Il y a, dans l'immense panorama de la littérature mondiale, un certain nombre de romans très brefs, presque des nouvelles - comme, par exemple, le Bartelby de Melville -, dont l'intérêt est inversement proportionnel au petit nombre de leurs pages. "Le motif dans le tapis" de Henry James est, à mon avis, de ceux-là. Ce n'est pas le plus connu de ses textes, et certainement pas le plus lu. Mais en moins de cent pages, et avec tout le talent qu'on lui connaît, Henry James construit là une histoire aussi intéressante qu'originale.
Combinant l'amusement et le mystère, il conduit le lecteur à s'interroger avec le narrateur sur l'essence de la littérature et sur l'existence de ce “motif” secret qui constitue(rait) la trame d'une oeuvre littéraire, cette “petite musique” - comme eût dit Proust - qui revient comme un leit motiv, de livre en livre, chez un même écrivain et en légitime le travail. Ce motif dissimulé dans le tapis des histoires et qui toujours échappe à la vigilance des critiques les plus avertis, c'est ce que l'écrivain Hugh Vereker met un jeune journaliste littéraire - notre narrateur et l'un de ses plus grands admirateurs - au défi de découvrir.
Quoi de plus intrigant pour un critique fervent que de se montrer à la hauteur du challenge proposé par le Maître ? Et nous voilà à notre tour entraînés avec le narrateur puis l'un de ses amis dans un jeu de déconstruction littéraire, avec pour objectif la résolution d'une énigme au sein de laquelle - peut-être - se cache l'ultime secret de la création romanesque. Mais les mystères intrinsèques de la littérature ne se laissent pas si facilement violer, et l'entreprise, au bout du compte, ne sera peut-être pas tout à fait sans danger…
J'ai vraiment beaucoup aimé cette histoire, ces personnages emportés par leur folle et vaine ambition, tout comme l'ironie passablement taquine de Henry James et la réflexion, aussi malicieuse que profonde, de l'un des plus grands écrivains américains sur les ressorts cachés de l'écriture. Un excellent moment de lecture, et un texte à (re)découvrir.
[Challenge Multi-Défis 2020]
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Le Motif dans le tapis est une nouvelle de Henry James qui ne peut que nous interpeller, nous autres lecteurs et critiques amateurs. Le narrateur est un jeune critique littéraire chargé par un ami de faire la critique pour un magazine littéraire du dernier livre de Hugh Vereker, un romancier reconnu. Quelques jours après la parution de cette critique, le narrateur croise l'auteur dans une soirée et celui-ci tient à lui confier quelque chose qu'il n'a encore dit à personne : dans toute son œuvre, il y a un fil rouge, un "motif dans le tapis" qu'aucun critique n'a encore su déceler. Vereker met au défi le narrateur de trouver ce "motif". Henry James lance alors son narrateur ainsi que son ami et la future fiancée de celui-ci, elle-même romancière,, dans la quête obsessionnelle de ce fameux motif. Et nous voilà, nous aussi, lecteur, embarqué dans ce suspens quasi-hitchkockien.
Qui d'entre nous n'a pas cherché le ressort caché de son auteur favori, celui qui "commande chaque ligne", "choisit chaque mot", "place chaque virgule" ? Je suis certain que l'obsession qui habite le narrateur tout au long de la nouvelle paraîtra familière à plusieurs d'entre vous.
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Il était résolu à battre la presse métropolitaine sur son propre terrain; il se défendait pompeusement contre la prétention, il heurtait outrageusement le goût reçu – le heurtait sans que jamais personne ne s'en aperçoive, ce goût n'existant que dans son imagination.
Je me rappelle qu'une fois il me dit d'elle que ses sentiments étaienten italique et ses pensées en majuscules.
Elle réfléchit comme quelqu'un d'inspiré, et je me rappelai comment Corvick m'avait dit il y avait longtemps qu'elle avait un visage intéressant.
- Peut-être que cela ne peut pas se mettre dans une lettre si c'est "grandiose"
- Peut-être pas, s'il s'agit d'une grandiose plaisanterie. S'il a trouvé quelque chose qui ne peut pas se mettre dans une lettre, il n'a pas trouvé ce que nous cherchons. L'explication de Vereker lui-même stipulait précisément que le "motif" pourrait être contenu dans une lettre.
Il était hors de doute que pour lui ce point capital qui nous échappait totalement sautait aux yeux. Je hasardai que ce devait être un élément fondamental du plan d'ensemble, quelque chose comme une image compliquée dans un tapis d'Orient.
J'avais fait quelques petites choses et gagné un peu d'argent - j'avais peut-être même eu le temps de commencer à penser que j'étais plus fin que ne l'estimait ma clientèle; mais lorsque je considère l'étendue de ma carrière (exercice énervant, car elle n'est pas encore des plus longues), je date mon véritable début de cette soirée où George Corvick, haletant et soucieux, et venu me demander un service.
Avec "La Bête", le réalisateur Bertrand Bonello reprend à sa manière la nouvelle "La Bête dans la jungle", de Henry James, en plongeant Léa Seydoux dans un futur dystopique qui rappelle notre propre présent et dans lequel les émotions n'ont plus lieu d'être. Il est l'invité de Géraldine Mosna-Savoye et Nicolas Herbeaux.
Visuel de la vignette : "La Bête" de Bertrand Bonello, 2024 - Carole Bethuel
#cinema #léaseydoux #film
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