Lorsque j'ai lu le titre
Premier amour, je n'ai pas oublié le roman d'
Ivan Sergueïevitch Tourgueniev publié en 1860, puis de cet embrasement des passions, je me souviens aussi de mon
premier amour, j'ai un doute sur le mot premier, c'est assez troublant de savoir qu'il a était ce
premier amour, je n'oublie pas celui qui a tout chamboulé en moi, amour est essentiel à cela mais premier, ce n'est pas nécessairement celui-là, qui peut nous dire, je n'oublie pas mon
premier amour; d'enfant, d'école maternelle, en famille, ces amours s'évaporent avec le temps des évènements qui s'effacent pour d'autres, notre cerveau sélectionne ce que l'on retient, Premier de
Samuel Beckett semble être plus qu'un souvenir, c'est une trace indélébile de son caractère qui s'affirme à travers une situation multiple où ses sens sont malgré lui tiraillés de toutes sortes.
Samuel Beckett est un auteur Irlandais, surtout connu pour ces pièces absurdes, la crise existentialiste est au coeur de ces trames, comme
Sartre et Camus, il explore les chemins de l'existence à travers une humanité qu'il exhorte de sa misanthropie. Cette nouvelle assez courte fut rédigée en 1946, en langue française, à la sortie de la deuxième guerre mondiale, a-t-elle une autobiographie avec l'auteur !
Le titre
Premier amour est souvent la narration, comme la nouvelle d'
Ivan Sergueïevitch Tourgueniev , d'ailleurs
Samuel Beckett lui a emprunter son titre, l'histoire d'amour qui marque celui qui le subit, ou le vit, selon la situation auquel le protagoniste l'entrevoit, hors Samuel Becket ne raconte pas une histoire d'amour, au sens strict de le signification du mot amour, et encore moins premier, ce trouble dans cette prose courte semble être le rapport du narrateur, car celle-ci est au style direct, à la première personne du singulier, ce « je » , ce narrateur et l'auteur , pour être plus précis, donne au texte une valeur encore plus complexe sur l'absurdité du récit et le titre, je n'oublie pas le titre d'un roman de Boris Vian L'automne à Pékin, il n'y a aucun rapport entre ce titre et l'histoire en elle-même,
Samuel Beckett entraine le lecteur dans une réflexion plus profonde sur ce titre, car il y a bien une relation entre la narrateur est une femme au nom de Lulu, est-ce le coeur de cette nouvelle, ou le stigmate de l'esprit de cet auteur, liant la mort et la naissance, l'un au début , la mort, qui devrait être une fin en soi, et la naissance à la fin, comme le début de la vie, beaucoup de questions sommeillent dans l'esprit du lecteur que je suis et que d'autres auront, mais nous sommes tous différent, je vais peut-être trop en profondeur de ce texte et j'interprète celui-ci avec une approche trop personnelle, incombant ma propre expérience de vie et de lectures diverses agrément mon existence. Je tiens à dire, que j'ai lu le texte deux fois, aussitôt terminé, je suis revenu au début pour le relire, c'est presque un réflexe magnétique, je me suis fait happé par ces mots, comme dans une tornade, je me suis fait attrapé par la virtuosité prosaïque de
Samuel Beckett, surtout par la magie des mots et leurs sens multiples.
Comme je vous l'ai dit, la mort est présente, celle du père du narrateur scelle l'association à jamais avec celui de son mariage, qui à la fin du livre sera représenté comme juste une union, mort et union se tienne la main dans les souvenirs de l'auteur. La mort en devient plus noble et présente, elle ne se cache plus, la mort pour l'auteur est un début, celui du narrateur aux premiers de sa prose. le narrateur aime flâner dans les cimetières, il y pique-nique, il redonne à ce lieu, un visage différent, ce paysage où la mort est là, où le sac de peau de tous ces morts sont là, enterrés, sous des stèles diverses, plus ou moins ornementales, entre précarités, rudimentaires et l'ostentatoire de la richesse familiale, le narrateur aime lire ces noms et les épitaphes inscrites, il ose même nous dévoiler la sienne, elle devient vivante avant sa mort pour définir sa futur existence.
« Ci-gît qui y échappa tant
Qu'il n'en échappe que maintenant »
Ce côté obscure de notre narrateur, d'aimer l'odeur des morts que celle des vivants, il déteste l'être humain, il dit cette phrase si cruelle sur les gens lors de sa rencontre avec cette femme inconnue, du doux nom de Lulu.
« le tort qu'on a, c'est d'adresser la parole aux gens »
Mais il a que cette solitude qui ne pèse pas sur notre narrateur et ses douleurs physiques, le poids des autres, et celui de son environnement, il ne les comprend pas, comme sa mise à la porte de sa chambre après la mort de son père, il se retrouve à la rue, même la
compagnie de cette femme devient un souci, hésitant sur ses sentiments, l'amour qu'il écrit de son noms sur des bouses de vache, ces sentiments nouveaux qu'il découvre anime en lui trop de peur , comme une forme d'arrogance, il fuit au-delà de lui cette fausse passion cet anamour, ce néologie cher à
Serge Gainsbourg. Notre narrateur parle peu, il pense énormément, ce récit est comme les pérégrinations d'un schizophrène sur les routes de son cerveau qui s'entrecroisent, une sorte de purgatoire, il se souvient de ces 25 ans, d'être cet homme moderne qui bande encore, tout est incertitude dans sa tête, cette confusion est ironique, celle-ci est empreint de beaucoup d'humour.
Cet humour est présent dans cette nouvelle, comme retourner au cimetière pour connaitre la naissance de son père et la notant sur un papier ainsi que la date de sa mort, qu'il gardera dans sa poche, et s'exclame par dérision de connaitre sa propre date de naissance. Il y a aussi ce côté scatophile, avec le nom inscrit sur les bouses de vache, cette anecdote aussi de notre narrateur assit sur le trône, constipé, écartant ses fesses pour déféquer, recherchant la cause de cette constipation, cette anxiété qui le ronge, puis tout s'entremêle dans son esprit , confondant avec la diarrhée. Lorsque la jeune femme se présente, de son prénom Lulu, ou Loulou selon l'origine Française ou Anglo-saxonne pour le prononcer, notre narrateur change son prénom pour Anne, la simplicité d'une seule syllabe,
Samuel Beckett s'amuse de rendre cette prostituée invisible par cette multitude de prénoms, leur relation est assez précaire , peu de conversation, une chanson interprétée par cette femme, une chambre qu'il dénude de tous ses meubles, pour un minimaliste de confort, et faisant chambre à part, découvrant par le bruit son travail de prostituée, lui demandant de faire moins de brouhaha, avec une indifférence totale de son métier , comme lui demandant d'avorter toute suite, il fuit la vie, il est attiré par la mort , il est cynique , il est dans les profondeurs d'un pessimiste de la vie , comme
Cioran qui deviendra son ami. Cette légèreté Beckettienne enveloppe le caractère méprisent de notre narrateur face à la grossesse inattendue de cette jeune femme rencontrée sur un banc, un soir, ce moment romanesque, qui ne le sera pas aux yeux du narrateur, préférant avoir des caprices de femmes enceintes, désirant manger des panais, l'ubuesque de ces panais, sont le souvenir qu'ils représentent, les panais ont le gout des violettes, les violettes ont le parfum des panais, la confusion l'anime, le mépris de cet enfant futur…
La fin est une fuite du narrateur, poursuivi par le cri du bébé naissant de Lulu, cet écho le poursuit, il va vers une destinée sans enfant , sans cette femme, vers un amour qu'il n'oubliera jamais, comme il le dit l'amour ne se commande pas .