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Isabelle Di Natale (Traducteur)Marie-Brunette Spire (Traducteur)
EAN : 9782862604886
167 pages
Autrement (30/04/1994)
4.25/5   8 notes
Résumé :

On connaît la parabole du riche et du pauvre, on plaint les miséreux. Eh bien, on a tort ! C'est ce que va découvrir le malheureux Grobstock, pilier de synagogue et bienfaiteur des indigents, lorsqu'il rencontre une sorte d'épouvantail enturbanné : le plus redoutable des Schnorrers - ces mendiants intrépides -, Manasseh le magnifique, sublime fléau et pique-assiette exemplaire, Sépharade grand genre et prince des be... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Israël Zangwill nous transporte à la toute fin du XVIIIème siècle à Londres. Pas n'importe où dans Londres, dans le quartier de la grande Synagogue. Vous aurez compris qu'il ne sera question dans ce roman que de la communauté juive, elle, et rien qu'elle. Cependant, cette communauté juive londonienne, était loin d'être monolithique.

Elle se composait à l'époque d'une majorité de Sépharades, arrivés et établis de longue date en Angleterre (si mes informations sont exactes, depuis Cromwell), et d'ashkénazes, numériquement moins nombreux et fraîchement débarqués du continent, mais dont les effectifs croissaient rapidement en fonction des politiques antisémites pratiquées ici ou là en Europe de l'est qui amenaient régulièrement de nouveaux contingents de réfugiés (déjà à l'époque !).

Les Sépharades étaient principalement issus de la Péninsule ibérique et avaient fui, en son temps, l'Inquisition. Ce que nous dépeint Israël Zangwill, et ce qui est assez difficile à se représenter lorsqu'on n'appartient pas à ladite communauté, c'est, à l'époque (je ne sais pas si ce sentiment persiste aujourd'hui) l'idée répandue parmi les Sépharades que les ashkénazes étaient des Juifs de seconde zone, voire, des sous-Juifs.

Ainsi, selon l'auteur, les Sépharades, (en raison probablement de leur établissement plus ancien et donc de la meilleure situation dont ils jouissaient), avaient le sentiment d'appartenir à une sorte de « noblesse » de sang ou d'origine tandis que les ashkénazes, fraîchement arrivés d'Europe de l'est avec des accents impossibles et, le plus souvent, sans le sou, étaient ravalés, au sein de leur propre communauté religieuse, au rang de prolos peu fréquentables.

Aussi comprendrez-vous peut-être mieux que quand l'opulent financier Joseph Grobstock, (un Juif ashkénaze, donc, pour ceux qui ne sont pas familiers des patronymes juifs d'Europe de l'est) s'amuse à distribuer des oboles aux mendiants, le hautement sépharade Manasseh Bueno Barzillaï Azevedo da Costa, du haut de son mépris pour les ashkénazes prend la chose plutôt mal.

Or, ce Manasseh da Costa n'est pas n'importe qui. C'est un Schnorrer. Qu'est-ce qu'un Schnorrer, me direz-vous ? C'est le terme utilisé par la communauté pour désigner ceux qui refusent de travailler (activité indigne pour un véritable partisan de Dieu) et qui ne vivent que de leur connaissance de la Torah et du Talmud auprès des Juifs qui fréquentent la synagogue et qui leur permettent de vivre via la charité qu'ils leur octroient.

Mais, même parmi les Schnorrers, Manasseh da Costa n'est pas n'importe qui. C'est LE Schnorrer, le ROI des Schnorrers. Pas un ne lui arrive à la cheville en matière de sophisme et c'est un redoutable adversaire pour quiconque déciderait de ne lui rien laisser. Il a l'art de tirer sur toutes les ficelles de la sensibilité, de l'empathie, du qu'en-dira-t-on et d'autres procédés rhétoriques pour donner mauvaise conscience à son interlocuteur et l'obliger à casquer quoi qu'il arrive.

Un front, un toupet hors du commun, une gouaille de tribun inimitable, un talent d'avocat qui ferait fureur au barreau et une volonté de ne jamais lâcher une proie avant qu'elle n'ait versé jusqu'à son dernier shilling. Bref, c'est pétillant, pétulant, postillonnant, c'est roublard, c'est picaresque, c'est parfois drôle mais… ça ne m'a pas plu plus que ça.

J'avais entendu dire que c'était tordant de bout en bout… ouais, bof. Hormis quelques passages vraiment amusants, on ne peut pas non plus dire que je me sois fait des crampes à rire. On m'avait vendu cela pour la perle de « l'humour juif » (et de « l'humour anglais » combiné). Ouais, bof, si c'est ça l'humour juif et l'humour anglais, ça ne vaut pas un vulgaire humour bâtard bien senti. (*voir le Post Scriptum plus bas)

Il est vrai qu'il y a sans doute dans ce Manasseh da Costa, quelque chose du Mangeclous d'Albert Cohen. Cependant, je trouve Mangeclous franchement plus drôle. Mais je m'aperçois que par cette digression je m'égare un peu du synopsis du livre. Ce fameux Schnorrer, donc, est père d'une très belle jeune fille à marier.

De sorte que nombreux sont ceux autour de la synagogue qui ont déjà essayé de soudoyer da Costa pour obtenir sa fille en mariage. Mais voilà : le roi des Schorrers ne saurait laisser sa fille à n'importe qui. Seul un Schnorrer, et un Schnorrer de grande classe, peut trouver grâce à ses yeux schnorresques.

Et c'est là qu'intervient un certain Yankélé, alias Yaakov ben Yitzhok. Mais le petit est ashkénaze, donc il commence mal dans la vie. Il a un accent de tous les diables, il n'est pas spécialement bâti comme une force de la nature mais il semble présenter quelques dispositions pour le « schnorrage intensif ».

Je vous laisse savourer les situations cocasses et la mise à l'épreuve qu'organisera da Costa pour vérifier si, oui ou non, Yankélé est un Schnorrer suffisamment fréquentable pour sa fille. D'après moi, un livre très communautaire (trop communautaire) qui soulève quelques questions intéressantes sur l'identité juive et sur la place qui leur fut faire en Angleterre dans les siècles passés. Il se laisse lire sans déplaisir mais sans non plus un enthousiasme débordant.

Ceci étant, ce n'est là qu'un Schnorrer d'avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.

P. S. : Je me questionne toujours beaucoup sur ces appellations toutes plus bidons les unes que les autres et qui consistent à presque faire breveter telle ou telle forme d'humour. L'humour est l'humour, point à la ligne. L'humour juif aurait quelque chose de spécial ? L'humour anglais aussi ? Mais alors, Israël Zangwill, en sa qualité de Juif anglais fait-il de l'humour juif ou de l'humour anglais ? Épineuse question, isn't it ?

Sachant que Zangwill est ashkénaze, fait-il de l'humour juif ashkénaze ? Car j'imagine qu'il doit bien se trouver deux ou trois exégètes pour nous expliquer en quoi, par essence, l'humour ashkénaze est radicalement différent de l'humour sépharade. de plus, Zangwill est issu de la communauté ashkénaze russe qui pratique un humour qu'on ne saurait confondre avec l'humour ashkénaze allemand. Bref, vous voyez bien que ce sont des âneries tout ça.

Essayez donc de me définir avec des critères précis l'humour juif ou l'humour anglais et là, on va rire, car vous n'y parviendrez jamais. L'humour est quelque chose de beaucoup trop volatil, de beaucoup trop subtil pour se laisser enfermer dans une quelconque nation ou une quelconque communauté. L'humour juif, est-ce la forme d'humour destinée à rire des excès de la communauté juive et pratiquée par les Juifs eux-mêmes ? Alors qu'a-t-il de spécial par rapport à n'importe quel humour régional ? N'est-ce pas la forme d'humour pratiquée par Mohamed Fellag ?

En ma qualité de normande, petite, j'entendais mon père écouter Victor Vivier, un humoriste normand assez peu connu en dehors de la Normandie (et encore) et qui jouait à fond sur les travers locaux. Victor Vivier faisait-il de l'humour normand sans le savoir comme un certain Monsieur Jourdain qui oeuvrait, lui, dans le domaine de la prose ? Réfléchissons et rendons-nous compte qu'on ne gagne rien à segmenter, à étiqueter, à enfermer dans des boîtes hermétiques des choses qui, par nature, n'ont pas vocation à l'être. Vive l'humour apatride ! Vive l'humour simplement humain !

Car l'humour, qu'est-ce dans le fond ? Simplement la perception d'un décalage. Et quel décalage ? le décalage entre la situation attendue et la situation effectivement réalisée. Par exemple, donnez une craie à un enfant dans une classe et envoyez-le au tableau. Il écrit, tout va bien, si par malheur la craie se casse, tous les autres sont morts de rire. Donc, oui, je veux bien qu'il y ait des différences entre les gens, mais uniquement du fait de leurs références et des choses qu'ils peuvent attendre de telle ou telle situation. D'où le cas archi classique d'une situation qui va faire rire certains et pas les autres, même au sein d'une même communauté. Tout simplement car n'ayant pas tous les mêmes références, ils n'ont pas tous les mêmes attendus, et ne perçoivent donc pas tous les décalages au temps t.
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Ne sachant pas grand chose au sujet des juifs d'Angleterre à part la figure politique de Disraéli et  le roman de George Eliot, Daniel Deronda, j'ouvre un ouvrage du Britannique Israël Zangwill,.dont j'ai lu le Grand Mystère du Bow, considéré comme le premier roman policier « en chambre close » (1891).
En 1894, paraît son Roi des Schnorrers, court roman devenu l'un des classiques de l'humour juif, qui narre la rencontre explosive entre Grobstock le prospère et Manasseh le mendiant flamboyant. L'homme riche donne souvent aux pauvres, heureux d'accomplir sa mitsva, mais l'indigent qui se trouve ce jour-là devant lui va bouleverser sa vie. Car Manasseh n'est pas un pauvre Lazare couvert d'ulcères qui ramasse les miettes qui tombent, il est une sorte de prince crasseux et enturbanné doté d'une arme redoutable, l'art de la dialectique.

La particularité de cette histoire saute rapidement aux yeux du lecteur: Zangwill l'ancre à Londres et donne un visage bien singulier à son schnorrer , à son mendiant, sale, pauvre, et doté d'une bonne dose de chutzpah , de culot. Car nous ne sommes pas dans un shtetl ,dans le monde du Yiddishland, comme dans les histoires signées Sholem Aleikem, mais en Angleterre, et son héros se nomme Manasseh Bueno Barzilai Azevedo da Costa. le schnorrer est un talmudiste séfarade descendant des juifs expulsés d'Espagne et du Portugal et installés en Angleterre depuis des siècles.
Tout mendiant qu'il est, Manasseh tient à ce titre de noblesse, qu'il ne tarde pas à assener à la tête du prospère Joseph Grobstock, directeur de la Compagnie des Indes, philanthrope et trésorier de la Grande Synagogue.
« – Remerciez-moi plutôt en votre nom, dit Grobstock, ou plutôt, dites-le moi.
– Je suis Manasseh Bueno Barzillaï Azevedo da Costa, répondit-il simplement.
– Un sépharade ! s'écria le philanthrope.
– N'est-ce pas écrit sur mon visage, de même qu'il est écrit sur le vôtre que vous êtes un tedesco ? C'est la première fois que j'accepte de l'or d'un des descendants de votre lignée. »

Manasseh a deux particularités, il est le père d'une belle jeune fille convoitée et il traîne dans son sillage, un autre schnorrer qu'il forme à son art, Yankelé ben Yitzchok , un Polonais arrivé récemment en Angleterre.
Telle la tunique de Nessus, image magnifiquement choisie par le romancier, le mendiant va coller à la peau de Grobstock,, ainsi qu'à celle des membres du conseil de la communauté, tous séfarades et désireux de faire rentrer l'incontrôlable Manasseh dans le rang.
Mendiant et orgueilleux comme chez Cossery, pique-assiette, bretteur redoutable car à la fin de l'envoi il touche, infaillible, ce dernier est prêt à passer le flambeau et à faire de son Lazarillo de Tormes, Yankelé, le pauvre Polonais, le roi des schnorrers.

Le livre est une immersion dans la vie des juifs britanniques dans quelques quartiers de Londres, où les différences entre Portugais et Tedescos sont très marquées: « Vous êtes les immigrés d'hier, naufragés des ghettos de Russie, de Pologne et d'Allemagne. Mais nous autres, vous le savez fort bien, sommes établis ici depuis des générations. Dans la péninsule ibérique nos ancêtres ont été l'ornement de la cour des rois et les conseillers financiers des princes. En Hollande, nous tenions le commerce. Nous avons été les savants et les poètes d'Israël. Vous ne pouvez prétendre à ce que nous nous commettions avec votre canaille, qui nous compromet aux yeux de l'Angleterre. »
Mais c'est surtout un festival éblouissant de rhétorique et d'éloquence, dans lequel Da Costa est le roi des sans-gêne, le virtuose de l'intimidation, le prince de l'incruste qui renverse l'ordre établi. Si grâce à lui, les riches se sentent heureux d'être riches en plaisant à Dieu par leur générosité, ils prennent aussi conscience de leurs faiblesses, de leur fragilité et réalisent que le gueux flamboyant mène une vie heureuse en dépit (ou grâce) à son dénuement.
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LE ROI DES SCHNORRERS d' ISRAËL ZANGWILL
Londres, il y a longtemps, on est autour de la grande synagogue en plein quartier juif. Vivent ici des sépharades, originaires majoritairement d'Espagne et des ashkénazes d'Europe de l'Est, arrivés pauvres et méprisés par ces sépharades. Autour de la synagogue Grobstock, un financier vient régulièrement distribuer des aumônes aux indigents, mais ce jour là il va se heurter à Bueno Barzilaï Azevedo Da Costa dit Manasseh! Et ce Manasseh est un sépharade, doublé d'un Schnorrer et pas n'importe lequel, c'est le roi des SCHNORRERS! Il refuse de travailler et vit de ses connaissances talmudiques. Et c'est un expert en la matiere et argumenter avec lui est peine perdue. On va donc suivre quelques journées du SCHNORRER, ses méthodes pour soutirer de l'argent aux riches et c'est particulièrement jouissif.
C'est un livre entièrement centré sur cette communauté juive de Londres, c'est un bonheur de lire ces aventures pleines d'humour mais qui représentent une réalité de ceux pour lesquels travailler est indigne si l'on est un véritable croyant.
Israël ZANGWILL est né à Londres en 1864, mort en 1926, il a écrit une dizaine de romans.
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Ce n'est pas de l'humour
c'est de l'auto dérision.

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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
— Alors tu comptes supprimer toute ma ribrique d'anniversaires ?
— D'anniversaires ? Qu'est-ce que c'est ?
— Commont ? Tu né sais pas ? Quond un homme a un anniversaire, il sé sont charitable cé jour-là.
— Tu veux dire lorsqu'il commémore l'anniversaire de la mort d'un parent ? Nous, les sépharades, nous appelons cela " faire des années ". Mais y a-t-il un nombre suffisant de jours anniversaires, comme vous dites, dans votre communauté ?
— Il pourrait y on avoir pliss, jé né gagne que quinze livres onviron. Comme tu dis, notre colonie est trop réçonte. Lé cimétière dé Globe Road est aussi vide qu'une synagogue un jour dé sémaine. Les pères ont laissé leur père sur le continont, alors ils privent lé pays dé beaucoup dé jours anniversaires. Mais dons quelqués années, des pères et des mères mourront ici et chacun laissera deux ou trois fils pour célébrer l'anniversaire et chaque onfont deux ou trois frères et un père. Et pvis, chaque jour, d énouveaux Jvifs allemonds débarquent ici, c'est-à-dire dé pliss on pliss qui vont mourir. On vérité, jé ponse qu'il sérait juste dé doubler cette somme.
— Non, non, des faits. Il serait inique de spéculer sur les malheurs de nos semblables.
— Il faut bien que quelqu'un meure afin que jé pvisse vivre, répliqua Yankélé, malicieux : c'est dons l'ordre des choses. Tu n'as pas dit : « La Charité délivre dé la Mort » ? SI les geons vivaient éternellement, les Schnorrers ils pourraient plus vivre du tout.
— Chut ! Le monde ne saurait exister sans Schnorrers. Comme il est écrit : « Et le repentir, et la prière et la charité conjurent le décret fatal. » La charité est citée en dernier : c'est le summum, la chose la plus grande de ce monde. Et le Schnorreur est l'homme le plus grand en ce monde car il est dit dans le Talmud : « Celui qui suscite est plus grand que celui qui agit. » Par conséquent, le Scnorrer, qui suscite la charité, est plus grand que celui qui la fait.

Chapitre 3.
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— J'ai toujours été profondément convaincu qu'il fallait rendre visite aux riches dans leur demeure et je déplore que cette note personnelle, ce contact avec ceux à qui tu offres l'occasion d'accomplir de bonnes actions soit remplacé par des circulaires sans âme. Nous devons à notre rang de permettre aux classes aisées de faire la charité du fond de leur cœur, nous n'avons pas le droit de les négliger, de les contraindre à libeller des lettres de crédit, le cœur sec, ni de les priver de cette chaleur humaine qui naît de la relation personnelle — comme il est écrit, " la Charité délivre de la Mort ". Penses-tu qu'une aumône accordée par l'intermédiaire d'un secrétaire et publiée dans des rapports annuels ait un pouvoir rédempteur égal à l'aumône glissée discrètement dans la main du pauvre, qui met un point d'honneur à ne pas révéler à son donateur ce qu'il a obtenu des autres ?

Chapitre 3.
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— Eh, vous là-bas !
— Qué voulez-vous ?
— Il est où, vot' billet ?
— J'ai pas bésoin dé billet.
— Ah ouais ? Moi, si, rétorqua le préposé, en veine de plaisanterie.
— M. da Costa m'a donné une siège dons sa loge.
— Oh, vraiment ? Vous en deriez serment à la barré ?
— Voï ! Sur ma tête.
— Une siège dans sa loge ?
— Voï.
— C'est bien M. da Costa qu'vous dites ?
— Voï.
— Bon ! Alors, par ici.
Et l'humoriste lui montra la rue.
Yankélé ne bougea pas.
— Par ici, mon gars ! répéta le joyeux luron d'un ton sans appel.
— Pvisque jé vous dis que jé vais dons la loge dé M. da Costa.
— Et moi yé vous dis d'aller voir dans lé rouissau si j'y souis !
Et saisissant Yankélé par la peau du cou, il s'aida du genou pour le pousser au-dehors.

Chapitre 3.
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— Alors, que faire ?
— Jé peux attondre la fin du déjeuner, dit Yankélé avec une aimable nonchalance. Jé né dors pas, moi.
Avant que le rabbin ait pu répondre, sa femme entra avec un rôti qu'elle déposa sur la table. Son mari lui lança un regard incendiaire mais, ponctuelle comme une horloge et tout aussi inconsciente, elle ajouta une bouteille noire, remplie de schnaps. C'était à son mari de se débarrasser de Yankélé ; son affaire à elle était d'apporter le repas. SI elle avait pris du retard, il lui en eût tenu rigueur. Non seulement elle était épouse mais aussi bonne à tout faire.
Devant l'état avancé des préparatifs, Manasseh da Costa s'installa pendant que Mme Hareng du Remords, sur un coup d'œil de son mari, s'asseyait en bout de table. Pour sa part, le rabbin s'octroya la place d'honneur, derrière le plat. C'était toujours lui qui servait, étant le seul à qui se fier pour jauger ses capacités. Yankélé était resté debout. Le fumet de la viande et des pommes de terre imprégnait l'atmosphère d'une poésie poignante. Soudain, le rabbin leva la tête et eut des intonations charmeuses pour s'adresser à lui :
— Voulez-vous imiter notre exemple ?
Le cœur du Schnorrer sursauta d'un bonheur insensé. Il posa la main sur l'unique chaise vacante et s'empressa, aimable :
— Ma foi, jé veux bien.
— Eh bien, rentrez déjeuner chez vous.

Chapitre 4.
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— Bon Shabbath, monsieur. De quoi s'agit-il ? De votre mariage ?
— C'est une longue histvare et, comme votre excellonte épouse mé dit que votre déjeuner est prêt, jé voudrais pas vous rétarder.
— Je dispose encore de quelques minutes. Que puis-je pour vous ?
Yankélé secoua la tête :
— Il n'est pas qvestion que jé vous retienne dons cé vestibile, on plein couront d'air.
— C'est égal, je ne sens pas de courant d'air.
— Voilà bien lé donger : vous né remarquez rien et un beau jour vous vous retrouvez raide dé rhumatismes, et lé Rémords sur la Conscionce, ajouta Yankélé avec son habituelle étincelle dans le regard. Votre existonce est si précieuse… Si vous mourez, qui c'est qui consoléra la communauté ?
La formule était pour le moins ambiguë mais le rabbin l'interpréta dans son sens le plus flatteur et ses petits yeux rayonnèrent.
— Je vous demanderais bien d'entrer mais j'ai une visite.
— Aucune importonce. Cé que j'ai à vous dire, monsieur lé rabbi, n'est pas dé l'ordre privé. Un étronger peut écouter.

Chapitre 4.
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