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EAN : 9782714307620
283 pages
José Corti (01/01/1900)
4.75/5   2 notes
Résumé :
De Musset à Balzac le nom de Jean Paul fut comme le symbole de la littérature, fantastique et « géniale », du cauchemar romantique. Madame de Staël, en traduisant le discours du christ mort, avait créé cette légende ; dès lors, Jean-Paul fut considéré comme un visionnaire apocalyptique. Jamais à l’époque on ne soupçonna sa nature vraie, ses rêves et ses poésies.
Les rêves sont fréquents dans son œuvre, soit sous forme de courts poèmes en prose, soit dans... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Plus qu'une anthologie, "Choix de rêve" est une thèse comprenant son développement et le corpus de textes nécessaires à la preuve.
Il s'agit de la thèse d'un Albert Béguin qui ne veut retenir de Jean-Paul que ses écrits sur le rêve. Il en oublie l'ironie, la teneur parodique, la liberté de cet auteur, pionnier du romantisme.
Or le rêve chez Jean-Paul selon Béguin est métaphysique, le rêveur ne peut s'empêcher de s'envoler vers des cieux paradisiaques et rencontrer ainsi la divinité et ses kyrielles d'anges déchus ou non. Oui, les mauvais rêves - annonciateurs par ailleurs du genre gothique - eux aussi sont métaphysiques. Entre les cauchemars et les évocations du sublime, le lecteur flotte sans cesse dans un éther incompressible.
Hélas, le sublime devient plat, écoeurant même, quand il succède au sublime et ne peut prendre ses racines dans le quotidien.
L'ironie de Jean-Paul fait hélas totalement défaut dans ce très beau recueil aux extraits trop souvent coupés, sortis de leur contexte.
Il n'empêche que le recueil rassemble de très belles pages très novatrices et même souvent plus audacieuses que ce que les romantiques vont produire dans les décennies qui suivront.
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Madame de staël avait donné, dans son " de l'Allemagne ", une version simplifiée du " Discours du Christ mort ", laquelle allait influencer non seulement Gérard de Nerval, qui s'en inspira dans " Les chimères " et " Aurélia ", mais aussi Victor Hugo, Alfred de Vigny et Théophile Gautier. Dans ce rêve le Christ apparaît devant une assemblée de revenants et proclame, dans une sorte de fracas étourdissant, tout l'édifice du monde s'effondrant, qu'il n'a vu nulle part de Père, et quand le narrateur se réveille, encore glacé d'effroi, c'est avec joie qu'il retrouve les douceurs du crépuscule et sa foi qui le réconforte, ne pouvant considérer un monde simplement livré au Hasard ou à une froide Nécessité, à un Néant éternel, un monde sans âme dans lequel les vivants ne seraient confrontés qu'à la douleur et la solitude.
Albert Béguin nous présente ici, dans cette anthologie, d'autres rêves, insérés dans les récits de Jean Paul, ou bien dans ses poèmes. Si certains ont des accents dramatiques, révélant la peur des ténèbres de son auteur, avec toutes sortes de monstres et d'apparitions jaillissant d'un chaos primordial et renvoyant à la face hideuse des hommes, d'autres exhaltent une nature toute nimbée d'une lumière surnaturelle - nature aimante et créatrice - et nous emportent dans leur extase. On voyage non plus dans les vallées sombres de l'Enfer, mais sous les soleils de Provence ou d'Italie, que chantent des pâtres ou des troubadours. On contemple d'un promontoire sacré une mer calme qui étincelle.
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Mais lorsque l'aiguille de l'Éternité jette son ombre sur un siècle nouveau, une brûlante souffrance, comme un éclair, perce le cœur de la Mère des humains : car celles de ses filles chéries qui n'ont point encore habité la terre quittent la lune pour aller vêtir leu
corps, dès qu'elles ont senti le glacial engourdissement que projette l'ombre terrestre - et la Mère des humains pleure à les voir partir, car elles ne reviendront pas toutes de la terre dans la lune immaculée, mais seulement celles qui seront sans tache. Ainsi les siècles tour à tour prennent à la Mère délaissée ses enfants, et elle tremble lorsque, au jour fatal, elle aperçoit auprès du soleil notre sphère de proie, pareille à un grand nuage solide.

L'aiguille de l'Eternité approchait du dix-huitième siècle - et la terre lourde de nuit s'avançait vers le soleil - la Mère, déjà, pressait sur son cœur, en un élan d'amour désespéré, toutes ses filles qui n'avaient point encore porté le crêpe d'un corps ; en pleurant elle les suppliait: « Oh! ne succombez pas, mes filles chéries, gardez la pureté des anges et revenez à moi. », L'ombre géante, maintenant atteignait le siècle, et la terre couvrait de ses ténèbres tout le disque solaire– un coup de tonnerre marqua l'heure - au ciel sombre pendait l'épée flamboyante d'une comète – la Voie Lactée tressaillit et une voix, en elle, s'écria: « Parais, Séducteur des humains. »
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« Pâle figure, qui es-tu ? » demanda l'homme. « Si je me nomme, tu cesses d'exister », dit-elle sans remuer les lèvres, et son visage de marbre n'avait exprimé encore ni gravité ni joie, ni amour ni colère; l'éternité passait et ce visage ne changeait pas. L'Apparition le poussa sur un étroit sentier, fait de mottes de terre que l'on met sous le menton des morts; le chemin traversait une mer sanglante, à la surface de laquelle on apercevait, comme les fleurs des plantes aquatiques, des cheveux blancs et des doigts enfantins - et le sentier était couvert de colombes qui couvaient, d'ailes de papillons humides, d'œufs de rossignol et de cœurs humains. Le fantôme, sur son passage, écrasait tout cela, trainant derrière lui un long voile gris qui nageait sur la mer sanglante et qui était fait du linceul humide dont on avait couvert les yeux des morts,- Les vagues rouges montaient vers l'homme terrifié, et le chemin rampant n'était plus fait que de quelques champignons froids et lisses, puis ce fut une longue couleuvre, glacée, luisante..
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LE PREMIER MAI
J'écrivis cette date à mon réveil; mais c'est faux, car le 30 avril dure encore: j'ai confondu, comme un halluciné, le coucher du soleil avec son lever. Quelles lois font donc que le sommeil soit un podomètre si ambigu sur l'étroit sentier de notre vie, qu'il mesure le temps tantôt en verstes, tantôt en milles, et parfois si exactement qu'on peut être son propre réveille-matin et s'éveiller quand on le veut? C'est avec un sentiment de terreur, comme sans doute on le ressentirait à toucher un léthargique revenant à la vie, qu'on réchauffe le vain et froid hier pour en faire un aujourd'hui ...

Splendeurs du couchant! Reflet d'une longue haie de rosiers bordant l'Éden! Les quatre rayons 1 oses que le soleil projette sur mon âme ennoblis sont plus les quatre lignes rouges que l'on voit aux armes d'Aragon, et tous les vampires rongeurs, à leur aspect, retombent, flétris, leur cœur perdant toute force... Je me suis représenté cent fois que si j'étais un ange, que j'eus­ e des ailes et point de poids spécifique, je prendrais mon or vers le zénith, assez loin pour voir briller le soleil couchant au bord de la terre et, tout en volant auprès du globe, en allant dans le sens contraire à son mouvement rotatoire, je resterais toujours placé de façon à contem­pler durant une année entière, l'œil immense et doux du couchant. Mais à la fin, ivre de lumière, je tomberais sur l'herbe, comme une abeille gavée de miel.
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Rêve de Gustave.
Il descendit en une prairie qui s'étendait à perte de vue sur de belles planètes bord à bord. Un arc-en-ciel fait de soleils alignés comme les perles d'un collier encadrait les planètes et tournait autour d'elles. Le cercle solaire descendait vers l'horizon pour s'y coucher, une ceinture parée de brillants était posée au bord de la vaste prairie, et ces brillants étaient mille soleils de pourpre -le ciel d'Amou avait ouvert mille yeux pleins de douceur. Des bosquets et des allées de fleurs géantes, hautes comme des arbres, couvraient la plaine de leurs diaphanes détours; la rose, haute sur sa tige, jetait une ombre d'un or rougeoyant, la jacinthe une ombre bleue, et les ombres confondues de toutes les fleurs répandaient sur la plaine une gelée d'argent. Une magique lueur de couchant passait, comme si elle eût rougi de joie entre les rives ombreuses, entre les troncs de fleurs, sur la plaine: Gustave sentit que c'était là le soir de l'Éternité et la béatitude de l'Éternité.
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Ainsi donc, les rêves de Jean Paul sont non seulement la première réussite d'un art conforme à l'esthétique romantique, mais en même temps l'expression d'une croyance à la vie future, à la présence de Dieu dans l'Univers; chez lui déjà, l'union du romantisme et du christianisme s'est opérée, fille de la magie même de son art. On reconnaît cc chemin vers l'Amour que suivront à travers bien des expériences de toutes sortes, les plus grands des romantiques allemands. Et il semble que Novalis se souvienne de Jean Paul, non seulement dans le troisième Hymne à la Nuit qui s'apparente aux songes, mais lorsqu'il note dans ses cahiers ces lignes où l'on pourrait voir aussi tout l'idéalisme romantique: des ombres, il jette son ombre sur le royaume de la lumière. Maintenant, il est vrai, tout, en nous, nous paraît tellement sombre, solitaire, informe! mais comme nous aurons un sentiment différent, lorsque cet assombrissement aura pris fin, lorsque le corps obscur aura été écarté. Nos jouissances seront plus grandes que jamais, parce que notre esprit a été privé de jouissances. »
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Videos de Jean Paul (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean Paul
« […] Plus sensible que le sentimental Sterne (1713-1768), moins sceptique que Montaigne (1533-1592), Jean Paul mêle l'originalité de Swift (1667-1745) au comique d'Érasme (1466-1536), à la profondeur de Descartes (1596-1650), et, quelquefois même, au cynisme de Rabelais (1494?-1553). » (Édouard de la Grange, cité par Hippolyte Carnot)
« […] […] Stefan George (1868-1933), l'un des plus grands poètes allemand du début du XXème siècle, avait consacré à Jean Paul […] une anthologie dans laquelle il résume quelques-uns des traits les plus marquants de l'esprit de Jean Paul. […] « C'est d'un poète, de l'un des plus grands et des plus oubliés que je veux vous parler et détacher de la richesse de l'oeuvre de sa vie, conçue voici un siècle, quelques pages d'une surprenante nouveauté, d'une immuable splendeur, et d'une parenté frappante avec vous, qui êtes d'aujourd'hui […]. » (Eryck de Rubercy)
« […] […] Frédéric Richter […] parle à la méditation, au silence des nuits, à l'amant, au philosophe, à l'artiste ; il parle à tous ceux qui ont une âme et qui s'en servent pour juger, plutôt que de leur esprit ; il s'adresse à ces auteurs infortunés qui ont la mauvaise manie de laisser saigner leur coeur sur le papier, lui-même il leur ouvre le sien ; il es plein de franchise, de bonté, de candeur. […] » (Alfred de Musset, article publié dans le Temps le 17 mai 1831)
« L'auteur de cet ouvrage n'a été jadis que trop souvent, du moins, pour les exigences printanières de la poésie, un peintre de mort, et il se réjouissait ordinairement à des compositions de minuit, uniquement parce qu'il n'était pas encore loin de son matin. Plus tard seulement, cette trop longue contemplation des tombeaux, fut punie, c'est-à-dire troublée. - Dans la jeunesse, les nuits de la poésie, des méditations, ou même celles de la vie sont toujours étoilées, au contraire, dans l'âge mûr, les nuits sont en outre quelquefois couvertes de nuages. » (Jean Paul Richter)
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Référence bibliographique : Jean Paul Richter, Pensées, traduit par Édouard de la Grange, Éditions Pocket, 2016
Image d'illustration : https://www.abebooks.com/art-prints/Jean-Paul-Friedlich-Richter-Brustbild-FRIEDRICH/16274779167/bd#&gid=1&pid=1
Bande sonore originale : Whatfunk - The Times We had The Times We had by Whatfunk is licensed under a CC-By attribution license.
Site : https://soundcloud.com/whatfunk/the-times-we-had?in=whatfunk/sets/mood-melancholic
#JeanPaulRichter #Pensées #LittératureAllemande
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