De la jalousie

Ce recueil du maître norvégien du thriller comporte 7 nouvelles de longueur fort différente, allant de seulement 9 pages "La file d'attente" à 151 pages "Phtonos".
Amateur des romans de Jo Nesbø, j'ai commencé ma lecture par cette nouvelle qui se rapproche ainsi d'un roman et aussi parce que le titre m'a séduit.

Dans la mythologie grecque Phtonos personnifie l'avidité, la rivalité et la jalousie.

Chez Nesbø, c'est l'inspecteur principal Nikos Balli de la brigade criminelle d'Athènes qui incarne Phtonos, l'expert policier en matière de détection de jalousie.
Une expertise basée sur sa propre triste expérience comme victime de l'abandon par son épouse bien-aimée qui en aimait un autre.

Le récit commence par la mission de Nikos sur l'île montagneuse et touristique de Kalymnos dans l'archipel du Dodécanèse en Mer Égée, où un jeune touriste américain, Julian Schmid, 28 ans, a disparu.

L'inspecteur interroge le frère jumeau du disparu, Franz, et croit pouvoir relativement vite conclure à un assassinat entre frères jumeaux monozygotes.
Il se trouve que Franz et Julian sont tombés éperdument amoureux de la belle Hélène Ambrosia et qu'il s'agit donc d'une affaire de jalousie et d'élimination d'un rival.

Nikos se prépare déjà à rentrer à Athènes, lorsqu'il apprend que Franz s'est volatilisé à son tour, ce qui complique sérieusement la donne : une affaire de meurtre avec 2 morts et aucun corps ...

Un récit époustouflant plein de retours en arrière étonnants et des rebondissements à vous couper le souffle, sur un air de musique de Led Zeppelin's "Whole Lotta Love".

À lire cette nouvelle on a l'impression que l'auteur est diplômé en psychologie, voire en psychiatrie, tellement son analyse de la psyché des protagonistes principaux est impressionnante, or qu'il a fait des études d'économie à l'université de Bergen, la 2ème ville de Norvège.

Il en va de même pour son analyse des sentiments humains, telle la jalousie à caractère meurtrier par exemple.

Finalement, Jo Nesbø a eu la bonne idée de situer sa longue nouvelle dans le décor merveilleux d'une région splendide De Grèce, où il laisse ses héros faire des escalades libres de montagne en solo de nature à provoquer auprès des lecteurs de gros frissons.

Ne fût ce que pour cette unique nouvelle, je peux vous recommander ce recueil avec conviction.

Fan d'Harry Hole, le policier anti-héros et de ses intrigues à rebondissements, j'ai apprécié cette série de nouvelles autour du thème de la jalousie. La première "Londres" se déroule dans un avion avec cette destination et est assez tragique. La deuxième "Phtonos" se déroule sur l'île de Kalymnos avec une histoire de jumeaux. La sixième est sans doute un peu autobiographique car elle met en scène un écrivain en interview, qui avoue "tout ce que je peux faire, moi, c'est imaginer ". La dernière "la boucle d'oreille" tourne autour de la vengeance d'un mari trompé.

Je ne suis, à priori, pas grand fan des recueils de nouvelles. Je considère le format, peut-être à tort, comme trop restrictif… Pas le temps de réellement planter une ambiance, un décor, des personnages… Mais, attiré par le titre (et donc le sujet) ainsi que par l'auteur, décrit par son éditeur comme rien moins que le chef de file du polar scandinave (!), je me suis lancé. Et ne l'ai pas du tout regretté !
Si "Phtonos" sort du lot, de par sa taille (151 pages) mais aussi son intrigue bien ficelée à base de jumeaux monozygotes (et de références Led Zeppeliennes qui vont bien), c'est la petite nouvelle (29 pages) sobrement intitulée "Déchet" qui a retenu toute mon attention. Et déclenché un véritable coup de coeur…
Ivar, un bas du front attachant, préposé aux poubelles dans la ville d'Oslo, souffre d'un léger soucis comportemental qui l'entraîne à vouloir péter la gueule à quiconque commence à le contrarier : frère, patron, collègue, surveillant de stationnement… C'est gênant et assez handicapant pour avoir une vie sociale apaisée. Jusqu'à présent, s'il a cogné sur beaucoup de monde, il n'a cependant jamais frappé sa femme en trente ans de vie commune. Il s'enorgueillit d'ailleurs, à juste titre, de cet exploit remarquable. Son problème actuel, c'est que, suite à un excès de boissons à base de raisin fermenté, il n'a absolument aucun souvenir de la nuit passée. Mais il redoute quand même d'avoir réagi de manière un peu sanguine lorsque sa femme lui a avoué une liaison avec son propre patron. Surtout que cette dernière ne répond pas à ses messages. Il en vient même à se demander s'il ne l'aurait pas carrément tuée, ce qui serait très contrariant.
Pour le seconder dans son travail, et accessoirement le sortir des mauvais pas dans lesquels il se vautre avec propension, il peut compter sur Pijus, un immigré letton, psychologue de son état et au langage fortement ampoulé, capable de parler le Norvégien sans accent mais qui s'y refuse « pour faire plus vrai ».
Nous suivons la déambulation de ces deux personnages hauts en couleurs dans les rues d'Oslo, entre ramassage de poubelles et considérations oiseuses sur le sens de la vie. Ivar, bien aidé en cela par Pijus, en profitera pour éclaircir les évènements de ces dernières heures, jusqu'au dénouement final, énormissime.
Savoureux.

Loin, très loin de Harry Hole, d'Oslo, et son « abreuvoir » en Jim Beam, Jo Nesbo s'essaye à la nouvelle, et « convoque » des références littéraires à tout-va : le mythe d'Icare, André Malraux, Hannah Arendt, Rudyard Kipling, Charles Dickens, Heinrich Böll, René Girard et « ses » désirs mimétiques, Stefan Zweig, Tom Sawyer…
« « C'est pas parce que je m'en fous que je comprends pas », comme dit Homer. L'Homer des Simpson, s'entend, pas l'Homère de L'Odyssée. »

« de la Jalousie ». En Norvégien : « SJALUSIMANNEN OG ANDRE FORTELLINGER ».
Aucun « André ».
Selon google traduction (pas mieux sous la main) « L'HOMME DE LA JALOUSIE ET AUTRES CONTES »

Des contes bien construits, avec des personnages un brin caricaturaux, et une chute.

Une nette préférence pour la plus longue des nouvelles, « Phtonos » (personnification de la jalousie),
- sa magnifique île grecque montagneuse et ses « murs » d'escalade,
- son policier torturé, maître ès jalousie, appelé en renfort, sur une enquête qui voit un homme accusé d'avoir tué (par jalousie) son jumeau,
- son lot de rebondissements,
- ses refrains (Led Zeppelin vs Ed Sheeran),
- son humour. « de toute évidence, elle considérait que c'était mon intelligence lumineuse qui l'avait sauvée et j'ai passé sous silence que c'était plutôt mon imagination lacunaire qui avait failli le tuer ».

Le thème c'est la jalousie, mais pas sous l'angle du soupçon, celui qui pourrit l'existence. Jo Nesbo se place après. Dans l'esprit du jaloux trahi, enclin à une certaine violence.

Le jaloux trompé avait un seul horizon. « Wenche était ce qui m'était arrivé de meilleur et de pire, mais surtout, elle était tout ce qui m'était arrivé. » Il enjolive les jours passés et se venge. Comment ? Quel chemin prendre ? That is the question, comme dans « The road not taken », poème de Robert Frost.
Une invitation au voyage, forcément sanglant, avec Jo Nesbo, ça ne se refuse pas.

Jo Nesbo s'essaye à un genre qui lui est inhabituel: la nouvelle littéraire. Mais en fait, ce recueil de nouvelles ressemble plus à un essai sur la jalousie qu'à un polar pur et dur. Plusieurs types de jalousies, leurs causes et leurs conséquences sont passées en revue. Comment survient la jalousie? Tromperie, rivalité, injustice…. Quels tourments causent la jalousie? « L'incrédulité, la rage en passant par la fureur, le mépris de soi, et pour finir la dépression. » Et surtout, quelles en sont les répercussions? Suicide, vengeance, meurtre… Au fil des sept nouvelles, on va découvrir des situations très différentes dans lesquelles la jalousie est donc toujours présente.


Dans « Londres », c'est le fait que son mari la trompe avec sa meilleure amie qui déclenche la jalousie de Maria qui s'engage alors dans une démarche inattendue. Dans « Déchet », c'est l'inverse, c'est l'infidélité de sa femme qui rend furieux Ivar, le boueux. Dans « Phtonos », nous sommes en présence de deux frères jumeaux dont l'un joue un jeu dangereux: profiter de leur gémellité, pour avoir un rendez vous avec la petite amie de son frère. « La jalousie est un boa constricteur » dit Nikos, un policier d'Athènes en charge de l'enquête sur la disparition d'un des frères. La jalousie peut naître aussi de ce qu'on considère injuste comme dans « Une file d'attente » ou « La boucle d'oreille ». Et puis elle peut venir du fait de se faire larguer par sa compagne au profit d'un nouvel homme comme dans « Aveux » et « Odd ». Mais quelqu'un doit-il mourir dans tous les cas?


L'inconvénient du format de la nouvelle, c'est qu'on n'a pas le temps de rentrer dans l'intimité des personnages, ce qui rend plus difficile, pour l'auteur, de créer un suspense ou de l'émotion. Néanmoins, dans « Phtonos », la nouvelle la plus longue, rebondissements et émotion sont au rendez-vous. Par contre, dans toutes les nouvelles, Jo Nesbo semble aimer se jouer de nous et nous réserve toujours une pirouette finale, qu'on est souvent capable d'anticiper, mais uniquement si on est un lecteur attentif et imaginatif. La lecture devient alors un jeu divinatoire.


J'ai pris du plaisir à lire ces nouvelles sans prétention où l'humour est souvent présent. Et puis ça nous change des soûleries de Harry Hole! Ça ne restera pas comme un livre important de Jo Nesbo, mais il est parfait pour une distraction estivale.