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EAN : 9782905964120
Ombres (25/11/1998)
4.61/5   9 notes
Résumé :
Le héros et martyre de ce roman apparait au lecteur dans l'exercice de ses terribles fonctions : celles de bourreau. Un journaliste, témoin de l'exécution capitale est fasciné par la personnalité de l'homme de justice. Au cours d'une longue nuit, le bourreau se prête affablement à l'interview et se raconte. Fils naturel d'une villageoise,il a été porté tôt par l'ambition d'échapper à sa condition. Brillant, intelligent, doué pour les arts, il a quitté son village à ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Le premier texte lu de cet auteur, que j'ai découvert lors de mon cursus de Lettre modernes, dans une Unité de valeur consacrée à la "Littérature picaresque"

« le bourreau affable » est le récit foisonnant et en effet très picaresque…de la destinée d'un homme qui fascine un journaliste de par sa fonction très spéciale de « Bourreau »… En voyant cet homme lors d'une exécution capitale, il s'interroge sur le pourquoi du choix d'une telle « fonction », méprisée, haïe, crainte… Ramiro, ce bourreau, ressemble à n'importe quel quidam ; comment en est-il arrivé à cette vie, à ce « travail » très spécial, prolongement d'un « Homme de justice »

Le récit de ce « bourreau affable » montre un homme obsédé par le mal, le sens de l'existence, les questions existentielles de tout humain…dans un parcours de vie très mouvementé…

Le souvenir d'une très forte émotion de lecture… mais que je suis bien incapable de narrer en détails…Une immense envie de relecture…

Une analogie très juste a été faite quant à l'univers de Ramon Sender, Un « Goya fait écrivain »… Il est question de la grande Comédie humaine, des interrogations philosophiques éternelles…, du Mal , de la mort omniprésente…
Ce « bourreau affable » à l'image de la condition humaine, du plus terrible à l' « acceptable », ou du moins à une part bienveillante de cette terre. « Ciel et enfer », mélangés, alternant…le désespoir, et à nouveau le besoin de croire, d'espérer.

« Ramiro se sentait soulagé de n'avoir rencontré aucun de ses amis anarchistes. Il n'aurait su que leur dire. Il pensait au Cojo : « Il avait raison lorsqu'il disait que je finirai moine ou –quelque chose comme ça- le bourreau est le prêtre d'une religion ésotérique à laquelle n'accèdent que peu d'élus ». il avait l' impression , à ce moment-là, d'être comme quelqu'un qui renonce au monde ; (p.373) » (éditions Robert Laffont, coll. Pavillons, 1970)

Il n'est pas inutile de rappeler la situation du moment de Ramon Sender. A 68 ans, l'écrivain est exilé d'Espagne, et exilé de la « Littérature ». La guerre civile le chasse de son pays, et ses écrits ne sont pas vraiment reconnus …
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N°271 – Avril 2007

Le bourreau affable – Jamón Sender.

Titre étonnant pour un roman passionnant que j'ai lu presque d'un trait.

Nous sommes dans cette Espagne du début du XX° siècle qui n'avait pas encore basculé dans la franquisme mais où la guerre civile se préparait. On y exécutait au garrot les condamnés à mort. L'auteur qui a assisté à une exécution demande à rencontrer le bourreau. Bizarrement, celui-ci accepte de parler de lui. C'est donc l'histoire picaresque et mouvementée de Ramiro Vallemediano, enfant naturel aux origines pourtant aristocratiques, englué dans une religiosité surannée qui lui fait s'imaginer qu'il a une auréole et qu'une voix intérieure lui parle. Il est obnubilé par des fantasmes comme celui d'avoir mangé de la chair humaine, d'être obsédé par ses rêves bizarres ou de croire, à l'invite de Calderon de la Barca, que “la vie est un songe”, comme le suggère le titre de son oeuvre célèbre. C'est qu'il n'est pas franchement né sous une bonne étoile et, malgré des dons indéniables notamment pour la peinture, la bâtardise le poursuivra comme une malédiction. Il fait, comme on dit, les apprentissages d'une vie où les femmes tiennent une grande place. “ je suis potentiellement amoureux de toutes les femmes”, confesse-t-il ! Elles aussi accompagnent son parcours et nourrissent son expérience.

La répression violente et sanguinaire par la force publique d'une révolte paysanne à laquelle il assiste de loin lui montre combien l'homme est voué à la trahison et à la destruction de son prochain[“Il n'est pas nécessaire de vouloir du mal à quelqu'un pour le dénoncer et le faire mourir”], comme si l'équilibre social dont il est désormais le garant demandait pour exister son lot de morts]

Pendant ce parcours, Il prend conscience de la condition humaine mais aussi de sa situation personnelle caractérisée autant par une volonté farouche de s'élever dans la hiérarchie sociale que par une absence de filiation légitime qui trouve un écho dans sa profession, comme une continuation naturelle. Il aura cependant une paternité de substitution dans la personnalité du duc qui l'assistera de ses conseils... et de son argent ainsi que dans celle du Père Anglade qui lui servira de guide spirituel.

De collège catholique en prison, de cirque ambulant en couvent, de bordel en engagement anarchiste, il devient, par hasard, serviteur de l'ordre, c'est à dire “exécuteur de justice”. C'est que son existence était déjà placée dès sa jeunesse sous le signe de la mort avant même que son “métier” ne fasse de lui un zélé serviteur de cette société qui le hait et qui le rejette.

C'est un être éminemment solitaire, une sorte de mystique, sensible et cultivé, ce en quoi il diffère paradoxalement de ses collègues avec qui, d'évidence, il n'a rien de commun. Il marque donc sa différence dans cette corporation déjà fermée. L'auteur le décrit comme un être affable, ce que n'est pas un bourreau traditionnel, et qui se prête de bonne grâce à l'interview en lui racontant sa vie.

Pourtant, il reste obsédé par le mal, par le péché, par l'imperfection humaine et son nécessaire rachat dans la félicité divine. En réalité, il demeure, malgré les vicissitudes de son existence, un enfant de Dieu et c'est Lui qui, d'une certaine manière sanctifie la vie pourtant marginale de sa mère, puisque cette dernière meurt comme une sainte, chez les moniales!

A cause de son éducation catholique, toute sa vie est baignée par Dieu dont il est, à ses yeux, tout autant l' enfant et le serviteur que les autres hommes. Il l'est même davantage peut-être, puisque, de part ses fonctions de bourreau, il sert aussi une société qui le méprise mais “dont il sauve l'ordre” et qui donc lui doit le respect. Il incarne un peu sa face cachée et détestable et son rôle est d'être le garant de l'ordre social et religieux qui, à l'époque, caractérisait l'Espagne, d'en expier aussi les turpitudes et les hypocrisies.

Même s'il est partagé entre une sorte d'idée quasi aristocratique de ses fonctions[“Le bourreau est le prêtre d'une religion ésotérique à laquelle n'accèdent que peu d'élus”] et la sensation qu'ainsi il renonce au monde, cela ne fait pas pour autant de lui quelqu'un d'important, au contraire [“Quand je serai bourreau, l'idée que je me fais de moi-même, de ma personne, va peu à peu se ramener à des proportions plus justes, qui sont celles de n'importe qui.”]

Il reste cependant dubitatif face à ce combat [“La vie est un songe, le songe de notre libération de l'ignominie, sachant en même temps que cette libération est impossible”] qu'il estime perdu d'avance. Il est fondamentalement en mal de reconnaissance et d'estime. Sa vie est une quête à la fois spirituelle et temporelle et, de même qu'il revient dans le village qui l'a vu naître et qui l'a rejeté, il attend de cette société une sorte de consécration quasi religieuse que son destin lui donnera quand même à la fin du récit, dans une sorte d' épilogue un peu surréaliste qui reflète l'âme espagnole.

Pourtant, ce paria de la société nécessairement solitaire et tourmenté finit par se marier, par hasard, mais avec la fille du bourreau dont il prend les fonctions, entrant de ce fait dans cette catégorie sociale très fermée où l'on cache son métier aux autres citoyens et, où, pour la justice, on ne porte même plus son propre nom. Nul doute que ses enfants seront eux aussi bourreaux...

La fin du récit est à l'unisson de ce remarquable texte sur la condition humaine, à la fois reconnaissance de Ramiro pour ce qu'il est qu'un retour vers ceux qui ont guidé ses pas, le duc et le père Anglade, l'aristocrate et le religieux, et qui maintenant s'apprêtent à quitter ce monde. Il peut, dès lors et après un parcours cahoteux, être lui-même, parcourir son chemin seul, même si cela n'est que le fruit du hasard et n'a rien de commun avec ce qu'il souhaitait intimement.

Derrière l'histoire racontée, ce récit est en fait celui de chacun d'entre nous, celui de notre passage sur terre avec ses aspirations, ses hésitations, ses échecs... Tout cela est profondément humain!



© Hervé GAUTIER - Avril 2007
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
"Il y a vingt ans, je suis né dans ce village. Pourquoi dans celui-ci et non dans un autre ? Pourquoi sur cette planète plutôt que sur Saturne ou Jupiter? Et pourquoi sous forme d'être humain plutôt que sous celle d'un végétal noble comme le pin ou le peuplier noir ? Et qui avait intérêt à ce que je vienne? " (p.371 / Laffont, 1970)
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