J'ai relu ce livre après la critique de Nastasia-b, qui a fait couler tellement d'encre. Je n'en avais conservé aucun souvenir. Je ne suis concernée par aucune des problématiques du livre, mais ce n'est pas le problème. Je ne suis pas non plus concernée par les problématiques de
Christine Angot ou
Justine Levy, qui jouent sur le même terrain, et pourtant avec elles, je sens un texte, une écriture, je ne suis pas choquée par leur impudeur ( réelle) et ne les trouve jamais indécentes. Pourquoi ? Quelle est la différence ?
C'est l'hypocrisie, je pense. Angot et Levy disent tout, mais elles ne se mettent pas à l'abri, elle ne s'affranchissent pas de leur sujet. "
Mauvaise fille" dit Levy d'elle même,d'une "mauvaise mère", droguée, inconsciente, mais aussi charmante, fascinante. Elle est prête à retomber dans ses envoûtements toxiques pour la faire revivre. On sent l'amour et la haine, la passion, la vie, quoi. Ernaux, excusez-moi, c'est mort. Chez Angot, c'est encore plus complexe, le père, la mère, la fille, les problèmes de classes sociales, tout cela est abordé, mais avec autrement de sensibilité.
Christine Angot, dans
Un amour impossible, nous raconte cette phase où elle a méprisé le milieu social de sa mère par rapport à la très bonne bourgeoisie de son père. Mais elle l'analyse avec autrement de finesse, se méprisant rapidement de cet état d'esprit, et percevant tres vite les affreux secrets qui se cachent parfois derrière le beau langage des gens qui ne sont pas " simples".
Mais chez
Annie Ernaux, madame se cache. Elle ne s'investit pas, sous le fallacieux prétexte d'une écriture plate. C'est quoi, une écriture plate ? C'est pour vider toute émotion? Mais on ne parle pas de sa famille sans "émotion", qu'on l'aime ou qu'on la déteste. L'effet, c'est l'indifférence. Et l'indifférence devient indécente quand il s'agit de décrire la toilette mortuaire d'un père. " Aujourd'hui papa est mort et je l'ai vu tout nu". Excusez-moi, c'est horrible. Mais c'est l'effet que ça m'a fait.
Indifférence, et hypocrisie. Ernaux est cachée derrière son "objectivité", mais elle juge, sans jamais se remettre en question. Pauvre papa qui croyait avoir vécu dangereusement : " l'épopée de cette époque sera récitée à plusieurs voix, reprise indéfiniment avec toujours les thèmes de la peur, de la faim, du froid pendant l'hiver 1942." Euh, Cocotte, j'y étais pas, hein, mais l'hiver 42, à mon avis, en Normandie, c'était pas un "thème", c'était une horrible réalité. Ils ont vraiment eu peur (pour toi) faim et froid..." Sous les bombardements incessants de 1944, il a continué d'aller au ravitaillement, quémandant des suppléments pour les vieux, les familles nombreuses...Ultérieurement, certitude d'avoir joué un rôle, d'avoir vraiment vécu en ces années-là " Arrête de le dénigrer c'est horrible ! Bien sûr qu'il a joué un rôle, qu'il a pris des risques, et qu'il a été sympa ! Il aurait pu d'enrichir, faire le salaud, ou se prendre une bombe !
Orgueil ! Ça commence avec son Capes ( bravo ! ) et ça finit avec une ancienne élève caissière ( trop la loose !) dont elle nous fait bien comprendre qu'elle la reconnait à peine, quand l'autre lui explique son parcours. Méchant ça, Annie. C'est quoi le rapport avec ton père ? Les caissières sont les nouveaux paysans ? Mais en tout cas, dans ta reaction, tout est là : indifférence ( c'est qui celle-là), hypocrisie, et orgueil ( nananère, je suis pas caissière)
Froideur ! Je crois que c'est ça le plus insupportable. Égocentrisme complet. J'ai l'impression qu'elle n'a rien su de l'homme qu'était son père. Et nous non plus, du coup. Donc aucun intérêt.
Je rejoins donc complètement Nastasia, mais en pire. Je trouve ça nul.
Et maintenant j'oublie, encore une fois.