AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782081444669
288 pages
Flammarion (29/08/2018)
  Existe en édition audio
3.67/5   691 notes
Résumé :
Paru en 1755, le Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes peut être considéré comme la matrice de l'oeuvre morale et politique de Rousseau : il y affirme sa stature de philosophe, l'originalité de sa voix, la force de son "système".
Résoudre le problème posé par l'Académie de Dijon - "quelle est la source de l'inégalité parmi les hommes et si elle est autorisée par la loi naturelle ?" -, en d'autres termes expliquer que riches... >Voir plus
Que lire après Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (34) Voir plus Ajouter une critique
3,67

sur 691 notes
5
10 avis
4
11 avis
3
5 avis
2
2 avis
1
0 avis
Quelle est l'origine de l'inégalité parmi les êtres humains ?

Ce sujet qu'aborde Rousseau dans son Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes m'intéresse beaucoup, je le trouve passionnant car le problème qu'il soulève est intemporel. Il prendra fin probablement avec l'espèce humaine qui ne cesse de se poser des questions sur les rapports d'égalité, d'inégalité, de différence, supériorité, infériorité…

« Penser fait la grandeur de l'homme » mais aussi parfois malheureusement sa bêtise et sa chute dans la barbarie (nazisme, théories raciales…)

Rousseau analyse très bien comment s'est construite au fil des siècles l'inégalité sociale. En revanche, sa croyance en un état antérieur de nature idyllique où ces inégalités sociales n'existaient pas ne m'a pas convaincue. Il rêve d'un paradis perdu où les êtres humains n'avaient pas créé des institutions utilisées pour asservir autrui, créer des rapports de maître-esclaves et fonder ainsi l'inégalité parmi les hommes. Je doute fort que cet état idyllique ait un jour existé.

Cela m'a poussée à m'interroger : il me semble que les travaux des paléontologues ou de certains spécialistes de l'histoire naturelle, comme Darwin sur l'origine des espèces, montrent une réalité plus cruelle, que ce dernier a appelée « la sélection naturelle », l'espèce la plus forte l'emporte sur l'espèce la plus faible.

Certains membres de l'espèce humaine se croient les plus forts, quitte à détruire la planète, une bactérie ou un virus peuvent tuer de nombreux êtres humains et l'espèce humaine ne peut continuer à vivre que sous certaines conditions (atmosphère, oxygène…). La nature peut être cruelle lorsqu'elle vous arrache un être cher.

La civilisation, quant à elle, n'est pas que malfaisante : elle permet de s'organiser pour affronter les drames, inventer des techniques pour soigner, protéger, éduquer, modérer les ardeurs de ceux qui se prennent pour les plus forts grâce à des règles de base qui prohibent le meurtre, le viol, l'inceste.

Il me semble que, de tout temps, les êtres humains se sont organisés en civilisations : les aztèques, les incas, les mayas, sans doute aussi des civilisations très anciennes, que je ne connais pas et que les archéologues, paléontologues et ethnologues étudient mais cela doit être difficile de reconstituer tout un mode de vie, à partir de simples fossiles.

Les philosophes contemporains de Rousseau pensaient qu'il existait des hommes primitifs. Rousseau valorise cet état où il n'y avait pas d'inégalités, d'après lui. Mais qu'est-ce qu'un « primitif » ? Au XVIIIe siècle, ce mot était souvent utilisé pour parler des peuples dont on méconnaissait l'histoire, l'organisation, la culture, les règles, les traditions, les croyances et qu'on appelait « sauvages ». Selon moi, ce bon ou mauvais « sauvage » n'a jamais existé. L'homme seul et isolé n'a probablement existé qu'au tout début du développement de l'espèce.

J'ai trouvé le cheminement de Rousseau intéressant, cependant il m'a laissée songeuse et perplexe. Quelle solution propose-t-il pour résorber l'inégalité parmi les hommes ? Anéantir la civilisation, l'espèce pour résoudre le problème de l'inégalité et retrouver l'état idyllique de nature dépourvu d'inégalités, loin de la civilisation corruptrice ? Je crois davantage au pouvoir de l'éducation positive : apprendre à chaque enfant à être respectueux d'autrui et que ma liberté individuelle s'arrête où commence celle de mon prochain.

Rousseau a cependant une manière moderne et visionnaire de penser le rapport entre l'homme et la nature car cet équilibre entre la vie de l'être humain et le respect de la nature, la préservation des écosystèmes, est devenu l'enjeu politique majeur de notre époque. Comment s'organiser pour respecter la nature, sans accroître ou créer de nouvelles inégalités entre les êtres humains ?

Sur le sujet de la liberté et des mécanismes d'asservissement à l'oeuvre dans la société, j'ai trouvé aussi ce discours très intéressant et toujours d'actualité. D'après Rousseau, l'inégalité a progressé à cause de l'établissement de la loi et du droit de propriété qui a créé des puissants et des faibles, des dominants et des dominés. C'est une description assez juste de la société d'avant la Révolution française.

Cependant l'abolition des privilèges de la noblesse et du clergé en 1789 n'a pas mené à une société plus juste, ni non plus à un gouvernement tel que l'évoque Rousseau où « les peuples se sont donné des chefs pour défendre leur liberté et non pour les asservir ».

Pour Rousseau, ce type de gouvernement est le fondement du droit politique, toute autre forme de pouvoir est arbitraire et illégitime, une forme corrompue de gouvernement qui ramène à la loi du plus fort alors que le but du gouvernement est d'être une protection contre cette loi du plus fort.

La révolution russe a tenté d'abolir en 1917 le droit de propriété mais a échoué à résoudre le problème de l'inégalité, le régime a sombré dans le totalitarisme, la tyrannie et la barbarie avec le goulag, la police politique et les arrestations arbitraires.

Cela m'attriste de mesurer l'écart entre ce qui devrait être et ce qui est. Si ce discours a traversé les siècles, c'est que le problème qu'il soulève est toujours d'actualité. Il ne reste plus qu'à espérer que les prochaines utopies ne reproduiront pas les erreurs du passé et ne feront pas sombrer à nouveau l'humanité dans la barbarie. Rêver ne peut pas faire de mal…

Lien : https://laurebarachin.wixsit..
Commenter  J’apprécie          9840
J ai lu très jeune le Discours sur l origine et les fondements de l inégalité parmi les hommes, en même temps que le Banquet de Platon. Finalement le hasard -?- comme souvent fait bien les choses. d'abord parce que la prose particulièrement passionnée de JJ Rousseau dans ce court ouvrage a tout pour plaire aux jeunes esprits, ensuite parce que sa réflexion puise ses racines directement aux sources antiques.
Petite pensée pour tous les lycéens qui viennent de plancher sur l épreuve de philo, et n ont peut-être pas eu comme moi la chance d apprécier la lecture de ces textes de leur plein gré, le soir après une longue et belle journée de vendange...

Refusant de répondre à la question posée en titre dans une perspective juridique et historique, Rousseau nous invite à nous projeter dans un état de nature ideal, invitant chaque lecteur à redécouvrir -imaginer ?- cet état fondamental au fond de son coeur.
Dans cet état de nature, l homme est un animal comme les autres, tout au plus capable d une ingénierie technique plus perfectionnée. C est là ce que Voltaire dénigra avec férocité... et pourtant, depuis anthropologues , archéologues et autres scientifiques n ont jamais pu démontrer d autres fondements objectifs que l enterrement des morts et le perfectionnement de l outil...
Cet homme de nature , ni bon ni mauvais, mais ayant conservé des tendances naturelles que l homme moderne oublie -telles que l empathie- s est trouvé créer l inégalité en même temps que la propriété : avec la société, l homme se trouve enfermé dans un rôle, une fonction, notamment de production par le travail, et l appropriation des biens en vient rapidement à aliéner. C est ce qui sera repris bien plus tard par Marx.
Jugé souvent pessimiste, Rousseau fait le constat historique que si la propriété et la société en soi ne sont pas une mauvaise chose -par l échange et la spécialisation le loisir et les arts se sont développés , comme le justifient les penseurs libéraux anglais du même siècle - , pour autant l intelligence humaine se trouve alors mise au service d un égoïsme qui tend à assujettir l autre et accroître toujours plus les inégalités.

Dans le second discours, sur les sciences et les arts, C est la notion de Progrès que Rousseau met en cause avant l heure , et non l intérêt des sciences arts et techniques par eux-mêmes. Ne doutant pas de la pureté des intentions de l artiste et de l inventeur, du créateur en général, il constate pourtant que l utilisation, la vulgarisation -la standardisation dirait-on aujourd'hui - dévoie ces avancées au profit du luxe et de l oisiveté, par manque de vertu de l'homme civilisé, gagné par la mesquinerie et le paraître. Revenant aux anciens grecs et même à une certaine morale chretienne, il conclut que le salut , outre un possible retour à l état de nature, serait un gouvernement d élite , où les plus vertueux orientent au mieux l usage des sciences et techniques, au profit de tous, tout en maintenant une exigence morale forte, évitant l amollissement des corps et des esprits.

Je finirai sur un commentaire plus personnel : ces deux discours de JJ Rousseau figurent probablement parmi les fondamentaux de la pensée philosophique de notre temps, ayant exploré des thèmes maintes fois repris depuis. Outre la contribution à la notion de droit naturel, développée par la suite dans le contrat social, et qui irrigue encore aujourd'hui les principes constitutionnels et le droit international en termes de libertés fondamentales et de droits de l homme, la pensée philosophique de Rousseau peut être aussi bien prolongée dans les domaine des droits de l environnement, des animaux, des inégalités hommes-femmes, dans la reflexion contemporaine sur l éthique scientifique et technique, face à l hyper merchandising allienant l individu.
Mais ce qui fait aussi tout le charme de la lecture de Jean Jacques Rousseau, c est l extrême sensibilité qu il y met, dans cette langue ineffable du XVIIIeme siècle. Loin d affaiblir la démonstration, cette émotivité donne force de conviction et persuade. Il faut tout le cynisme d un Voltaire pour y résister, et c est heureux... bien que proteiforme, et pas toujours assumée en actes par son auteur même, cette pensée agite l esprit, et offre une base à maintes réflexions contemporaines. l'une des plus fondamentales et novatrices n est-elle pas justement cette mise en cause relative de la raison et la réhabilitation de l intelligence émotionnelle et d un ressenti conscient, plutôt que de faux principes de rationalité, masquant la forêt de préjugés inconscients ?
Il faut décidément lire et relire ces Discours. 5 étoiles à mon goût.
Commenter  J’apprécie          398
Positivement étonné par ce livre !
Il comporte 4 parties :
- Un hommage un peu lourd aux autorités genevoises ;
- une préface intéressante,
- puis le « Discours »proprement dit, en deux parties.
Dans la préface ( 1755 ), Rousseau pose le problème de « l'étude de l'homme ». Il entend, je pense, l'étude de son comportement. …
Individuel ? Ce serait une base jetée pour la psychologie.
En collectivité ? Ce serait une base pour la sociologie.
.
Le discours proprement dit se compose de deux parties.
.
La première est un éloge de l'homme sauvage, ni bon ni mauvais.
Il perçoit deux sortes d'inégalités parmi les hommes :
1 ) l'inégalité physique ;
2 ) l'inégalité morale ou politique qui existe chez l'homme civilisé.
.
Il compare l'homme sauvage, primitif à l'animal sauvage, qui a la santé, peu de maux, sinon les blessures et la « vieillesse », qui ne se préoccupe que d'attaquer, se défendre et dormir, qui a des sens développés (vue, ouïe, odorat ), et agit à l'instinct. Il a peu de besoins : la nourriture, une femelle et le repos.
.
L'homme civilisé, « domestique », comme l'animal domestique, est soumis à des chefs, a besoin d'un logement, d'un médecin, il pense ( Rousseau va jusqu'à dire que c'est mauvais ! ), et utilise sa raison.
Rousseau discute la « perfectibilité » de l'homme sauvage qui devient domestique, par les apprentissages : maîtrise du feu, de l'agriculture, notion de vol et de propriété, maîtrise de la parole, ne serait-ce que pour l'enfant qui exprime ses besoins à la mère.
.
La deuxième partie tire les leçons politiques de la socialisation-civilisation de l'homme, et Rousseau montre que les inégalités s'accroissent au fur et à mesure du « progrès humain » et de la richesse des puissants :
.
« Je prouverais que si l'on voit une poignée de puissants et de riches au faîte des grandeurs et de la fortune, tandis que la foule rampe dans l'obscurité et dans la misère, c'est que les premiers n'estiment les choses dont ils jouissent qu'autant que les autres en sont privés, et que, sans changer d'état, ils cesseraient d'être heureux si le peuple cessait d'être misérable. »
.
L'argent entraîne la corruption et le paraître des riches, qui ne sont plus que des coquilles vides, « de l'honneur sans vertu, de la raison sans sagesse, et du plaisir sans bonheur », tandis que le peuple crève de faim, à l'image de ce qu'écrit Montaigne dans « Des Cannibales », et la pitié des Caraïbes envers ses frères disparaît quand l'homme devient riche et méprise le pauvre.
JJR propose une gradation de l'inégalité : Nature, droit naturel > démocratie, dans laquelle le magistrat arbitre le contrat social entre le peuple et le chef > despotisme, où le tyran supprime les lois et l'arbitrage du magistrat.
.
Il y aurait plein de choses à dire, vous les lirez par vous-mêmes, c'est riche et intéressant. S'appuyant sur Tacite, Locke et Pufendorf, contrant souvent Hobbes, Jean-Jacques Rousseau qui, contrairement à Voltaire ou Diderot, s'intéresse peu à la religion, à mon avis, signe ici une oeuvre politique majeure qui prépare « le Contrat Social », et qui a peut-être intéressé Proudhon, Marx ou Henry David Thoreau.
.
Jean-Jacques Rousseau me faisait « peur » : ayant essayé de lire « La nouvelle Héloïse », abandonnant au bout de vingt pages, dégoûté par son style ampoulé. On retrouve un peu ce style dans l'hommage qu'il fait aux dirigeants de Genève, mais après, on devine le « chercheur », le passionné, et le style est nettement plus épuré, même si JJR prend des précautions par rapport aux autres écrivains du siècle.
En défenseur du bon sauvage, JJR rejoint Denis Diderot quand il écrit « Supplément au voyage de Bougainville », et Georges Hébert ( et là, je suis dans mon secteur ), défenseur de la méthode naturelle dans plusieurs ouvrages comme :
• « L'Éducation physique ou l'entraînement complet par la méthode naturelle, 1912 ».
Commenter  J’apprécie          394
Mon livre de philosophie préféré !
Voilà un ouvrage qui en son temps ne pouvait que faire parler de lui et qui a dû faire scandale auprès d'une partie de l'opinion : celle des conformistes, des monarchistes et des nobles.
Que fait en effet Rousseau ? Si ce n'est de démontrer le caractère injuste de sa propre société en s'appuyant sur un solide sens du raisonnement. Pour cela, il remonte, sur seulement une 100aine de pages, toute l'histoire des hommes pour démonter les ressorts complexes qui ont présidé à l'établissement des premières sociétés : celles d'un groupe comme celui de la famille, d'un village ou d'un Etat. Et avec le développement de ces formations s'est accrue la perception des inégalités qui selon Rousseau, existe à l'état de nature mais n'a cessé de s'amplifié avec celui de l'état social. Car les lois, selon lui, ne sont que le fruit d'une usurpation faite par un groupe d'hommes (plus malins et influents) pour consolider leurs acquis (née de l'invention de la propriété). Ce sont elles qui, certes, établissent l'ordre dans un groupe en proie aux conflits mais ce sont elles, surtout, qui maintiennent la sécurité et la stabilité de ceux qui possèdent. D'où l'écart qui se creuse dans les inégalités, entre ceux qui cumulent les possessions (la terre, les richesses et autres avantages : rang, notoriété, privilèges) et ceux qui ont beaucoup moins et qui deviennent de plus en plus nombreux. Autrement dit, ce qui est premièrement légal n'est pas juste car fondé, d'abord, sur un désir de puissance (celui de posséder) et non sur la raison. Quelle critique sociale et quelle désacralisation du pouvoir politique !
Cet ouvrage, on le sait, annonce celui qui va suivre :"Le contrat social" où Rousseau tente de répondre à cette question qui le turlupine (Comment créer un ordre social moins inégal ?) : ainsi naît la notion de volonté générale (dont on peut trouver un équivalent à celle d'intérêt général) qui posera les bases de notre république démocratique future. Ceci dit, c'est un livre à lire comme l'ébauche (et non la constitution) d'un régime politique qui mérite d'être approfondie.
Bref, j'admire le tour de force d'un esprit qui a su se poser des questions cruciales sur sa société et qui en démontent les rouages presque comme un scientifique. Pour sûr, il est le philosophe des Lumières qui a poussé plus loin la réflexion sur la critique sociale dont s'inspirera beaucoup La Révolution.
Commenter  J’apprécie          310
De l'inégalité sociétale,

Dans cet ouvrage Rousseau développe une conception originale de l'homme à l'état de nature, qui pose d'une nouvelle manière le problème de l'inégalité entre les hommes.

Le Discours sur l'origine de l'inégalité parmi les hommes paraît en 1755. Il répond ainsi au sujet de concours proposé par l'académie de Dijon en 1753.

Rousseau développe ainsi plusieurs concepts : l'état de nature, l'homme sauvage, l'inégalité, l'homme civil.
Il se demande comment est-on passé de l'état de nature à l'état sociétal, l'homme est-il bon ? L'égalité existait-il ? D'où vient cette inégalité et est-elle légitime ?

Pour lui c'est la civilisation qui est responsable de l'inégalité qui règne parmi les hommes.

En ces questionnements, il répond aussi aux philosophes du XVIIe siècle, tels Bodin, Spinoza, Hobbes…

Il réfute ainsi les thèses de la tradition théorique du Droit naturel ; cette école fonde la légitimité du souverain dans la nature (Droit naturel) où l'homme est libre, mais en danger).
Alors, les hommes font un pacte de non-agression afin de jouir de la paix.
Les hommes confèrent à un seul (les Monarques) le pouvoir politique (la potesta) par un contrat de souveraineté.

Si son Discours sur les sciences et les arts est primé et lui offre une large notoriété, le Discours sur l'origine des inégalités parmi les hommes ne reçoit pas de prix !

Une pensée novatrice au XVIIIe siècle qui critique ouvertement la théorie du "pacte de gouvernement" ; pour lui il n'y a pas contrat entre les hommes et le Souverain.

J'ai vraiment apprécié cette lecture : novatrice et clairement argumentée.

Dans l'édition que j'ai lue, j'ai aussi aimé l'introduction rédigée par Gérard Mairet, maître de conférence en philosophie, qui replace ce discours dans le contexte historique et développe les arguments de Rousseau, mais aussi des autres philosophes qui l'ont précédé.

A (re)découvrir pour appréhender les notions de sociétés, liberté, libre-arbitre, inégalités : des thèmes toujours d'actualité !
Commenter  J’apprécie          222

Citations et extraits (90) Voir plus Ajouter une citation
Tant que les hommes se contentèrent de leurs cabanes rustiques, tant qu’ils se bornèrent à coudre leurs habits de peaux avec des épines ou des arêtes, à se parer de plumes et de coquillages, à se peindre le corps de diverses couleurs, à perfectionner ou à embellir leurs arcs et leurs flèches, à tailler avec des pierres tranchantes quelques canots de pêcheurs ou quelques grossiers instruments de musique ; en un mot tant qu’ils ne s’appliquèrent qu’à des ouvrages qu’un seul pouvait faire, et qu’à des arts qui n’avaient pas besoin du concours de plusieurs mains, ils vécurent libres, sains, bons, et heureux autant qu’ils pouvaient l’être par leur nature, et continuèrent à jouir entre eux des douceurs d’un commerce indépendant : mais dès l’instant qu’un homme eut besoin du secours d’un autre ; dès qu’on s’aperçut qu’il était utile à un seul d’avoir des provisions pour deux, l’égalité disparut, la propriété s’introduisit, le travail devint nécessaire, et les vastes forêts se changèrent en des campagnes riantes qu’il fallut arroser de la sueur des hommes, et dans lesquelles on vit bientôt l’esclavage et la misère germer et croître avec les moissons.

La métallurgie et l’agriculture furent les deux arts dont l’invention produisit cette grande révolution. Pour le poète, c’est l’or et l’argent, mais pour le philosophe ce sont le fer et le blé qui ont civilisé les hommes, et perdu le genre humain ; aussi l’un et l’autre étaient-ils inconnus aux sauvages de l’Amérique qui pour cela sont toujours demeurés tels ; les autres peuples semblent même être restés barbares tant qu’ils ont pratiqué l’un de ces arts sans l’autre ; et l’une des meilleures raisons peut-être pourquoi l’Europe a été, sinon plus tôt, du moins plus constamment, et mieux policée que les autres parties du monde, c’est qu’elle est à la fois la plus abondante en fer et la plus fertile en blé.
Commenter  J’apprécie          210
L'amour de soi-même est un sentiment naturel qui porte tout animal à veiller à sa propre conservation et qui dirigé dans l'homme par la raison et modifié par la pitié, produit l'humanité et la vertu.
L'amour propre n'est qu'un sentiment relatif, factice et né dans la société, qui porte chaque individu à faire plus de cas de soi que de tout autre, qui inspire aux hommes tous les maux qu'ils se font mutuellement et qui est la véritable source de l'honneur.
Commenter  J’apprécie          180
Ce n’est donc pas par l’avilissement des peuples asservis qu’il faut juger des dispositions naturelles de l’homme pour ou contre la servitude, mais par les prodiges qu’ont faits tous les peuples libres pour se garantir de l’oppression. Je sais que les premiers ne font que vanter sans cesse la paix et le repos dont ils jouissent dans leurs fers, et que miserrimam servitutem pacem appellant ; mais quand je vois les autres sacrifier les plaisirs, le repos, la richesse, la puissance et la vie même à la conservation de ce seul bien si dédaigné de ceux qui l’ont perdu ; quand je vois des animaux nés libres et abhorrant la captivité se briser la tête contre les barreaux de leur prison, quand je vois des multitudes de sauvages tout nus mépriser les voluptés européennes et braver la faim, le feu, le fer et la mort pour ne conserver que leur indépendance, je sens que ce n’est pas à des esclaves qu’il appartient de raisonner de liberté.
Commenter  J’apprécie          70
La conclusion du discours :

"Il suit de cet exposé que l'inégalité, étant presque nulle dans l'état de nature, tire sa force et son accroissement...des progrès de l'esprit humain et devient enfin stable et légitime par l'établissement de la propriété et des lois."

"...puisqu'il est manifestement contre la loi de nature...qu'une poignée de gens regorge de superfluités, tandis que la multitude affamée manque du nécessaire."
Commenter  J’apprécie          160
Tant que les hommes se contentèrent de leurs cabanes rustiques, tant qu'ils se bornèrent à coudre leurs habits de peaux avec des épines ou des arêtes, à se parer de plumes et de coquillages, à se peindre le corps de diverses couleurs, à perfectionner ou embellir leurs arcs et leurs flèches, à tailler avec des pierres tranchantes quelques canots de pêcheurs ou quelques grossiers instruments de musique, en un mot tant qu'ils ne s'appliquèrent qu'à des ouvrages qu'un seul pouvait faire, et qu'à des arts qui n'avaient pas besoin du concours de plusieurs mains, ils vécurent libres, sains, bons et heureux autant qu'ils pouvaient l'être par leur nature, et continuèrent à jouir entre eux d'un commerce indépendant ; mais dès l'instant qu'un homme eut le secours d'un autre ; dès qu'on s'aperçut qu'il était utile à un seul d'avoir des provisions pour deux, l'égalité disparut, la propriété s'introduisit, le travail devient nécessaire et les vastes forêts se changèrent en des campagnes riantes qu'il fallut arroser de la sueur des hommes, et dans lesquelles on vit bientôt l'esclavage et la misère germer et croître avec les moissons.
Commenter  J’apprécie          50

Videos de Jean-Jacques Rousseau (33) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean-Jacques Rousseau
*RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE* : « Neuvième promenade », _in Les confessions de J.-J. Rousseau,_ suivies des _Rêveries du promeneur solitaire,_ tome second, Genève, s. é., 1783, pp. 373-374.
#JeanJacquesRousseau #RêveriesDuPromeneurSolitaire #Pensée
Dans la catégorie : Groupes sociauxVoir plus
>Sciences sociales>Sciences sociales : généralités>Groupes sociaux (758)
autres livres classés : philosophieVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (3404) Voir plus



Quiz Voir plus

Philo pour tous

Jostein Gaarder fut au hit-parade des écrits philosophiques rendus accessibles au plus grand nombre avec un livre paru en 1995. Lequel?

Les Mystères de la patience
Le Monde de Sophie
Maya
Vita brevis

10 questions
438 lecteurs ont répondu
Thèmes : spiritualité , philosophieCréer un quiz sur ce livre

{* *}