Le livre de Brigid Keenan a été écrit en 2005 et m'avait été chaleureusement recommandé avant mon départ en expatriation en 2006. Je n'ai pu l'acheter que lors d'un de mes passages à Bruxelles quelques années plus tard, en version française.
Ma situation était nettement différente de celle de Brigid Keenan, étant donné que je partais comme diplomate-célibataire-à-chat et non en tant qu'épouse de diplomate.
Dès mon arrivée en Afrique, j'avais remarqué les épouses d'expatriés venant conduire leurs enfants à l'école internationale proche de mon hôtel et qui semblaient avoir du mal à avoir de quoi meubler leurs journées.
En même temps, la deuxième saison de la série américaine Desperate Housewifes passait sur Canal +.
En expatriation, la présence d'une équipe domestique tant pour faire la cuisine, le ménage que pour s'occuper des enfants vide de sens la présence au foyer et demande comment occuper ses nombreux loisirs, tandis que celles restées au pays d'origine rêvent de pouvoir déposer leur tablier et de s'asseoir pour lire un livre ou plonger dans la piscine après avoir donné des ordres à la cuisinière et au jardinier.
Brigid Keenan souffre du syndrôme de la femme au foyer, version expatriée, qui idéalise la vie des célibataires carriéristes, même si d'après ce qu'elle raconte, son « bel avenir de journaliste de mode » ressemble plus aux débuts du Journal de Bridget Jones d'
Helen Fielding qu'à la carrière de Miranda Priestley dans
le Diable s'habille en Prada de
Lauren Weisberger. Il y a fort à parier que si elle avait rencontré quelqu'un en poste au Royaume-Uni, elle aurait dû également choisir entre se marier et fonder une famille en banlieue et son travail à Londres pour une vie encore moins passionante que celle qu'elle a vécu.
Il est vrai que quitter le Londres de la fin des années 1960 pour le Népal, puis pour Bruxelles (le mari de Brigid ayant quitté l'administration britannique pour l'européenne à l'entrée du Royaume-Uni dans la Communauté économique européenne en 1973) ont dû être un choc culturel, même si Londres n'était plus le centre d'un empire mondial suite à la décolonisation.
Bruxelles est une petite ville administrative comparée à Londres ou Paris, mais très cosmopolite et beaucoup plus démocratique dans son fonctionnement que les diplomaties nationales, souvent élitistes pour ne pas dire héréditaires.
Dans une précédente critique du livre, il est reproché à Birgid de se limiter à quelques anecdotes et ragots plutôt que de parler du "travail important" de son mari. C'est mal connaître la diplomatie, où la discrétion, voire même le secret, vis-à-vis de sa famille et ses proches sont la règle de base.
Les diplomates doivent autant préserver leur travail de l'espionnage que permettre à leurs proches pour de vivre sans voir leur vie sociale limitée par la crainte de révéler des secrets par inadvertance ou malveillance.
Dans
le sabotage amoureux,
Amélie Nothomb montre bien comment les familles de diplomates réunies dans une cité ghetto de Pekin au début des années 1970 nouent des amitiés ou des inimitiés bien loin du travail des leurs diplomates de pères ou maris.
Le livre de Birgid Keenan a vieilli. Il existe maintenant des diplomates féminines mariées ou en couple – et même des diplomates gays ou lesbiens - dont le partenaire occupe toujours le rôle de conjoint accompagnant sans statut ni rémunération.
La fonction de Desperate Housemen (ou Househusbands ?) est encore bien moins connue et documentée, sans doute parce qu'elle est plus récente et qu'aucun d'entre eux n'a un(e) épou.x.se proche de l'âge de la retraite pour ne pas écrire un livre qui pourrait nuire à la carrière de son/sa conjoint.e.