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EAN : 9782253034971
596 pages
Le Livre de Poche (01/10/1985)
4.19/5   27 notes
Résumé :
Découvert à la fin du XVe siècle par le navigateur vénitien Sébastien Cabot (1477-1557), le Paraguay est un pays d'Amérique du Sud enclavé entre le Brésil, la Bolivie et la République Argentine. Colonisé par les Espagnols sous la direction des jésuites, il dépendait de la vice-royauté du Pérou. Après l'expulsion des jésuites en 1767, il fut rattaché à la vice-royauté du Rio de la Plata. Le dictateur José Gaspar de Francia (1766-1840) en, a fait un Etat indépendant e... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Moi, le suprême est l'une des oeuvres les plus réussies et les plus complexes écrites sur le pouvoir politique absolu mais aussi sur le pouvoir absolu du langage. "Le thème du pouvoir dans ses différentes manifestations apparaît dans toute mon oeuvre, qu'elle soit politique, religieuse ou familiale.[...] Depuis enfant, je ressens le besoin de m'opposer au pouvoir", dit l'auteur Augusto Roa Bastos.
Publié en 1974 alors que Roa Bastos est exilé en Argentine, ce "roman de la dictature" tente de donner un visage universel à celui du dictateur. Moi, le suprême explore le régime brutal du paraguayen José Gaspar Rodríguez de Francia dans un récit à la fois historique et fictionnel, d'une grande complexité symbolique. Augusto Roa Bastos en profite pour viser le pouvoir tout aussi brutal du dictateur paraguayen alors en place au moment de la rédaction de ce roman : Alfredo Stroessner, très proche de Rodríguez de Francia dans son système absolutiste et ses méthodes tyranniques.

Dans un texte fracturé et aux multiples hiatus, Gustavo Roa Bastos montre comment le père fondateur du Paraguay Rodríguez de Francia, historiquement l'homme qui proclame l'indépendance en 1811 puis crée la République du Paraguay en 1813, est aussi son tout premier dictateur.
Grâce à une voix narrative qui est celle du tyran, le Suprême se donne lui-même naissance, met en scène sa propre mort et forge le système qui lui confère le pouvoir absolu, l'auteur évoquant au passage comment se perpétue sa représentation dans l'imaginaire collectif.
C'est aussi une évocation du pouvoir absolu du langage et de l'écriture quand ils sont accaparés par un pouvoir autoritaire : propagande, textes de lois, réécriture des événements. Figure totémique, le Suprême dicte une Circulaire perpétuelle à son secrétaire, véritable torrent oral et textuel, où le pouvoir absolu est incarné dans le verbe unique : comment le "moi" du titre fabrique et devient le mythe du "Suprême".

Ce roman fait entrer dans une collision d'une force remarquable la légende et l'histoire, la fiction et la réalité, le mythe et le dogme, rendant au final cette fiction historique plus probable et plausible que la réalité elle-même ou ce dont rend compte L Histoire officielle.
La perspective historiographique de ce roman a été largement (et volontairement) empruntée à l'historien Julio César Chaves et sa biographie de Rodríguez de Francia : el supremo dictator, Roa Bastos jouant à la gloser et la transformer pour mieux la parodier et remettre en cause le discours historique officiel, c'est-à-dire le discours dominant, et nous offrir un véritable monument narratif et universel sur le pouvoir absolu.
Lien : https://tandisquemoiquatrenu..
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Moi, le Suprême est un chef d'oeuvre de la littérature latino-américaine qui trace la naissance du Paraguay moderne avec José Gaspar Rodriguez de Francia. Francia a gouverné le Paraguay de 1814 jusqu'à sa mort en 1840. « Tyran pour les uns, père de la patrie pour les autres, ce despote éclairé influencé par les philosophes français dota son pays d'une agriculture, d'une industrie, d'une législation et d'une armée modernes », dit la quatrième de couverture. Francia se veut dictateur suprême dans le sens classique et non dans le sens moderne du terme.

Cependant, Francia s'est auto-proclamé Dictateur Perpétuel. Il a isolé le Paraguay, y a déclaré une république indépendante et a assuré sa « stabilité » tandis que les pays environnants continuaient à connaître des guerres. Dans le roman, il cite ses réalisations reconnues par un Français en visite au Paraguay (voire citation).

L'écriture de ce roman est atypique. Un monologue interminable de Francia, entrecoupé de conversations avec son assistant, d'extraits de ses écrits dans ses cahiers privés mais aussi des documents historiques (lettres, livres, discours et autres). Bastos se veut compilateur et non écrivain. Dans une note à la fin du roman, il explique que le contenu n'est pas sien. C'est l'Histoire qui a écrit le livre et lui n'a fait que rassembler les informations et les transmettre.

J'ai trouvé Moi, le Suprême difficile à lire et ce n'est pas à cause des phrases kilométriques ni de l'absence de la forme conventionnelle des dialogues (comme l'a fait Marquez dans L'automne du patriarche et Saramago dans presque l'entièreté de son oeuvre) mais à cause des multiples références historiques. Je dois avouer qu'avant de commencer la lecture, à part son emplacement géographique, j'ignorais tout du Paraguay.

Cependant, même avec le peu de recherche que j'ai fait sur l'histoire du pays, j'ai pu apprécié la richesse de ce monologue. Un traité philosophique sur le despotisme éclairé (si un tel concept existe...), sur la liberté et les droits humains mais aussi sur la littérature et l'écriture de l'Histoire.

Pour une critique plus détaillée, cliquez le lien ci-dessous!
Lien : http://www.litteratureworld...
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MOI, LE SUPRÊME de AUGUSTO ROA BASTOS
« Moi dictateur suprême de la république
J'ordonne que lorsque viendra le jour de ma mort
Mon cadavre soit decapité, ma tête placée au
bout d'une pique trois jours durant sur la place
de la République où l'on convoquera le peuple
en faisant sonner les cloches à toute volée.
Tous mes serviteurs civils et militaires seront
condamnés à la potence.
Leurs cadavres seront enterrés hors des murs
sans croix ni marque qui rappellera leur nom.
Passé ce délai j'ordonne que mes restes soient
brûlés et mes cendres jetées au fleuve »

Voilà ce qui fût placardé dans la ville un beau matin à la surprise de la population. Qui a osé? Un opposant ou le dictateur lui même, José Gaspar di Francia, qui dirigea le Paraguay de 1814 à 1840.
C'est le dictateur lui même qui parle dans ce livre, soit à son secrétaire soit à lui même. C'est un torrent qui déferle à travers les phrases, on est dans la démesure la plus totale, la paranoïa suinte en permanence à travers les opposants réels ou imaginaires et le pauvre secrétaire qui reçoit ses ordres ne sait plus que faire. Roman polyphonique d'une grande puissance, Roa Bastos retrace la grande histoire avec les puissants voisins du Paraguay ( Brésil, Argentine et Bolivie) qui n'ont de cesse de vouloir l'annexer et les anecdotes comme le passage du botaniste Humbold ou du français Bonpland.
Je vous conseil ce bouquin totalement original dans sa forme, passionnant à lire.
Pour l'anecdote ce roman devait faire partie d'un vaste projet discuté en 1967 par Vargas Llosa et Carlos Fuentes pour que chaque grand écrivain du boom Sud américain écrive un livre sur son « dictateur préféré ». Il devait y avoir une douzaine de romans. Seuls trois verront le jour, Moi le suprême de Rio Bastos, L'automne du Patriarche de Garcia Marquez et le Recours de la Méthode de Alejo Carpentier.
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Dans le présent roman, Augusro Roa Bastos dresse le portrait halluciné, déjà esquissé dans Fils d'homme, son premier opus, de José Gaspar Rodríguez de Francia, « Dictateur suprême et perpétuel » du Paraguay, véritable père de la nation. L'homme d'état, nourri des Lumières, d'un jacobinisme austère et intransigeant, assura la stabilité, l'indépendance et la souveraineté de son peuple face aux ambitions portègnes et aux appétits de l'Empire Lusitano-brésilien.

Comme dans son premier roman où l'auteur s'affranchissait des cadres spatio-temporels, Moi le suprême, présente l'aspect d'une narration éclatée, itérative, schizophrénique traduisant la solitude radicale de la toute-puissance du despote, prisonnier de lui-même dans l'atmosphère délétère et méphitique de son omnipotence. C'est un récit foisonnant, d'une extrême ambition dans sa forme et dans ses proportions, qui par cela même s'avère exténuant pour un lecteur moyen, peu au fait de l'histoire du Paraguay et qui n'est pas aguerri aux débordements baroques du roman latino-américain. Cuidado !
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Le titre, mégalo, m'effrayait, le sujet du livre aussi. Les dictateurs sont loin de me fasciner. Ce monologue imaginaire, où le fait historique côtoie la confession philosophique, donne au travers d'un personnage décrit avec profondeur un roman-fleuve qui conjure l'horreur.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Dire ou écrire quelque chose n’a pas le moindre sens. Agir, oui, a un sens. Le plus trivial claquement des lèvres du dernier des mûlatres qui travaillent dans les chantiers navals, dans les carrières de granit, dans les mines de chaux, dans les fabriques de poudre a plus de sens que le langage scriptural et littéraire. [...] Un geste, le mouvement d’un œil, un crachat dans la main avant d’empoigner à nouveau l’herminette, voilà qui signifie quelque chose de très concret, de très réel! Quelle signification peut en revanche avoir l’écriture quand par définition elle ne possède pas le même sens que le parler quotidiens des gens ordinaires.
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Ah! S'il n'y avait pas toujours eu cet horrible malaise, j'aurais passé ma vie enfermé dans une grande pièce emplie d'échos. Et non dans ce trou d'égout. Sans rien faire d'autre que d'écouter le silence longtemps accumulé. Une grande pendule. Ecouter. S'assoupir. Non les bruits de l'esprit malade, traqué. Les flatulences intestinales. Entendre le tic tac de la pendule. Suivre des yeux ce va-et-vient qui passe du blanc au noir. Voir les poids de plomb descendre de plus en plus bas, et finalement me lever de la chaise. Je remonte les poids une fois par semaine.
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Il ne faut pas tolérer la colère, pour justifiée qu'elle paraisse. Cultiver de l'animosité contre quelqu'un, c'est au fond autoriser que ce quelqu'un domine nos pensées et nos sentiments. A chaque instant. C'est un manque de souveraineté. Une sacrée idiotie.
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Origine de l’écriture : le Point. Unité infime. De même que les unités de langue écrite ou parlée sont à leur tour de petites langues. […] Le Pouvoir Absolu est pareillement fait de petits pouvoirs. Je puis faire par les autres ce qu’ils ne peuvent faire par eux-mêmes. Je puis dire aux autres ce que je ne puis me dire à moi. Les autres sont des lunettes grâce auxquelles nous lisons dans nos propres esprits.
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Quand on ne peut déjà plus rien faire on écrit. C'est la seule façon de se prouver qu'on existe encore dans la fixité mortuaire de l'écriture.
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Video de Augusto Roa Bastos (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Augusto Roa Bastos
Qui croirait, à la vue de ces Paraguayens d'une hospitalité sans faille, aimant la vie au jour le jour, que ce peuple porte une histoire si invraisemblable que, selon les termes même de son grand écrivain, Roa Bastos, on la croirait inventée si elle n'était objectivement réelle ?
Car leur pays a été le théâtre d'une des plus grandes utopies de l'humanité tout comme des plus abominables drames. gagnez leur confiance, entrez dans leur monde, celui de l'attachement à une nature exubérante, à une langue originale, le guarani, qui est aussi un mode de vivre et de penser.
Lâchez prise et vous découvrirez, au-delà du kitsch d'un folklore conventionnel, l'originalité profonde d'un peuple qui, dans sa trajectoire perpétuellement mouvementée, affronte aujourd'hui la mondialisation.
Plus d'infos : http://ateliershenrydougier.com/paraguayens.html Lire un extrait : https://fr.calameo.com/read/005553960576f9412ac88 A commander en ligne : https://www.interforum.fr/Affiliations/accueil.do?refLivre=9791031201054&refEditeur=155&type=P --------------------------------------------------------
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