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EAN : 9782915018714
112 pages
Quidam (01/03/2012)
3.5/5   6 notes
Résumé :
Sur le Mur des Fédérés, de leurs ongles, ils avaient gravé leurs
noms : Danbuy, Jurat, Touquet. Celui-ci se tient la tête entre
les deux mains en attendant le feu. Son voisin se courbe avant
le toucher de la balle. C'est ainsi que l'on meurt. Rescapée du
poteau d'exécution, devenue folle et pute, Emmy recueille les
confidences des soldats versaillais sur les bords du canal de
l'Ourcq. Sa tête et l'amour lui jouent des ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
En prime « A Notre Humanité » (2012, Quidam Editeur, 120 p.) puisque c'est un peu le même sujet, avec l'histoire de la Commune et le Mur des Fédérés. « Sur le mur des fédérés, de leurs ongles, ils avaient gravé leurs noms : Danbuy, Jurat, Touquet. Celui-ci se tient la tête entre les deux mains en attendant le feu. Son voisin se courbe avant le toucher de la balle. C'est ainsi que l'on meurt ».
Tout de suite, Marie Cosnay nous parle de Gustave Courbet, qui fut fort impliqué dans la Commune, mais on croise aussi Ramon J. Sender, antifranquiste notoire dont « Le Nouvel Attila » republie les oeuvres. Et pour ne pas dépareiller, il y a Miro et Bram van Velde qui passent leur bout de pinceau. Mais le tout débute le 8 aout 2010 avec « les palmiers malades qui n‘ont rien à faire là ». mais aussitôt on plonge dans le devenir des prisonniers « un bon nombre de repris de justice et de condamnés militaires ». le ton est donné, tout au moins le ton officiel celui de « Messieurs les honnêtes gens ». Et ces prisonniers, les mains liées dans le dos, passent entre ces honnêtes gens. « de belles dames leur donnent des coups d'ombrelles au passage. Des vieillards, des coups de canne sur les crânes ». Cela fournit à Marie Cosnay son leitmotiv qui reviendra par la suite, comme une petite musique, désagréables notes lorsqu'on les analyse. Tout comme dans « Eléphantesque », Marc revenait avec son corps « bleu des pieds à la tête ». Une déconstruction de la narration pour mieux la reconstruire par répétition ensuite. Je pense de suite à Antonio Lobo Antunes et à sa petite musique qui revient sans cesse. Ce n'est pas une référence gratuite que celui qui aurait du être nobélisé lorsque Jorge Saramago l'a été.
Retour à la Commune, via Emmy, encore gamine, qui vient d'échapper aux Versaillais, et qui court après Tom, à qui il manque une botte. C'est Emmy qui va devenir la narratrice de l'insurrection. « Emmy écrivait pour Tom et il a disparu ». Se prostituant à la soldatesque, elle note cependant dans un cahier les descriptions qu'en font les Versaillais. « Ici sont écrits les assassinats dont elle récolta les récits, ici les corps grouillants de vermine en charnier parisien. […] Et les morts fument sur les buttes ». Puis viennent les listes des fusillés « En joue, feu. En joue, feu ». Tout est dit « Es ist Vollbracht » aurait écrit J.S. Bach, et il y aurait mis de l'émouvante musique.
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le livre s'ouvre sur un court portrait de Gustave COURBET, peintre du XIXe siècle, acteur de la Commune de Paris en 1871, accusé d'être l'un des instigateurs de la destruction de la colonne Vendôme. Cette Commune, Marie COSNAY va la décrire, au présent, se rapprocher des barricades, au plus près. D'autres figures marquantes de cette révolution manquée vont être dépeintes dans ce récit résolument politique.

De l'intrépide Gustave FLOURENS à Charles DELSCLUZE ou Eugène VARLIN, Auguste VERMOREL (tous quatre paieront leur engagement de leur vie) en passant par l'insaisissable Louise MICHEL et son ami Théophile FERRÉ sans oublier les frères Élie et Élisée RECLUS, Maxime LISBONNE (entraperçu) mais aussi les anonymes, tous ceux et toutes celles (car les femmes furent nombreuses à se battre) qui ont construit la Commune, cette utopie prenant vie au coeur de la capitale française alors exsangue. Les noms des victimes tuées sur le champ de bataille vont être égrenés, comme sur un monument commémoratif.

Marie COSNAY raconte, revient chronologiquement en arrière comme si elle avait oublié des détails en chemin. Elle s'est en partie basée sur l'une des plus grosses références de cette insurrection, l'indispensable « Histoire de la Commune de Paris » de Prosper LISSAGARAY écrite dans le feu de l'action (lecture marquante il y a pourtant bien longtemps). L'auteure expurge avec minutie, livrant l'essentiel dans le chaos assourdissant d'une période où le chassepot donne le rythme. « À Satory, 1685 prisonniers sont enfermés, les uns contre les autres, dans un magasin de fourrage. Ils se relaient pour s'allonger un moment sur la paille humide et n'ont pour boire que l'eau de la mare où pissent les gardiens ».

Retour en arrière avec le sinistre Arthur de GOBINEAU (qui sera aussi romancier) et ses écrits sur l'inégalité des races dès 1853, Marie COSNAY en profite pour glisser quelques lignes sur la colonisation. L'Histoire se croise, s'entremêle, notamment par la figure d'Emmy/Madeleine qui traverse avec souffrances ce XIXe siècle.

Et ces questions, incessantes, nécessaires : « À quel besoin de l'homme répond l'action révolutionnaire ? La solitude est-elle l'essence de la condition humaine ? Quels sont les nombreux facteurs, éminemment dignes d'intérêt, d'où naissent les actions révolutionnaires de masse ? ».

Étape essentielle avec le programme de la Commune, égalitaire, inconcevable pour les troupes réactionnaires de Versailles, d'où les exécutions sommaires, la Seine qui se teinte de rouge, témoin privilégié d'une barbarie sans nom. Ce livre est un hommage sans conditions à celles et ceux qui ont essayé, pensé sinon la révolution, en tout cas la révolte et l'insurrection.

Marie COSNAY n'est pas naïve, elle rappelle les nombreux infiltrés au sein des Communards, les flics déguisés en émeutiers. Et puis les écrivains qui se sont levés contre ce dangereux idéal : George SAND, Gustave FLAUBERT, Alphonse DAUDET, Théophile GAUTIER, ces bourgeois qui craignaient pour leurs privilèges personnels.

La Commune, mais pas seulement : images brèves d'un Henry-David THOREAU construisant les fondements d'une société égalitaire et apaisée aux États-Unis, de ce Père Ramon SENDER combattant avec les anarchistes dans l'Espagne de 1936. le livre se clôt au Paraguay. L'insurrection a sa place partout, préconisée et déifiée.

Dans une année, nous fêterons les 150 ans l'avènement de la Commune de Paris, peut-être avec flonflons et force espoir, certainement avec le respect qui s'impose. Ce bouquin est là pour nous permettre de réviser un peu plus l'Histoire, et pourquoi pas recommencer ? Sorti en 2012, pour la version papier ce sont les impeccables Quidam qui ont permis la parution. Pour la version électronique, ce sont les non moins talentueux publie.net, on ne peut que s'en réjouir.

https://deslivresrances.blogspot.fr/

Lien : https://deslivresrances.blog..
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Emmy va s'offrir aux soldats. Elle aimait, était avec sa tante puis soudain, elle voit la botte de l'officier. C'est l'histoire d'Emmy, ses souvenirs terrifiants qui disparaissent (son prénom varie), de la Commune, on y évoque les combats, les tragiques souvenirs et défaites intimes, et tout ceci s'accorde bien pour faire résonner le titre "A notre humanité" comme un accent long qui appelle - toujours de manière citoyenne- le regard des autres sur ce qui se passe en son temps.

Je salue l'action citoyenne perpétuelle de Marie Cosnay, qui je le rapelle, avait également publié Entre chagrin et Néan -Audiences d'étrangers- et Comment on expulse.

A savourer !
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Emmy se donne aux soldats contre leurs souvenirs atroces de la fin de la commune (où sont morts ses parents) – son histoire et celle de la tante qui aimait trop et a dénoncé s'entrecroisent avec une relation presque froide des événements, avec des témoignages, des écrits, et avec une évocation lyrique d'autres luttes défaites, et le tout tient ensemble, en un chant de déploration colère
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Croiser la grande Histoire et les aveux recueillis par une prostituée folle pour dire la Commune des vaincus, écrasés.

Sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2015/06/24/note-de-lecture-a-notre-humanite-marie-cosnay/
Lien : http://charybde2.wordpress.c..
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critiques presse (1)
Lhumanite
16 avril 2012
Bouleversant récit d’un considérable bouleversement.
Lire la critique sur le site : Lhumanite
Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Malon, dans la Troisième défaite du prolétariat, raconte qu’après l’échec de Bergeret et Flourens au Mont Valérien, après que Versailles a attaqué Meudon et Châtillon et que Duval a été tué (et quand c’est Louise Michel qui le raconte l’héroïsme est teinté d’une triste douceur), les prisonniers furent nombreux. Malon rapporte ce qu’a écrit un officier supérieur versaillais. Parmi les prisonniers se trouvait « bon nombre de repris de justice et de condamnés militaires ». Des repris de justice comme les nôtres, dit à peu près Malon, en avez-vous beaucoup, Messieurs les honnêtes gens ? Parmi nos repris de justice, se trouvait le savant le plus compétent, l’un des hommes les plus sympathiques, les plus honnêtes, les plus remplis de dévouement et de bonté, Benoist Malon veut parler du géographe Élisée Reclus, auteur de La terre. Le frère du plus savant et du plus généreux des hommes, Élie Reclus, écrit rougir de la manière dont sont traités ces premiers prisonniers de Versailles. Leurs vêtements déchirés dans la lutte, affamés, épuisés par les insomnies, blessés, ils sont conduits sur les promenades puis à Satory, les mains liées dans le dos. De belles dames leur donnent des coups d’ombrelles au passage. Des vieillards, des coups de canne sur les crânes. Lorsque deux jeunes gens, spectateurs modérés, s’approchent d’un des vieillards et à voix basse l’exhortent à garder son calme, une dizaine d’anciens sergents de ville en civil se ruent sur les adolescents qu’ils mènent en prison. Quand ils arrivent à Versailles, certains prisonniers ont les oreilles arrachées, les visages et les cous déchirés. Sur le champ de bataille, dans les yeux des morts, les belles dames fouillent du bout de leurs ombrelles. Avant que la colonne des vaincus de Châtillon soit conduite sous escorte d’ombrelles à Satory, les prisonniers sont installés en cercle sur le plateau. On fait sortir du cercle quelques soldats. On les agenouille dans la boue et les fusille sous les insultes. La publicité qu’en fera Versailles est connue. Bêtes fauves et misérables, voleurs, bandits et repris de justice. Les écrivains iront plus loin. Les monstres du cœur, les difformes de l’âme, ceux que l’incendie amuse, que le vol délecte, les bêtes puantes, les bêtes venimeuses, les gorilles de la Commune, écrit Théophile Gautier, qui fait en octobre 1871 ses Tableaux du siège. À Satory, 1 685 prisonniers sont enfermés, les uns contre les autres, dans un magasin de fourrage. Ils se relaient pour s’allonger un moment sur la paille humide et n’ont pour boire que l’eau de la mare où pissent les gardiens. Élie Reclus écrit que parmi ces hommes qui défilèrent le 5 août sous les cannes et les ombrelles, après qu’ils eurent été vaincus à Châtillon et que les chefs eurent été fusillés, « était l’homme que j’aime, que j’estime et que je respecte le plus au monde ». Il parle de son frère le géographe.
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Pendant que les obus versaillais dévastaient Paris […] Thiers déclarait à la France qu’il n’y avait pas de bataille. Pas de bataille réelle. Sans doute les ambulances versaillaises faisaient-elles semblant de se remplir de blessés, sans doute les enterrés versaillais faisaient-ils semblant d’être tués, lui répondait Rochefort ». Et les intellectuels alors ? « Il nous faut exclure du champ poétique les Dumas, Sand, Flaubert, Gautier, Du Camp. Il faut croire que les mythologies créées à grande force de peur bourgeoise et de culture antique grimacent affreusement
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Dans les rues de Madrid, les corps des enfants jalonnent les chemins de la mort, ils sont des ombres blanches, des songes d’eau et des puits de lumière. Des rires brisés, écrit Sender
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Elle compare aux lignes qu’elle écrit le matin et de mémoire les grosses têtes des hommes qui ont raconté, couchés à ses côtés, qu’ils fusillèrent, répandirent sur le bûcher colossal des buttes Chaumont des litres de pétrole puis s’éloignèrent pour ne supporter ni l’odeur ni la fumée qui des semaines entières pénétraient encore les massifs. Entre les grosses têtes de gamins vieillis et leurs paroles il y a un monde.
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Une petite gêne toutefois en ce moment précis de disparition de la honte au profit de la fierté : ils soupçonnent la déshérence de la parole, sa nudité. Les lumières de l’aube les gênent. On y voit posées, les unes sur les autres, les cruautés. Ils avancent prudemment, les herbes sont hautes et ils sont fiers hélas eux qui ne savaient pas comment on faisait pour la fierté.
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Vidéo de Marie Cosnay
avec Marie Cosnay, Agnès Desarthe, Lucie Taïeb, Geneviève Brisac. Modération : Francesca Isidori.
Samedi 19 septembre 2020 / 16 h
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