« La mort d'une colombe est infinie »
« C'était bizarre d'avoir l'esprit ouvert au sang » mais comment faire quand, à dix ans, on se sent coupable de la mort de son frère. Il reste une éclaboussure que rien ne peut laver, alors on s'invente, pour s'en aller.
C'était simple, « s'en aller, c'était tourner le coin de la rue. » Mais au fond elle souffrait car « le souvenir était un éloignement infini, et c'était cette infinité qui le rendait si proche du présent, si influent et si tangible. »
« Ses yeux brillants trahissaient son envie de partir. D'en finir avec la mémoire. »
Elle voulait également oublier son île, ses racines. Elle,
la sous-développée, « la fille de l'ambassadeur d'un pays en disgrâce, pauvre, solitaire "socialiste" par surcroît » et pourtant elle aimait Cuba, la terre et les hommes qui la composent : les hommes de la terre, « Liborio », le peuple combattant, mais pas les diplomates qui n'ont plus de foi.
À chaque tournant, on retrouve un éclat dans les mots qui vont vers son pays « le spectacle de la pluie tombant sur la Seine lui donna le cafard, c'était différent quand il pleuvait sur le Malecón argenté » à La Havane.
Cuba vu au travers des yeux de
Zoé Valdés a un goût amer. L'auteur n'hésite pas à exprimer la souffrance de l'écrivain en exil : « Elle aimait écrire dans les cafés, chose impossible à La Havane car même s'il y avait des cafés, qui aurait pu avaler cette connerie de l'écriture ? »
La mort plane aussi sur l'idéologie du régime de Cuba : « Le socialisme ou mourir, quel pléonasme ! »
Alors « une puissante lumière s'alluma au milieu du kaléidoscope » : elle rencontra le plus grand des voleurs à Paris, le baron mauve. « Daniela n'était pas folle. Elle voulait vivre l'amour, l'aventure. » Mais « elle confondait amour et danger. Il lui rétorquait que c'était la même chose : un champ de bataille ».
« Crois-tu pouvoir m'aimer assez fort pour que je me débarrasse de la terrible présence de la mort, de la finitude ?
- Je préfère t'entendre parler en Cubaine que tu es plutôt que de te voir jouer les
Marguerite Yourcenar. »
Quelle écriture ! Même les putains retrouvent « leurs hymens de jeunes filles » quand Daniela jouit.
« C'eût été tellement plus facile de dire : ils baisèrent et jouirent comme des mulets, mais la littérature, c'est souvent des chichis à la sauce catho. » Merci
Zoé Valdés, vous m'avez fait vibrer, votre plume est forte, poétique et très belle. Pas de chichis dans votre roman.
J'ai adoré ce très court roman, j'ai peut-être rêvé « d'un pays où est le soleil », où les couleurs, qu'elles soient blanches, mauves, rouges peuvent s'aimer, mais « La vérité ne dépend pas de la façon dont elle est dite, mais de la façon dont elle est interprétée ». C'est pourquoi, il convient à chacun de voir dans les mots de
Zoé Valdés le sens qu'on veut lui donner.
« Le vol était aussi long que le ruisseau de sang d'une colombe morte. »