XIXième siècle, en Suède, Hans Bengler, abandonnant ses études universitaires et toutes prétentions de carrière médicale, se tourne vers l'entomologie. Les insectes pullulent et il y doit bien en exister un qui ne soit pas encore répertorié, un qui pourrait le rendre célèbre. Et surtout riche.
Décidé à réaliser son rêve, après quelques tergiversations, son choix s'arrête sur le désert de Kalahari, région encore peu connue et mal documentée. Qu'importe tout cela, il finance son expédition en revendant l'argenterie familiale, une avance sur le maigre héritage que son vieux père syphilitique n'a pas encore dilapidé.
Après une interminable traversée, le voilà au Cap, symbole de sa future renommée. Face à l'étonnement et l'incompréhension que suscite sa démarche auprès de ses compatriotes, il s'entête, finit par dénicher son insecte et un petit garçon, enfermé dans une cage, le seul rescapé d'une chasse à l'homme. Sa collection terminée, il rentre avec Daniel, son fils adoptif à qui il souhaite offrir une meilleure existence, une vie plus civilisée loin de la barbarie.
Le retour au pays ne se passe pas comme prévu. Inquiet et redoutant la pauvreté, il s'engage à donner une série de conférences dans tout le pays, exposant ses insectes et Daniel. Lors d'une représentation, il rencontre Ina Myrén, célibataire, modiste, correspondante pour un grand quotidien national. L'entrevue tourne court et force Hans Bengler à fuir la justice de son pays. Dans sa cavale, il abandonne Daniel aux bons soins d'un couple de fermiers contre un rémunération puis disparaît.
Daniel/Molo, enfant silencieux, brutalement arraché à sa terre, se tourne vers son monde intérieur, s'envole vers un monde peuplé de souvenirs d'antan, de rêves tout en s'efforçant de plaire à Père qu'il devine angoissé et craintif. Enfant docile, respectueux des règles sociales, reconnaissant des bienfaits qu'on lui prodigue, il n'en décide pas moins d'apprendre à marcher sur l'eau; il doit rejoindre le désert, continuer l'oeuvre de Kiko (son père), se rapprocher de Be ( sa mère). Objet de surprises ou de répulsions, mutique, mû par le besoin impérieux de retourner chez lui, guidé par ses rêves, trouvera-t-il en Sanna, une jeune simple d'esprit, l'alliée indispensable pour le stratagème qu'il élabore, toutes les nuits, sur cette terre si loin de la mer?
Le couple père/fils dans ce livre rappelle celui de
David Vann dans
Sukkwan Island. S'il est facile de détester celui de
David Vann, celui de
Henning Mankell est à notre image, un être très politiquement correct au final. Hans Bengler, produit d'une certaine éducation/instruction, digne représentant d'une certaine société, infatué par l'idée qu'il se fait de lui-même est incapable de comprendre que son action est non seulement stupide mais dangereuse. Aucune empathie pour autrui, totalement égoïste et égocentrique, sans réelle épaisseur, il agit par sensiblerie jamais par sensibilité. Son ignorance crasse de la nature humaine, sa vanité le poussent à agir en dépit du bon sens. Sa lâcheté naturelle ne l'aide pas. Difficile de lui trouver des excuses quand l'auteur s'acharne à le démolir car même aux yeux d'êtres hautement antipathiques, il parvient à le diminuer, le rendant ridicule, minuscule devant ces hommes qui ont tant vécu, ces hommes qui n'ont plus aucune illusion sur la nature humaine et encore moins sur les bons sentiments de Hans Bengler.
LE FILS DU VENT aborde les thèmes du déracinement, des difficultés d'adaptation en terre étrangère, les différences culturelles impossibles à combler/à réduire, la religion, la peur de l'autre, les balbutiements scientifiques sur le classement des races. le ton dépassionné sert plutôt bien cette histoire. On ne ressent pas cette colère qui est montée en soi à la lecture de
Sukkwan Island.
Henning Mankell se positionne plus comme un historien-philosophe, il dissèque une certaine société pétrie de bonnes intentions, pas forcément méchante mais prisonnière d'un mode de pensée, en la personne de cet entomologiste et se fait l'avocat pour le droit et le respect à vivre le monde différemment. L'écriture m'a plu. Elle est limpide, directe. C'est un très bon conteur. Bonne pioche.