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Daniel Lefort (Traducteur)Albert Bensoussan (Traducteur)
EAN : 9782073018199
464 pages
Gallimard (02/11/2023)
3.73/5   196 notes
Résumé :
Conçu comme une redoutable machine narrative, Temps sauvages nous raconte un épisode-clé de la guerre froide : le coup d’État militaire organisé par les États-Unis au Guatemala en 1954, pour écarter du pouvoir le président légitime Jacobo Árbenz. Ce nouveau roman constitue également une sorte de coda à La fête au Bouc (Gallimard, 2002). Car derrière les faits tragiques qui se déroulent dans la petite République centroaméricaine, le lecteur ne manquera pas de découvr... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (46) Voir plus Ajouter une critique
3,73

sur 196 notes
Viva el Academico !
Alors que la construction de la Sagrada Familia prend moins de temps que l'élaboration d'une édition du dictionnaire de l'académie française, j'exagère à peine, je ne savais pas que nos pépés et mémés lettrés allaient mener de front une version bilingue pour les touristes en autobus. Ils ont les yeux plus gros que le ventre d'un sénateur.
Petit air de Charango et bonnet péruvien de circonstance pour se réjouir que Mario Vargas Llosa, prix Nobel 2010, péruvien naturalisé espagnol, aille faire sa sieste tous les jeudis après-midi au Palais de l'institut de France.
Je me moque un peu et je m'en moque surtout beaucoup, tant j'admire cet auteur depuis « La Tante Julia et le scribouillard ». Avec ces "Temps Sauvages", il prouve qu'à plus de 85 ans il est bien plus vert que l'habit qu'il vient d'endosser.
Ce roman politique s'inscrit dans la lignée de « La fête du Bouc » consacré au dictateur Trujillo en république dominicaine. Ici, c'est coup d'état au Guatemala dans les années 50, une aventure rocambolesque digne de SAS ou d'OSS117 si elle n'était pas aussi réelle et tragique.
Les dictateurs en uniforme militaire dans les pays d'Amérique latine, c'est comme les fromages dans nos régions. Il y en a pour tous les goûts.
Le président Arbenz souhaite engager son pays sur la voie de la démocratie, concept ambitieux dans le coin, mais cela déplait à la Compagnie United Fruits, reine de la Banane, qui n'a pas la moindre envie de payer des taxes lourdes comme un banoffee et de voir son monopole être remis en cause. Avec le soutien des Etats-Unis, elle va diaboliser le président en le présentant au monde comme un dangereux communiste. Dans ces contrées, le rouge ne va pas au teint, front haut mais cul bas. Or, à cette époque, il y a autant de cocos au Guatemala que de flocons de neige.
Arbenz est renversé par un guignol de général, marionnette de la CIA, le figurant Carlos Castillo. Un coup de théâtre pour un coup d'état. Quand le toutou va oublier son dressage et commencer à désobéir, son sort va être vite réglé. de sa gouvernance, l'histoire retiendra surtout sa maîtresse officielle, Martita Borrero Parra, alias Miss Guatemala, personnage pivot du récit . Elle est au coeur des hommes et des intrigues, insaisissable et sauvage.
Comme dans un roman d'Ellroy, il n'y a pas un personnage innocent. Une histoire de coupables donc, que Mario Vargas Llosa structure en heurtant la chronologie, les idéaux et les bons sentiments.
Il ne s'agit pas d'un livre d'histoire ou d'un témoignage. C'est un grand roman qui sait s'échapper de l'immense documentation nécessaire à l'ouvrage. Certains personnages sont réels, d'autres sont fictifs. Peu importe. Ils ont tous une âme dans ces pages. Souvent damnée.
La lecture est fluide, elle coule au rythme des complots et trahisons qui se succèdent pour le pouvoir.
Je suis ravi d'avoir fait la connaissance avec la « Mata Hari » guatémaltèque et de tous ses fantômes.
Trois secondes pour trouver la Capitale du Guatemala.




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On ne présente plus Mario Vargas Llosa, né il y a quatre-vingt-cinq ans au Pérou, installé en Espagne. Cet écrivain et intellectuel médiatique est une valeur sûre de la littérature latino-américaine. Il se pose aussi aujourd'hui en adepte de l'idéal humaniste et libéral occidental, tout en en restant un observateur attentif et un commentateur critique. Il a reçu le prix Nobel de littérature en 2010.

Temps sauvages, qui vient d'être publié, est un roman politico-historique se donnant des allures de thriller. L'auteur reconstitue des événements survenus au Guatemala au vingtième siècle, entre les années quarante et soixante. le coeur de l'intrigue est plus précisément l'organisation d'un coup d'État ayant conduit, en 1954, à la démission du Président Jacobo Arbenz Guzman.

A qui profite le crime, est-il courant de s'interroger. Arbenz avait lancé une vaste réforme agraire, qui déplaisait à l'United Fruit Company, un trust américain géant disposant d'un monopole de la culture et de la distribution de bananes dans la plupart des pays de l'Amérique latine. La firme avait pris l'habitude d'y imposer, par la corruption à grande échelle, des lois économiques, fiscales et sociales à sa convenance. Une pratique à l'origine de l'appellation désobligeante de république bananière…

Pour préserver des intérêts contrariés par la politique d'Arbenz, United Fruit s'offrit les services d'un brillant stratège de la propagande et du lobbying. Par ses réseaux dans la presse américaine et dans les sphères au pouvoir à Washington, il parvint à instiller l'idée qu'Arbenz était à la solde de Moscou et que son projet était l'installation d'une tête de pont communiste en Amérique centrale. Surfant sur le contexte de guerre froide et sur la paranoïa maccarthyste de l'époque, sa campagne de fake news fonctionna à plein et amena le Département d'Etat et la CIA à détacher au Guatemala, avec discrétion mais efficacité, des moyens humains et logistiques pour y porter au pouvoir une équipe à leur solde.

Vargas Llosa précise que son ouvrage est « un roman plein de mensonges et d'omissions ». Partant de faits véridiques, il a imaginé des péripéties quotidiennes dramatisées, dans l'intention de tenir son lecteur en haleine. Il a aussi recréé les profils et les rôles des protagonistes, pour en faire des personnages louches, sombres, parfois carrément monstrueux. Parmi eux, le colonel Carlos Castillo Armas, un homme névrosé et étriqué qui remplaça Jacobo Arbenz Guzman à la tête du pays, avant d'être abattu trois ans plus tard, parce qu'il avait cessé de plaire à ses donneurs d'ordres ; l'ambassadeur américain Peurifoy, un exécutant de haut vol, dépourvu du moindre état d'âme, dévoué corps et âme à son administration, au point d'en accepter les voltefaces sans se poser de questions. Dans l'affaire intervinrent aussi Rafael Trujillo, le mégalomane dictateur de Saint-Domingue, et son exécuteur des basses oeuvres préféré, Johnny Abbes Garcia, tous deux déjà connus chez Vargas Llosa pour avoir été les affreux héros d'un précédent roman, La Fête au Bouc. N'oublions pas Marta Borrero Parra, une jolie femme surnommée miss Guatemala, qui joua un rôle trouble au milieu de ces machos. Pour le reste, des intervenants pour la plupart minables, des officiers d'opérette, des don Juan de bordels, des tueurs aussi sanguinaires que lâches, des mercenaires de quatre sous…

Les chapitres ne suivent aucun ordre chronologique, ce qui nécessite un temps d'adaptation pour la lecture, car sur les vingt années de temps sauvages balayées par l'auteur, les coups d'État sont fréquents et impliquent les mêmes intervenants… dans des rôles différents. Un peu perdu, j'ai suspendu ma lecture après une dizaine de chapitres, je les ai reparcourus pour avoir les idées plus claires et repartir du bon pied. Au final, Temps sauvages s'est laissé lire agréablement, même si des pages comportent des longueurs et des redites inutiles qui m'ont donné l'impression de verbiage ou de remplissage.

Vargas Llosa a toujours détesté les populismes, de droite comme de gauche. Il croit toutefois à la fatalité tragique de l'Histoire. Avec celle qu'il raconte dans Temps sauvages, il montre du doigt la politique menée par les États-Unis en Amérique centrale, dont l'effet aura été, selon lui, inverse de ce qui avait été escompté, avec l'émergence de nombreuses guérillas communistes et l'avènement du castrisme à Cuba.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Nous sommes dans les années 50 au Guatemala. le coeur du roman tourne autour de l'éviction du Président Jacobo Arbenz Guzman, à l'assassinat de son successeur, Tête de hache, Carlos Castillo Armas.
Tout autour, les manigances de la United Fruit Company dont le chef des relations publiques a l'idée « géniale » de faire passer Arbenz pour un communiste à la botte de l'URSS. Il est vrai qu'avec son projet de réforme agraire visant à attribuer à chacun un lopin de terre, son idée de faire payer des impôts aux grandes sociétés étrangères et aux grands propriétaires terriens, le kolkhoze n'est pas loin… Et quand la CIA en plein délire maccarthyste s'en mêle.
Enfin, il faut ajouter les rancoeurs du Généralissime Trujillo et son homme de main et âme damnée Johnny Abbes Garcia.
Si j'ai été intéressée par cette page d'histoire, moi qui connais très mal cette région du monde, je dois avouer que j'ai eu bien du mal à entrer dans le roman.
Tant et si bien qu'après 80 pages environ, j'ai posé le bouquin quelques jours et l'ai repris du début tant j'étais perdue dans la somme d'informations livrées en bloc à l'ouverture. Finalement, une fois passée cette difficulté, le livre a glissé tout seul.
Néanmoins, je reste dubitative sur mon impression globale. L'ensemble m'a semblé décousu, les chapitres passant d'un personnage à l'autre sans approfondissement. de plus, j'ai trouvé que MVL accordait une grande importance à des personnages qui m'ont semblé secondaires comme Enrique Diaz. de même pour la fameuse Miss Guatemala à laquelle la 4ème de couv. attribue trop d'importance.
Enfin, je me suis demandée ce que j'aurais compris de toute cette histoire si je n'avais pas lu précédemment « La fête du bouc ». Quid de Trujillo , quid de Johnny Abbes ?
La conclusion et l'enjeu du récit sont livrés par MVL lui-même à la fin du livre. Et si les Etats Unis n'étaient pas intervenus au Guatemala ? S'ils avaient laissé Arbenz mener sa réforme ? Combien de révolutions, de coups d'Etat, d'assassinats, de vie épargnés ?
J'aurais pu le déduire moi-même.
Reste la plume de Mario Vargas Llosa....
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« Cette nuit-là, dans sa maison de Pomona, le président Arbenz dit à sa femme, Maria Vilanova :
- Les Etats-Unis nous ont envoyé un chimpanzé comme ambassadeur.
- Et pourquoi pas ? rétorqua-t-elle. Ne sommes-nous pas pour les gringos une sorte de zoo? » (Mario Vargas Llosa, Temps sauvages, Gallimard, 2021, p.252)
Tout le monde se souvient de Salvador Allende et de l'odieux coup d'Etat de Pinochet, mais qui garde mémoire de Jacobo Àrdenz et de la manière dont les Etats-Unis s'en débarrassèrent une vingtaine d'années auparavant au Guatemala ? Comme une répétition de tous les mauvais coups qu'ils allaient se permettre pendant des décennies dans ce sous-continent qu'ils considéraient comme leur chasse gardée ?
Et si les événements des soixante-dix dernières années en Amérique latine trouvaient pour beaucoup leur origine dans une énorme « fake news » (à l'époque, évidemment, on n'aurait pas utilisé ces termes, on aurait simplement parlé d'un mensonge de propagande), la prétendue adhésion au communisme du gouvernement de Jacobo Àrbenz, arrivé légitimement au pouvoir au début des années cinquante au Guatemala, et sa non moins supposée allégeance à l'Union soviétique ? Si la montée en puissance des dictatures militaires dans les années soixante, l'extension des mouvements de guérillas ou des groupuscules paramilitaires, dont certains survivent encore aujourd'hui, la dérive de la Cuba castriste vers un régime autoritaire, les guerres civiles au Nicaragua ou au Salvador, et même simplement, débordant la seule sphère des combats politiques, la violence exacerbée, le règne de la loi de la jungle, qui semblent être encore l'apanage de tout le continent, d'Ushuaïa à Tijuana, si nombre de ces évolutions avaient été inaugurées par cette première grosse démonstration d'ingérence ? C'est un peu la morale que Mario Vargas Llosa tire à la fin du formidable récit qu'il fait, dans ce dernier roman, de ces événements du Guatemala, et de la rencontre qu'il relate, dans les dernières pages, avec l'une de leurs protagonistes, Marta Borrero Parra, « Miss Guatemala » (un surnom plus qu'un titre réel)+… Au début du texte, l'écrivain péruvien montre comment Edward L. Bernays, l'auteur de Propaganda, un manuel de manipulation en matière de communication encore utilisé aujourd'hui dans les meilleures écoles de publicité, se met au service de la United Fruit - géant américain de la production et du commerce des fruits (en particulier la banane, objet, alors, d'un nouvel engouement mondial !), exploitant les paysans dans toute l'Amérique latine, sans pour autant payer d'impôts (tiens, tiens, ça ne vous évoque rien aujourd'hui ?) dans les pays où l'entreprise est installée – pour trouver une parade aux projets politiques qui la menacent, en particulier la réforme agraire annoncée par le nouveau président guatémaltèque, Jacobo Àrbenz. Bernays, pour l'intelligence machiavélique
duquel Vargas Llosa cultive une certaine admiration , réussit à imposer au gouvernement des Etats-Unis et, surtout, aux principaux titres de la presse américaine, la fiction d'un gouvernement guatémaltèque poste avancé de l'Union soviétique en Amérique centrale, l'imaginaire adhésion d'Àrbenz et de son équipe aux idées communistes, quand le nouveau président était essentiellement un démocrate libéral séduit par un socialisme modéré, davantage soucieux du bien-être de son peuple, et, en particulier, de la communauté indienne, que ces prédécesseurs. L'opération de déstabilisation, ourdie conjointement par le gouvernement américain, la CIA, les nervis de la United Fruit, et leurs hommes de paille dans l'armée guatémaltèque, se met dès lors en branle. Tout l'art de Mario Vargas Llosa, conteur roué à la langue souvent truculente, consiste à transformer cette tranche d'histoire en un véritable thriller politique, dont les héros, humains trop humains, sont souvent, derrière les positions honorables et les habits officiels, de pauvres hères… Ces Temps sauvages, c'est un peu l'Arturo Ui de Brecht, rejoué dans le kitsch baroque d'une capitale coloniale ! le général putschiste Carlos Castillo Armas (dit « Caca »…), Johnny Abbes Garcia, le chef de sécurité, l'homme de tous les coups bas, l'ambassadeur américain Peurifoy, cheville ouvrière de l'opération (surnommé le boucher d'Athènes pour le rôle qu'il venait de jouer dans la prise du pouvoir par les Colonels en Grèce), brute sans âme ni conscience, sont quelques-uns des protagonistes un peu minables d'un drame dont les ressorts sont parfois moins politiques qu'émotionnels, affaires de désir, de jalousie ou de rancoeur. Trujillo, dictateur sanguinaire de Saint-Domingue et inoubliable personnage principal d'un précédent roman de Vargas Llosa, revient également ici pour jouer sa partition personnelle, compliquer un peu plus la manoeuvre américaine. Seuls Jacobo Àrbenz, sa femme Maria Vilanova, et son prédécesseur à la présidence, Juan José Arevalo, semblent montrer un semblant d'intégrité, de décence et de sagesse (ou de naïveté ?) politique au milieu de ce panier de crabes… mais ce ne sont pas les plus choyés par l'auteur, qui dévoile depuis longtemps un goût certain pour les génies du Mal (Ah, ce Celte, aussi, d'un roman précédent, quel bon souvenir !), et le fait amplement partager au lecteur. Et puis, comme une sorcière agissant entre l'ombre et la lumière, tout au long du roman, usant de ses charmes autant que de sa vivacité d'esprit, la belle Marta, « Martita », amante tour à tour des uns et des autres, mène la danse, égérie tirant souvent les pires des ficelles, ...mais l'auteur n'est pas le dernier qu'elle séduit, cet écrivain qui a toujours su magnifier l'amour, dans tous ses états ! Oui, tout cela, c'est vrai, ressemble à une farce… Mais quand c'est juste pour le génial Vargas Llosa, comme ça l'était pour Shakespeare en son temps, la meilleure manière de rendre à L Histoire tout son sens, alors n'en boudons ni la leçon, ni notre immense plaisir de lecture !
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Guatemala, 1954 : le président Árbenz est renversé par un coup d'État fomenté par la CIA sous prétexte de « communisme ». Il était insupportable pour les États-Unis qu'un tel régime s'installe dans leur arrière-cour. C'est le fil rouge du roman.
Vargas Llosa ne se limite pas à une lecture des événements. Il dresse toute une série de portraits passionnante : des politiciens véreux qui exploitent le pays, des militaires demeurés, vrais butors ne connaissant que la force et la violence, des dictateurs psychopathes, une reine de beauté abonnée à des coucheries intéressées, des aventuriers obsédés sexuels, des espions sans scrupules et, subissant tout cela, un pauvre peuple bien inoffensif. Derrière la CIA c'est l'United Fruit, compagnie américaine voyant sa position remise en cause, qui fomenta le coup d'État.
La thèse de Vargas Llosa est que les États-Unis firent une erreur colossale en intervenant et en supportant ce coup d'État : le régime d'Árbenz n'avait rien de communiste, même s'il procéda à une redistribution des terres. Ce régime était foncièrement démocratique. L'intervention américaine eut l'effet inverse : elle provoqua une radicalisation des oppositions en Amérique latine, qui dans un cas au moins aboutit justement à l'instauration d'un régime communiste : Cuba. Vargas Llosa raisonne ici en libéral, le raisonnement peut se discuter. L'avenir a montré (Chili, 1973) que les États-Unis préfèrent toujours une dictature à un régime démocratique remettant en cause les avantages et les positions dominantes des entreprises capitalistes américaines.
A qui s'intéresse à l'Amérique latine, ce livre est passionnant. L'auteur brise la chronologie, mais il est facile de replacer les éléments du puzzle. Farce tragique, le récit est mené d'une belle plume, agile, efficace et parfois verte.
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critiques presse (1)
Elle
09 janvier 2022
Alors qu'il vient d'être élu à l'Académie française, Mario Vargas Llosa conte avec superbe le destin romanesque d'une héroïne de la guerre froide en Amérique centrale.
Lire la critique sur le site : Elle
Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
On ne sut jamais le nombre des victimes, mais elles furent des centaines, peut-être des milliers, des gens ordinaires, des paysans sans nom, sans histoire, à qui la distribution des lots de terres nationalisées était apparue comme un cadeau tombé du ciel et qui, quand on dérogea à la loi sur la réforme agraire et qu'on les obligea à rendre les domaines dont ils se croyaient déjà propriétaires, restèrent abasourdis. Certains se soumirent, mais d'autres les défendirent bec et ongles, se faisant torturer et tuer ou restant de longues années au trou sans rien comprendre de ces étranges mutations dont ils étaient d'abord les bénéficiaires puis, au bout de deux ou trois ans, les victimes.
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Cette fantastique distorsion de la réalité, cette conversion des faits réels et concrets en mythe, en fiction, était-elle de l'Histoire ? C'était ça l'Histoire que nous lisions et que nous étudiions ? Les héros que nous admirions ? Un amalgame de mensonges transformés en vérités par de gigantesques conspirations de puissants contre les pauvres diables comme lui et comme Face de hache ? Les clowns de ce cirque étaient les héros que les peuples révéraient ? Il ressentait comme un vertige et il lui semblait que sa tête allait exploser.
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Tout compte fait, l'intervention américaine au Guatemala a retardé la démocratisation du continent pour des dizaines d'années et a provoqué des milliers de morts en contribuant à populariser le mythe de la révolution armée et le socialisme dans toute l’Amérique latine. Les jeunes d'au moins trois générations tuèrent et se firent tuer pour un autre rêve impossible, plus radical et tragique encore que celui de Jacob Arbenz.
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A peine entré, je me sens déconcerté par l'épouvantable pépiement des oiseaux. Ils sont dans des cages et leur vacarme agrémentera ma conversation d'au moins deux heures avec l'ancienne miss Guatemala (qui ne le fut jamais). J'avoue que je suis un peu nerveux. Cela fait deux ans que j'imagine cette femme, que je l'invente, que je lui attribue toutes sortes d'aventures, que je la défigure pour que personne - ni même elle - ne la reconnaisse dans mon affabulation. Je m'attendais à beaucoup de choses, sauf à cette volière bruyante et gigantesque. Il y a des canaris africains, des pigeons ramiers, des perruches, des cacatoès, des aras et d'autres espèces variées que je suis incapable d'identifier. Une sorte d'«horreur du vide» a fait que tout est occupé, qu'il ne reste aucun espace libre. On ne peut se déplacer dans la maison de Marta sans faire tomber un pot avec des plantes grandes ou petites qui s'amoncellent partout par dizaines ou par centaines. Les statues, bustes et figures religieuses — bouddhas, christs, vierges et saints - alternent avec momies et catafalques égyptiens, photos, tableaux et hommages à des dictateurs latino-américains comme le généralissime Trujillo ou Carlos Castillo Armas. Ce dernier fut le « grand amour de sa vie», m'avouera-t-elle un peu plus tard, et tout un mur lui est dédié avec une photographie géante et une lampe votive à sa mémoire qui flambe jour et nuit et qui doit être elle aussi en plastique, comme la vertigineuse quantité de fleurs - rosés, glaïeuls, œillets, mimosas, orchidées, tulipes, géraniums —Jouets et souvenirs de voyage des endroits du monde où Marta Borrero Parra a un jour posé le pied. À en juger par ce que je vois, elle a dû faire plusieurs fois le tour du monde. [p. 366-367]
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Cette nuit-là, dans sa maison de Pomona, le président Arbenz dit à sa femme, Maria Vilanova :
- Les Etats-Unis nous ont envoyé un chimpanzé comme ambassadeur.
- Et pourquoi pas ? rétorqua-t-elle. Ne sommes-nous pas pour les gringos une sorte de zoo?
(p.252)
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