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EAN : 978B003WPDHAU
TNP (30/11/-1)
3.58/5   18 notes
Résumé :
Faire rire par le ridicule, voilà la visée du dramaturge dans Les Rustres (1760), satire de la bourgeoisie commerçante vénitienne. Tantôt drôle, tantôt cruelle, cette comédie mordante met en scène quatre marchands tyranniques et bourrus qui, par leur autoritarisme, font obstacle aux désirs de leurs enfants et de leurs femmes...
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Carlo Goldoni signe, avec Les Rustres (I Rusteghi), une petite comédie sociale en trois actes (dite Comédie d'Ambiance Vénitienne), possiblement osée pour l'époque, mais qui, de nos jours, fait un peu l'effet d'une vesse-de-loup sur laquelle on poserait le pied ou d'un soufflé sorti du four depuis bien longtemps.

Il y dénonce, et je ne saurais m'en plaindre, la condition de la femme dans le milieu des commerçants bourgeois dans la Venise du XVIIIème siècle, trop souvent réduite à l'obéissance, quand ce n'était pas à l'asservissement pur et simple, au joug, à la férule soit du mari, soit du père.

L'auteur y démontre, assez timidement je trouve, que l'on n'obtient rien ainsi des femmes, ni de personne d'ailleurs, et que la seule chose à laquelle on s'expose, c'est à la médisance et à la tromperie car, derrière le dos du mari ou du père inflexible, se trouvera toujours une combine, une ruse, une machiavélique pensée pour contourner le carcan du patriarcat absolu.

On y lit donc une critique sociale avérée, sous les traits d'une vague comédie (les passages comiques — vraiment comiques j'entends — sont peu nombreux et pas très drôles, plutôt de légers sourires qu'autre chose), mais pas une de celles que je qualifierais d'al dente. Ce n'est pas non plus désagréable, je ne dis pas, mais cela ne m'a pas laissé une très forte impression.

Bien sûr, on y lit aussi une pique évidente au matérialisme des bourgeois, plus soucieux de la bonne marche de leurs affaires que de celle de leur foyer, mais, là encore, c'est une pique timide, pour dire sans dire, car, comprenez-vous, il ne fallait pas trop froisser non plus le possible mécène, alors on y va sans y aller. Vous voyez je vous égratigne un petit peu, mais je vous aime bien quand même, je suis de votre côté dans le fond, et si vous pouviez me glisser un petit cachet, je n'y verrais rien à redire... Aaaah, mon cher Carlo, que c'est dur d'être auteur !

Si je devais la comparer, quant au genre et au sujet, à une comédie relativement contemporaine à celle-ci, je choisirais La Colonie de Marivaux et, immanquablement, ma préférence irait à cette dernière. Selon moi, le propos est plus fort, plus drôle et plus osé chez le Français que chez l'Italien, mais encore une fois, tout ceci n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Ecrite en dialecte vénitien, la pièce Les rustres est crée en 1760, à la fin du carnaval. La pièce sera éditée en 1762, avec une dédicace à l'ambassadeur français de Venise, il faut dire que Goldoni part quelques jours plus tard pour la France, où il finira sa vie. La pièce a inspiré un opéra-comique de Wolf-Ferrari, I quatro rusteghi, crée en 1906.

Nous sommes à Venise pendant le carnaval. Mais pas questions de fêtes et réjouissances dans la maison de Lunardo. Très sévère, il tient très serrées sa femme Margarita et sa fille d'un premier mariage, Lucietta. Il promet néanmoins aux deux femmes des réjouissances pour ce soir : il a invité des amis à lui pour dîner. S'agissant d'individus très proches par leur comportement de Lunardo, elles sont moyennement ravies. Mais cette invitation a un but : celui de marier Lucietta à Felippetto, le fils d'un des invités, Maurizio. Lunardo n'en dit rien à Lucietta, qui l'apprend en secret de sa belle-mère. Elle est partagée entre joie et inquiétude : elle aimerait voir son promis avant le mariage.
Filippetto se rend chez sa tante, Marina, mariée à un autre invité du dîner de Lunardo, Simon. Il est question du mariage, le jeune homme aussi aimerait voir sa fiancée avant de convoler. Survient Simon qui chasse Filippetto, mais il n'arrive pas aussi facilement à se débarrasser de Felicia, forte femme, venue avec son mari Canciano, qu'elle a complètement dompté, et un jeune noble. Felicia décide d'aider les deux jeunes gens à faire connaissance avant le mariage.

Au deuxième acte, nous sommes de retour chez Lunardo. Les invités arrivent peu à peu. Les hommes s'enferment entre eux, pour discuter mariage, et dire des horreurs sur les femmes. Pendant ce temps ces dernières sont laissée à elles-mêmes. Felicia annonce à Lucietta qu'elle verra Felippetto ce soir, il viendra déguisé en femme avec son noble cavalier. Les deux hommes arrivent, Lucietta et Felippetto ont un coup de foudre réciproque. Mais les hommes surgissent, Lunardo annaonce le mariage à sa fille, qui doit avoir lieu le soir même. Mais le cavalier et Felippetto cachés sont découverts, les deux pères se fâchent et annulent la noce prévue.

Au troisième acte, les hommes se plaignent des femmes et de leur comportement. Felicia intervient, prend tous les torts à sa charge et persuade ces messieurs à quel point tout cela n'est pas grave. La réconciliation intervient, et le souper peut enfin avoir lieu, annonce du mariage à venir.

Nous sommes avec des personnages de comédie connus : des vieillards tyranniques et peu policés, qui veulent régenter leurs femmes et enfants, qui s'opposent à toute nouveauté et aux joies de l'existence qui paraissent légitimes à leur famille. La comédie antique, la comédie italienne de la Renaissance, les comédies qui les ont prises comme modèle, par exemple une grande partie des pièces de Molière, nous ont habitué à ce type. Goldoni donne dans sa préface à la pièce cette définition du rustre « A Venise, on entend par rustre un homme aigri, rustaud, ennemi de la civilité, de la culture, de la conversation ».

Mais ces personnages de rustres ont un sens plus profond à ce moment de son oeuvre. Il s'agit de riches bourgeois, de notables, de gens issu d'une classe que l'on pourrait croire avide de progrès, de changement, désireux de faire bouger les règles sociales en cours, de secouer la prééminence de la noblesse en déliquescence. Or il n'en est rien : ces rustres sont obtus, et hostiles au changement, plus réactionnaires que les nobles. C'est en quelque sorte le constat d'une société bloquée : entre les nobles qui mangent leur héritage et s'accrochent à leurs privilèges, et une bourgeoisie aux vues étroites et rétrogrades, il n'y a pas de réelle possibilité d'évolution. La république vénitienne s'avance lentement vers sa fin.

Dans la pièce, ce sont les femmes qui s'en tirent le mieux, en particulier Felicia, qui a décidé d'édicter ses règles et de les faire suivre à son mari. Au final, il s'en trouve plutôt bien, et le fait presque reconnaître à ses amis peu aimables à la fin de la pièce. La femme et son bon sens remplace ici le valet de comédie, qui grâce à ses ruses et mensonges arrive à berner les vieillards obtus.

Une très bonne pièce.
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Cette pièce annoncée comme une comédie n'en est pas totalement une. Je le pense vraiment. Cela vient peut-être du fait que je suis une femme. J'en ai vu plusieurs versions avec des mises en scènes différentes dont chaque personnage est à bien y réfléchir prisonnier. Les hommes, le gentilhomme Ricardo et le neveu futur époux mis à part, sont attachés à leurs affaires, à leurs biens (dans lesquels ils incluent femmes et enfants), au qu'en dira-t-on, au point d'en être totalement déshumanisés, au point de s'enorgueillir de leur tyrannie. Les femmes et les enfants sont littéralement cloîtrés à demeure où presque, au point de trouver très difficilement le courage d'être solidaires pour se rebeller. Au point même d'être veules pour glaner quelques faveurs toutes personnelles (de pas grand chose) ou se protéger d'une colère tonitruante. Pour que la situation somme toute immuable dans ces vies autoritairement bien réglées évolue, il faut une sorte de ver dans le fruit ou un grain de sable dans les rouages. Il apparaît en la personne d'une des femmes qui semble être née rebelle (j'ai oublié son nom), une femme qui résiste point par point à son mari et passerait presque à côté des autres pour la catin qu'elle n'est pas.
Une comédie, cette pièce ? Non ou à peine ! L'issue en est certes heureuse mais à quel prix ? C'est bien un classique italien mais bien loin de la commedia dell'arte. Et jouer actuellement, elle a des résonances amères à mon goût. À l'image du grand combat qu'il reste encore à mener pour qu'une réelle égalité femme-homme soit possible dans notre monde.
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Satire de la classe marchande vénitienne, incarnée par des hommes étroits d'esprit, plaintifs et intolérants dont la méfiance à l'égard de la gent féminine frôle l'absurde, les Rustres illustre parfaitement le théâtre de Goldoni, un théâtre de la vie au contenu réel, des personnages observés dans la réalité” , et une expression naturelle.
Ainsi, un théâtre dans lequel l'homme que Voltaire décrit comme « fils et peintre de la nature » scrute ses contemporains, leurs relations et leurs comportements sociaux.
Son oeuvre a servi à divertir tout en offrant à la postérité un témoignage aigu de la morale de son temps.
Gardons-nous toutefois de réduire Goldoni à un simple photographe du réel. Son analyse, en particulier la reprise – subtile du pouvoir par les femmes est très remarquablement menée.
Lien : http://holophernes.over-blog..
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J'ai lu cette pièce vénitienne du milieu du XVIIIème siècle comme l'alliance de femmes contre leur mari respectif qui les empêche de s'habiller comme elles le souhaitent, de faire venir des amis chez elles ou d'aller s'amuser au spectacle. Une solidarité féminine, voire une sororité, qui réussit à intriguer pour ridiculiser les hommes, c'est très moderne comme intrigue !
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
SIMON : Calmez-vous, mon cher ami. Vous n'y êtes pour rien. C'est la faute des femmes : châtiez-les et tout le monde vous félicitera.
CANCIANO : Parfaitement. Il faut faire un exemple. Il faut rabattre l'orgueil de ces femmes si arrogantes et apprendre aux hommes à les châtier.
SIMON : Et que les gens nous traitent de rustres ; s'ils veulent.
CANCIANO : Et que les gens nous traitent de sauvages ; s'ils veulent.
(...)
LUNARDO : Mais quel homme voudrait jouer les geôliers ? et puis, si les parents l'apprennent, ils se démènent comme de beaux diables, ils remuent ciel et terre, ils vous obligent à les faire sortir et, par-dessus le marché, ils disent que vous êtes un ours, que vous êtes un grossier personnage, que vous êtes scélérat.
SIMON : Et quand, de gré ou de force, vous avez cédé, elles reprennent le dessus et vous n'êtes plus maître de leur crier après.
CANCIANO : C'est exactement ce qui s'est passé avec ma femme.
LUNARDO : Le mieux, ce serait, pour dire les choses comme elles sont, de leur faire tâter du bâton.
(...)
CANCIANO : Et si elles se révoltent contre nous ?
SIMON : Cela pourrait arriver, vous savez.
CANCIANO : Je parle en connaissance de cause.
(...)
SIMON : Et puis, vous savez, il y a des hommes qui bâtonnent leurs femmes mais croyez-vous qu'ils parviennent pour autant à les mettre au pas ? Que non ! Elles continuent de plus belle, par esprit de contrariété ; si on ne les assomme pas, c'est sans remède.
LUNARDO : Les assommer, ça ce n'est pas possible.
CANCIANO : Mais non, bien sûr ; c'est que, voilà, on a beau retourner les choses dans tous les sens, sans femmes, on ne peut pas tenir.
SIMON : Mais ne serait-ce pas un vrai bonheur d'avoir une épouse gentille, calme, obéissante ? Quelle consolation ne serait-ce pas ?
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LUNARDO : Aujourd'hui, pour dire les choses comme elles sont, il suffit qu'un homme ait du bon sens pour qu'on le traite de sauvage. Savez-vous pourquoi ? Parce que vous autres femmes vous êtes trop faciles. Vous ne vous contentez pas d'honnêtes passe-temps. Ce qui vous plaît, ce sont les parties de plaisir, faire bombance, suivre la mode, les bouffonneries, les enfantillages. Si vous restez à la maison, vous croyez être en prison. Si vos habits ne coûtent pas les yeux de la tête, vous ne les trouvez pas beaux ; si on ne fréquente pas, vous tombez dans la mélancolie, sans voir où tout cela vous mène ; vous n'avez pas un brin de jugeote et vous n'écoutez que les flatteurs, et entendre ce qu'on raconte de toutes ces maisons, de toutes ces familles ruinées vous laisse totalement froide ; vous seconde-t-on, les langues vont bon train et l'on daube sur vous ; celui qui veut vivre chez lui dans la dignité, le sérieux, en se souciant de sa réputation, pour dire les choses comme elles sont, il passe pour un fâcheux, pour un rustre, un sauvage.
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SIMON : Mariez-vous, et voilà les plaisirs qui vous attendent.
LUNARDO : Vous souvenez-vous de ma première femme ? Elle, au moins, c'était une bonne pâte, mais celle-ci, c'est un vrai poison !
SIMON : Et moi, fou que je suis, qui n'ai jamais pu souffrir les femmes, il a fallu que j’aille m'encombrer de ce bougre de diablesse.
LUNARDO : Au jour d'aujourd'hui, on ne peut plus se marier.
SIMON : Si on veut tenir sa femme, on passe pour des sauvages ; si on la laisse faire, on passe pour des sots.
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LUCIETTA : Cher père, qui est-ce ?
LUNARDO : Petite curieuse !
MARGARITA : Allons donc, mon vieil ami, vous ne voulez pas qu'on sache qui doit venir ?
LUNARDO : Comment ne vous le dirais-je pas ? Cela va de soi. Il y aura M. Canciano Tartuffola, M. Maurizio dalle Strope et M. Simon Maroele.
MARGARITA : Sapristi ! Trois du même calibre ! Vous les avez sortis du même panier !
LUNARDO : Qu'entendez-vous par là ? Ce ne sont pas trois hommes comme il faut ?
MARGARITA : Assurément. Trois sauvages comme vous.
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LUNARDO : Quelle folie n'ai-je pas commise en me mariant !
MARGARITA : Et moi la belle affaire que j'ai faite en prenant un sauvage pour mari !
LUNARDO : Vous êtes bien à plaindre ! Manquez-vous du nécessaire ? N'avez-vous pas de quoi manger ?
MARGARITA : Pour sûr ! Quand une femme a de quoi manger, plus rien ne lui manque !
LUNARDO : Que vous manque-t-il ?
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Vidéo de Carlo Goldoni
C'est aujourd'hui une de nos plus fortes, plus puissantes et audacieuses comédiennes, une de nos plus actives et fécondes metteuses en scène, aussi. Au Petit Saint-Martin, à Paris, Catherine Hiegel se retrouve pour la première fois de sa carrière seule en scène dans un monologue signé du défunt Jean-Luc Lagarce et monté par Marcial di Fonzo Bo, Les Règles du savoir-vivre dans la société moderne. Elle y excelle de distance ironique et mélancolique à la fois. L'ex-doyenne de la Comédie-Française – dont elle fut violemment et injustement remerciée après quarante ans d'admirables services – incarne à merveille les mille nuances et détours d'un texte, d'un auteur. Si elle reste une des plus subtiles interprètes (et metteuse en scène) de Molière et Goldoni, elle sut encore s'embarquer, après l'éviction du Français, chez les meilleurs dramaturges contemporains, de Bernhardt à Minyana, de Noren à Koltès, via Zeller. Et elle y rayonne comme personne de son énergie blessée, de sa vitalité insubmersible. Elle nous dit ici un peu de ses secrets de fabrication, de ses passions théâtrales, de son enfance merveilleuse, de la Comédie-Française qui la façonna et la fit souffrir, de la misogynie au théâtre, de sa fille qui accuse d'inceste son père Richard Berry, son ex-compagnon. de ses forces et de ses faiblesses. Elle est magnifique.
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