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sur 3112 notes
Harry Haller un intellectuel, la cinquantaine, est désabusé par l'absurdité d'une société exploitée, enracinée dans la culture occidentale, une société à l'esprit bourgeois où l'Homme se laisse gouverner par des règles politiques et économiques qui endorment leur âme.
Harry décide donc de quitter ce conformisme, cette vie de bourgeois, tout à la fois attirante et méprisable.
Il erre dans les rues de Paris tel un « loup des steppes » habité par deux personnalités, mi-homme mi-loup, solitaire et sauvage.
L'homme révolté s'enivre, souffre et l'idée de suicide lui effleure l'esprit mais la peur de la mort le dissuade de passer à l'acte.
Un soir, il croise un individu portant une pancarte affichant « Boite de nuit anarchique, Théâtre magique, Tout le monde n'entre pas... ». Ce dernier lui offre une brochure intitulé «Le traité du loup des steppes ...seulement pour les fous ». Etrangement, le récit du fascicule reflète sa propre image, le personnage se nomme Harry et se compare à un loup des steppes en total contradiction avec lui-même. Intrigué l'homme part à la recherche de ce théâtre magique.
Un soir d'errance, Harry entre dans une auberge et rencontre Hermine une jeune prostituée. Il se confie et la jeune femme, à son écoute, semble le comprendre. Harry voit en elle son double féminin.
Hermine l'initiera aux plaisirs sensuels et spirituels, l'aidera à vivre avec ses contradictions et à réveiller les multiples âmes qui sommeillent en lui.
Le destin mènera Harry au théâtre magique aux effets hallucinatoires...!

Récit d'un chemin initiatique et spirituel, les réflexions philosophiques foisonnent mais l'essentiel de cette quête se concentre sur le « Moi », est-on habité par une multiplicité d'être ou n'avons-nous qu'une seule âme ?
Mon intérêt se porte sur la réflexion du narrateur : « on considère fou celui qui divise en morceaux l'unité apparente de sa personne... et que la science appelle schizophrénie ». La science a certainement raison, si un schizophrène n'arrive pas à organiser et dominer ses nombreux « Moi » cela entraîne des comportements incohérents et délirants. Harry Haller (pseudo d' Hermann Hesse) explique que c'est une erreur de la science de croire que les nombreux « sous-Moi » ne peuvent être organisés et considère que la folie, dans un sens élevé, est le commencement de toute sagesse et la schizophrénie le commencement de tout art, de toute imagination... Difficile d'inculquer cette réflexion dans notre culture occidentale mais peut-être que cela vaut la peine d'y réfléchir !

[...] « On considère comme « normaux » et même comme très estimables au point de vue social bien des hommes irrémédiablement fous et, inversement, bien des génies sont considérés comme fous ».

Ce petit chef d'oeuvre nous éclaire sur certains points de notre personnalité et nous incite à faire notre analyse intérieure.
Mais notre éducation, notre culture et notre société nous figent dans un système matérialiste. Il est vrai qu'un peu de folie comme le dépeint l'auteur pourrait modifier nos comportements, il faudrait trouver parfois le courage de s'évader de cette vie domestique... et se laisser emporter par la douce folie d'Hermann Hesse !
« Personne ne le commandait, il n'avait à se soumettre à personne, il disposait librement de lui ».
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Qui es-tu Harry Haller : humain ou animal, Harry ou Loup des steppes ? Harry ou Hermann ? Récit fictionnel ou récit autobiographique ? Quand vous ouvrez ce roman vous êtes accueilli par Hermann Hesse lui-même, en tant qu'éditeur, qui dans une préface revient sur les conditions dans lesquelles l'ouvrage que vous allez découvrir est arrivé entre ses mains..... Mais Harry Haller existe-t-il ou n'est-ce pas Hermann Hesse lui-même (mêmes initiales, Harry évoque régulièrement son meilleur ami Hermann...) et n'est-il pas finalement dans chacun de nous ?

Ce roman, si l'on peut le définir ainsi, est une longue introspection de l'âme humaine, de sa dualité partagée entre ce qu'elle est et ce qu'elle voudrait être, de ce que notre milieu, notre éducation, nos préjugés font de nous, les barrières que l'on s'impose, le jugement que l'on porte sur ce qui nous entoure et sur les règles que l'on s'impose. Tout cela a conduit Harry au bord de la folie et du suicide ne trouvant plus aucun plaisir dans la vie qu'il mène.

Sur sa route il va faire de bien étranges rencontres, en premier lieu un homme qui va lui remettre un Traité du Loup des steppes, un ouvrage sur lui, Harry, sur ce qu'il est devenu et comment il en est arrivé là. Un traité philosophique implacable "réservé aux insensés". Ensuite il y  aura Hermine, la belle et douce Hermine, qui va lui faire découvrir le monde des plaisirs à condition qu'il la tue à la fin, Pablo, le saxophoniste, Maria, l'amante charmante, Gustave et Rosa, fantômes de son enfance. Tous vont lui permettre d'ouvrir des portes pour comprendre l'homme qu'il est : solitaire, pacifiste, sombre, taciturne, qui rêve du bonheur mais ne s'ouvre à aucun plaisir. Ils vont lui faire découvrir le lâcher-prise et il va devenir un de leurs semblables mais jusqu'à quel point ?

Harry oscille en permanence entre vie bourgeoise qu'il critique pour tout ce qu'elle engendre de négatif et vie dissolue dont il va découvrir tous les plaisirs : sensualité, rire, danse, musique moderne et même substances illicites qu'il critiquera dans un premier temps pour en savourer ensuite toute les saveurs.

Dans ce roman il est question d'identité mais d'identité psychologique, identité de l'âme, de qui nous sommes, nos dualités, nos mal-êtres. A travers Harry Haller nous plongeons dans ce que l'homme a de plus secret : lui, son fonctionnement, comment il devient celui qu'il est ou devient au fil du temps. Pour Harry il se reconnaît dans deux identités : Harry est l'image publique, 48 ans, divorcé, taiseux, sombre, solitaire. Mais rôde en lui celui qu'il nomme le loup des steppes, sa part animale, violent, celui qui apparaît à chaque remise en question de son être. Il est arrivé à ce moment charnière où ne s'offre à lui que le changement ou le suicide avant ses 50 ans.

Le roman est sorti en 1927 et l'auteur pressentait l'arrivée d'un nouveau conflit mondial, d'une guerre inévitable, violente et destructrice, l'évoque régulièrement tout au long du récit comme il évoque la face sombre de l'être humain, sa volonté de toujours avoir plus, trop, plus haut, plus fort, d'afficher sa suprématie. J'ai été surprise de lire a presque un siècle d'écart la manière qu'avait Hermann Hesse d'envisager le futur, qui est notre présent, et sa justesse :

"Pour finir, je déclarai que, tout comme les débuts actuels de la radio, cela permettrait uniquement à l'humanité de fuir face à elle-même, face à ses buts ultimes, et de s'environner d'un réseau de plus en plus serré de distractions et d'occupations vaines.(p156)"

"Oui, la terre est vraiment surpeuplée. Autrefois, on ne le remarquait pas ainsi ; mais maintenant que les hommes, non contents de respirer, veulent également posséder une voiture, maintenant, on le remarque. Naturellement, ce que nous sommes en train de faire est déraisonnable ; c'est un enfantillage, à l'instar de la guerre qui en est un de dimension gigantesque. Un jour, l'humanité devra apprendre à contenir son accroissement par des moyens raisonnables. Pour le moment, notre réaction face à cette situation insupportable ne l'est pas vraiment, mais au fond , elle est juste : nous faisons diminuer la quantité. (p272)"

Hermann Hesse à travers Harry Haller mais aussi Hermine (Hermine/Hermann) traite de sujets tels que les apparences et la représentativité des êtres (Goethe), ce que nous voulons être et ce que nous sommes, d'instinct ou devenus, du contrôle de nos vies par nous-mêmes, de la solitude, de la mélancolie pouvant aller jusqu'à la folie ou au désir de suicide. Il ne se cache d'ailleurs pas vraiment derrière ses personnages avouant lui-même (en parlant d'Hermine) :

"(...) elle avait bien un visage de jeune garçon. Puis au bout d'une minute, ce visage se mit à me parler. Il me rappela ma propre jeunesse et mon ami d'alors qui se prénommait Hermann. L'espace d'un instant, il semble s'être entièrement transformé pour devenir celui de Hermann. - "Si tu étais un garçon, dis-je tout étonné, tu devrais t'appeler Hermann. (p161)"

C'est une narration d'un seul tenant, une sorte d'épopée dans laquelle le héros va côtoyer ce qui peut faire penser à la douceur d'un paradis mais parfois plonger dans des abîmes, avec des rencontres réelles ou imaginaires : Maria, Mozart, Pablo jusqu'à Gustave, l'ami d'enfance jamais revu.

Ce roman est un voyage initiatique d'un être pour découvrir qui il est, découvrant des territoires jamais abordés qui vont le révéler à lui-même, pour un instant, un moment ou pour toujours. Comment ne pas se retrouver parfois dans ses questionnements, dans sa recherche, dans son regard sur lui-même et sur le monde qui l'entoure. Les questions qu'il se pose nous sommes parfois amenés à nous les poser, c'est un récit aux multiples facettes que l'on peut lire et relire et en découvrir à chaque fois un nouveau sens....

La vie, l'homme ont différents visages, l'auteur les aborde dans une écriture fiévreuse, presque dans l'urgence de trouver des réponses.

"C'est exactement comme lorsqu'on est affligé à l'idée que la mort viendra un jour immanquable, malgré tous les efforts déployés pour la contrer. La lutte contre la mort, mon cher Harry, est toujours magnifique, noble, merveilleuse, respectable ; par conséquent, la lutte contre la guerre l'est aussi. Toutefois, c'est en même temps un éternel combat de Don Quichotte, qui n'a aucune chance d'être remporté. (p175-176)"

Vous l'avez compris j'ai aimé cette lecture, par les thèmes évoqués, par le pouvoir qu'elle a eu de m'interroger sur moi-même mais aussi sur le monde qui nous entoure, sur l'image que nous reflétons mais aussi grâce à l'écriture, sur l'enchaînement des idées. Un récit mais aussi une réflexion philosophique.


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Lu quand j'avais 20 ans. Ce livre m'avait bouleversé par sa noirceur, par le désespoir qui en émanait. Voilà un être qui ne peut plus faire face au monde réel, et qui ne veut plus en faire partie. Pas étonnant, après la Première Guerre mondiale et le manque de repère par rapport à "l'humanité". Finir par être effrayé par la race humaine au point de ne plus désirer être comme eux. Il faut être solide pour lire ce livre, qui est un chef-d'oeuvre de la littérature allemande.
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Le Loup des steppes peut tout d'abord se lire comme le roman de la contestation de l'ordre établi de l'entre-deux guerres en Allemagne, roman transposable en France à la même époque d'ailleurs. Antimilitariste, anti-bourgeois (Harry évoque souvent avec dégoût le 'bourgeoisisme'), anticonformiste, il peint le parcours d'un homme désespéré de la société, de lui-même et de la culture qui ne peut plus croire en rien. Tenté par la mort, il a peur du suicide et se trouve dans l'impasse.
Mais au-delà de cette lecture historique, le roman retrace aussi la quête du sens de l'existence. A quoi bon vivre si l'on n'est pas libre, si tous les choix sont dictés par le conformisme social, culturel, politique. La double personnalité de Harry, homme et loup, illustre la contradiction inhérente à tout individu social : le besoin de sécurité et la soif de liberté. Comment préserver l'un sans sacrifier l'autre ? C'est sans doute pourquoi les réflexions du Loup des steppes résonnent si profondément en tout lecteur.
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Après avoir découvert avec surprise et délice Siddharta, j'ai mis moins de temps à m'attaquer au Loup des steppes d'Herman Hesse, prix Nobel de Littérature en 1946. Publié en 1927, le Loup des steppes a été interdit sous le régime nazi (à cause des idées de l'auteur …), mais il a malgré tout marqué son époque et reste une des oeuvres essentielles de Herman Hesse.Tout comme Siddharta, le Loup des steppes est loin d'être un roman allemand austère, comme on peut parfois s'y attendre. Avec ce roman j'ai donc découvert un conte philosophique étonnant, un véritable voyage initiatique, plein d'humour et de beauté.

Harry Haller, héros de l'histoire, est observé par un de ses voisins : à travers ses yeux, on découvre un homme désabusé, souvent presque sauvage. Puis ce même voisin reçoit un jour un manuscrit étrange, écrit par Harry lui-même, où il raconte ce qu'il pense être : un loup des steppes, qui fait ressurgir tout ce qu'il a de sauvagerie en lui, alors que paradoxalement il recherche sans cesse son intégration dans la société. Puis Harry trouve un fascicule, le Traité du loup des steppes, qui va raconter son propre voyage initiatique, à travers des rencontres qui vont le marquer, et en particulier avec une femme qui le fera sortir de lui-même, de son expérience recluse, et qui le fera – dans une fin incroyable, explosive et surprenante - se confronter aux multiples aspects de sa personnalité.

En réalité on se rend compte que l'on porte tous en soi un peu de « loup des steppes », qui se heurte à notre sensibilité humaine mais qui cohabite tout de même avec elle. C'est ce côté vif, furieux, instinctif qui fait que l'on se sent vivant, que l'on se sent pousser hors de notre routine. Et c'est seulement lorsqu'on accepte ces deux facettes de notre personnalité que l'on peut atteindre l'harmonie, notre pleine condition d'homme.

« Je sens brûler en moi un désir sauvage d'éprouver des sentiments intenses, des sensations ; une rage contre cette existence en demi-teinte, plate, uniforme et stérile ; une envie furieuse de détruire quelque chose, un grand magasin, par exemple, une cathédrale, ou moi-même ; une envie de commettre des actes absurdes et téméraires, d'arracher leur perruque à quelques idoles vénérées, de munir deux ou trois écoliers rebelles du billet tellement désiré qui leur permettrait de partir pour Hambourg, de séduire une petite jeune fille ou de tordre le cou à quelques représentants de l'ordre bourgeois. Car rien ne m'inspire un sentiment plus vif de haine, d'horreur et d'exécration que ce contentement, cette bonne santé, ce bien-être, cet optimisme irréprochable du bourgeois, cette volonté de faire prospérer généreusement le médiocre, le normal, le passable. »

Un texte magnifique qui nous oblige à nous questionner sur le sens de notre existence. Une littérature salutaire, qui résiste mais finit pour séduire …

A NOTER :

Dans une lettre datée du 3 janvier 1928, Thomas Mann écrit à Hermann Hesse que le Loup des steppes (Der Steppenwolf), paru à Berlin en 1927, lui a « réappris à lire ». Ce roman, l'un des plus célèbres de l'auteur, écrit au sortir d'une crise de plusieurs années marquée par deux divorces, une dépression, un essai de psychanalyse, fut pour Hesse une tentative de réapprendre à vivre. (Encyclopédie Universalis)
Lien : http://missbouquinaix.com/20..
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Harry Haller est un être sauvage et solitaire qui rêve de se retirer du monde, mais ne peut résister au besoin de tenter une intégration dans la société. « Comment ne serais-je pas un loup des steppes, un ermite hérissé au milieu du monde dont je ne partage aucune des ambitions, dont je n'apprécie aucun des plaisirs ! » (p. 30) La tentation du suicide est grande chez ce misanthrope dégoûté du monde, mais la réalisation de ce désir lui est impossible. Il trouve un jour un livret qui parle de lui, le traité du Loup des steppes. Dans ce document, Harry découvre l'intégralité de sa nature complexe. « de toute façon, une moitié de son être reconnaissant et confirmait toujours ce que niait et combattait l'autre. » (p. X11 du Traité du Loup des steppes) Harry est-il un homme ou un animal ? Les deux parties de son être sont-elles conciliables ou farouchement antagonistes ? Quel chemin doit-il prendre pour accomplir sa nature ? « Même le suicide, pauvre loup des steppes, ne te servirait à rien, tu devras malgré tout suivre le chemin plus long, plus pénible et plus difficile du devenir humain ; tu devras souvent encore multiplier ta dualité, compliquer ta complexité. » (p. XXV du Traité du Loup des steppes)

Un soir, Harry rencontre Hermine, une belle jeune femme qui jouit de tout ce qu'il abhorre. Mais étrangement, cela l'attire irrémédiablement, comme s'il avait trouvé son négatif. « Et pourtant tu es tellement différente de moi ! Tu es mon contraire : tu as tout ce qui me manque. » (p. 85) Avec Hermine et Maria, une demi-mondaine qui devient son amante, Harry découvre les joies du manger, du boire et du vivre. Il ouvre enfin la porte d'un monde de plaisirs où la vie se croque avidement en toute conscience de l'inéluctable issue fatale. Mais il n'est pas certain que cela suffira à sauver Harry de ses désirs macabres. « Je me consume du besoin d'une souffrance qui me rendre prêt et désireux de mourir. » (p. 126)

Le loup des steppes est un roman sur l'initiation de l'homme à tous les aspects de son existence, des plus favorables aux sombres. Dans la philosophie de Hesse, il est vain de prétendre avoir vécu si on n'a expérimenté que le bonheur ou que le malheur. C'est la complémentarité de tous les opposés et de toutes leurs nuances qui constitue une existence et valide la véritable nature de l'homme qui ne saurait se réduire à un seul visage. Quant à l'épiphanie finale, qu'elle soit la mort ou la pleine acceptation de soi-même, elle n'est possible qu'au terme d'un lâcher-prise que le lecteur lui-même doit accepter d'accomplir.

J'ai enfin lu ce monument de la littérature allemande du XXe siècle et je ne boude pas mon plaisir devant tant de réflexion et de sens. Que j'aime quand la perception passe par le prisme de la littérature !
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Ouvrage de référence "dévoré" il y a fort longtemps ......
Roman philosophique qui met l'accent sur la recherche de l'équilibre entre le corps et l'esprit et la recherche de soi. Où est la plénitude ?
De la Grande Littérature !
A découvrir, à lire et relire !
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Bon ! Je pourrais dire quoi de plus sur ce bouquin ? D'autre l'ont analysé bien mieux que je ne pourrais le faire. Je dirai simplement que cette oeuvre m'a donné le vertige ! Elle m'a tenu, tout le long de ma lecture, sur le bord d'un précipice, entre l'envie de sauter dans le vide et celle, plus rationnelle, de m'accrocher bien fermement à quelque chose. Les mots défilent, les idées se bousculent ou bien se répètent, le bien et le mal, le sombre, la lumière, le désabusement et l'envie de vivre, la réalité, l'onirisme… Vous vous sentez perdus avec ma critique, et bien, c'est l'effet que m'a fait cette oeuvre, à laquelle je n'ai rien compris et tout compris à la fois…


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 C'est un moment privilégié celui qui introduit à la découverte d'un nouvel auteur. Mes lectures sont assez éclectiques, mais à l'intérieur de cette diversité, je suis entraîné par un mouvement circulaire qui me fait souvent revenir vers les mêmes auteurs ou les mêmes thématiques. Il faut un effort de volonté supplémentaire pour ouvrir une porte vers un univers différent ou inconnu. Je recherche ainsi à intervalle régulier de nouvelles lectures, notamment parmi les écrivains étrangers qui échappent le plus souvent à ma boulimie. Il s'agit rarement d'un tirage au sort, mais d'un choix parmi la multitude. Au minimum, je m'informe de quelques éléments biographiques sur l'auteur et je lis les quatrièmes de couverture. C'est ainsi que j'ai découvert Hermann Hesse (1877-1962), romancier allemand, prix Nobel de littérature, antimilitariste, personnage tourmenté et complexe. Son livre "Le loup des steppes" est considéré comme une œuvre majeure de la littérature allemande du XXe siècle. À la fois roman, autobiographie, essai, récit fantastique et initiatique, étude sociale, recherche spirituelle, délire de psychopathe, cet ouvrage ne peut laisser personne indifférent et reste inclassable à la fois par la variété des thèmes abordés et par sa construction en plusieurs partie très différentes les unes des autres. S'agissant d'un roman traitant de questions de société et de philosophie, il semble opportun de dire quelques mots sur le contexte politique et économique qui entourait sa publication en 1927. C'est l'entre-deux-guerres, le monde est en ébullition à la croisée des chemins, entre une guerre qui vient de démontrer la force destructive des engins mécaniques issus d'un progrès technique qui commence à être remis en cause et la montée des nationalismes qui préfigure un chaos plus terrible encore. Au milieu de cette période, après les années folles, ultime respiration d'une humanité qui a failli sombrer à tout jamais, survient la crise économique de 1929. Hermann Hesse, intellectuel fragile et instable, s'imprègne de cette ambiance sombre et en devine les perspectives délétères. Il n'accepte pas ce monde tel qu'il est et tente d'expliquer les raisons de ce rejet en racontant l'histoire d'un homme égaré dans un monde qui lui est étranger et incompréhensible.

 Le héros, Harry Haller, la cinquantaine, homme cultivé, depressif, en quête d'identité, éprouve des sentiments contradictoires : un besoin d’isolement, de repli sur soi et un tropisme vers le raffinement de la vie bourgeoise qui lui promet confort et sécurité mais à laquelle il reproche pourtant son égoïsme et sa médiocrité. C'est un loup tiraillé entre l'appel de la forêt et le besoin de rejoindre la meute des hommes. Herman Hesse décrit sa propre histoire en y ajoutant une dimension onirique, fantastique, prétexte à exprimer plus intensément sa souffrance, ses tendances suicidaires et sa schizophrénie. Dans son parcours initiatique, il rencontre une jeune femme, Hermine, son double féminin qui lui ouvrira les portes d'un monde enfantin fait de joie, de danse, de plaisir immédiat. Cette perspective, lui permettra-t-elle de retrouver un équilibre ?

 Ce livre exprime un doute terrible quant à la capacité de l'homme à quitter sa condition animale pour se transcender en un être accompli capable de vivre en harmonie avec ses semblables. C'est un texte protéiforme et déroutant mais qui ouvre l'esprit à la méditation. Écrit à la frontière de la folie et du génie ce conte philosophique mérite son succès, mais sa noirceur laisse un peu d'amertume au lecteur qui recherche dans la littérature à la fois un divertissement, mais surtout un désir de vivre.

Vocabulaire :

Térébrant (page 42) : adjectif

Insecte térébrant qui perce des trous.
Douleur térébrante qui donne l'impression qu'une pointe s'enfonce dans la partie douloureuse.
Bibliographie :

"Le loup des steppes", Hermann Hesse, le livre de poche (2019), 311 pages.

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Après « Narcisse et Goldmund », roman moyenâgeux sur la dualité humaine, puis « Siddhartha », récit initiatique aux accents orientaux, j'ai rencontré « le Loup des steppes ». C'est ainsi que se nomme lui-même Harry Haller, fascinant personnage partageant avec l'auteur de ce roman d'apprentissage (ou d'auto-accomplissement) bien plus que ses seules initiales. Dès le début il y a mise en abîme du récit, avec cette « préface de l'éditeur » introduisant les carnets laissés par le Loup des steppes, un homme à la personnalité tout aussi complexe que tourmentée.

Dans les Années Folles de l'entre-deux-guerres, Harry Haller est un intellectuel vieillissant et solitaire, amateur de vin, de lettres et de musique, et dont les rentes lui permettent de louer un deux-pièces mansardé dans une respectable demeure bourgeoise. Haller est « un génie de la douleur » ayant « développé en lui une capacité de souffrance extraordinaire ». Il porte sur le monde moderne un regard désabusé, affligé par le fait que les hommes se complaisent dans leurs vanités tout en préparant de nouvelles guerres. Les phares salutaires dans le soir déprimant de son existence se nomment Goethe, Novalis et Mozart. C'est au cours d'une errance nocturne qu'il découvre dans une ruelle une porte close menant à un Théâtre magique « réservé aux insensés ». Un inconnu croisé dans la rue lui remettra un livret portant ce titre : « Traité sur le Loup des steppes. Tout le monde n'est pas autorisé à lire. »

Ainsi débute une spirale de rencontres, d'illusions et de révélations intérieures pour cet homme qui pense abriter un loup en lui et qui se découvrira une personnalité à la complexité inattendue, faite de souvenirs et de miroirs de sa propre individualité. Grâce à Hermine, éblouissante courtisane aux allures d'alter ego féminin, Pablo le séduisant musicien et Maria la jeune amante aux caresses savantes, Harry découvrira les délices de nuits sensuelles, opiacées et libertines. Cette vie nouvelle, aux frontières de la schizophrénie et du fantastique, trouvera son apothéose avec le bal masqué et l'entrée dans le fameux Théâtre magique, lieu de toutes les révélations…
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