Aliide Truu recueille Zara chez elle, lui donne à manger et s'occupe d'elle. Pacha et Laventri sont à ses trousses. Elle s'est retrouvée prostituée après avoir écouté les joies de la vie de son amie d'enfance Oksanka en Allemagne, faite d'argent, habillée et maquillée « richement », sans même savoir ce qu'elle serait en réalité. Piégée dans cette vie de douleur, de sexe et de maltraitance, Zara n'est plus elle-même. La seule chose qu'elle aimerait est de pouvoir s'échapper. Aliide, elle, a connu la guerre, l'humiliation et s'est mariée à un homme du Parti, pour se protéger. Elle aime en secret depuis toujours un autre homme, qu'elle protégera coûte que coûte, mais qui lui fera développer haine, jalousie et mépris. Sa soeur, Ingel, se mariera à Hans, qui sera opposé au Parti et devra fuir puis se cacher, il est recherché. Ces deux femmes, Aliide et Zara, vont chacune se méfiait de l'autre, à cause de ce qu'elles ont subi dans leurs vies respectives, et essayer de mentir et jauger sans cesses l'autre, observer et pourtant se soutenir. Une photo que Zara porte toujours sur elle va lui apprendre beaucoup de choses. Une photo qu'elle a reçue de sa grand-mère, grand-mère pour laquelle elle avait beaucoup d'affection et avec qui elle partageait une grande complicité, grand-mère qui lui apprendra à parler un peu Estonien, ce qui se révélera d'une importance capitale dans la vie de Zara. Elle découvrira aussi une partie de vie et d'histoire de sa famille.
Ce récit est composée de 5 parties, composées elles-mêmes de plusieurs chapitres, survolant donc plusieurs années de l'histoire de l'Estonie, allant de 1938 à 1992. Il retrace les différentes périodes, de l'occupation Soviétique à l'occupation Allemande, puis à nouveau à l'occupation Soviétique, et enfin à la Restauration de la République d'Estonie en 1991. de plus il raconte la vie de Zara de son enfance à 1992 et de même pour Aliide. L'histoire saute de l'une à l'autre des périodes, sans chronologie, juste une indication des dates. Nous passons aussi bien de l'enfance de Zara, à sa condition de prostituée, avec, entre les deux, un pan de vie d'Aliide sous l'occupation allemande, puis sous l'occupation Soviétique etc. Enfin vous comprendrez que ce sont des retours en arrière perpétuels mais bien souvent pas dans les mêmes années ni pour les mêmes personnes, mais aussi le récit dans le présent du roman, soit en 1992. Il faut donc suivre ! Mais c'est formidablement écrit et passionnant, de par l'histoire de ce pays que l'on connaît mal et de par l'évolution de chacun des personnages dans leurs environnements et les raisons pour lesquelles ils sont devenus ce qu'ils sont, un éclaircissement nécessaire. Et à chaque début de partie, est proposé un extrait du cahier de notes d'un des personnages clé du récit, cahier qui scellera son avenir.
La lecture de ce roman est éprouvante car ce qui y est raconté est dur, très dur.
Sofi Oksanen ne nous épargne pas l'horreur de ce que peuvent être des interrogatoires pendant la guerre, le viol, l'humiliation, de ce que peut être la condition de prostituée dans la mafia, la peur, l'horreur, la maltraitance, de ce que peut être la trahison, la folie amoureuse, la démence, tous les travers de l'espèce humaine en somme… J'ai plusieurs fois eu le souffle coupé quant à la violence des mots et des propos pourtant justes, et souvent peinée face à de telles dérives et face à la réalité de ce que sont les guerres, des vies complètement anéanties, la peur au ventre toujours constante. il est difficile de parler d'un tel récit tant les émotions sont encore vives et que ce genre d'histoire continue à planer dans votre esprit encore après. Et malgré les supplices endurés, la tragédie de vies meurtries par la guerre, de vies endolories par l'ignominie et la perversité de monstres humains, de la haine à l'intérieur même d'une famille, du mensonge, il reste toujours chez certains de l'humanité et de l'entraide. Mais aussi une histoire qui raconte des souvenirs d'enfance.
Je vous conseille ce roman qui traite aussi bien de la guerre, de la prostitution, de Tchernobyl, que de la famille, de l'amour, de l'amitié.
Sofi Oksanen a écrit un roman « âpre et dur qui met en parallèle la violence sur les femmes et sur les peuples »
Augustin Trapenard, Elle. « Un très grand livre sur le mensonge et la peur. On en sort ébloui par la maîtrise et secoué par le propos. »
Alexandre Fillon, Lire. Je rejoins complètement leurs avis.
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