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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Gustave Flaubert me faisait peur peut-être à cause de Madame Bovary dont j'entendais parler doit en éloges soit en critiques et il traînait depuis des lustres dans ma bibliothèque des livres à lire. Je l'avais abordé d'une manière détournée en voyant une adaptation cinématographique (celle avec Isabelle Huppert) il y a quelques temps donc je connaissais les grandes lignes du roman. Mais une fois de plus l'écrit prévaut pour moi sur l'adaptation pat la richesse dans l'écriture et les détails entourant l'intrigue que ce soit au niveau du décor, de l'époque, des personnages et même de de que l'écrivain met de lui-même dans le récit. Ici que ce soit de la vie de province, de l'amour, de la maternité, de l'identité, de la place de chacun des habitants, de leurs rôles et surtout de la personnalité de son héroïne tout est tiré au cordeau sans jamais être lourd, ennuyeux et surtout que d'émotions et même, malgré que j'en connaisse la fin, de la tension. Emma est une véritable héroïne de roman, a la fois forte et faible, manipulée, amoureuse, fragile et instable. Un coup de coeur à la fois pour l'auteur, la finesse de son récit, les multiples axes de son récit mais également pour Emma qui m'a émue dans sa recherche de l'amour, d'une autre vie, de ses excès.
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Lire (ou plutôt relire) - Madame Bovary - à 16 ans et à 66 ans revient quasiment à lire deux livres différents. le chef-d'oeuvre étudié à l'école à un âge où il me manquait beaucoup d'outils et, disons-le, l'intérêt requis, apparaît d'évidence au vieux lecteur que je suis devenu, comme l'immense bouquin qu'il est 50 ans plus tard.
Ce n'était certes pas une découverte, mais une redécouverte aux saveurs que goûte un aventurier qui accoste presque par hasard sur l'île au trésor.
Je ne vais pas me lancer dans une explication de texte, et vous parler du style exceptionnel, de la structure narrative parfaite, des personnages universels et inoubliables, de la critique des moeurs de province au vitriol, du procès historique et de l'énormissime travail de documentation consenti pendant quatre années par Flaubert.
Tant d'études, de livres, de conférences sont nés de ce chef-d'oeuvre, et tant d'autres, je n'en doute pas, viendront, que je ne pourrais que tomber dans de banales et plates redites.
Donc, mignonnes et mignons, tandis que votre âge fleuronne en sa quête de beautés (littéraires), cueillez, cueillez celle qu'un génie nous a offerte il y a... non, inutile de dater celle qui a un parfum d'éternité.
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Ce roman, je l'ai lu au moins dix fois, avec un plaisir de lecture chaque fois renouvelé. Oui, bien sûr, c'est l'histoire d'Emma, qui a rêvé sa vie au lieu de la vivre. Mais je relis ce roman avec en tête la phrase de Flaubert que je cite de mémoire : ce que j'ai voulu faire, c'est rendre un ton, le gris, cette couleur de moisissure d'existence de cloporte. C'est violent, moins glamour que le célèbre (et tronqué) "Madame Bovary, c'est moi". Et, dès lors, on comprend l'intemporalité de cet extraordinaire roman et l'avertissement qu'il nous adresse, encore aujourd'hui. Notre époque aussi fait dans le gris, ni noir, ni blanc...en plein brouillard. Et consomme à tort et à travers pour combler les vides, le vide abyssal de la superficialité érigée en valeur...Alors tiens, justement, relisons Madame Bovary. C'est le monde d'aujourd'hui.
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Madame Bovary, c'est l'histoire d'une femme mariée à un homme qu'elle n'aime pas, d'une femme qui s'enferme dans une certaine idée de ce que devrait être sa vie et qui est par conséquent constamment insatisfaite ; c'est l'histoire d'une femme qui s'ennuie, qui est incapable d'aimer, qui est incapable de vivre, tout simplement.

Durant sa jeunesse dans un couvent, elle a lu beaucoup de livres romantiques qui lui ont donné l'envie de vivre sa vie à la façon de ces héroïnes de romans. Mais rien n'est à la hauteur de ses espérances, ni son mari, ni sa province, ni les notables locaux. Elle s'engage alors corps et âme dans des liaisons amoureuses qu'elle imagine passionnées, elle dépense sans compter jusqu'à la ruine… cependant, quoi qu'elle fasse, elle ne trouve pas le bonheur.

Moi j'ai quand même envie de prendre la défense du pauvre Charles Bovary, époux malheureux de l'insatisfaite Emma. Sérieux, elle était chiante, Emma. Jamais contente de son sort, toujours à chercher à vivre comme une héroïne romantique… sauf qu'elle n'en avait absolument pas les capacités. L'époux, petit médecin de campagne, homme humble, effacé, et certainement un peu naïf aussi, était très sincèrement fou amoureux de cette pimbêche. On ne peut le nier. Et je trouve qu'on ne lui rend pas assez d'honneur. Il a toujours été à ses côtés, il a toujours essayé de faire de son mieux, de faire en sorte qu'Emma se sente bien. Et même après la mort de son épouse, après qu'il ait découvert le pot aux roses, l'existence des amants, le pourquoi de leur ruine, même alors à ce moment-là, il n'a cessé de l'aimer tendrement. Il était certainement un peu con-con, mais quand même… Je le trouve très sincèrement touchant, cet homme.

Emma, elle, me met les nerfs en boule. Même en tant qu'amante, je la trouve médiocre. On dirait une petite fille à qui on vient d'offrir une nouvelle poupée… Elle est tellement puérile dans ses réactions. Alors effectivement, elle a reçu une bonne éducation, son père l'a couverte d'affection, elle avait légitimement des rêves et des envies. Charles, lui, est devenu un petit médecin médiocre après avoir subi durant toute son enfance l'emprise de ses parents, notamment de sa mère, femme ambitieuse, très fière, mais aussi envieuse et un brin crétine. Avec ce mariage, Emma entrevoit un avenir radieux, rythmé par les bals mondains, les sollicitations en tous genres, et les discussions interminables dans les petits salons. Elle imagine également une vie de couple passionnée aux côtés d'un époux romantique et fougueux. Mais la dure réalité la rattrape vite : Charles est un benêt sans ambition ni conversation, il n'a aucun goût pour les mondanités, et les « choses du sexe » ne sont pas non plus à la hauteur des espérances de la jeune femme. Elle éprouve d'ailleurs assez rapidement un dégoût de son époux. Elle découvre alors la sexualité dans les bras d'un amant dont elle ignore d'ailleurs qu'il est un impénitent coureur de jupons. J'avoue que jusqu'à ce stade du récit, cette jeune femme m'émouvait. Je comprenais son sentiment d'injustice, d'enfermement, d'étouffement… Je comprenais ses ambitions de vie romantique, ses déceptions face à la réalité de sa vie.

Mais je trouve qu'elle s'est trop enfermée dans ses fantasmes, réagissant comme une jeune pucelle face à Rodolphe puis à Léon. Elle rêvait d'aventures passionnées et fougueuses ; elle n'est finalement qu'une mauvaise parodie de l'amante enflammée. Elle surjoue son rôle, ce qui effraie d'ailleurs ses deux amants. Elle se coupe totalement de toute réalité, elle la fuit. Elle évolue dans un monde à part, s'imaginant que toute forme de vie s'articule autour de sa personne, délaissant sa fille, piquant des caprices. Son suicide n'est pas une surprise, mais ce qui aurait pu être un acte romantique au plus haut point n'est finalement qu'un geste pitoyable et désespéré.

Les personnages secondaires sont tout aussi intéressants. Il y a le pharmacien et son épouse, le notaire, la patronne de la taverne, les domestiques, le curé… Flaubert dépeint les « moeurs de province » à merveille, on s'y croirait !

J'ai énormément aimé ce roman. J'aime l'écriture de Flaubert, elle a ce petit goût typique du XIXème siècle, avec de belles phrases bien construites, des verbes conjugués dans des temps trop rarement utilisés par nos auteurs contemporains. Et puis on ne peut s'empêcher de lire Madame Bovary sans penser au procès que ce livre a valu à Gustave Flaubert. Il a écrit son roman de 1851 à 1856 ; il est d'abord publié sous la forme d'un feuilleton dans La Revue de Paris dès la fin de cette même année. le procès pour « outrages à la moralité publique et religieuse et aux bonnes moeurs » a lieu dès le début de l'année 1857. La scène du fiacre a notamment « un brin » choqué les gardiens de la moralité. Pour ceux qui n'auraient pas lu le livre, sachez qu'Emma et Léon ont passé toute une journée enfermés dans un fiacre, mais que rien de ce qui s'est passé dans le véhicule n'est décrit. Il faut alors imaginer… Plusieurs passages ont été tronqués lors de la parution en feuilletons, ce qui a fort agacé le brave Gustave. M'enfin, il a eu gain de cause, aucune charge n'ayant été retenue contre lui. Et Madame Bovary est devenu un classique dont on parle encore 150 ans plus tard…
Lien : http://www.petitchap.com/la-..
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Salle 104 au collège Popeck.

(C'est pas le vrai nom du collège, mais vu que mon beau-père a été au collège Django Reinhardt, je ne vois pas pourquoi je n'aurais pas le droit d'avoir un collège au nom sympathique.)

Au collège Popeck, donc, c'est le vendredi juste avant les vacances de la Noël. Monsieur Chabance, comme de juste, a revêtu son merveilleux costume en velours côtelé vert olive.

Monsieur Chabance, je l'ai déjà dit mais je le répète, c'était mon prof' de lettres, le communiste (mais gentil) qui vouait un culte immodéré à Georges Brassens, et qui était le sosie non-officiel de Michel Cardoze.

C'est aussi lui qui avait mis, entre autres, un portrait de Léon Blum et de Jean Jaurès sur son « Mur des Gens qui Redonnent Foi en l'Humanité », aux côtés de Brassens, de la bande d'Hara-Kiri, mais aussi de Zola ou des Philosophes de Lumières.

Voilà pour les présentations.

Et donc, ce jour-là, c'est vendredi. L'excitation est à son comble, surtout que c'est la dernière heure.
- Bon, vu que vous êtes énervés, on va jouer à un jeu.
- Vous faites un Uno avec nous, M'sieur ?
- Répète ça et je te fiche mon Grévisse dans la binette.

Il ne l'a jamais fait en vrai, mais quand il menace, il prend une grosse voix, et même si on sait que c'est pour de faux, on a un peu peur.
- Non, on va faire des devinettes. Les deux rangées à gauche, vous serez l'équipe des Cornemuses, et vous autres l'équipe des Strapontins. Parce que j'ai envie. L'équipe qui gagne aura droit à un cadeau de Noël de ma part. Assortie de mon admiration éternelle. Et du fond de sa tombe, Brassens vous dira que c'est un grand honneur.

Il a une telle éloquence que même ceux pour qui François Mauriac est un joueur de foot s'arrêtent de faire des sarbacanes à partir d'un effaceur et se mettent dans l'ambiance.
- Bon. Je dis une phrase, vous devez deviner de quel bouquin je parle. C'est simple. Attention ça commence : L'auteur a fait scandale.
- Eric Zemmour ?
- C'est froid, Raphaël.
- Alain Soral ?
- C'est glacé, la Galette.
- C'est récent ?
- Avant 14-18.
- Zola ?
- Vous vous réchauffez, les Strapontins.
- Un indice, M'sieur, c'est Noël !

Il se trifouille les moustaches :
- L'auteur a deux points communs avec moi.
- Cavanna ? Communiste et moustachu !
- Bien vu, mais non. Et j'ai dit que c'est avant Quatorze.
- Edgar Poe ?
- Non, je ne suis ni alcoolique, ni marié avec ma cousine de quatorze ans, Emilie.
- Maupassant ?
- Ah ! Vous vous réchauffez, les Cornemuses !
- Flaubert !
- Oui ! Mais quel livre ?

Les Strapontins (car ce sont eux qui ont trouvé) se concertent.
- Euh, Madame de Bovary ?
- Qu'est-ce ? Je ne connais pas ce livre, répond-il avec un grand sourire.
- Madame Bovary, alors ! hurle une cornemuse.
- Bravo ! Mon cher Nicolas, vous avez fait gagné à vos camarades cornemuses le droit de le lire pour les vacances.

Forcément, ça gueule.
- Eh bien, les Strapontins, on est déçus ? Ecoutez, c'est Noël, dans ma grande générosité, je vous donne le droit de le lire aussi. Ils vous attendent chez le libraire d'en face, je les ai commandés par douzaine, et vous en profiterez pour passer le bonjour à Monsieur Fréchon de ma part.

Puis, ouvrant la porte pour nous laisser partir :
- Allez, joyeux Noël...

Bien plus tard, quand j'avais rappelé à Monsieur Chabance cet accès de sadisme dont nous étions coutumiers – mais nous l'adorions quand même –, il s'était marré.
- Après tout, ça vous avait bien plu !

Et comment !

- Mais alors, qu'est-ce que l'histoire, déjà, je me souviens plus trop bien, me demandes-tu tout de go, car tu n'as pas eu la chance d'avoir Monsieur Chabance en troisième.

Je vais laisser à notre cher Jean Rochefort national le soin de te répondre :

« C'est l'histoire d'un p'tit puceau tout mou comme les Chocapic au fond d'leur bol.»

C'est bien résumé, mais finalement, je vais m'en charger moi-même. Merci quand même, Jean.

C'est un zig, médecin de campagne, fraîchement veuf mais c'était une vieille donc c'est pas grave, qui tombe follement amoureux de la fille d'un de ses patients. Donc il demande la fille en mariage, et le père de la fille accepte.

- C'est super, j'adore l'amour.

Ouais, mais leur lune de miel ne dure qu'un temps. Parce qu'en fait, Emma, brave fille qu'elle est, se rend compte que le mariage, c'est moche.

Enfin, c'est moche... Disons qu'elle s'ennuie, quoi.

Attention, Charles, il est sympa, gentil, il lui fait même une petite fille. Mais elle s'emmerde le burnous.

Emma, c'est un peu la ménagère qui fait le repassage en regardant le mariage du Prince William avec Kate Middleton, et soupire : « Ah, qu'est-ce qu'elle est belle, elle en a, de la chance... ».

Emma, elle voudrait pouvoir mener la grande vie. Mais Charles n'est qu'un petit médecin un peu neuneu. Il n'a pas inventé la machine à courber les bananes, comme eût dit Monsieur Chabance.

Alors Emma décide de se dévergonder un peu.

Dans un fiacre, par exemple.

Ouais. C'est vrai qu'en comparaison, ma vie n'est pas bien excitante. Je suis assise dans mon fauteuil en train d'écrire un billet pas franchement folichon, tandis que Madame Bovary se fait « raccommoder la crinoline par des bad-boys en calèche » (c'est pas de moi, c'est de Jean Rochefort).

En parallèle à ses tribulations sexuelles, elle a aussi souscrit à des emprunts pour s'acheter des jolies robes.

Sans l'accord de son bonhomme de mari, hein, ça va de soi.

Sauf que, acculée par les dettes et abandonnée par ses amants, Emma n'a plus d'autres choix que de se suicider.

Oui, c'est hardcore. Au lieu d'aller vendre des marrons grillés Porte de Montreuil, elle préfère manger des granules d'arsenic.

Donc, forcément, elle meurt.

Et comme elle meurt, son mari resté tout seul avec leur fille découvre les relations adultérines de feu son épouse, et il meurt à son tour.

Ne reste que la gamine. Qui s'apprête à vivre une existence pas des plus exaltantes.

- Donc, vu que c'est un classique, écrit par un moustachu de surcroît, tu vas nous dire qu'il est super, hein, la galette ?

Bah, carrément.

Quand nous sommes rentrés de vacances, la première chose que Chabance nous a dit, c'est :
- Alors, le moustachu normand, comment vous l'avez trouvé ?

(Oui, alors hors contexte, ça peut paraître étrange, mais c'était toujours comme ça avec Chabance)

- Si on dit qu'on a bien aimé, vous nous mettez des points bonus ?
- Et puis quoi encore ? Vous trouvez que je ressemble à Mère Teresa ?

C'est vrai que Madame Bovary fait partie de cette légion de livres que tu apprécies seulement à partir du moment où tu as un gus de l'espèce de Monsieur Chabance pour t'expliquer la beauté de la prose flaubertienne.

Les petites blagounettes que glisse Gustave au détour d'une phrase, quand tu as quatorze/quinze ans, c'est difficile de les voir au premier coup d'oeil sans une patte paternelle qui te dit : « Hé, regarde ici, c'est rigolo, tu trouves pas ? ».

Parce que des blagounettes, y en a plein. Enfin, blagounettes, c'est vite dit. Disons que c'est plutôt des piques parfois très mesquines. Notamment Charles Bovary qui en prend pour son grade, quand Gustave dit de lui qu'il a « la conversation plate comme un trottoir de rue. »

Monsieur Chabance, ça le faisait marrer. Moi aussi. Mais moi, je ne suis pas un exemple.

- Donc, qu'est-ce que tu conclus, chère Galette ?

Bah, j'en conclus que Madame Bovary, c'est pas mal. Pas mal du tout. Les désillusions en tout genre, j'aime bien, j'expérimente un peu. Sans pour autant être la copie conforme d'Emma – faire l'amour dans un fiacre ne fait pas particulièrement partie de mes phantasmes –, je m'y suis un peu reconnue dans le côté désenchanté (tout est chaooos).

Si on y ajoute l'humour de Gustave, et son talent, on obtient un bon livre qui traverse légitimement les âges.

Voilà.

Sur cette conclusion pas folichonne, je te laisse, ma maman veut que je mette le couvert.

La bonne journée.
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Dit en peu de mots, Madame Bovary c'est l'histoire d'une petite bourgeoise sans relief dans un banal bourg normand, durant la Monarchie de Juillet, dont on suit le mariage, l'adultère et la chute. Se servant de ce sujet plat, dans la veine réaliste, Flaubert se consacre au style et fait du roman le nouveau lieu de déploiement du lyrisme. C'est une véritable révolution qu'il fait au genre du roman, révolution qui marque encore toute la production romanesque contemporaine.

Emma Bovary, décidément très actuelle, meurt de confinement ! “Sa vie était froide comme un grenier dont la lucarne est au nord, et l'ennui, araignée silencieuse, filait sa toile dans l'ombre à tous les coins de son coeur.”

Toute prise par des rêveries grandioses et romantiques, elle passe littéralement à côté de sa vie. Flaubert, dont le sacrifice de la vie sociale, amoureuse et familiale sur l'autel de l'écriture n'est pas sans rappeler l'échec de la vie de son héroïne, donne une observation incroyablement précise du cas Emma Bovary. de nous jours, Emma Bovary serait décrite comme une femme narcissique, malade d'idéal, pleine de convoitise, de rage et de haine, fantasmant sa vie plutôt que de la vivre.

Madame Bovary, c'est aussi une succession de scènes éminemment cinématographiques, dont on se plaît à imaginer le film. Et bien sûr, lire Madame Bovary est un vrai bonheur, car c'est un style à nul autre pareil. A lire et à relire !

Gaultier
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Plusieurs fois relue, cette oeuvre ne m'a laissé que de bons souvenirs, à commencer par le récit des noces campagnardes d'Emma et de Charles et la description de leur pièce montée, objet d'une dictée dans mon enfance.
Ce livre est semblable à un vêtement familier qu'on revêt avec plaisir, ce qui n'empêche pas d'y découvrir à chaque fois de nouveaux sujets d'intérêt et des beautés nouvelles.
Curieusement, il commence par "nous étions à l'étude quand…", comme si le narrateur avait été camarade de collège de Charles Bovary, alors que plus jamais la première personne du singulier ou du pluriel n'interviendra dans l'histoire. Avant de rencontrer Emma, c'est d'abord le parcours de Charles que l'on suit, élève assidu mais peu doué, qui échoue - si ma mémoire est bonne - à ses examens de médecine et ne pourra devenir qu'officier de santé. Sa mère, surprotectrice, s'emploie à lui trouver une situation professionnelle et une première épouse, veuve, dont la fortune ne correspond pas aux espérances de la famille de Charles, ce que celle-ci lui fera cruellement sentir, au point de provoquer son trépas. Devenu veuf, Charles est amené à soigner le père Rouault, un fermier cossu, qui s'est brisé une jambe et à faire la connaissance de sa fille Emma, élevée au couvent et nourrie de romans et de rêves d'amour. On se demande bien comment Emma peut trouver quelque agrément à Charles, si prosaïque et si balourd, mais toujours est-il qu'elle accepte sa demande en mariage et sombre bien vite dans l'ennui et la mélancolie dont ni un changement de résidence, ni la naissance de sa fille Berthe ne parviendront à la tirer. Il faut avouer que son environnement la dessert, car si Charles est un mari aimant, il se révèle désespérément sans envergure et terre à terre. le pharmacien Homais représente un modèle de prétention et de sottise et c'est bien en vain qu'Emma tente de confier son désarroi au curé Bournisien, qui ne conçoit que les détresses matérielles. Après s'être remémorée durant des mois les délices d'un bal à la Vaubyessard, Emma prend un amant en la personne de Rodolphe, hobereau égoïste, qui l'abandonne alors qu'il lui avait fait miroiter une fuite en sa compagnie. Viendra ensuite le tour de Léon, clerc de notaire, qu'Emma retrouve à Rouen.
A vrai dire, totalement égocentrique et dépourvue de tout sentiment maternel, Emma n'attire guère la sympathie, au fond moins que Charles, touchant dans son amour marital, malgré son aveuglement et ses limites de tout ordre.
Bien sûr, l'auteur s'attache surtout à la critique de ce milieu de bourgeois provinciaux, bornés et abreuvés de lieux communs. Il a des trouvailles mémorables, tels que l'agacement de Léon devant l'obstination du bedeau à lui faire visiter la cathédrale en compagnie d'Emma, puis l'interminable course du fiacre que tous deux ont pris par les rues et la campagne et la suggestion des ébats auxquels les deux amants s'y livrent. Son écriture est toujours un régal.
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Encore une femme du XIXème siècle qui s'ennuie et se tourne vers d'autres homme que son mari. Comment ne pas être touché par le style de Flaubert : "sa vie était froide comme un grenier dont la lucarne est au nord, et l'ennui, araignée silencieuse, filait sa toile dans l'ombre à tous les coins de son coeur."
Les tourments de l'amour adultère sont tellement vifs qu'envisager d'en finir avec la vie représente une issue possible. Décidément, la vie des femmes au XIXème siècle est très difficile et ne présente guère d'épanouissement que celui de la maternité. Gustave Flaubert dénonce avec sa plume, avec beaucoup de courage pour l'époque, la vie peu enviable de ces femmes.

Challenge XIX - édition 2019
Challenge Solidaire 2019
Challenge Multi-Défis 2019
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Relire Madame Bovary 25 ans plus tard et retrouver le même plaisir de lecture !

Il est très rare que je me replonge une deuxième fois dans un livre, mais j'avais eu un tel coup de coeur pour ce roman à l'adolescence que j'ai eu envie de faire une exception ! J'ai découvert l'impatience mêlée de fatalité à retrouver les épisodes marquants de l'intrigue (les lectures romanesques d'Emma au couvent, sources de ses illusions ; le bal de la Vaubyessard et son pendant "paysan", les Comices agricoles ; l'opération désastreuse du pied-bot d'Hippolyte ; les deux amants Léon et Rodolphe...). J'ai redécouvert des détails oubliés, comme le premier mariage de Charles. Mais surtout, avec le recul de l'âge, j'ai porté un regard différent, plus pointu peut-être, sur les principaux protagonistes.
Le roman démarre autour de Charles, avec cette première scène excellente (l'arrivée au collège) qui le place d'emblée sous le signe du ridicule et de la passivité. Mal dégrossi, servile, d'abord sous l'emprise de sa mère, puis de sa première femme, Charles restera toute sa vie sans curiosité ni opinion sur rien, faisant ainsi le désespoir d'Emma (comme on la comprend !) : "La conversation de Charles était plate comme un trottoir de rue". Elle qui rêvait d'un mariage d'amour en recevra beaucoup de sa part... mais sans jamais en éprouver pour cet homme insipide.

Ce n'est qu'au chapitre V que le point de vue exprimé bascule sur celui de la jeune femme, coïncidant avec la découverte de sa nouvelle demeure. On (re)découvre une héroïne rêveuse, bercée d'illusions sur la vie et l'amour, de plus en plus frustrée de rien y voir de semblable dans la sienne... Au bal de la Vaubyessard, elle touche du doigt cette existence fantasmée, s'émerveillant du faste et de la belle compagnie, allant jusqu'à admirer un vieillard qui bave et bégaie (le duc de Laverdière) du seul fait qu'il "avait vécu à la Cour et couché dans le lit des reines"!.. En véritable peintre du quotidien, Flaubert a l'art du portrait et de la scène, faisant naître sous nos yeux tel lieu ou tel individu. Et avec le déménagement à Yonville, c'est un joli florilège de personnalités qui attend le lecteur ! Il y a Léon, bien sûr, le romantique timide pour qui Emma ressent "un murmure de l'âme". A l'opposé, Rodolphe se révèle un authentique séducteur prédateur, un homme à femmes beau-parleur qui dès le départ se promet : "Oh je l'aurai ! Mais comment s'en débarrasser ensuite ?". Tout aussi horripilant, Homais le pharmacien pédant et fourbe, agace par ses manières (il vole sa clientèle à Charles en pratiquant des consultations illégales dans son arrière-boutique), et ses opinions (il se laisse tout le temps emporter dans de longs discours visant à démontrer sa supériorité). N'est-ce pas lui à l'origine de l'opération du pied-bot qui fera passer Hippolyte du statut d'handicapé à celui d'amputé ?! Tout ça pour usurper un peu de notoriété... Et puis n'oublions pas l'impitoyable Lheureux, "marchand de nouveautés" et prêteur sur gages sournois, prêt à tout pour saigner ses clients jusqu'au dernier sou... Il contribuera grandement à la perte des Bovary!

Une déchéance annoncée qui s'étire lentement mais inexorablement au fil des chapitres, plongeant Emma toujours plus profondément dans le désespoir malgré quelques sursauts de répit ici ou là. Ennui, regrets, solitude, dépression... la vie de madame Bovary n'est qu'une lente dégénérescence : "Ils parlèrent de la médiocrité provinciale, des existences qu'elle étouffait, des illusions qui s'y perdaient". Mais peut-on, en toute honnêteté, accuser la seule vie provinciale d'être responsable de la médiocrité de son existence ?
Car c'est bien ma perception du personnage central qui aura le plus évolué à cette seconde lecture : certes la malheureuse Emma est bien touchante... Qui n'a jamais connu de déceptions dans sa vie ? Mais n'est-ce pas avant tout sur elle-même que la jeune femme s'illusionne ? Ne reste-t-elle pas aveuglément naïve malgré l'expérience ? Éternelle insatisfaite qui "retrouve dans l'adultère toutes les platitudes du mariage"... Ne se montre-t-elle pas trop égocentrique pour se remettre en question ? Mère négligente et épouse irresponsable, menant une vie de luxe dont elle n'a pas les moyens ? Préférant se lamenter plutôt que de réagir (même si les femmes ont peu de liberté à cette époque)... Oui je dois l'admettre : elle m'a un peu agacée, cette madame Bovary ! J'ai ressenti une sorte de tiraillement entre compassion (identification ?) pour cette femme vivant dans son petit monde romanesque, déconnectée de la réalité, et une envie de la secouer afin qu'elle se reprenne en mains ! D'ailleurs j'ai adoré le passage où, après l'amputation d'Hippolyte, anéantie de honte envers son mari, elle lui crie "Assez !" d'un "air terrible" et s'enfuit en claquant la porte : voilà une réaction forte de la part d'une héroïne !
Pour autant sa mort m'a une nouvelle fois émue... Cette agonie terrible doublée du chagrin insoutenable de Charles... Après tout, il l'aura aimée d'un amour authentique, lui. Dommage qu'il ait attendu la perte de la femme de sa vie pour, paradoxe cruel, enfin devenir celui qu'elle aurait voulu.
Voilà en tout cas l'immense talent de maître Flaubert, et toute la pertinence d'une oeuvre que l'on dit, à juste titre, majeure, incontournable, "classique" : continuer à vous toucher, à vous faire réagir, à travers les époques comme à travers votre propre existence.
Lien : http://www.takalirsa.fr/mada..
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Ici un des romans que j'ai lu au moins cinq fois.
Avant toute chose je voudrais attirer l'attention sur notre cher Monsieur Homais, qui est toujours le porte-malheur d'Emma. Nulle part, dans aucune critique, dans aucun ouvrage ni essai, je n'ai vu que ce fait avait été mentionné .Ensuite je parlerai de la mère de Charles,

Homais qui invite souvent à sa table Léon, et cela dès le premier soir de l'arrivée des Bovary et qui le présente comme un chanteur excellent, ce qui n'est pour déplaire à Emma qui aime les chanteurs romantiques.
Homais responsable quand il encourage Charles à pratiquer l'opération du pied-bot d'Hippolyte et qui précipite la ruine de Charles. Et qui fait replonger Emma dans son adultère avec Rodolphe, elle avait alors décidé de mettre un pei de distance avec lui. Elle avait tant espéré de cette opération qui lui aurait permis d'éprouver pour Charles de l'admiration que son désappointement jeta de l'huile sur le feu.
Homais qui préfigure la chute d'Emma quand il s'adresse aux deux cavaliers, Rodolphe et Emma, partis faire un tour dans les bois en s'écriant comme par ironie « de la prudence, vos chevaux sont peut être fougueux ». Nous savons que c'est au cours de cette promenade qu'elle va céder à Rodolphe.
Homais encore qui incite Charles à emmener sa femme au Théâtre à Rouen, où elle va retrouver Léon et l'on connaît la suite…
Homais qui détient l'arsenic… Qui le fait savoir indirectement à Emma venue aux nouvelles (son beau- père est mort) en braillant dans sa boutique et en s'en prenant violemment à Justin, qui a failli les empoisonner en déposant près des pots de confiture le dangereux bocal ?
Étrange, fort étrange, non ?

jJ'aborde à présent la mère de Charles, voici une femme qui s'est saignée aux quatre veines pour donner une éducation à son fils. Lui apportant chaque semaine de quoi manger quand il était étudiant à Paris. Une femme qui ne se trompe qu'une fois en trouvant à Charles une épouse déjà mûre mais riche - hummmm…. ps vraiment - enfin bref, après le remariage de son fils elle s'efforce de donner à sa bru des conseils toujours avisés. Elle en fait de même avec Charles, car elle s'inquiète de la prodigalité d'Emma. On peut dire qu'elle est la seule personne à avoir du bon sens dans ce roman. Cependant elle n'est jamais écoutée. (Je trouve que l'on a peu commenté, voire pas du tout, le rôle de cette mère) et cette absence d'écoute et d'attention laisse à penser que ce roman est une illustration de la tragédie grecque. Toute tentative de faire changer le cours du Destin échoue. C'est peut-être aussi une manière de dire, pour Flaubert, que les parents le plus attentifs et affectueux n'ont aucune influence sur la destinée de leurs propres enfants. Et pire, c' est parfois les parents les plus attentionnés qui provoquent les pires drames dans leur famille. Les exemples littéraires d'ailleurs sont légions.

Après, tout ce que je vais dire et raconter, vous le savez tous, mais j'ai plaisir à le redire de nouveau, comme une berceuse triste et mélodieuse.

La vie ne fut pas tendre pour notre Emma, et pourtant, elle avait du pain et du feu et le pauvre abbé Bournisien ne put rien pour elle, quand elle vint le consulter pour lui faire part de son malheur et chercher une aide auprès de lui.
Que lui manquait-il, à la pauvrette ? Elle qui avait épousé Charles, un brave homme attentif dont le seul défaut était un cerveau aux possibilités réduites et peu de flatterie dans ses paroles.
Emma, nourrie de littérature romanesque, s'imaginait trouver l'amour dans le mariage ; elle ne le trouva point et sombra dans une sorte de mélancolie.
Mais vint un jour un individu sans scrupule, qui sut lui dire les mots qu'elle attendait et qui firent chavirer son coeur. Elle céda à Rodolphe Boulanger, un hobereau qui la roula dans la farine : Son nom n'était-il pas choisi à bon escient ?

Amour malheureux que celui-ci, bientôt remplacé par Léon Dupuis, comme si la vérité sortait du puits même de ses entrailles et allait révéler à Emma toutes les facettes insoupconnées de la passion. Lui aussi sut réciter de belles phrases pour la convaincre, mais l'emporta dans un fiacre pour consommer le bel amour. le romantisme n'y allait pas par quatre chemins ! Pas même la petite fille Berthe au gros oeil bleu ne fit revenir sur terre la pauvre petite femme, que Flaubert appelait "ma pauvre Bovary".

Comme prise par le tourbillon des superficialités et du factice clinquant, Emma tomba dans les filets du marchand Lheureux - admirons toujours l'onomastique choisie par Flaubert - qui lui avait fourni tapis, robes, manteau, cravaches, en lui tendant un piège : endettée, à présent, menacée de saisie, Emma ne trouvera pas l'argent qui lui sauvera la vie.

de tous les livres que j'ai lus, celui-ci est mon préféré. Il est la Bible, écrit à la perfection, mille fois pensé et repensé. Une musicalité parfaite, des pages que l'on connaît par coeur à force de les avoir lues et récitées. Un roman qui fait pleurer et méditer. Et le plaisir de voir le film avec Isabelle Huppert nous permet d'apprécier d'une autre manière cette grande oeuvre littéraire.
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