AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,34

sur 1247 notes
Vous souvenez-vous d'un temps où les hommes vivaient dans les bois et pouvaient parler aux animaux car ils connaissaient la langue des serpents? Non? Moi non plus. Et c'est bien naturel, car pour cela il aurait fallu être de ces peuples païens d'Estonie qui, il y a bien longtemps, habitaient ses denses forêts. Il aurait fallu être là, avant que des envahisseurs étrangers ne viennent les combattre, avant qu'ils ne les séduisent à coup de leur technologie médiévale. Car, à cette fraîche modernité, se greffe évidemment tout un mode de pensée nouveau basé notamment sur le christianisme, diabolisant ou niant les us et coutumes locaux jusqu'à anéantir l'identité du peuple des forêt.
Aux côtés de Leemet, le dernier de nos congénères à savoir la langue des serpents, l'auteur nous fait assister à l'ensevelissement progressif d'une culture, qui, on le verra, en avait elle-même phagocyté une autre. Car, dans l'infatigable marche du temps, chaque nouvelle ère est une version modernisée de la précédente.

Andrus Kivirähk, ne se contente pas de brosser un panorama mélancolique d'une époque à l'agonie, bien qu'il soit parfois difficile de ne pas regarder en arrière avec regret. Il n'a pas davantage de complaisance pour les croyances animistes de certains habitants des forêts que pour la crédulité des nouveaux villageois fraîchement baptisés. Il dépeint avec beaucoup d'humour, des humains victimes de leur propre bêtise, à la recherche d'un prêt-à-penser qui les rend incapables de comprendre ce qui est bon pour eux, créateurs de leur propre déclin, bombant le torse sous l'étendard de la modernité. Cet aspect intemporel, savamment distillé dans un style faussement naïf, parlera sans aucun doute à beaucoup de lecteurs. Un livre qui réalise la prouesse de vous faire retomber en enfance tout en vous poussant à refuser toute forme d'infantilisation.

A lire et à offrir les yeux fermés!
Commenter  J’apprécie          140
D'emblée, "L'homme qui savait la langue des serpents" exsude à la fois l'étrangeté, la solitude et la tristesse. le narrateur est le dernier représentant d'un clan qui a totalement disparu. Terré dans la forêt, où il vit coupé du monde, il revient sur les événements qui ont conduit à cette extinction.

Estonie, à une époque que l'on devine moyenâgeuse...

L'invasion du pays par les puissants chevaliers allemands a conduit à une mutation sociétale. Séduits par la maîtrise du progrès technique dont se prévaut l'envahisseur teuton, le peuple estonien a quitté les forêts dans lesquelles il menait une existence quasi primitive, pour apprendre l'agriculture, l'élevage et le tissage, adopter la foi chrétienne, et couper tous les liens qui l'unissaient au monde sylvestre.

Quelques récalcitrants y sont toutefois demeurés, refusant de se plier aux coutumes des "hommes de fer", mais ils sont de moins en moins nombreux, et leur culture est sur le déclin. Leemet est l'un d'eux. Il est le dernier, grâce à son oncle qui la lui a enseignée, à parler parfaitement la langue des serpents. Cet idiome, transmis de génération en génération, permet de communiquer avec les animaux et de les asservir, exception faite des serpents, quasiment considérés comme des égaux, avec lesquels le peuple de la forêt entretient des relations séculaires et amicales.

Mais à qui Leemet pourra-t-il à son tour transmettre ce savoir ? Peu à peu, les habitants de la forêt ne se réduisent plus qu'à une poignée...

Malgré quelques défauts stylistiques qui ont parfois gêné ma lecture (le narrateur s'exprime de manière hétérogène, alternant à quelques reprises maladresses grammaticales et belles phrases au vocabulaire littéraire), "L'homme qui savait la langue des serpents" est un roman marquant. Je me suis surprise, même après l'avoir terminé, à y repenser souvent, pas tant à son intrigue ou ses personnages, qu'au questionnement qu'il induit sur la posture des individus face à l'intrusion dans leur univers d'êtres différents. L'auteur oppose, à travers ses héros, deux attitudes possibles en réaction à l'invasion allemande : celle des opportunistes qui s'adaptent aux us de l'occupant en reniant du jour au lendemain leur propre héritage culturel, et celle des réfractaires à tout changement, à toute compromission, qui s'accrochent à des traditions moribondes.
Dans les deux cas, le mode de vie, les croyances indigènes sont vouées à disparaître... ce qui amène à nous interroger sur le sens de la survie d'un peuple qui a perdu tout ce qui faisait sa particularité.
Quelle importance doit-on accorder à la sauvegarde des patrimoines -notamment immatériels- qui caractérisent les communautés ? Comment trouver l'équilibre entre l'assimilation de nouvelles technologies, de nouvelles croyances, et la conservation des savoirs hérités des aînés ?

Andrus Kivirähk n'apporte pas véritablement de réponse, et c'est sans manichéisme qu'il développe son propos. Il exprime autant d'ironie envers les villageois obtus qui se sont imprégnés sans discernement de la culture -religieuse, social, économique- apportée par l'envahisseur, qu'envers certains habitants de la forêt incapables de se détacher de vieilles superstitions invraisemblables, qu'ils imposent avec violence. Il pose sur l'ensemble de ses personnages un regard dénué de tout sentimentalisme, et ne succombe à aucun moment au travers qui consisterait à idéaliser le passé et le mode de vie ancestral des estoniens. L'existence dans la forêt, loin du rêve bucolique de quelque aspirant écolo, est ainsi décrite comme rude et parfois barbare...

L'autre intérêt de "L'homme qui savait la langue des serpents" est de mêler réalité historique et univers fabuleux. La fantasmagorie populaire s'y heurte au pragmatisme qu'imposent les contraintes du quotidien apporté par "les hommes de fer". Pendant que les nouveaux villageois se familiarisent avec les moissons et la prière, les femmes de la forêt s'adonnent à l'adultère avec des ours, serpents et individus cohabitent, pour hiverner, dans un même terrier, d'autres capturent le vent dans des sacs...

Au-delà de sa dimension "philosophique", ce roman, épopée à la fois tragique, sanglante et merveilleuse, représente donc également un véritable divertissement.
Lien : http://bookin-inganmic.blogs..
Commenter  J’apprécie          142
Un mélange savoureux
Ce roman est complètement atypique, de la même étrangeté que La folie de Dieu de Juan Miguel Aguilera ou de la peau froide de Albert Sanchez Piñol. L'auteur y parle de son pays, l'Estonie au XIIIe siècle, une croisade d'« hommes de fer » envahit le pays. Il virevolte entre la fable philosophique, le pamphlet politique, la saga nordique et ses déchaînements de violence épique, un soupçon de fantasy qui réactive des créatures typiques de son pays et le roman initiatique. Mais il y a surtout Leemet, qui est le narrateur principal, et son regard incisif sur tout ce qui l'entoure, il nous raconte sa vie : Il nous parle de cette montée de la modernité qui métamorphose son pays et ses habitants, un peuple des forêts luttant pour ne pas disparaître face à la croissance des peuples d'agriculteurs qui composent les villages. Il décrit en y mettant beaucoup de rage et de vitriol, l'opposition entre religion chrétienne et religion païenne, l'auteur prend un malin plaisir à les renvoyer dos à dos, soulignant avec malice et une ironie explosive la vacuité et l'ignorance qui les président, présentant la première comme une nouvelle « mode » ayant ses groupies
qui sont autant de moutons stupides, un opium qui rabaisse dans la fange l'esprit humain. Et la seconde comme une cohorte de traditions ineptes et dépassées. Leemet met aussi en avant cette relation perdue entre l'humain et la nature, il est le dernier homme à apprendre les mots des serpents, et ses connaissances menacent de sombrer dans l'oubli. Dans les forêts les reptiles sont ses seules compagnons, les ours y sont des dragueurs impénitents, des anthropopithèques y élèvent des poux géants, on y trébuche sur Meeme, ce « tas de feuilles pourries » toujours en position
végétative allongée. Et la Salamandre est là quelque part, endormie.
Commenter  J’apprécie          140
Un merveilleux conte estonien dans la droite lignée des sagas islandaises que j'affectionne mais aussi bien plus !

C'est en effet un conte imaginaire qui nous permet de nous enfoncer dans la forêt estonienne dans une période médiévale en suivant Leemet, le dernier homme qui sait la langue des serpents. Dans l'ombre des branchages, tout un monde, où animaux et hommes ont des relations particulières, où les serpents ne supportent pas la bêtise des hérissons, les ours ces coquins lubriques savent comment séduire les femmes, les louves restent les indispensables laitières des hommes et où les élans ne sont là que pour satisfaire les appétits carnivores …

C'est aussi un conte intemporel d'une actualité frappante, quand trois générations (et même quatre en réalité) doivent cohabiter alors qu'elles n'ont plus la capacité de se comprendre. Quand sous prétexte de la modernité, il est indispensable de renier les anciennes traditions voire pour plus d'efficacité de les diaboliser.

C'est surtout un conte pamphlet, bien sûr totalement à charge même si l'auteur donne la parole à chacun des représentants leur donnant la possibilité d'expliquer, défendre en quoi leur croyance est plus pertinente qu'une autre. Mais c'est finalement une vraie critique de l'obéissance aveugle de l'homme à des dieux, quelles que soient leurs formes, leurs représentations, tous transposables. Ces dieux ne sont « créés » que pour permettre l'asservissement de certains par ceux qui se targuent d'en être les porte-parole sans possibilité de remise en question. Des dieux, vous aviez déjà deviné, qui justifient aussi que les hommes se mettent en guerre !

Cependant, Leemet, lui n'a pas de dieux, s'en défend, ne souhaite que répondre à ses besoins naturels dont le plus important, celui de transmettre et de ne pas être le dernier. Trouver un objectif, une raison de vivre quand finalement tout autour de vous, malgré vos efforts vous emmène vers une solitude inéluctable. Leemet ne possède finalement qu'une seule chose que personne ne pourra jamais lui enlever, son espoir de voir un jour la Salamandre depuis longtemps endormie et invisible à tous …

Pour conclure, une véritable rencontre et découverte où l'on rit autant que l'on pleure mais que je ne saurai décrire aussi bien que Sandrine que je remercie vraiment pour son enthousiasmant partage.
https://www.babelio.com/livres/Kivirhk-Lhomme-qui-savait-la-langue-des-serpents/438225/critiques/3417588
Commenter  J’apprécie          136
L'homme qui savait la langue des serpents est un roman hors du commun, au ton faussement léger, aussi drôle qu'émouvant ; à l'intrigue tantôt épique, tantôt tragique ; et aux messages engagés.

Enfant, Leemet apprend, grâce à son oncle, la langue des serpents : langage qui permet de converser avec les animaux de la forêt (sauf ceux trop idiots pour la connaitre - tels que les hérissons), et leur donner des ordres (ce qui facilite grandement la chasse aux élans). Il vit heureux avec sa mère, sa soeur Salme, les autres enfants Pärtel et Hiie, et son meilleur ami le serpent Ints.
Hélas il constate, impuissant, le départ massif des habitants de la forêt vers le village, et grandit dans l'angoisse d'être "le dernier" : le dernier homme de la forêt, le dernier à parler la langue des serpents, le dernier à connaitre l'existence de la Salamandre.

L'homme qui savait la langue des serpents est le récit d'un déclin et d'un renouveau, d'une fin et d'un commencement, le tout étant plein de nuances. Ni le passé dans la forêt, ni l'avenir dans le village ne sont idéalisés.
D'un coté, parmi les derniers survivants de la forêt, les plus véhéments adorateurs des génies, qui, comme des animaux blessés et acculés, se montrent prêts à toutes les atrocités au nom de leur leitmotiv "sauver la forêt".
De l'autre, les villageois qui s'en vont - manier les faucilles, manger du pain, et se convertir au christianisme - critiquant sans merci les rustres qui décident de rester vivre parmi les ours.
Critique du conformisme aveugle, des extrémismes religieux, des contes et anciennes croyances transformés et instrumentalisés.

Bien que le roman soit bourré de notes d'humour, et que le ton soit léger ; le chemin initiatique de Leemet a le coté tragique des dernières fois, avançant toujours plus loin - non sans dignité - dans une impasse. Un roman qui rappelle au lecteur la fugacité et la relativité des valeurs du présent, l'invitant à comprendre que demain, ce sera lui, le dernier.

Par ailleurs, la postface est très intéressante, et permet de comprendre l'étendue des messages engagés de l'auteur, concernant tant la religion que la géopolitique.

En conclusion, l'homme qui savait la langue des serpents est un roman atypique, drôle, émouvant, aux degrés de lecture multiples et source de réflexion.
Commenter  J’apprécie          130
L'écorce se souvient elle, se souvient-elle d'un bruit ancien, du premier bruit
de cette déchirure de peau ? L'écorce sait elle que se bruit est gravé sur son dos ? Une dentelure, quelques accros, une écriture. L'écorce se souvient-elle que c'est le temps et la poussée de sa sève qui lui a ouvert la chair ? L'écorce se souvient elle que pour grandir et tendre vers le ciel il a fallu s'élargir pousser, avoir le tronc plein et gros, un tronc bien large à vouloir la mener si haut ? L'écorce ne sait pas, peut être,
que son poids dans ma main n'est que la coquille d'un oiseau qui a ouvert ses branches pour traverser le ciel. Mais l'écorce se souvient elle se souvient-elle du premier mot
de ces lettres arrachées de sa peau ? L'écorce se souvient elle avoir cousu ce mot à mon dos ? Et qu'en ramassant, d'elle, ainsi, ce morceau c'est un peu de l'oiseau tombé du ciel que je porte à ma peau ?…Cela faisait un moment, top long moment, que la lecture de ce livre m'attendait. Mais les mots sont patients autant qu'ils sont beaux quand ils savent être simples. Simple ne veut pas dire sans cruauté. Car le paradis n'existe pas. C'est lorsqu'on oublie les mythes et les légendes que tout commence à s'effondrer. C'est lorsqu'on perd ses racines qu'on ne sait plus avancer. C'est lorsqu'on perd sa langue et qu'on la donne à de gros chats qui vous font marcher au pas de l'oie qu'on oublie que civilisé rime le plus souvent avec colonisé. C'est à ce moment là peut être qu'un peuple premier est rejeté au rang du dernier. Mais que faire contre ceux qui portent le fer, que faire contre les moines soldats ? Et que faire contre ses propres « sages » qui s'accrochent à leurs rites comme de vieux fous qui croient protéger leur pudeur en relevant leur kilts pour sauver leur village ? Que faire contre les totems, les bondieuseries, les diableries de tous poils et de toutes espèces ? Qu'ils soient d'ici ou d'ailleurs, qu'ils aient mille ans ou seront dans cent ans, tous les imbéciles se ressemblent méchamment. L'instinct, le bon sens, l'intelligence, qu'est ce qui peut sauver celui que reste le dernier ? Ce dernier qui savait la langue des serpents, ce dernier chasseur – cueilleur. Celui qui ne connaissait les mots de fer : devoir, travail, moral, prospérité, héritage, sacrifice, gloire, titres, territoire, royaume, renommée. Celui qui n'avait ni dieu , ni maître. Qui se couvrait lorsqu'il avait froid, mangeait lorsqu'il avait faim, buvait lorsqu'il avait soif, et qui pleurait lorsqu'il n'avait plus personne avait qui partager ses jours. Qui se souviendra d'Hämarik, la Déesse du crépuscule, et de son amant Koit, Dieu de l'aube, qui parlera de Sinilind l'oiseau bleu magique ? , et qui se souviendra de cette langue que nous partagions avec les vipères couronnées ? Qui se souviendra de la pierre blanche, de la Salamandre, de l'amour des ours, et de l'odeur de l'élan ? Qui à part peut être la forêt…
L'écorce se souvient elle, se souvient-elle d'un bruit ancien, du premier bruit de cette déchirure de peau ? L'écorce sait elle que se bruit est gravé sur son dos ?
En Estonie, on dit que lorsque les gens sont méchants, avares et cruels, en certains endroits, la forêt quitte tout simplement l'endroit. On dit ça parce que quelque part, enfoui en dedans nous, on le sait depuis toujours. Les derniers eux le savent encore. Quant au méchants, il sont toujours les premiers à abattre les forets, à donner d'autres noms au terres, aux hommes, au nom de leur nouvelle humanité. Ils ont tout oublié. L'esprit, le coeur et l'âme, en eux, rien ne subsiste.
Une légende raconte qu'un jour un homme a dit que « Plusieurs des premiers seront les derniers, et plusieurs des derniers seront les premiers ».
Mais avant toutes ces légendes on l'a peut être oublié, , il y avait une vérité qui depuis longtemps nous a quittés. Peut-on l'imaginer ?

Traduction de l'estonien par Jean-Pierre Minaudier

Astrid Shriqui Garain
Commenter  J’apprécie          130
Ce conte estonien a obtenu le grand prix de l'imaginaire 2014 ; il s'inspire des sagas islandaises et représente un petit trésor d'imaginaire. Je me suis laissée transporter dans cet univers moyenâgeux où Leemet est le dernier homme à savoir la langue des serpents et se désole de la modernité du monde. Les Estoniens dits « peuples de la forêt » la quittent peu à peu pour aller vers les villages et ne mangent plus de viande mais des céréales. Dans le même temps, la religion est devenue centrale après la conquête du pays par des chevaliers-prêtres allemands.
Leemet a pour meilleur ami Ints, un serpent, et vit dans la forêt à la manière d'un sauvage avec sa mère, sa soeur et son oncle.
 
Dans ce monde magique où les femmes tombent amoureuses des ours, où on vole avec des os humains et on chasse les vents, où on élève des poux de la taille d'un chevreuil, où on lèche une pierre pour se nourrir durant l'hiver, Leemet va connaître plein de malheurs et voir son avenir s'assombrir pour faire place à la solitude, le désenchantement.
 
Au-delà du conte, Andrus Kivirähk cherche à exprimer la violence – l'agressivité culturelle du pouvoir soviétique– la survie des minorités et la nostalgie du temps qui passe. Une belle réflexion et un voyage fantasmagorique à ne pas rater !
Lien : https://alinebouquine.fr/lho..
Commenter  J’apprécie          120
La littérature estonienne n'est pas assez présente sur nos rayonnages pour que l'on se prive de la lecture de cette petite pépite. Une fable, un conte de l'ancien temps, qui narre l'histoire et les aventures de Pätel, le dernier homme à parler la langue des serpents.
Pourquoi ce don devrait-il disparaître ? Car l'ancien monde féerique, magique, en équilibre avec la nature et ses habitants, subit les coups de massue de la « modernité », représentée ici par la religion catholique et son corollaire, la société de consommation.
Pätel et les siens, derniers village d'irréductibles Estoniens, vont tenter le baroud d'honneur pour survivre selon leurs croyances, tandis que comme une lèpre, les idées et religions modernes avancent inexorablement.
Andrus Kivirähk raconte avec poésie, humour et tendresse cette lutte finale, perdue d'avance, entre l'ancien et le moderne.
Les images sont chatoyantes et les personnages (humains ou animaux) sont attendrissants ou détestables et l'on se prend à rêver de cette forêt qui n'existe pas (plus).
L'auteur nous fait entrevoir à travers ce titre toute la richesse de la littérature estonienne, ses bases féeriques qui, au même titre que la littérature polonaise ou irlandaise, à des comptes à régler avec l'église catholique…
La nouveauté est souvent synonyme de progrès, mais pas toujours…
Commenter  J’apprécie          121
J'ai beaucoup aimé cette fable.
Nous voilà plongé en plein merveilleux, en un temps où les Estoniens vivaient en communion avec la nature: les hommes des bois communiquaient avec les animaux, les filles épousaient des ours etc. jusqu'à l'arrivée des chevaliers Teutoniques. Désormais, c'est Jésus l'idole des jeunes, qui veulent tous entrer au couvent ou devenir castrats.
Kivirähk nous raconte la fin d'un monde, du point de vue du "dernier des Mohicans" ou des "vrais" Estoniens. Ce livre donne beaucoup à réfléchir car il est transposable à beaucoup de situations: les hommes oublient leur passé, leur culture car celle qui vient de l'étranger est extrêmement séduisante. Outre le merveilleux que j'ai vraiment beaucoup aimé car je ne connais pas grand-chose aux mythes estoniens, j'ai bien aimé assister à ce changement de civilisation et aux vaines résistances qu'il engendre. C'est un thème universel auquel sont particulièrement confrontés les pays baltes: la présence russe y est encore extrêmement présente alors que ces pays se tournent volontairement vers l'Union Européenne sans oublier le soft power américain.
L'ensemble est très agréable à lire, aucun moment d'ennui : je le recommande.

Challenge ABC 2020/2021
Commenter  J’apprécie          120
Un roman qui me tentait énormément !
Il y a très longtemps, les Estoniens vivaient en fusion, avec la Nature. Mais tout a changé le jour où le christianisme est arrivé. Comme bien souvent, la religion impose son propre point de vue, au détriment des civilisations déjà présentes sur les lieux. Ici, les Estoniens ont été mal vu lorsqu'ils rapportaient pouvoir parler aux serpents, commandaient les animaux, et avoir leurs propres divinités. Les chevaliers et les moines ont introduits d'autres coutumes, d'autres mœurs, bouleversant de fond en comble toute la société présente... Beaucoup d'Estoniens, attirés par le mode de vie différent, se sont tournés vers eux, ont construits et habités un village, loin de la forêt, et se sont mis à cultiver, oubliant toute la richesse présentes, et se cantonnant à un point de vue étriqué et borné.

Ainsi, Leemet et sa sœur sont nés au village, mais suite à une série d'événements, leur mère a décidé de repartir dans la forêt avec ses deux enfants. Suite à cela, Leemet a grandi dans le respect des traditions ancestrales, et a appris la langue des serpents. Une langue extrêmement difficile à apprendre car tellement différente du langage des êtres humains ! Les sifflements, les contorsions de la langue, tout cela s'apprend au prix de grande souffrance. Mais au final, Leemet a maîtrisé complètement cette langue, permettant ainsi de parler aux serpents et de se faire obéir de tout les animaux. Car tout les animaux, du moins ceux qui reconnaissent cette langue, sont tenus d'y obéir.
Leemet vit heureux dans sa forêt, avec ses amis, déambulant et vagabondant. Il rend visite au dernier couple d'anthropopithèques éleveurs de poux, se rend parfois à la frontière de la forêt pour observer le village, cherche également une légendaire salamandre dont la légende dit qu'elle dort profondément... Mais au fil des saisons, la forêt se dépeuple inexorablement : les habitants partent peu à peu, attirés par le village, et un autre mode de vie, loin des « barbares » . La sœur de Leemet, faute d'hommes à épouser dans la forêt, va choisir de partager sa vie avec un ours. Un prétendu sage travaille la résistance des derniers habitants de la forêt, les poussant à choisir la « modernité » et à renier toutes les coutumes ancestrales. Leemet va se retrouver seul, rescapé de l'exode, et sera bientôt le dernier gardien des lieux, le seul à se souvenir des traditions et de la langue des serpents...
L'homme qui savait la langue des serpents est un livre qui me tentait depuis sa sortie en France, en 2013. Puis je l'ai oublié, puis je m'en suis rappelé grâce aux critiques élogieuses qui fleurissaient sur la Toile... Pour que je puisse le lire, j'ai finalement dû attendre qu'on me l'offre à Noël, édition 208 ! Et c'était totalement un hasard, une idée que je n'avais pas donnée : J'AIME lorsqu'on lit dans mon esprit comme ça !
Aussitôt offert, aussitôt lu (ou presque). Je m'y suis plongée avec beaucoup de curiosité et de plaisir : L'homme qui savait la langue des serpents est un livre particulier, délicat, empreint de poésie... Une claque ! Andrus Kivirähk a écrit un livre déroutant, parfois drôle (surtout au début) et qui devient de plus en plus sombre au fur et à mesure que la forêt se vide de ses habitants. C'est un livre très riche, où s'entremêlent plusieurs sujets : vous avez bien sûr le rapport de l'être humain à la nature, cette lutte contre l'apparition du « progrès » et de la technologie. Il y a le rapport qu'entretient l'homme avec sa maison, ses coutumes, le fait de partir sur un tout autre chemin, quitte pour cela à tourner le dos à sa communauté d'origine. Cela conduit à de nombreuses batailles, les différents points de vue se heurtent avec fracas, et il y a ensuite cette petite touche de fantastique qui se glisse subtilement de pages en pages...
L'homme qui savait la langue des serpents est parfois joyeux, mais très souvent mélancolique et tragique. C'est une oeuvre très déroutante, que je qualifierai d'OLNI (Objet Littéraire Non Identifié), et avec lequel j'ai passé un moment très fort.
Un livre à lire absolument, je recommande ! Poétique et envoûtant, L'homme qui savait la langue des serpents est un livre particulier et touchant...

(Voir mon avis sur mon blog.)
Lien : https://chezlechatducheshire..
Commenter  J’apprécie          120




Lecteurs (2658) Voir plus



Quiz Voir plus

Oyez le parler médiéval !

Un destrier...

une catapulte
un cheval de bataille
un étendard

10 questions
1560 lecteurs ont répondu
Thèmes : moyen-âge , vocabulaire , littérature , culture générale , challenge , définitions , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}