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Louis Postif (Traducteur)
EAN : 9782752901163
190 pages
Phébus (14/10/2005)
4.23/5   32 notes
Résumé :
Un recueil de douze récits, de couleur bien noire, qui n'avait jamais été publié en français dans son intégralité : jugé trop cruel à l'époque où l'on rêvait encore en France de faire du terrible Jack un écrivain \"pour la jeunesse\"...

Prétexte pour London à épingler comme jamais l'inconséquence de la bestiole humaine, qui malgré sa célèbre conscience feint d'ignorer que les cartes de l'existence sont distribuées d'en haut par une instance qui se fic... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
QUAND LONDON TRINQUE, DIEU RICANE.

1911... London est revenu exsangue de son périple à travers le Pacifique. Il y a contracté maladie, fatigue, ennuis d'argent divers et il faut bien faire tourner son ranch ainsi que tous ceux, proches ou moins proches, qui vivent plus ou moins à ses crochets. La santé de l'écrivain ne cesse de décliner, il se soigne autant en ingérant des doses plus ou moins importantes, selon les moments, d'alcool ainsi que diverses médications pas toujours recommandées par son médecin mais bien plus dangereuses encore que les cocktails qu'il ingère. Les moments de déprime se succèdent sans relâche, aggravés par de violentes migraines et nombreuses nuits d'insomnie. Il n'a que trente-cinq ans et, déjà, il se sent vieux...
C'est dans ce contexte peu glorieux que Jack London va rassembler les douze nouvelles de ce volume, écrites entre 1906 et 1909 (à l'exception de «Semper idem qui date de 1900), intitulé en anglais "When God laughs" et publié chez Macmillan. C'est la première fois que ce recueil est enfin publié tel que construit par l'auteur, sur la base des traductions de Louis Postif, bien que certaines aient été très retravaillées voire totalement reprise - «Rien que de la viande» - par le traducteur et préfacier du présent ouvrage Frédéric Klein.
Si ces nouvelles ne sont donc pas de rédaction récente, lorsqu'elles sont imprimés en volume, c'est peu de dire que l'ambiance sombre de cette période difficile rejaillit sur le choix des textes ici proposés, montrant les aspects plein de noirceur du californien, ainsi qu'un humour mordant et même teinté d'une certaine forme de sarcasme désabusé, de pessimisme bien peu en rapport avec le socialiste optimiste et volontaire qu'une certaine imagerie a pu donner de ce homme réputé, en outre, infatigable. Les personnages que nous croisons ici sont tous plus veules, lâches, alcooliques, sans morale et sans vergogne les uns que les autres.

«Dieu ricane dans la nouvelle qui donne son titre au livre, quand il se joue d'un couple qui évite tout contact physique pour que leur désir mutuel n'arrive jamais à satiété. Mais on ne se pique pas impunément d'immortaliser qui que ce soit : l'homme mourra sans avoir jamais embrassé son épouse. Dieu s'amuse de Man et Jim, deux cambrioleurs qui s'entre-tuent pour prendre la part de l'autre», dans cette nouvelle d'un cynisme consommé que London appela donc "Rien que de la viande" où l'on se demande si ce n'est pas l'être humain qui n'est finalement rien que cela...! Dieu ne se moque-t-il pas non plus «de Loretta, jeune fille naïve prête à croire que le mariage se contracte par un baiser ("une fille perdue", dont London tirera par la suite une pièce de théâtre) »? Ne se fiche-t-il «d'Ah-Cho, employé dans une plantation à Tahiti, condamné pour un crime qu'il n'a pas commis, guillotiné à la place d'un autre à cause de la paresse et de la stupidité raciste des colons français qui l'appellent "le Chinetoque". Dans cette nouvelle, le diable blanc, à travers ces colons français d'outre-mer et ces gendarmes imbéciles en prennent pour leur grade, ce qui explique sans doute que ce texte fut relativement maltraité chez nous lors de sa première traduction dans les années trente, en plein dans les années de la fameuse "exposition coloniale". London, qui professait pourtant un certain racialisme "bon teint" avait pu voir ce qu'il en était de l'impérialisme européen à l'égard des polynésiens (pour lesquels il vouait une sincère admiration) dans le Pacifique, lui qui s'était retrouvé quelques temps à naviguer sur un véritable navire négrier du côté des îles Salomon ! Dieu ne se fiche-t-il pas encore de ce garçon, exploité jusqu'à la dernière once de courage et de vitalité par un directeur d'usine sans le moindre moral, même si la garçon - on pense inévitablement à l'auteur en personne - prendra conscience de cette exploitation de la misère, décidant alors de ne jamais plus travailler et débutant ainsi une existence de trimardeur, telle que la contera London dans "La Route : Les Vagabonds du rail" ?
«Sur mer, les héritiers de Wolf Larsen (voir le roman"Le Loup des mers") continuent de sévir : dans "Faire route à l'ouest", un capitaine, le gros Dan Cullen, laisse mourir un de ses hommes tombé à la mer et assassine le témoin du crime, pour ne pas dévier de sa route vers l'Ouest? Cullen est d'ailleurs le seul personnage de ce recueil à défier les dieux en restant impuni. Un marin du "Francis-Spaight" espère quant à lui que des matelots iront brûler en enfer» après une épopée macabre digne du fameux "Radeau de la Méduse" avec un malheureux mousse de quinze ans comme victime propitiatoire et, accessoirement, pour calmer la faim des autres naufragés, secourus dans la foulée de leur meurtre atroce avant qu'ils aient entamé leur atroce menu.
Il y a encore cette nouvelle terrible d'inexorabilité aux allures de calvaire moderne - Mais Dieu prend-il seulement la peine d'y assister ? -, sur fond de boxe et qui met en scène un pugiliste sur le retour prêt à en découdre avec une jeunesse pleine de fougue et d'énergie, à défaut de technique, pour vingt malheureux dollars. C'est qu'il faut bien régler les impayés et nourrir la famille. Ah ! si seulement il avait pu l'avaler cette tranche de steak, avant d'entamer ce combat, sans nul doute sa conclusion, tristement sordide, en eut été totalement différente...
Pas plus de Dieu dans cette sorte de Metropolis des temps futurs où l'oppression d'hier semble devoir aussi être l'oppression de demain dans ce texte d'anticipation "Un curieux fragment".

Ainsi donc en est-il de ces moments de cruauté insensée, sans but véritable sinon que la survie, souvent, la bêtise irrémissible ou le mal à l'état originel, par lesquels London semble nous adresser une leçon de vie sans morale possible, sans rédemption, sans amélioration envisageable de l'humain et de sa condition d'être tant imparfait. Sans doute tout cela est-il la faute de ce Dieu qui se fiche tant de la créature qu'il est supposé avoir créé "à son image", qui se rit de sa créature comme d'un jouet dont on s'est lassé ?

En bon socialiste matérialiste Jack London, on le sait, exprimait un athéisme forcené, pas forcément très bien vue dans l'Amérique encore plus puritaine que celle d'aujourd'hui - tandis que les rivages imprécis entre inconscience et mysticisme le fascinait. Pour preuve, son roman "Le Vagabond des étoiles", d'une puissance spirituelle si étrange et originale au sein de son oeuvre - et on l'imagine mal dans des dévotions à une entité supérieure. Pour autant, la condition humaine l'intriguait, le fascinait dans tous ses aspects, y compris les plus ignominieux, mesquins, turpide et l'aspect cyclotomique de sa personnalité l'engageait à aller y voir de plus près. Quand Dieu ricane en est l'une des plus ironiquement ténébreuses des manifestations. Pour le plus grand régal de ses lecteurs !


[Les passages signalés par des «...» sont extraits de la biographie de Jennifer Lesieur, "Jack London"]
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Revenir me gratter à la couenne de Jack London, mon auteur chouchou, me fait toujours un bien fou, même si cette fois-ci il a la couenne particulièrement rêche tant ces nouvelles sont noires, cyniques ou amères.
J'ai été surprise d'y retrouver plusieurs nouvelles déjà lues dans un autre recueil, Les temps maudits. Ce sont d'ailleurs les deux qui m'avaient marquée dans ce dernier recueil que j'ai de nouveau préférées et aimé relire dans Quand Dieu ricane : l'histoire de Tom King, ce vieux boxer qui monte une dernière fois sur le ring pour une tranche de steack qu'il ne gagnera pas, ainsi que "Le renégat", gamin qui, devenu homme après dix ans d'usine, jette le gant pour prendre la route.
Du London pur jus dans ces nouvelles publiées entre 1906 et 1910, où l'on sent fortement poindre comme une fatigue de vivre chez cet homme hors du commun aux mille vies et aux mille facettes.
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Revenir à la lecture d'un auteur familier, qui nous est cher, c'est retrouver des sensations, des émotions qu'on éprouve qu'à de rares occasions. Ces auteurs qui nous font nous sentir chez nous, en terrain connu. Et dont on excuse les ouvrages mineurs parce qu'on aime, malgré tout, retrouver une plume, une vision du monde familière. C'est comme enfiler un vieux pantalon, de vieilles Charentaises dans lesquels on se sent bien. Trève d'analogies pantouflardes ! L'auteur vers lequel je reviens sans cesse, après des errances vers d'autres écrivains, genres littéraires ou après des pannes de lectures - ça ne surprendra pas ceux qui me suivent depuis un moment - c'est ce bon vieux Jack !

Peut-être parce que ses écrits sont tant marqués du sceau de son expérience de quarante années. Par certains égards, on peut lui trouver plus de légitimité que d'autres à s'exprimer, en tout cas, une plus grande authenticité dans les domaines qu'il aborde. Lorsque dans la nouvelle, « L'apostat », il narre la vie d'un adolescent trimant à l'usine, on a pleinement conscience du caractère semi-autobiographique de cette dernière. Chez London, il n'y a pas de posture ou de prétention à se mettre à la place d'êtres à la condition qu'il n'a pas lui-même connu et vécu dans sa chair. Il est à la fois Martin Eden, Elam Harnish, Ernest Everhard, le petit Johnny de « L'apostat », Tom King : ce vieux boxeur sur le retour de la nouvelle « le bifteck ».
Peu importe qu'il fut l'auteur le plus lu de son temps et qu'il fit fortune grâce à sa plume, au point de devenir propriétaire terrien, trahissant pour certains son idéal socialiste. C'est cette ambivalence qui fait la richesse de l'écrivain, nourrit son oeuvre littéraire.

Dans « Quand Dieu ricane », recueil de douze nouvelles qu'il publia dans diverses revues entre 1900 et 1910, les thèmes chers à London sont pratiquement tous passés au crible. On y découvre, toutefois, un humour corrosif, un ton sarcastique et comme une vérité universelle que notre existence est régie par un dieu qui distribue ses bienfaits de manière aléatoire. Ainsi en va-t-il du sort qui s'acharne sur le pauvre coolie chinois, Ah-Cho, condamné à passer sous la guillotine parce que son nom ressemble, à une lettre près, à celui du véritable condamné, dans la nouvelle « le chinetoque ». Ou encore ce pauvre mousse que ses compagnons naufragés ont décidé de sacrifier, sans se douter qu'une voile vogue dans leur direction pour leur porter secours, dans « Il était un navire ». Des nouvelles à la qualité disparate et inégales, mais qui ont tendance à souligner l'absence de justice immanente. Les bons ne sont pas toujours récompensés et les mauvais châtiés. La vie semblant davantage ressembler, dans une veine camusienne, à un absurde jeu de hasard dans lequel Dieu se délecte des souffrances qu'il inflige aux hommes avec jubilation.
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La première bonne nouvelle de ce recueil s'intitule le renégat. Ça raconte l'histoire d'un gamin qui, tous les jours depuis qu'il a l'âge de sept ans, doit se rendre à l'usine pour faire vivre sa famille alors que son frère et sa soeur vont à l'école. London a lui-même passé une partie de sa jeunesse à travailler dans une usine et cette nouvelle résonne d'une façon très particulière, propre à l'autofiction.

Dans le Chinetoque, cinq Chinois qui travaillent dans une plantation de coton de Tahiti sont accusés de meurtre. La façon infâme d'expédier l'affaire fait ressortir le racisme et la stupidité des Français qui colonisent l'île. Si Bukowski a lu cette nouvelle, nul doute qu'il a dû être séduit par son cynisme. Il aurait certainement aussi apprécié Rien que de la viande, une nouvelle racontant avec un humour acéré l'histoire de deux cambrioleurs de bijoux qui, victimes de leur avarice, finissent par s'entretuer. L'esprit de cette nouvelle rappelle nettement l'univers de Bukowski.

Dans Semper idem, un maître chirurgien sauve la vie d'un suicidé qui s'est tranché la gorge. le récit est plein de subtilités et d'humour et la fin est pour le moins loufoque. Un nez pour le roi se passe en Corée et raconte l'histoire d'un politicien véreux condamné à mort qui réussit à s'en sortir grâce à un ingénieux stratagème. Un bon bifteck raconte un combat de boxe entre un vétéran mal nourri et un adversaire beaucoup plus jeune. Ce récit cruel est en fait une extraordinaire réflexion sur le passage du temps et le vieillissement. le phrasé de London va et vient comme les coups que s'échangent les boxeurs ; un pur chef-d'oeuvre.

London est un formidable narrateur mais il s'avère parfois faible lorsqu'il a recours à la scène, un mode narratif consistant à intercaler des dialogues entre des paragraphes descriptifs. Il s'y essaie sans grand succès dans Tels il les créa, une nouvelle où l'on sent un peu trop son parti pris contre l'alcool. London reprendra ce thème dans le Cabaret de la dernière chance [1913], un récit lui aussi gâché par ses convictions dignes de la prohibition.

Quand Dieu ricane est un recueil de nouvelles qui a certainement influencé nombre d'auteurs américains, à commencer par Bukowski. Il mérite d'être lu, ne serait-ce que pour les six bonnes nouvelles énumérées ci-haut.
Lien : https://alaincliche.wordpres..
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De mon enfance, je conservais une vision assez gentille de Jack London, j'allais ajouter \"bon enfant\"… La lecture des 12 nouvelles de Quand Dieu ricane m'a pas mal surpris…! Ici, n'attendez pas à lire de sympathiques histoires avec des fins morales et conventionnelles genre \"ils se marièrent et firent plein d'enfants\"…

Suite sur urbanbike…
http://www.urbanbike.com/index.php/site/quand-dieu-ricane-jack-london/
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Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
-Quand j'étais gamin...commença-t-il, mais il s'arrêta brusquement au milieu de sa phrase.
L'aile ténébreuse l'avait de nouveau frôlé, et son corps vibrait, pressentant un désastre imminent. Il sentait qu'un élément perturbateur était à l'oeuvre dans sa chair, et il avait l'impression que tous ses muscles allaient commencer à se contracter. Soudain il s'assit, et tout aussi brusquement se pencha en avant, les épaules sur la table. Un tremblement imperceptible parcourut les muscles de son corps. Cela ressemblait au bruissement des feuilles à l'arrivée du vent. Il serra les dents. Cela revint, une tension spasmodique des muscles. Tout son être se révoltait, et il fut pris de panique. Il n'était plus maître de sa musculature: elle se tendit encore en spasme, en dépit de sa volonté - car il avait voulu l'en empêcher. C'était une révolution, une anarchie intérieure; et une terreur impuissante s'empara de lui tandis que sa chair l'empoignait et semblait le saisir dans un étau; des frissons lui parcouraient le dos, et la sueur commençait à perler à son front. Il jeta un coup d'oeil à la pièce, et tous les détails lui donnèrent un sentiment étrange de familiarité qui le frappa. C'était comme s'il revenait d'un long voyage. Il regarda son complice en face de lui. Matt l'observait en souriant. Le visage de Jim prit une expression d'horreur.
-Bon Dieu, Matt, hurla-t-il, tu m'as pas mis une drogue ?
Matt sourit et continua de l'observer. Malgré la crise intense qui suivit, Jim ne sombra pas dans l'inconscience. Ses muscles se tendaient, se contractaient convulsivement, se nouaient; leur étreinte sauvage le blessait, l'écrasait. Mais tout à coup le comportement étrange de Matt le frappa. Il était en train de suivre le même chemin. Son sourire avait disparu, et son visage prenait une expression attentive, comme s'il écoutait quelque message intérieur et cherchait à en deviner le sens.
Matt se leva, traversa la pièce, fit demi-tour, puis se rassit.
-T'as fait ça, Jim, dit-il avec calme.
-Mais je pensais que t'essayerais aussi d'me régler mon compte, répondit Jim sur un ton de reproche.
-Oh, j'ai fait ça très bien, dit Matt, les dents serrées et le corps frissonnant. Tu m'a donné quoi ?
-Strychnine.
-Moi pareil, répondit l'autre spontanément. Satané pétrin, non ?
-Tu mens, Matt, dit Jim d'un ton suppliant. Tu m'as pas empoisonné, hein ?
-Bien sûr que si, Jim. Mais j'en ai mis que ce qu'i'fallait. J'l'ai fait cuire bien comme i'faut dans ta moitié de tournedos.
Arrête ! Où tu vas ?
Jim s'était précipité vers la porte et était en train d'ôter les verrous. D'un bond, Matt s'interposa et le repoussa.
-Un pharmacien ! fit Jim d'une voix haletante. Un pharmacien !
-Pas question. Tu vas rester là. Tu vas pas sortir jouer les empoisonnés dans la rue - pas avec tous ces bijoux sous l'oreiller. Tu piges ? Même si tu mourais pas, tu tomberais entre les mains des flics, et faudrait t'mettre à table ! Un vomitif, voilà le truc contre le poison. J'suis aussi mal en point que toi, et j'vais prendre un vomitif. De toute façon, on t'donnerait rien d'autre à la pharmacie.


Pages 81-82 - Rien que de la viande
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De tout temps, il était resté en rapport étroit avec les machines. Il était presque né avec, ou du moins avait été élevé avec. Voilà douze ans, il y avait eu un certain émoi dans la salle des métiers de cette même filature. La mère de Johnny s'était évanouie. On l'avait allongée sur le plancher au milieu du tumulte des machines. On avait dérangé de leurs métiers deux femmes d'un certain âge. Le contremaître était venu à leur aide et, quelques minutes plus tard, l'atelier contenait un nouveau personnage qui n'y était pas rentré par la porte. Johnny venait de naître, ouvrant les oreilles aux trépidations, aux craquements et aux rugissement des métiers, respirant dès son premier souffle l'atmosphère chaude et humide épaissie par les effilochures, toussant dès son premier jour pour s'en débarrasser les poumons; et depuis il n'avait cessé de tousser pour le même motif.

Le renégat
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Sous l'arche massive de ses sourcils, à travers une grosse touffe de cheveux noirs qui retombaient perpétuellement, ses yeux écartés brillaient d'un feu sombre et terrible, comme ceux d'un satyre à l'affût dans un fourré. Il portait invariablement une chemise de flanelle fine sous un paletot de velours à côtes et arborait une cravate rouge, drapeau de la fraternité du sang entre tous les hommes et souvenir d'un séjour à Paris, parmi les socialistes.
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[...] Il (Johnny, le personnage principal de la nouvelle, a plus dix ans) trouva de l'embauche dans une verrerie. Il était mieux rémunéré et le travail exigeait une certaine habileté. Il était payé aux pièces : plus il se montrait adroit, plus il gagnait d'argent. Sous l'impulsion de ce stimulant, il s'affirma comme un ouvrier remarquable.
L'opération ne présentait aucune difficulté : il s'agissait de fixer des bouchons de verre sur des flacons. Il portait à la taille un peloton de ficelle et tenait le récipient entre ses genoux pour se servir de ses deux mains. Il demeurait assis dans cette position, penché sur ses genoux ; ses épaules étroites s'affaissaient et il restait la poitrine contractée dix heures par jour. Cela ne valait rien pour les poumons mais il ficelait ses trois cents douzaines de flacons quotidiennement.
Le directeur, très fier de lui, amenait des visiteurs, curieux de voir ce jeune garçon entre les mains duquel passaient tant de flacons dans une journée. Il avait atteint la perfection d'une machine. Tout geste superflu était éliminé. Le moindre mouvement de ses bras maigres et de ses doigts fluets était rapide et sûr. A cause de la forte tension qu'exigeait ce travail, il éprouvait une grande nervosité. La nuit, il souffrait de crampes en dormant, et, pendant le jour, il ne pouvait ralentir ni se reposer. Tendus continuellement, ses muscles ne cessaient de le tirailler. Son teint devint blême et sa toux s'aggrava. Puis une pneumonie s'abattit sur ses poumons affaiblis, et il perdit son emploi à la verrerie.


Pages 42-43. Le renégat
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Les jeunes grimpaient vers le succès en piétinant le corps des anciens. Et toujours il en arrivait, toute une Jeunesse avide et irrésistible, des jeunes chassant les vieux, devenant vieux eux-mêmes et descendant la pente, tandis que derrière eux se pressait une autre Jeunesse éternelle - les générations de bébés qui avaient grandi et désiraient rabaisser leurs aînés, suivis à leur tour d'autres bébés jusqu'à la fin des temps, une Jeunesse à qui tout cède et qui ne meurt jamais.
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Vidéo de Jack London
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