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3,69

sur 4342 notes
La phrase citée en exergue me paraît résumer parfaitement l'intention d'Annie Ernaux en écrivant cette biographie-hommage à ses parents, surtout à son père.
« Je hasarde une explication : écrire c'est le dernier recours quand on a trahi. » Jean Genet
J'ai beaucoup aimé.
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J'ai eu très envie de découvrir cette écrivaine dont je n'avais pas même entendu parler (j'ai honte je l'avoue) avant l'obtention d'un tout de même prix Nobel de littérature?!

Quoi de mieux que La Place, écrit en 1983 et représentant un de ses livres références. le style est simple et direct pour ne pas dire extrêmement dépouillé, on ne risque pas de se perdre dans les descriptions! (Le style est presque administratif dans certaine phrase !). Cela reste assez agréable à lire même si c'est extrêmement froid, sans chaleur aucune et avec une once de cynisme.

C'est un roman familial à forte dimension sociale. À la façon d'un Zola c'est un témoignage d'une époque et d'une classe sociale à propos de laquelle on revient sans cesse.

J'imagine que le prix Nobel n'est pas pour ce roman mais bien plutôt pour l'ensemble de son oeuvre, aidé également certainement par des idées politiques en vogues (Un Romain Gary aurait largement mérité une telle récompense)
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J'ai relu ce livre après la critique de Nastasia-b, qui a fait couler tellement d'encre. Je n'en avais conservé aucun souvenir. Je ne suis concernée par aucune des problématiques du livre, mais ce n'est pas le problème. Je ne suis pas non plus concernée par les problématiques de Christine Angot ou Justine Levy, qui jouent sur le même terrain, et pourtant avec elles, je sens un texte, une écriture, je ne suis pas choquée par leur impudeur ( réelle) et ne les trouve jamais indécentes. Pourquoi ? Quelle est la différence ?
C'est l'hypocrisie, je pense. Angot et Levy disent tout, mais elles ne se mettent pas à l'abri, elle ne s'affranchissent pas de leur sujet. " Mauvaise fille" dit Levy d'elle même,d'une "mauvaise mère", droguée, inconsciente, mais aussi charmante, fascinante. Elle est prête à retomber dans ses envoûtements toxiques pour la faire revivre. On sent l'amour et la haine, la passion, la vie, quoi. Ernaux, excusez-moi, c'est mort. Chez Angot, c'est encore plus complexe, le père, la mère, la fille, les problèmes de classes sociales, tout cela est abordé, mais avec autrement de sensibilité. Christine Angot, dans Un amour impossible, nous raconte cette phase où elle a méprisé le milieu social de sa mère par rapport à la très bonne bourgeoisie de son père. Mais elle l'analyse avec autrement de finesse, se méprisant rapidement de cet état d'esprit, et percevant tres vite les affreux secrets qui se cachent parfois derrière le beau langage des gens qui ne sont pas " simples".
Mais chez Annie Ernaux, madame se cache. Elle ne s'investit pas, sous le fallacieux prétexte d'une écriture plate. C'est quoi, une écriture plate ? C'est pour vider toute émotion? Mais on ne parle pas de sa famille sans "émotion", qu'on l'aime ou qu'on la déteste. L'effet, c'est l'indifférence. Et l'indifférence devient indécente quand il s'agit de décrire la toilette mortuaire d'un père. " Aujourd'hui papa est mort et je l'ai vu tout nu". Excusez-moi, c'est horrible. Mais c'est l'effet que ça m'a fait.
Indifférence, et hypocrisie. Ernaux est cachée derrière son "objectivité", mais elle juge, sans jamais se remettre en question. Pauvre papa qui croyait avoir vécu dangereusement : " l'épopée de cette époque sera récitée à plusieurs voix, reprise indéfiniment avec toujours les thèmes de la peur, de la faim, du froid pendant l'hiver 1942." Euh, Cocotte, j'y étais pas, hein, mais l'hiver 42, à mon avis, en Normandie, c'était pas un "thème", c'était une horrible réalité. Ils ont vraiment eu peur (pour toi) faim et froid..." Sous les bombardements incessants de 1944, il a continué d'aller au ravitaillement, quémandant des suppléments pour les vieux, les familles nombreuses...Ultérieurement, certitude d'avoir joué un rôle, d'avoir vraiment vécu en ces années-là " Arrête de le dénigrer c'est horrible ! Bien sûr qu'il a joué un rôle, qu'il a pris des risques, et qu'il a été sympa ! Il aurait pu d'enrichir, faire le salaud, ou se prendre une bombe !
Orgueil ! Ça commence avec son Capes ( bravo ! ) et ça finit avec une ancienne élève caissière ( trop la loose !) dont elle nous fait bien comprendre qu'elle la reconnait à peine, quand l'autre lui explique son parcours. Méchant ça, Annie. C'est quoi le rapport avec ton père ? Les caissières sont les nouveaux paysans ? Mais en tout cas, dans ta reaction, tout est là : indifférence ( c'est qui celle-là), hypocrisie, et orgueil ( nananère, je suis pas caissière)
Froideur ! Je crois que c'est ça le plus insupportable. Égocentrisme complet. J'ai l'impression qu'elle n'a rien su de l'homme qu'était son père. Et nous non plus, du coup. Donc aucun intérêt.
Je rejoins donc complètement Nastasia, mais en pire. Je trouve ça nul.
Et maintenant j'oublie, encore une fois.
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Ça commence par la mort du père. Puis Annie Ernaux remonte le fil d'une vie commencée au tournant du siècle. Ce père né en Normandie dans une famille de journaliers agricoles qui deviendra d'abord ouvrier avant de se marier et d'ouvrir un commerce. Un café-épicerie dans un quartier d'Yvetot. Une vie de peu, entièrement dédiée à sa boutique. Des gens simples, modestes. Des braves gens, comme on disait après-guerre.

L'exercice n'est pas aisé : « je voulais dire, écrire au sujet de mon père, sa vie et cette distance venue à l'adolescence entre lui et moi. » Parce qu'il restera viscéralement attaché au « monde d'en bas » qui est le sien alors que sa fille, par les livres et les études, va découvrir et intégrer une petite bourgeoisie dont il ignore tout. Son univers à lui sera toujours resté confiné dans un espace limité dont il ne cherchera jamais à s'écarter.

Point de tristesse, d'amertume ou de lyrisme malvenu. Ernaux a préféré employer le ton du constat. « Je me tiens au plus près des mots et des phrases entendues, les soulignant parfois par des italiques. Non pour indiquer un double sens au lecteur et lui offrir le plaisir d'une complicité, que je refuse sous toutes ses formes, nostalgie, pathétique ou dérision. Simplement parce que ces mots et ces phrases disent les limites et la couleur du monde où vécut mon père, où j'ai vécu aussi. Et l'on n'y prenait jamais un mot pour un autre. »

Une prose épurée à l'extrême, dépouillée de toute emphase. Annie Ernaux parle d'elle et pourtant son « je » est un « nous ». Toute la force de son écriture tient dans cette universalité, cette volonté de rester à l'écart d'une indécente forme d'autofiction. Sans doute son succès populaire s'explique en grande partie par le fait que son oeuvre s'articule autour de la valeur collective du « je » autobiographique. La place est pour moi un roman magnifique, tout en retenu et pourtant d'une incroyable force. Pas pour rien que ce texte est devenu un incontournable du programme de français au lycée, tant pour l'analyse du genre autobiographique que de la relation père/fille ou encore, dans les filières économique et sociales, pour l'étude des classes sociales.

Lien : http://litterature-a-blog.bl..
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La narratrice, l'auteure, nous narre sa condition de jeune fille pauvre, dont le père à d'abord été garçon de ferme, puis ouvrier et enfin commerçant avec son épouse. N'ayant pas pu faire d'études (ce père savait à peine lire et écrire), la narratrice, quant à elle, a eu la chance de plonger dans le monde des livres dès sa plus tendre enfance et de devenir ainsi professeur de Lettres modernes, une matière inconnue jusque là de ses parents. En épousant un homme de bonne condition, elle est ainsi passé d'un monde, où l'on ignorait les bonnes manières, à un monde de semis-bourgeois, au point que son propre mari avait honte de ses beaux-parents car il ne pouvait pas avoir avec ces derniers de discussions intellectuelles, e, bref, il ne savait pas apprécier les plus petits bonheurs de la vie.
Mais dans cet ouvrage, il n'est nullement question du mari, ou même de la mère de la narratrice (bien que celle-ci occupe tout de même une place importante dans le récit) mais essentiellement du père et de ses origines, du fait qu'il soit parti de rien et ait voulu un tant soit peu devenir son propre patron, même q'il ne s'agissait que d'un petit commerce de café-alimentation et être respecté par ses concitoyens dans leur patit village de Y.

Un bel hommage rendu au père, un homme simple, qui n'a pas toujours su comprendre sa fille mais qui a eu le mérite de rester toujours celui qu'il était, à savoir un père et un mari aimant, un homme fort peu cultivé certes mais sachant apprécier les petits bonheurs de la vie. Un roman très bien écrit, avec quelques longueurs par moments à mon goût (ce qui justifie que je n'ai pas attribué la note maximum à cet ouvrage) mais qui vaut vraiment que l'on s'y attarde un moment. A découvrir !
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Cette lecture m'a laissée mitigée, ou plutôt partagée, car on est mitigé quand on trouve des bons côtés et des moins bons, des points forts et des points faibles. Là, mon ressenti n'est pas de cet ordre. J'hésite entre deux appréciations très différentes.
D'un côté, je vois une belle peinture sociale, le portrait d'un père dont la fille a fait son chemin, a changé de milieu social, et qui du coup éprouve pour lui une certaine tendresse mêlée de honte. Ce qui me perturbe comme lectrice, c'est que c'est un récit autobiographique. Cela dit, si cela avait été écrit comme un portait d'un personnage à la troisième personne cela n'aurait rien eu de vraiment très original.
D'un autre côté il est difficile de ne pas être gênée par une impression sous-jacente d'un mépris de classe de la fille pour son père : on sent la tendresse, la gêne que son père soit ainsi, sa honte, et malgré les explications qu'elle trouve dans son histoire et son enfance, elle ne le plaint pas d'être comme il est et manifeste un reproche sourd et permanent. Elle dit ce qu'il a fait pour changer de milieu social, mais le reproche latent de ne pas avoir été capable de faire une ascension sociale plus grande est perceptible entre les lignes.
Je comprends l'intérêt du choix de la première personne, c'est ce qui fait toute l'originalité du récit, un côté auto-sociologique, qui fait de ce récit une oeuvre à connaître, mais en même temps rien dans ce roman ne me donne pour autant vraiment envie de lire d'autres livres d'Annie Ernaux.
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J'ai trouvé ce livre tellement bouleversant et j'ai tout aimé sans retenue ; l'écriture, la peinture du milieu social de son enfance, les renoncements, les "détails" de sa vie qui sont autant de fenêtres sur sa sensibilité. Je n'y vois que de l'amour pour son père, la douleur de l'avoir perdu à jamais et l'écrire pour ne pas oublier.
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Le moins que l'on puisse dire c'est que ce livre divise les lecteurs. Cependant, j'observe beaucoup de mauvaise foi ou bien des mésinterprétations dans les analyses qui me font pas mal tiquer.

Pour commencer, je ne me pose pas ici en défenseuse absolue d'Annie Ernaux, parce que je m'en bat les reins, déjà...
Je ne suis pas plus fine critique ou observatrice que les autres lecteurs. Je ne me pose pas en universitaire spécialiste et analyste chevronnée de la littérature contemporaine.
Enfin, en aucun cas, je ne dis aux lecteurs avec lesquels je ne suis pas d'accord qu'ils n'ont rien compris, surtout que parmi eux je compte les meilleurs critiques de ce site, je respecte énormément leurs avis et j'admire leur finesse d'esprit.

Maintenant que j'ai bien explicité mes intentions, j'aimerais ouvrir la discussion : à quel moment vous voyez du mépris de classe dans le texte ?

La gêne, la honte, le sentiment de décalage sont exprimés certes. Aussi, est-il besoin de préciser qu'il ne faut pas confondre non plus temps du récit et temps d'écriture ?

"Le déchiffrement de ces détails s'imposent à moi maintenant, avec d'autant plus de nécessité que je les ai refoulés, sûre de leur insignifiance. Seule une mémoire humiliée avait pu me les faire conserver. Je me suis pliée au désir du monde où je vis, qui s'efforce de vous faire oublier les souvenirs du monde d'en bas comme si c'était quelque chose de mauvais goût."

Je ne sens pas ici un mépris pour la classe des humbles mais un reproche fait au monde bourgeois qui prescrit la honte et le mépris des gens simples à ceux qui veulent faire partie de la classe "supérieure".

"Voie étroite, en écrivant, entre la réhabilitation d'un mode de vie considéré comme inférieur, et la dénonciation de l'aliénation qui l'accompagne. Parce que ces façons de vivre étaient à nous, un bonheur même, mais aussi les barrières humiliantes de notre condition (conscience que "ce n'est pas assez bien chez nous"), je voudrais dire à la fois le bonheur et l'aliénation. Impression, bien plutôt, de tanguer d'un bord à l'autre de cette contradiction."

Mépris de classe ? Encore une fois, je dis non.
Ou peut-être est-il tabou de dire que bien des conduites des classes les moins favorisées de la société sont effectivement aliénantes (définition du Larousse : qui soumet à des contraintes, qui rend esclave) . du coup, on fait quoi, on dit Amen à tout ?
Restez dans le politiquement correct les gens, la cancel culture prend les devants, vous êtes taxés de raciste (sérieux ?) et tout ce que vous direz sera retenu contre vous.

Pas la peine de monter au créneau donc, à moins de vouloir absolument lire entre les lignes quelque chose qui n'y est pas et confondre son ressenti de lecture et ce qui est effectivement écrit....
Ce livre ne défend pas le mépris de classe mais le dénonce au contraire. Il a d'autres défauts mais pas celui-là.
On peut argumenter longuement pour dire pourquoi on n'aime pas ce livre mais le contresens est une limite à ne pas franchir.

Je finirai en citant ceci :
"Naturellement aucun bonheur d'écrire, dans cette entreprise où je me tiens au plus près des mots et des phrases entendues, les soulignant parfois par des italiques. Non pour indiquer un double sens au lecteur et lui offrir le plaisir d'une complicité, que je refuse sous toutes ses formes, nostalgie, pathétique ou dérision. Simplement parce que ces mots et ces phrases disent les limites et la couleur du monde où vécut mon père, où j'ai vécu aussi. Et l'on n'y prenait jamais un mot pour un autre".


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La narratrice a étudié, passé et réussi le CAPES qui lui a fait quitter le monde de ses parents et ses codes pour un autre monde, avec de nouveaux codes.
Elle a recueilli des souvenirs qu'elle présente comme un puzzle. Son père, fils de paysans, a été ouvrier agricole puis commerçant.
Une tranche de vie réelle est ce qu'elle est, l'auteur n'a pas créé (ou recréé un monde, des personnages), il ne reste que la capacité de celui-ci à nous communiquer ce qu'il souhaite.
Mais l'attente du lecteur compte aussi. le message passera donc (ou pas) en fonction du lecteur.
J'avoue y être demeurée insensible même si le style est parfaitement adapté au projet de l'auteur. le manque d'émotions a rendu ma lecture fastidieuse.

Lien : https://dequoilire.com/la-pl..
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Ce livre, je ne l'ai pas choisi. Ce sont les circonstances qui l'ont fait pour moi. En effet, il a été donné comme lecture à ma fille et la curiosité a fini par m'avoir, difficile de résister.
J'avais dans ma PAL L'écriture comme un couteau un petit livre dont je repoussais la lecture pour je ne sais quelle raison.
Bref, j'ai plongé dans La place sur mon téléphone, confinement oblige, et je découvre un style déconcertant mais ô combien émouvant. Coïncidence, l'auteure raconte son père alors que je viens de perdre le mien. La douleur est trop vive et ses mots viennent attiser le feu de mon chagrin. La mort d'un être aussi cher ne peut se dire, elle reste enfouie dans notre âme car le coeur ne suffit plus des souvenirs vécus.
Les mots d'Annie Ernaux sont l'écho de ma détresse car je me sens dériver chaque jour, transportée par tout ce qui fût.
Une fille qui perd son père devient orpheline de tout. Orpheline de ses sourires et de tant d'amour donné toute une vie.
Plus je lis et plus j'ai mal. J'ai la sensation que c'est le livre qui lit en moi et que toutes ces phrases sortent du plus profond de mon coeur.
La place d'Annie Ernaux restera gravé en moi.
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