écrits d'époques différentes- réussit à construire un roman profond et émouvant. Ce don des hauts fonds (The Gift of the Shallows) est un secret pour happy few !

"Ce n'était pas une pièce de théâtre ; et pourtant elle s'était surprise à le considérer, haletante, comme s'il eût été un grand acteur, jouant un drame élémentaire et redoutable sur une scène à demi obscure."
Lien : http://lavieerrante.over-blo..
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Les petits fonds dont l'écume murmure sur les rivages de ce millier d'îles, grandes et petites, qui forment l'archipel Malais, ont été, depuis des siècles, le théâtre d'aventureuses entreprises.
Les vertus et les vices de quatre nations ont concouru à la conquête de cette région qui, même aujourd'hui, n'a pas complètement perdu le mystère et l'attrait romanesque de son passé : et les descendants de ceux qui ont lutté contre les Portugais, les Espagnols, les Hollandais et les Anglais, n'ont pas vu leur race modifiée par l'inévitable défaite.
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La mer peu profonde qui écume et murmure sur les rivages de ce millier dîles, grandes et petites, qui forment l'archipel Malais a été, depuis des siècles, le théâtre d'aventureuses entreprises. Les vertus et les vices de quatre nations se manifestèrent pendant la conquête de cette région qui, aujourd'hui encore, n'a pas été complètement dépouillée du mystère et de l'attrait romanesque de son passé ; et les descendants de ceux qui ont lutté contre les Portugais, les Espagnols, les Hollandais et les Anglais, n'ont pas vu leur race modifiée par l'inévitable défaite. Ils ont conservé jusqu'à ce jour leur amour de la liberté, leur attachement fanatique à leurs chefs, leur aveugle fidélité dans l'amitié et dans la haine - tous leurs instincts licites et illicites. Leur pays de terre et d'eau - car la mer fut leur pays tout autant que le sol de leurs îles - est devenu la proie de la race occidentale, le prix d'une force supérieure, sinon d'une vertu supérieure. Demain l'avance de la civilisation effacera jusqu'aux traces de cette longue lutte en achevant son inévitable victoire.
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Qu'importait que le narrateur ne fût qu'un écumeur des mers, le royaume celui de la jungle, les hommes ceux des forêts, les vies des vies obscures ! L'âme simple de cet homme était possédée par la grandeur de l'idée ; rien de sordide n'apparaissait dans l'ardeur de ses élans. Une fois qu'elle eut compris cela, ce récit trouva un écho dans l'audace de ses pensées, et l'enchantement exercé sur elle par ce qu'elle entendait lui fit oublier où elle se trouvait. Elle oublia qu'elle était personnellement proche de ce récit qui lui avait paru détaché, éloigné d'elle, vrai ou fictif, raconté avec pittoresque, et auquel seul l'écho de son émotion donnait une réalité.
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La main de Mme Travers resta énigmatiquement refermée sur la bague. « Oui, bonne idée », murmura-t-elle précipitamment. « Je reviens dans un instant. Faites tout préparer ». Sur ces mots elle disparut à l'intérieur du rouf et bientôt des filets de lumière devinrent visibles par les interstices entre les planches. Mme Travers avait allumé une bougie à l'intérieur. Elle s'affairait à accrocher la bague à son cou. Elle partait. Oui — elle en prenait le risque pour Tom.
« Personne ne peut résister à cet homme », grommela Jörgenson à part lui avec une maussaderie croissante. « Moi-même je n'ai pas pu. »
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« Ici, il y a une aventure », fit Lingard à Hassim, assis près de lui, au moment où le soleil se couchait loin sur sa gauche. « Il y a ici une ouverture assez large pour un navire. C'est, je crois, l'entrée que nous cherchions. Nous ramerons toute la nuit s'il le faut pour remonter cette rivière et c'est bien le diable si nous n'atteignons pas le repaire de Belarab avant le jour. » Il poussa la barre à fond et l'embarcation, obliquant brusquement, disparut de la côte.
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Un navire de croisière qui s'échoue. le commandant qui prend la fuite. Une trentaine de passagers qui perd la vie. Ca c'est passé il y a quelques années, vous vous en souvenez. Pour un marin, déserter le bord c'est le déshonneur suprême. Et pour un romancier, c'est l'occasion de sonder les abysses de l'âme humaine.
« Lord Jim » de Joseph Conrad, un classique à lire chez Folio.
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