Il y a des livres que tu laisses marmiter dans ta pal : à feu doux, ils attendent d'atteindre la bonne température pour être savourés… Mais quand le minuteur va-t-il sonner ? Est-il en panne ? Non. Car c'est nous, toi, moi, qui choisissons ce moment, c'est instant où l'on se plante devant notre bibliothèque, l'oeil alerte, amoureux de toutes ces histoires qui nous chuchotent des promesses de folles aventures, d'émotions à donner des fuites salées dans les yeux… Puis parfois, l'attente se joue compresse neuve, encore indemne de tout bobo dorloté, tel un doux réconfort à venir. J'ai laissé
Virgile & Bloom mijoter. Les effluves m'accompagnaient depuis plusieurs mois, déjà, quel irrespect audacieux que de lutter contre la tentation ; je soulevais parfois le couvercle, m'enivrant d'arômes de mots qui me plongeaient dans une torpeur qui ferait saliver de jalousie les plus addicts des junkies – j'ai choisi ma nicotine : l'encre de
Joanne Richoux que je ne remercierai jamais assez pour sa patience et sa gentillesse, pour mettre autant de joie mélancolique sulfureuse dans cet organe palpitant de fluide vermeille, d'O2 ou CO2 de mon être.
Après cette intro aux éloges contenus (pas facile de préserver les apparences de fan non excentrique voulant chanter, crier, danser, pleurer, déclamer son amour pour des récits, sentiments, personnages, ambiances, descriptions qui chatouillent allègrement ses lombaires, font tressaillir ses orteils et lui mordre la lèvre ; ces frissons qui dansent au creux des entrailles), c'est parti pour parler d'une jeune fille obstinée, passionnée et sensible qui peut autant s'attarder sur des fourmis que défier des créatures de l'enfer. Elle s'entiche de son prof de violoncelle : un vampire dépressif aux courbes pointues comme ses canines, parfum frangipane et de bois mouillé, gourmandise favorite : glace à la poire. Il n'a pas fréquenté ses semblables depuis quelques décennies et il aurait ouï dire qu'une communauté barbotait à Brocéliande. Après une énième dispute avec sa soeur, Bloom lui vole sa voiture et embarque au passage
Virgile : en route pour cette mystérieuse contrée de légendes qui semblerait accueillir des créatures surnaturelles…
Est-ce plus dur d'expliquer ce qu'on aime par rapport à ce qu'on déteste ? L'argument : « c'est incroyable, tout est génial, lisez à votre tour ! » ne fonctionne pas ? Si ? Nan ? (Bon, j'arrête de faire les questions – réponses puisque personne n'a l'air de vouloir m'aider – monde cruel pffff – vous avez vu une drama queen ? Impossible !) On va tenter le road trip de l'explication alors ! Première étape, installation du nid douillet avec tisane de mémé (verveine menthe pour vous servir) pour le bain des p'tites madeleines pépites de chocolat, on s'entoure d'un tout doux plaid capuche oreilles de renard, on souffle sur le mug brûlant et la langue prend un coup de soleil, mais on est prêt pour la seconde étape : écrire sur cette histoire avalanche !
Pourquoi l'écriture de Dame Richoux m'émeut autant ? Une thèse ne pourrait tout contenir, mais tâchons de faire de notre mieux (quelle belle motivation, c'est choupinet (se moquer de soi-même : on coche)).
Les détails. Que ce soit au niveau des descriptions des paysages, des lieux, des habits, des personnages, des émotions, des pensées, des mimiques, des gestes,… Tout y passe, mais sans que ce soit du
Zola (en mode longueurs ennuyeuses de 15 km avec pour destination : les bras de Morphée), attention ! Ici, c'est fluide, court ou pas et intense ! Les dialogues mordent ; les phrases ronronnent comme des chats, des êtres vivants, même les images statiques nourrissent leurs poumons de bouffées d'air essentielles, et nous enveloppent dans un univers qui fait sens : les douleurs pétillent, rougeoient, explosent, elles ne sont pas floutées, les désirs non plus. L'être humain (ou fantastique) est saisi dans sa complexité avec finesse et intelligence ; des situations sont exposées avec un réel au charisme indéniable. Et je crois bien que cette solitude mélancolie, cette difficulté de vivre, que les amis aident à rendre moins plombante, est ce qui résonne le plus en moi…
Les piques sarcastiques accompagnées d'un ton non moins désabusé offrent un humour palpable, surtout lorsque certaines références culturelles communes sont tournées en dérision !
Virgile & Bloom, c'est tout un mood avec des scènes qui n'épargnent guère, des musiques s'entremêlant avec brio au récit (
Lana del Rey, Lil Peep, Queen,…), une reprise de l'Histoire sans que ce soit nullement gavant (au contraire, ces passages fortifient la profondeur du livre !) et une réappropriation mythologique qui fait kiffer !
Cette romance vampirique tourmentée et sexy dépeint des personnages attachants qui se dévoilent l'un à l'autre par petites touches ardentes. Leurs déclarations sont magnifiques, sensibles, pétries d'amour ! Difficile de pas sentir notre coeur s'emballer à son tour… Puis l'intrigue brumeuse, aux évènements imprévisibles, alterne entre actions et moments plus calmes, mais soyez sans crainte, les pensées de Bloom ne s'arrêtent jamais de gronder tel l'orage vibrant au loin…
J'aimerais dire que les premières pages ondulaient langoureusement, mais dès le début, j'ai été hameçonnée : impossible de se dépêtrer des filets ! Mais en même temps, l'envie de prendre son temps, de savourer et de relire des phrases coup de coeur tel un accro au chocolat ne pouvant s'arrêter avant que la dernière miette de la tablette termine dans son bidon…
Bref, ce fut une fabuleuse lecture (et pas seulement à cause des crêpes au caramel beurre salé) !