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Christine Zeytounian-Beloüs (Traducteur)
EAN : 9782226215222
352 pages
Albin Michel (18/08/2010)
3.7/5   27 notes
Résumé :
Récit d'une tragédie conjugale, La Sonate à Kreutzer de Léon Tolstoï fut, dès sa parution en 1891, un objet de polémique. Sophie Tolstoï, sa femme et sa plus fidèle lectrice, y voit une attaque personnelle, justifiée par leurs relations tumultueuses. Elle décide de répondre à ce violent réquisitoire contre l'amour charnel en écrivant son propre roman : À qui la faute, roman d'une femme. Elle oppose à la bestialité masculine les aspirations plus spirituelles de la fe... >Voir plus
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Elle était jeune. Lui, nettement plus âgé.

Elle voulait l'amour. Il lui a fait treize enfants.

Elle était la correctrice. Lui, l'écrivain.

Elle vécu dans l'ombre. Il mourut en icône.

Elle l'aimait. Lui aussi, différemment.

Elle s'appelait Sophie et lui Léon.

Il a écrit la « Sonate à Kreutzer » et elle lui a répondu dans “A qui la faute?”



Ce roman peu connu de la littérature russe sorti pour la première fois en 1994, c'est-à-dire un siècle après son écriture. L'auteure, Sophie Tolstoï, l'épouse du mythique Léon Tolstoï, règle ses comptes avec ce dernier en pastichant une de ses oeuvres à coups de détails autobiographiques. Analyse.

Pour comprendre toute la portée du roman "A qui la faute?" il faut une nécessaire remise en contexte. Sophie Andreevna Tolstoï est une femme profondément blessée par la nouvelle misogyne “La Sonate à Kreutzer” écrite par son célèbre mari. Elle estime qu'il s'agit d'une attaque ciblée à l'encontre de sa personne et décide de répondre à Léon Tolstoï en empruntant un chemin qui l'atteindra directement: celui de l'écriture. Il faut dire qu'elle ne s'est pas improvisée écrivaine du jour au lendemain puisqu'elle était déjà la lectrice, correctrice et première critique des oeuvres de son mari.

Pour répondre au roman misogyne de Tolstoï, elle reprend dans sa fiction la trame de la Sonate à Kreutzer — une femme mariée trop jeune qui découvre les réalités du mariage ainsi que les affres d'un mari jaloux maladif — et y ajoute une foule d'indices à caractère autobiographique qui concernent son propre couple:

“Entre-temps, Anna s'habituait peu à peu à sa position et s'attachait à son mari. Elle essayait de participer autant que possible à sa vie et aspirait à l'aider. Elle l'accompagnait dans ses déplacements liés à la gestion du domaine, lisait ses articles et recopiait en reportant les corrections ; le soir, le prince ou Anna lisait à haute voix de nouveaux livres ou des revues dans la chambre de la vieille princesse.”

Ainsi, les états d'âmes d'Anna — l'héroïne du roman — concernant son malaise face à sa nouvelle vie d'épouse ne sont pas sans rappeler la vie de Sophie Tolstoï, alors âgée de dix-huit ans, et qui épousa un Léon Tolstoï de vingt-cinq ans son ainé. Nous pouvons aisément comprendre le choc que pouvait produire un mariage pour les jeunes femmes qui passaient, en un claquement de doigts, de la période de l'enfance à celle de l'adulte. le fantasme du mariage version conte de fées se voyait ainsi explosé dès les premiers jours de vie commune.

Dans “A qui la faute?” l'auteure dépeint non seulement un mari d'une jalousie maladive mais aussi un homme faisant fi de toutes considérations lorsqu'il était question de sexualité:

“Elle se souvenait aussi des nuits où, ayant passé plusieurs heures d'affilée auprès d'un petit malade, elle se retirait, exténuée, dans sa chambre dans l'espoir d'y goûter un peu de repos et où le prince, sans remarquer sa fatigue ni son chagrin, lui ouvrait son étreinte et réclamait sauvagement, passionnément qu'elle répondre à ses avances ; alors, épuisée physiquement et moralement, offensée par son indifférence, elle pleurait sans qu'il y prêtât attention, mais se soumettait à ses désirs, craignant de perdre l'amour de l'homme auquel elle avait jadis confié sa vie.”

Il est permis de faire un parallèle avec la vie du couple Tolstoï qui eut treize enfants. Sophie Tolstoï écrira d'ailleurs dans son journal intime avoir été tourmenté, dès les premiers jours de son mariage, par l'amertume de ne rencontrer chez son époux qu'un désir charnel, elle qui désirait quelque-chose de plus grand qu'eux, qui les élève plus qu'il ne les laissent chevillés à un besoin naturel tel que le sexe. le personnage d'Anna ne dira pas autre chose, elle qui aime parler de philosophie et qui se questionne sur ce que devrait être une vie saine.

Ainsi, si nous mettons les deux romans, “La sonate à Kreutzer et “A qui la faute? ” côte à côte, nous pouvons nous rendre compte que l'évolution des deux héroïnes est en parfaite opposition. Chez Léon Tolstoï, elle vivra une fugace passion sensuelle avec une autre personne que son mari tandis que chez Sophie Tolstoï, sa recherche de pureté prendra le pas sur toute considération sentimentale. D'un côté un roman qui semble accuser la faiblesse de la femme et de l'autre une réhabilitation qui passe par des raisonnements métaphysiques. C'est d'ailleurs ce qu'on pourrait reprocher à l'auteure russe qui semble se perdre dans des considérations religieuses juste pour essayer d'atteindre Léon Tolstoï en plein coeur.

Mais au final comme l'énonce le titre, à qui la faute? 😉

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"A qui la faute ?" est la réponse de l'épouse offensée, Sophie Tolstoï, à "la Sonate à Kreutzer" que commit son peu cher et tendre époux.

Horriblement humiliée par la peinture faite par Léon Tolstoï de leur mariage, celle-ci, pour donner le change à ses contemporains, intervint pour faire publier la Sonate, d'abord censurée : espérant ainsi écarter les soupçons sur toute ressemblance de l'oeuvre avec leur vie conjugale et tenter de se dégager du rôle abominable que lui a attribué son mari dans la faillite de leur mariage.

Pour cela, elle reprit en partie la trame de la Sonate, mais du point de vue de l'épouse : il y a un transfert de centre de gravité, le narrateur omniscient adoptant cette fois le regard de l'épouse sur l'époux, époux qui ne nous paraît pas considérablement changé sous la plume de Sophie. Tout confirme les principaux traits du caractère prêtés par l'auteur de la Sonate à son triste "héros", son double : n'ayant d'intérêt que charnel envers sa femme, incapable de gestes affectueux qui n'aient pas pour motivation le sexe, rarement prévenant et toujours par intérêt, calculateur et ego-centré, peu soucieux de la santé de ses enfants, de leur éducation, jaloux jusqu'au délire de persécution, non seulement des autres hommes mais du temps consacré aux soins et à l'éducation des enfants, hostile aux médecins, surtout quand ils lui conseillent de ne pas continuer à agrandir la famille pour sauvegarder la santé de sa femme (mais on découvre qu'il y a volontiers recours pour lui), ressassant des soupçons ridicules fondés sur des scénarios aberrants, étalant au grand jour des infidélités récurrentes qui font ricaner ses rivales jusque sous le nez de son épouse (ce que n'avait pas avoué le le "Pozdnychev" de la Sonate), brutal psychologiquement, menaçant, gueulard, monstrueux d'égoïsme : le "Prince", quand il n'est pas en goguette à la poursuite d'un gibier ou d'un jupon, semble une araignée tapie au sein de la sa toile ; une grosse bestiole atteinte de folie interprétative, surveillant comme un geôlier les faits et gestes de la mouche, son épouse, et toujours se préparant à lui fondre dessus.

Il est possible que Sophie ait forcé le trait, bien que l'ensemble sonne juste. Quoiqu'il en soit, Léon l'a bien cherché en écrivant une oeuvre aussi indélicate inspirée de leur vie commune ; que le retour de boomerang lui érafle un peu le visage n'est que justice : puisqu'enfin, le Grand Homme détenait tout le talent nécessaire au développement du même thème sans puiser aussi grossièrement le matériau dans son propre ménage. A tel point que l'oeuvre semble conçue pour faire du mal et diffuser un venin durable. le poison n'est pas l'arme des seules femmes.

Bien qu'il soit possible de déceler une complaisance certaine de l'auteure envers son héroïne, la magnifique, délicate et pure Anna, double d'elle-même, le portrait qu'elle trace du Prince, le "Pozdnychev" de la Sonate, c'est-à-dire de Tolstoï lui-même, est donc très fidèle à l'autoportrait de l'écrivain : aussi bien dans la Sonate que dans" À qui la faute ?" il se révèle un mari atteint d'une maladie mentale redoutable et sans doute incurable, de nature mélancolique, (dans le sens gravissime du mot que lui attribuait la psychiatrie du 19 ème siècle), avec bouffées incontrôlables de jalousie, tendance à la rationalisation délirante d'affects irrationnels et à la violence, au moins verbale.

Tolstoï a fait porter la responsabilité de l'échec de son mariage à une luxure partagée, mais il apparaît que seule sa propre addiction était en cause. Avec quel effroi, quel sentiment de trahison et d'injustice, la pauvre épouse a-t-elle appris à travers la Sonate que son mari la tenait pour co-responsable de cette "débauche" charnelle : débauche qu'elle vivait comme une persécution constante imposée de droit marital et de droit du plus fort, sans moyen de s'y soustraire, répétitive, rebutante, et se terminant infailliblement dans le sang et les couches.

Victor Hugo, Léon Tolstoï : deux génies qui côtoyèrent d'autant mieux la transe métaphysique et spirituelle qu'ils raclèrent profond dans la bestialité charnelle. Tant il n'est pas rare pour certaines psychés de mélanger, voire unir, sexe et mystique : qu'on pense seulement à Raspoutine, à Héloïse et Abélard, à Bataille, à Colette Peignot (la Laure de Bataille), à Etty Hillesum et son thérapeute Julius Spier. Qu'on pense aussi aux écrits et prières teintées d'érotisme torride de Sainte Thérèse de Lisieux et de bien d'autres.

Si Sophie Tolstoï avait vécu un peu pour elle et n'avait pas accouché de treize enfants, peut-être aurait-elle pu développer son talent littéraire, car "A qui la faute ?" est ma foi très honorable quant au style et à l'agrément de lecture, et je connais bien des écrivains portés au nues qui ne la valent pas.

Bien que cela ne semble pas avoir un lien direct (mais cela en a un), je voudrais dire deux mots de la postface écrite par Léon Tolstoï pour préciser aux lecteurs le contenu et le sens de sa Sonate et les motivations "chrétiennes" qui l'ont poussé à l'écrire : elle ne figurait pas à la fin de mon exemplaire de la Sonate et que je ne l'avait donc pas évoquée dans mon commentaire.

Le lien, c'est qu'il est possible d'imaginer la fureur de l'épouse mise face à cette ultime provocation, recevant ce dernier crachat dans la figure : plus mortifère encore du fait que les opinions des deux époux ne différaient guère : tous deux aspirant à un idéal de vie simple et pur. Mais un mariage ne réussit pas sur les efforts d'un seul lorsque l'autre en sape systématiquement les fondations et en rejette jusqu'au principe (le mariage n'est-il pas pour le Grand Homme une prostitution de l'épouse à vie ? Sophie dut être bien aise de se voir qualifier de prostituée, elle qui participait à l'élaboration de l'oeuvre de son conjoint, tenait sa maison, élevait ses enfants, lui servait de lien avec l'extérieur, d'agent littéraire, d'ambassadrice ; une prostituée en somme qui rémunérait son client en assurant en plus des services sexuels les emplois de secrétaire à plein temps, d' intendante, de gouvernante, de nurse.

Autant donc cette postface est éblouissante dans sa deuxième partie et éclaire le vrai message spirituel du christianisme, proche de la mystique rhénane des XIII et XIV ème siècles, avec des défricheuses d'éternité telles que Hildegarde von Bingen, Hadewijch d'Anvers, Marguerite Porete ou encore Maître Eckhart, sans oublier le mouvement cathare qui en fut la déclinaison dans le Sud de la France, autant la première partie signe sa mégalomanie :

Qu'on en juge par la structure du discours :

"J'ai voulu dire premièrement que....
(...)
Et je voulais dire que c'est mal."

"Deuxièmement je pense que...
(...)
Je crois que c'est mal."

"Troisièmement je crois que...
(...)
C'est mal d'employer (...)"

"Quatrièmement je crois que ...
(...)
Et je crois que ce n'est pas bien (...)"

"Cinquièmement je crois que ...
(...)
Et je crois que ce n'est pas bien (...)"

Je je je... moi moi moi... ce ton de procureur m'a singulièrement évoqué le prédicateur fou du film "La nuit du chasseur".

Pas besoin d'avoir recours à la prédication, Monsieur Tolstoï, ni d'accabler votre conjointe avec le poids de vos désordres mentaux et de vos obsessions maladives. Ce sont bien les vôtres, et celles d'une partie des personnes de votre sexe.

Et vous bénéficiez, pour vous livrer à ce stakanovisme de la fornication, d'"institutions" qui le favorisent : prostitution générant une mortalité précoce de celles qui s'y livrent, avec pour conséquence la naissance d'enfants sans pères, qui constitueront une nouvelle classe de pauvres, d'exclus, de délinquants et provoqueront un abaissement du niveau moyen de l'humanité ; mariages forcés, destins féminins avortés avec leur lot d'aigreurs, vilains secrets de famille... C'est cher payé pour des péripéties de braguettes.

Tout cela vous le savez bien Monsieur Tolstoï, vous qui ne manquez jamais une occasion de le dénoncer dans chacune de vos oeuvres.

Vous stigmatisez une société coupable de complicité envers ces débordements, et une Eglise dévoyée qui les absout trop facilement, pleine de vile indulgence. Les parents quant à eux, notamment les pères, loin d'enseigner la mesure à leur fils pour en faire des hommes véritables, selon l'Evangile que vous révérez, ou simplement selon le simple respect d'eux-mêmes, les poussent sur la pente de l'intempérance. Ainsi fonctionne un monde où on accouple une oie sotte à force d'ignorance à un lévrier dont la langue pend vilainement, dominé par ses pulsions et dispersant sans vergogne, comme on pisse, sa semence aux quatre vents.

Cependant la responsabilité collective ne vous dédouane pas de la vôtre, vous l'Ecrivain, le penseur, l'Erudit, vous qui donnez à autrui des leçons de vertu, et même d'ascétisme.

D'un ascétisme sans doute profitable à quelques uns, mais dont le fanatisme peut s'avérer dangereux pour presque tous : puisque je ne peux m'empêcher de manger ce chocolat, autant finir la boîte...

Le Christ, que vous citez souvent, était plus indulgent que vous aux péchés de la chair : sans doute parce qu'il n'en commettait pas, ou peu. Ce qui le rendait clément à la femme adultère, dont il empêchait la lapidation, à la pècheresse, à laquelle il s'adressait sans condescendance. Enfin le Christ était le Christ, et tandis que vous...vous êtes... vous.

Victor Hugo, Léon Tolstoï, deux immenses écrivains, deux visionnaires, et deux tristes sires.

Je vais faire une pause dans la lecture du grand Tolstoï, l'auteur, pas l'être humain. Celui-ci sut pourtant s'engager, dit-on, à de nobles causes. Je n'en doute pas. Mais il est toujours plus valorisant d'oeuvrer pour l'humanité que pour soi-même et les siens. Et Ô combien plus visible.

Il me faut oublier un peu cette expérience éprouvante.... et j'entamerai "Résurrection", son oeuvre préférée. Mais pas tout de suite, laissons le temps amoindrir mon ressentiment.

Qui sait, peut-être "Résurrection" me fera-t-il oublier la Sonate ?

... l'épreuve m'aura au moins permis de rencontrer la valeureuse Sophie Andréïevna Behrs, et j'en suis heureuse.
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La musique recèle des pouvoirs insoupçonnés, notamment de révéler chez certains les sentiments les plus intenses jusqu'à leur faire perdre la raison. Pour Léon Tolstoï, c'est la Sonate à Kreutzer de Beethoven. Elle lui a inspiré une oeuvre littéraire à coloration autobiographique mettant en lumière une vie conjugale chaotique, désenchantée dans laquelle l'auteur déverse toute sa haine et sa rancoeur contre le mariage qu'il méprise au point de le considérer comme une institution mensongère.
Face à ce discours radical, et se sentant certainement outragée, Sophie Tolstoï choisit de prendre la plume pour répondre au récit pamphlétaire de son mari en adoptant également le ton romanesque.

Dans la Russie des notables, Anna, jeune fille issue de bonne famille et terriblement idéaliste s'éprend du prince Prozorski, que des désirs romanesques pousseront à épouser. Mais le tempérament égoïste, orgueilleux et excessivement jaloux de l'époux transforme très vite ce mariage en une succession de déceptions pour Anna en quête d'un amour transcendant, exalté, sublimé …bien éloigné de l'amour charnel arboré par l'époux dont la jalousie exacerbée va faire perdre la raison.
Avec une écriture portée par le vibrato de l'amour idéalisé, angélique qui imprime une note désuète à ce récit Sophie Tolstoï marque le contraste avec le récit de Léon Tolstoï dans lequel un homme, Pozdnychev, profite d'une discussion avec des voyageurs à bord d'un train pour exposer sa vision des femmes et de l'impossible bonheur conjugal, lui qui a tué son épouse à cause de sa jalousie haineuse et féroce.

Le récit de l'écrivain expose de manière remarquable la progression de la jalousie contre laquelle lutte l'époux. Il saisit avec force et lucidité les scènes clés et les instants de vie de ce couple en perdition. Mais le discours de Pozdnychev derrière lequel se cache Léon Tolstoï se brouille sous le poids de l'ambivalence de l'auteur, qui bascule entre quête des aspirations spirituelles les plus élevées et abandon aux instincts charnels qu'il considère les plus répugnants mais inévitables pour l'homme. La réflexion s'attache à démontrer que le bonheur conjugal est impossible, surtout au regard de la condition des femmes, à la fois légères, faibles, manipulatrices, incapables de réprimer les appétences animales de leur mari mais aussi prisonnières de l'hypocrisie des moeurs.
C'est précisément à cette considération que Sophie Tolstoï a tenu apporter une réponse : prenant le lecteur à parti, elle expose sa justification de l'échec du mariage d'Anna.

Cette oeuvre à effet réfléchissant est inédite, elle suggère un dialogue par plume interposée. Mais là où Léon Tolstoï se laisse entraîner dans ses vérités universelles, son épouse engage un récit plus intime laissant davantage le vécu personnel s'immiscer dans l'oeuvre.
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Ce que Tolstoï a raté, c'est Sophie.

Je me méfie comme de la peste de toutes les conneries qu'on a pu raconter sur le couple

Tolstoï n'avait pas tellement changé au point que cela eût pu constituer une rupture définitive, une large correspondance en montre tout le bien fondé. Certes comme l'a écrit Alain Rafelo, sa personnalité était égale à celle d'un génie littéraire tourmenté, mais il s'est laissé embarquer dans des trucs, dès les années 1880, avec la présence de parasites dans sa propre vie qui le tétanisèrent et le sortirent de sa zone de confort qui lui eût permis de voir clair et de trancher, ce fut d'ailleurs à deux doigts d'être fait !..

Au moment où il était à même d'être dieu, eh ben il ne fut plus dieu parce qu'il perdait sa lucidité pour ne pas voir que son bonheur, vertu cardinale, à côté de lui qui lui avait tout apporté, il ne le voyait plus distinctement et il s'en éloignait même physiquement pour aller vers ces sirènes de chiens qui lui montaient trop souvent à la tête. Je dis chiens parce que je ne vois pas d'autre mot pour qualifier des gens qui profitaient d'un vieillard aux idées prophétiques jusqu'à le détourner de sa propre famille. Ben oui, c'était quoi d'autre ces gens qui veillaient sur lui , tolstoïens se disaient-ils ? Quelle fumisterie ! Sans ces marchands du temple, la vie de Tolstoï eût continuer bon an mal an, et il est probable qu'il n'aurait pas envisager sa fuite, ne serait-ce que pour préserver la santé de sa femme bien-aimée, à défaut de la sienne et de son voeu chimérique selon la légende indienne de se retirer du monde pour mourir comme les éléphants sentant leur mort proche. Par la grâce de dieu, son talent d'écrivain, son génie fut préservé et son Hadji Mourat, et des nouvelles écrits dans le grand âge nous le prouvent. Ces oeuvres me font penser à ce que n'auront pas eu les bolcheviks qui détruisaient tout ce qui signifiait la réaction blanche, ces icônes qui ont été miraculeusement sauvées des mains sales des mécréants par les fervents. Oui le Tolstoï artiste était toujours là en sommeil cachant son Diable ..

Ca commençait comme dans un rêve leur histoire : Sophie à 11 ans était groupie de Tolstoï, son livre de chevet était Enfance. Elle l'aimait déjà tendrement, en secret. Puis quand il la vit pour la première fois, ce fut une fillette qu'il rencontra avec une curiosité amusée au milieu de ses deux soeurs, l'animal en lui s'en détourna pour regarder plutôt du côté de la mère qui avait de quoi séduire et bien sûr une fois de plus l'interdit se dressa devant lui, c'est un autre Tolstoï qui vint à son secours pour lui dire que ce qu'il cherchait pour son bien, ce n'était absolument pas Mme Bers, pas plus sa tante aînée de 8 ans Alexandra, belle femme pleine de charme, attachée à la cour impériale qu'il aimait avec avidité ..

N'était-il pas en train de naître un Lord Byron des frimas !... Des fois à quoi ça tient tout ça, c'est plutôt comme Tara qui sauva Scarlett : Iasnaïa Poliana maintint Tolstoï sur la piste : c'était plutôt où la mort avec la perte d'Iasnaïa Poliana, ou pas la mort, et la vie a toujours ceci de bien qu'elle sourit toujours à celui qui sait attendre un peu sans rien forcer du tout .. Ce n'était pas un ours, Tolstoï avait des relations .. Et l'important, il ne cessait d'écrire ..
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Ce bref roman pourrait paraître presque banal mais, de par sa simple genèse, est très loin de l'être. En effet, en 1889 en Russie commence à être diffusée « La sonate à Kreutzer » (elle paraîtra officiellement en 1891), longue nouvelle de Léon TOLSTOÏ dans laquelle se distinguent les traits de sa propre femme, Sophie, imaginée en amoureuse éperdue et adultère de son professeur de piano. Alors que le calme ne règne déjà pas dans le couple TOLSTOÏ, Sophie est ulcérée par ce texte et choisit les armes de son mari, l'écriture, pour répliquer.

Est-il nécessaire d'avoir lu « La sonate à Kreutzer » pour s'engager dans « À qui la faute ? » ? Sans doute car, même si l'ouvrage de Sophie TOLSTOÏ est indépendant de celui de son mari, elle s'y appuie afin de tisser sa propre trame. Mieux : il est une réponse sans ambiguïté. Une jeune femme, Anna, tombe amoureuse du prince Prozorski, de quelques années son aîné. de son côté Prozorski, loin d'être indifférent aux charmes d'Anna, s'ingénie à la séduire tant et plus. Ce qui ressemble à un roman à la Jane AUSTEN s'assombrit brutalement lorsque Anna apprend que son désormais époux, qui fut un coureur de jupons, continue à faire risette à de jeunes femmes.

« Si l'on considère le mariage comme on le fait d'ordinaire, il vaut mieux ne pas se marier du tout. Il faut de l'amour en premier lieu, et que cet amour soit au-dessus des choses terrestres, qu'il tende vers l'idéal… ».

Le coeur d'Anna, empreint par ailleurs de forte religiosité, se met à battre pour un certain Bekhmetiev, lui-même fort attiré par la jeune femme. Ils se rencontrent régulièrement, le plus souvent en présence du prince, lui-même ami de Bekhmetiev. Quand soudain, ce prince voit rouge, devient jaloux, de plus en plus insistant dans ses allusions à la relation Anna/Bekhmetiev, il prononce des paroles humiliantes pour Anna, alors simplement en admiration devant Bekhmetiev, mais pas du tout sa maîtresse.

Depuis sa rencontre avec cet homme, Anna est métamorphosée, reçoit, sort beaucoup, se lie d'amitié avec la bonne société russe. le prince devient possessif et agressif. Il souhaite sa femme soumise, toute à lui, sans distinction.

« le prince observait avec incrédulité et un certain agacement l'état d'Anna et constatait que tout ce que lui avait dessiné son imagination perverse quand il songeait à sa lune de miel avec une jolie épouse de dix-huit printemps n'avait abouti à rien, hormis l'ennui ; ennui, déception et une jeune mariée en plein désarroi ».

Il faut bien lire entre les lignes car, dans ce roman où le plus important n'est que suggéré, c'est son propre mari que Sophie met en scène. le prince Prozorski est en fait le comte TOLSTOÏ, et les reproches que peut annoter sa femme sont nombreux et féroces, notamment la gestion du couple par TOLSTOÏ, plus intéressé par ses écrits, son domaine et ses amis que par sa femme. Cette femme oubliée, abandonnée, qui fut éblouie par son professeur de piano. TOLSTOÏ verra le vice et le désir charnel dans ce qui sera vraisemblablement un amour platonique, pur. Dès lors, les relations au sein du couple TOLSTOÏ, tout comme chez le couple Prozorski, vont se tendre jusqu'à devenir irréversibles.

« La sonate à Kreutzer » fut en quelque sorte le déclencheur de la dégradation relationnelle pourtant déjà tumultueuse entre Sophie et Léon TOLSTOÏ. Sophie voit en son mari un être misogyne, irrespectueux pour la gente féminine. Jadis obsédé d'ailleurs par les femmes (comme son double Prozorski), il ne les voit souvent que comme des choses à séduire. Et parallèlement imagine le diable en Sophie dans ses contacts aux hommes. C'en est trop pour celle-ci qui, vivant depuis des décennies à l'ombre des écrits de son mari, décide de prendre la plume car « J'ai moi-même senti dans mon coeur que ce récit était dirigé contre moi, il m'a immédiatement occasionné une blessure, m'a humiliée à la face du monde entier et a détruit le dernier amour entre nous ».

La stature de TOLSTOÏ écrase son ménage, jusqu'aux écrits bien entendu. « À qui la faute ? » ne sera publié… qu'en 1994, soit 84 ans après la mort de Léon TOLSTOÏ, et 75 ans après celle de Sophie. Il est pourtant à lire, au même titre que l'oeuvre du grand Léon. Il en fait même partie intégrante puisqu'il en est une réplique aux couleurs inversées. Par ailleurs, l'écriture de Sophie est très agréable, elle ne possède pas la puissance de celle de son mari, mais détient une part toute féminine et délicate absente chez lui.

Puisque nous sommes dans la littérature russe, inutile de dire que le présent roman va très mal se terminer. Il est en tout cas une vraie curiosité, il est même un chaînon de cette grande littérature russe. Cependant, il a malheureusement du mal à exister seul et, dans la version présentée ici, il est encore suivi par « La sonate à Kreutzer », c'est dire si le poids de TOLSTOÏ continue aujourd'hui à écraser Sophie et à la rendre invisible ou presque, et la mémoire de sa femme, ses points de vue et ses révoltes, auront du mal à percer sous le grand écrivain. Pourtant ce roman est convaincant et très soigné par sa chute, où Sophie montre qu'elle peut faire jeu égal avec son Léon, y compris pour les coups bas.

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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
C'était un matin extraordinaire, comme on n'en rencontre qu'au mois de mai, quand la nature n'a pas encore épanché ses dons, mais qu'elle multiplie les promesses de beauté et de floraison
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- Certes, mais que faut-il entendre par amour authentique ? demanda timidement le monsieur aux yeux brillants avec un sourire gêné.
- Chacun sait ce qu’est l’amour, dit la dame, clairement désireuse de mettre fin à cet échange.
- Eh bien moi je l’ignore. Il faudrait définir ce que vous entendez par là …
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C'était une journée splendide, claire, radieuse. Une vraie fête du plein été. Le ciel d'azur, sans nuages, les chauds rayons du soleil, des oiseaux de toutes sortes, innombrables, bruyants, perchés dans les arbres majestueux et les buissons en fleurs - que tout cela était beau et joyeux ! Au loin, le lac bleu sombre, profond, reflétait merveilleusement le ciel et la végétation vive, luxuriante, drue de ses rives.

Les deux jeunes filles qui venaient du lac et couraient par le sentier en direction d'une grande maison de pierre blanche avaient le même air de fête, resplendissant et lumineux. Toutes deux étaient pieds nus, elles tenaient leurs souliers à la main, la serviette jetée par-dessus leur épaule mouillée, elles avaient les cheveux en bataille. Leurs petits pieds malhabiles à la peau claire foulaient l'herbe humide de rosée dans un mouvement gauche et délicat, ils étaient parcourus d'un léger frisson à chaque fois qu'ils frôlaient la terre, alors les jeunes filles partaient d'un grand éclat de rire.
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Si la jeunesse durait éternellement elle n'aurait pas la même valeur... Mais croyez-vous que les jeunes remarquent qu'ils sont jeunes et s'en réjouissent ? Pas le moins du monde.
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Et si la prière n'était qu'un jouet pour soulager l'amertume ?
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Vidéo de Sophie Tolstoï
Après leur belle biographie de Léon & Sofia Tolstoï, Chantal van den Heuvel et Henrik Rehr éclairent d'un jour nouveau la vie et le travail de l'écrivain. Voici comment vécut le monstre sacré de la littérature russe. Épileptique, joueur invétéré, couvert de dettes, amoureux contrarié, révolté, ancien bagnard, il abhorre le capitalisme et s'interroge sur la religion. A découvrir en librairie le 11 janvier !
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