Après m'être régalée avec «
Dernière nuit à Twisted river » «
le monde selon Garp » «
L'oeuvre de dieu la part du diable », au tour de «
je te retrouverai »
Une chose est certaine, je n'ai pas retrouvé Irving durant une bonne partie du livre. Aussi je le divise en deux étant donné que mes sentiments divergent grandement au cours de cette lecture.
Je m'y suis prise à deux fois pour lire ce roman ayant eu beaucoup de mal à rentrer dans ce récit bien trop répétitif à mon goût.
Dans la première partie, seuls les lieux de l'action changent, pour le reste, une perpétuelle recherche d'un père dans diverses églises et des descriptifs de tatouages. On se dit que la deuxième sera surement la bonne et qu'enfin la trame de ce roman va voir le jour.
Malheureusement non, les longueurs qui sont souvent attribuées à cet auteur ne font pas défaut à cette réputation, bien au contraire, elles sont lassantes, et c'est bien la première fois qu'il m'ennuie. Irving nous noie dans un univers soporifique dans lequel chaque chapitre évoque le petit Jack dans le personnage d'une pièce de théâtre.
Comble de la lassitude, Jack, enfant de 9 ans , obnubilé par le sexe est présenté comme le sex symbol des adolescentes de terminale qui n'en veulent qu'à son corps, quand ce n'est pas les mères de famille …La raison évoquée étant qu'il a hérité des gènes de son père , coureur notoire et poursuivra donc ses frasques …
Bon, on est à deux doigts de refermer ce livre et de se dire que vraiment c'est un manqué, mais j'ai tenu bon, curieuse de l'aboutissement malgré les lenteurs et mon scepticisme même si ce roman se veut largement autobiographique parait-il. A noté que nous en sommes déjà à quasi 300 pages et que ce roman en comporte 1000 … J'avoue avoir du mal à me dire qu'Irving me déçoit.
J'ai cru un temps que le tatouage d'un coeur brisé en couverture était une prémonition, une sorte de message subliminal,
je te retrouverai…Oui peut-être un jour.
Mais « la fille de persévérance » n'est pas qu'une tatoueuse, la preuve … Et ça paie enfin…
Lors de la troisième partie, les personnages prennent des couleurs et nous avec, on sort de sa léthargie et la brume obscure s'efface pour laisser place à un sursaut d'intérêt. Irving revient alors que je pensais l'avoir perdu avec des personnages bien vivants, une écriture toujours aussi méticuleuse nous transportant dans son monde.
Cette histoire devient séduisante et les pages tournent bien plus vite et avec plus de délectation. On se régale du duo Jack Burns acteur travesti /Emma auteur à succès et tout ce melting pot d'individus décalés qui gravitent autour d'eux, le tout parsemé de références cinématographiques et une pointe d'humour chère à Irving. On ne s'y trompe pas, on apprivoise les personnages qui ont dorénavant une certaine saveur.
Au final, on est happés, on suit Jack Burns replongeant dans son enfance à la suite d'un événement dramatique, on le sent se débattre de l'emprise de ces femmes qui ont forgé ce qu'il est, ce qu'il tente d'oublier depuis toujours par des rôles de composition. Mais le masque de la comédie s'effondre devant la tragédie de l'âme, Saint Hilda, école aux mille souvenirs, le mensonge d'une mère. Ultime retour en arrière et flashbacks imprécis, la vérité doit voir le jour. Une enfance vole en éclats au milieu des aiguilles de tatouages qui brisent des coeurs…
Paradoxalement le mien s'emballe par cette lecture, Irving sait troubler, possède ce don de mener son lecteur dans l'ombre afin de mieux lui faire percevoir l'éclat d'une trame qui resplendit par sa virtuosité. C'est avec brio qu'il décrit les tourments ravageurs d'un esprit blessé qui trouvera le souffle au travers d'une violence interne d'aller au bout de sa recherche.
En refermant la dernière page, je me suis félicitée de ne pas avoir abandonné ce livre, chose que j'aurais surement faite si je n'avais pas eu de premières approches avec cet auteur auparavant.
Conclusion, il restera pour moi un très bon livre aux débuts périlleux mais qui vaut vraiment la peine de s'y attarder.
Jack Burns…Un personnage que je n'oublierai pas.
Quant à
John Irving , je le retrouverai.