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Citations de Erckmann-Chatrian (189)


Après le départ de Bonaparte, durant quelques jours il ne fut question que des affaires du pays, de l’occupation du Haut-Valais par nos troupes, de la nomination de Bernadotte comme ambassadeur en Batavie ; mais tout le monde pensait à la flotte, aux dangers de la mer, à la poursuite des Anglais, qui ne pouvaient manquer de nous livrer bataille. Aucune nouvelle n’arrivait. Ce grand silence, en songeant à tant de mille hommes et de bons citoyens hasardés dans une pareille entreprise, vous serrait le cœur. On parlait des recherches de nos commissaires à Zurich, pour découvrir de nouveaux trésors ; de la sortie des ports de Crimée d’une flotte russe de douze vaisseaux et de quatorze frégates, pour attaquer la nôtre en route ; du blocus par les Anglais de la rade de Flessingue ; de l’arrestation du citoyen Flick, rédacteur de la Gazette du Haut-Rhin, par ordre de Schawembourg, général en chef de notre armée en Suisse, et d’autres choses pareilles, sans grande importance après tous les mouvements, toutes les agitations qui nous tourmentaient depuis si longtemps.
Et de la flotte rien, toujours rien !
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À la vertu de Robespierre et de Saint-Just ! lui dis-je en levant les épaules. Est-ce qu’on peut croire à la vertu des scélé- rats qui ont assassiné Danton parce qu’il était plus grand, plus fort, plus généreux qu’eux tous ensemble ; parce qu’il voulait mettre la liberté et la miséricorde à la place de la guillotine, et que, lui vivant, les dictateurs n’étaient pas possibles ?… Où donc était leur vertu extraordinaire ? Qu’est-ce qu’ils ont donc fait qui les élève tant au-dessus des autres ? Quels dangers ont-ils donc courus de plus que sept ou huit cent mille citoyens partis en sabots à la frontière ? Est-ce qu’ils ont manqué de pain, de feu et de chaussures en hiver, comme nous autres en Vendée ? Non, ils ont fait de longs discours, prononcé des sentences, donné des ordres, proscrit ceux qui gênaient leur ambition, et finalement essayé de se faire nommer dictateurs. Eh bien ! moi je ne veux pas de dictateurs, et j’aime mieux la liberté que la guillotine ; c’est trop commode de tuer ceux qui ne pensent pas comme vous, le dernier brigand peut faire la même chose. C’est pour la liberté que je me suis battu ; pour avoir le droit de dire et d’écrire ce que je pense ; pour avoir des biens à moi, des champs, des prés, des maisons, sans dîmes, sans champart, sans privilèges, quand je les aurai gagnés honnêtement par mon travail ; c’est pour manger mon bien ou pour l’entasser, si cela me convient, sans que des êtres purs, des êtres incorruptibles, tirés à quatre épingles comme des femmes, puissent mettre le nez dedans et me dire : « Tes habits sont trop beaux, tes dîners sont trop bons, tu ne ressembles pas aux Romains, il faut te couper le cou. »
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Lorsque mon père, Nicolas Clavel, bûcheron à Saint-Jeandes-Choux, sur la côte de Saverne, mourut au mois de juin 1837, j’avais neuf ans. Notre voisine, la veuve Rochard, me prit chez elle quinze jours ou trois semaines, et personne ne savait ce que j’allais devenir. La mère Rochard ne pouvait pas me garder ; elle disait que nos meubles, notre lit et le reste ne payeraient pas les cierges de l’enterrement, et que mon père aurait bien fait de m’emmener avec lui. En entendant cela, j’étais effrayé ; je pensais : « Mon Dieu ! qui est-ce qui voudra me prendre ? » Durant ces trois semaines, nous cherchions des myrtilles et des fraises au bois, pour les vendre en ville, et je pouvais bien en ramasser cinq ou six chopines par jour ; mais la saison des myrtilles passe vite, la saison des faînes arrive bien plus tard, en automne, et je n’avais pas encore la force de porter des fagots. Souvent l’idée me venait que j’aurais été bien heureux de mourir. À la fin de ces trois semaines, un matin que nous étions sur notre porte, la mère Rochard me dit : – Tiens, voilà ton cousin Guerlot, le marchand de poisson ; qu’est-ce qu’il vient donc faire dans ce pays ? Et je vis un gros homme trapu, la figure grasse et grêlée, le nez rond, un grand chapeau plat sur les yeux et des guêtres à ses jambes courtes, qui venait.
(Histoire d'un homme du peuple)
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Cela se passait l’an dernier, dans le temps du plébiscite. Le cousin Georges vint d’abord visiter sa maison, avant d’y conduire Marie-Anne. Moi, j’étais maire ; j’avais reçu l’ordre de M. le sous-préfet de faire les publications pour le plébiscite, et d’engager tous les honnêtes gens à voter oui, s’ils voulaient conserver la paix ; parce que tous les gueux allaient voter non, pour avoir la guerre. C’est aussi ce que je fis, engageant tout le monde à venir sans faute, et envoyant le bangard 1 porter les billets de la préfecture, jusque dans les dernières baraques de la montagne. Le cousin Georges arriva la veille du plébiscite. Je le reçus très-bien, comme on reçoit un parent riche, qui n’a pas d’enfants. Il paraissait très-content de nous voir, et dîna chez nous de bonne humeur. Il avait, dans une petite malle en cuir, des habits, des souliers, des chemises, tout ce qu’il lui fallait, et ne manquait de rien. Ce jour-là, tout alla très-bien ; mais le lendemain, entendant les publications du garde champêtre Martin Kopp, il se rendit à la brasserie Reibell, qui fourmillait de monde, et se mit à prêcher contre le plébiscite. J’étais justement à la mairie, avec mon écharpe, à recevoir les billets, quand tout à coup l’adjoint Placiard arriva me dire d’un air d’indignation, que des misérables attaquaient l’ordre ; qu’il s’en trouvait un à la brasserie du Cruchon d’Or, et que la moitié du village allait bien sûr l’assommer. Je descendis aussitôt et je courus à la brasserie, où le cousin traitait tous les autres d’ânes, disant que le plébiscite était pour la guerre ; que l’Empereur, les ministres, les préfets, les généraux et les évêques trompaient le peuple ; et que ces gens jouaient la comédie, pour nous piper notre argent.
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Quand j’étais brigadier forestier à la Steinbach, me dit le père Frédéric, et que j’avais l’inspection du plus beau triage de tout l’arrondissement de Saverne, une jolie maisonnette sous bois, le jardin et le verger derrière, pleins de pommiers, de poiriers et de pruniers où pendaient les fruits en automne ; avec cela quatre bons arpents de prairie le long de la rivière ; que la grand-mère Anne, malgré ses quatre-vingts ans, filait encore derrière le poêle et pouvait rendre des services à la maison ; que ma femme et ma fille surveillaient le ménage, l’étable et la culture de notre bien ; et que les semaines, les mois et les années se passaient dans la tranquillité comme un seul jour… Si dans ce temps-là quelqu’un était venu me dire : – « Tenez, brigadier Frédéric, voyez cette grande vallée d’Alsace jusqu’aux rives du Rhin : ces centaines de villages entourés de récoltes en tous genres, tabac, houblon, garance, chanvre, lin, blé, orge, avoine, où passe le vent comme sur la mer ; ces hautes cheminées de fabriques qui fument dans les airs ; ces moulins et ces scieries ; ces coteaux chargés de vignes ; ces grands bois de hêtres et de sapins, les plus beaux de France pour les constructions de marine ; ces vieux châteaux en ruine depuis des siècles à la cime des montagnes ; ces forteresses de Neuf-Brisach, de Schlestadt, de Phalsbourg, de Bitche, qui défendent les défilés des Vosges… Regardez, brigadier, aussi loin que les yeux d’un homme peuvent s’étendre, des lignes de Wissembourg à Belfort, eh bien, tout cela dans quelques années sera aux Prussiens ; ils seront maîtres de tout ; ils auront garnison partout ; ils lèveront des impôts ; ils enverront des percepteurs, des contrôleurs, des forestiers, des maîtres d’école dans tous les villages ! Et les gens du pays courberont les reins ; ils feront l’exercice dans les rangs allemands, commandés par des feldwebel de l’empereur Guillaume !… » – Si quelqu’un m’avait dit ça, j’aurais cru que cet homme était fou, et même, dans mon indignation, j’aurais
été capable de lui passer un revers de main par la figure.
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Cela dura trois ans. J’étais alors l’un des premiers de l’école ; je savais mon catéchisme, j’avais une belle écriture, je connaissais un peu d’orthographe et les quatre règles. Il était temps de faire ma première communion et d’apprendre un état.
La mère Balais me répétait souvent :
– De mon temps, Jean-Pierre, où le courage et la chance faisaient tout, je t’aurais dit d’attendre tes dix-huit ans et de t’engager ; mais je vois bien aujourd’hui ce qui se passe : la vie militaire n’est plus rien ; on traîne ses guêtres de garnison en garnison, on va quelques années en Afrique pour apprendre à boire de l’absinthe, et puis on revient dans les vétérans.
Emmanuel Dolomieu, le petit Jean-Paul et plusieurs autres de mes camarades étudiaient depuis quelques mois le latin au collège de Phalsbourg, pour devenir juges, avocats, notaires, officiers, etc.
M. Vassereau soutenait que j’avais plus de moyens qu’eux, et que c’était dommage de me laisser en route ; mais à quoi servent les moyens quand on est pauvre ? Il faut gagner sa vie !
Une grande tristesse m’entrait dans le cœur ; mais je ne voulais pas chagriner la mère Balais et je lui cachais mes peines, lorsque vers la fin du printemps il arriva quelque chose d’extraordinaire que je n’oublierai jamais.
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Après cela, chaque père de famille devait au seigneur, dans le cours de l’an, quinze bichets d’avoine, dix poulets, vingt-quatre œufs. Il lui devait pour son compte trois journées de travail, trois pour chacun de ses fils ou domestiques, et trois par cheval ou chariot. Il lui devait de faucher sa prairie autour du château, de faner son foin et de le charroyer à sa grange au premier son de la cloche, à peine de cinq gros d’amende pour chaque défaillance. Il lui devait aussi le transport des pierres et du bois nécessaires aux réparations de la ferme ou du château. Le seigneur le nourrissait d’un croustillon de pain et d’une gousse d’ail par journée de travail.
Voilà ce qu’on appelait la corvée.
Si je parlais encore du four banal, du moulin banal, du pressoir banal, où tout le village était forcé d’aller cuire, moudre ou presser, moyennant une redevance, bien entendu ; si je parlais du bourreau, lequel avait droit à la peau de toute bête morte ; et enfin de la dîme, ce qu’on peut se figurer de pire, puisqu’il fallait donner aux curés la onzième gerbe, alors qu’on nourrissait déjà tant de religieux, moines, chanoines, carmes, capucins et mendiants de tous les ordres ; si je parlais de toutes ces charges, et de mille autres écrasant les populations des campagnes, cela ne finirait pas !
On aurait cru que les seigneurs et les couvents avaient entrepris d’exterminer les malheureux paysans, et qu’ils cherchaient tous les moyens d’y parvenir.
Eh bien, la mesure n’était pas encore pleine !
Tant que notre pays était resté sous la domination des ducs, les droits de Son Altesse, ceux des seigneurs, abbayes, prieurés, couvents d’hommes et de femmes, suffisaient déjà pour nous accabler ; mais après la mort de Stanislas et la réunion de la Lorraine à la France, il fallut ajouter : la taille du roi, – c’est-à-dire que le père de famille devait douze sous par tête d’enfant et autant par domestique ; – la subvention du roi : tant pour les meubles ; – le vingtième du roi, ce qui signifiait le vingtième du produit net de la terre ; mais de la terre du paysan seul, car le seigneur et le clergé ne payaient pas le vingtième ; – puis la ferme sur le sel, sur le tabac, dont le seigneur et les religieux étaient aussi exempts ; et la gabelle du roi, ou droits réunis.
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En 1787, on voyait errer chaque jour, dans les rues du quartier de Hesse-Darmstadt, à Mayence, une grande femme hâve, les joues creuses, les yeux hagards : image effrayante de la folie. – Cette malheureuse, appelée Christine Evig, ancienne matelassière, demeurant dans la ruelle du Petit-Volet, derrière la cathédrale, avait perdu l’esprit à la suite d’un événement épouvantable. Traversant un soir la rue tortueuse des TroisBateaux, sa petite fille à la main, et s’apercevant tout à coup qu’elle venait de lâcher l’enfant depuis une seconde, et qu’elle n’entendait déjà plus le bruit de ses pas, la pauvre femme s’était retournée en criant : – Deubche !... Deubche !... où donc es-tu ? Personne n’avait répondu, et la rue, aussi loin que s’étendaient ses regards, était déserte.
(...)
Mais ce qui donnait au malheur de Christine un caractère vraiment sinistre, c’est que la disparition de sa petite fille avait été comme le signal de plusieurs événements du même genre : une dizaine d’enfants avaient disparu depuis d’une manière surprenante, inexplicable, et plusieurs de ces enfants appartenaient à la haute bourgeoisie. Ces enlèvements s’accomplissaient d’ordinaire à la nuit tombante, lorsque les passants deviennent rares, que chacun regagne sa demeure à la hâte après les affaires. – Un enfant étourdi s’avançait sur le seuil de la maison, sa mère lui criait : « Karl !... Ludwig !... Lotelé !... » absolument comme la pauvre Christine. Point de réponse !... On courait, on appelait, on fouillait le voisinage... C’était fini !
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Nous vivions dans une paix profonde au village d’Anstatt, au milieu des
Vosges allemandes, mon oncle le docteur Jacob Wagner, sa vieille servante Lisbeth et moi.
Depuis la mort de sa soeur Christine, l'oncle Jacob m'avait Recueilli chez lui. J'approchais de mes dix ans ; j'étais blond, rose et frais comme un chérubin. J'avais un bonnet de coton, une petite veste de velours brun, provenant d'une ancienne culotte de mon oncle, des pantalons de toile grise et des sabots garnis au dessus d'un flocon de laine. On m'appelait le petit Fritzel au village, et chaque soir, en rentrant de ses courses, l'oncle jacob me faisait assoir sur ses genoux pour m'apprendre à lire en Français dans l'Histoire naturelle de M. de Buffon.
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Ce fut un grand soulagement pour moi de voir tomber les premières neiges et les bancs se remplir de nouveau. Les cris des enfants le matin, en entrant à la file et tirant leur petit bonnet de laine : « Bonjour, monsieur Florence », me réveillèrent de mes tristes pensées. On se remit à chanter ensemble le B A BA, d’autres idées remplacèrent les anciennes ; et, le soir seulement, en retrouvant ma femme toute rêveuse et les yeux rouges, assise près du berceau de l’enfant, je me rappelais le brave homme qui nous avait tant aimés.
Il fallut des mois pour adoucir notre douleur ; mais sur la terre rien n’est éternel, et le souvenir des honnêtes gens ne vous laisse à la fin que l’espérance de les revoir et de les aimer encore dans un séjour meilleur.
C’est au commencement de cet hiver que Jean et Jacques Rantzau m’envoyèrent leurs enfants : Georges et Louise. Ils avaient à peu près le même âge, de six à sept ans. Louise, la fille de Jean, venait de perdre sa mère, ce qui rendait ma tâche plus grave et plus touchante. Elle était grande, légère, avec de beaux yeux bleus et doux, et des cheveux blonds en abondance. Quand elle allait, dans son petit manteau toujours bien propre, la tête haute, regardant à droite et à gauche, on aurait dit un de ces jolis faons de biche qui traversent quelquefois la vallée aussi vite que le vent. Georges, son cousin, le fils de Jacques, avait le teint pâle et le grand nez crochu des Rantzau, leurs cheveux bruns crépus et leur large menton carré. L’obstination de la famille était peinte dans ses yeux : ce qu’il voulait, il le voulait bien ! mais l’esprit de la cousine lui manquait ; elle avait toujours avec lui le dernier mot, et le regardait par-dessus l’épaule, d’un petit air de hauteur.
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Dès le premier instant, je fus saisi de l’étrange physionomie du seigneur de Nideck, et, malgré toute l’admiration respectueuse que venait de m’inspirer sa fille, je ne pus m’empêcher de me dire : « C’est un vieux loup ! »
En effet, cette tête grise à cheveux ras, renflée derrière les oreilles d’une façon prodigieuse, et singulièrement allongée par la face ; l’étroitesse du front au sommet, sa largeur à la base ; la disposition des paupières, terminées en pointe à la racine du nez, bordées de noir et couvrant imparfaitement le globe de l’œil terne et froid ; la barbe courte et drue s’épanouissant autour des
mâchoires osseuses : tout dans cet homme me fit frémir, et des idées bizarres sur les affinités animales me traversèrent l’esprit.Je dominai mon émotion et je pris le bras du malade : il était sec, nerveux ; la main était petite et ferme.
Au point de vue médical, je constatai un pouls dur, fréquent, fébrile, une exaspération touchant au tétanos. Que faire ?
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Quand toutes vos passions sont éteintes, dit Christian, quand vous êtes revenu des illusions de la gloire et de la fortune, alors naît dans votre cœur une passion étrange, mystérieuse, aux jouissances infinies : l’amour de la pêche à la ligne.
(...)
Lui, tout en marchant, pensait :
« Thérèse aimerait mieux me voir assis au bureau, à lire mon journal... mais le moyen de rester chez soi par un temps pareil... Eh ! eh ! Zacharias, tu ne sens plus tes jambes... Oh ! la verdure... le grand air ! »
(...)
Ayant donc cassé sa croûte de pain et humecté ses lèvres d’une gorgée de Rikevir, il gravit à quinze ou vingt pas au-dessus du sentier, et s’étendit à l’ombre des sapins sur la mousse, les paupières appesanties.
(...)
Il s’éveilla au sifflement d’un oiseau qu’il ne connaissait pas
(...)
Il s’assit pour voir, et concevez sa surprise : le susdit oiseau était une jeune fille de dix-sept à dix-huit ans, fraîche, les joues roses, les lèvres vermeilles, les cheveux bruns flottant en longues tresses, le petit nez retroussé, la jupe courte couleur coquelicot et le casaquin de moire bien serré...
(...)
– Hé ! fit-elle avec un sourire, c’est monsieur Zacharias Seiler !
(...)
– Comment, vous êtes la fille du brave Yéri ?... Ah ! si je le connais... Un bien digne homme... Alors vous êtes la petite Charlotte, dont il me parlait autrefois en m’apportant ses procès verbaux ?
(...)
Que vous dirai-je, mes chers amis ? Maître Seiler passa la soirée chez le garde Yéri Fœrster, oubliant les inquiétudes de Thérèse, sa promesse d’être de retour avant sept heures, ses vieilles habitudes d’ordre et de soumission.
(...)
Au commencement de l’automne, il avait tellement pris l’habitude d’être à la maison forestière, qu’on le trouvait là plus souvent que chez lui, et que le vieux garde, ne sachant à quelle ferveur de pêche attribuer ses visites, se trouvait fort embarrassé de refuser les présents que le digne magistrat, du reste fort à son aise, le suppliait d’accepter en compensation de son hospitalité journalière.
(...)
– Nous serons toujours ensemble, disait-il à Yéri Fœrster... tantôt vous chez moi... tantôt moi chez vous ! La mère Christina vint à son tour, et l’on devisa de choses et d’autres. Charlotte paraissait contente et Zacharias s’imaginait être compris de ces braves gens.
(...)
maître Zacharias (...) dormait de toute son âme(...) une poignée de pois, lancée contre les vitres, l’éveilla en sursaut. (...) Il prêta l’oreille et entendit dehors, au pied du mur, un : « Scit !... scit ! » (...) Après un long silence, une voix douce... tendre... reprit :
– Charlotte... Charlotte... c’est moi !...
(...)
C’était un beau jeune homme, svelte, élancé, l’œil noir bien ouvert, la joue brune, les lèvres vermeilles, couvertes d’une petite moustache, le large feutre à feuille de chêne incliné sur l’oreille.
(...)
– Au nom du ciel, dit-il, ne criez pas ! Je ne suis pas un voleur...j’aime Charlotte !
– Et... elle... elle... fit Zacharias ?
– Elle m’aime aussi... Oh ! vous n’avez rien à craindre si vous êtes un de ses parents... Nous nous sommes fiancés aux fêtes de Kusnacht... Les fiancés du Grinderwald et de l’Entlibach peuvent se visiter la nuit... C’est un usage de
l’Unterwald... Tous les Suisses savent cela !
(...)
– Pauvre... pauvre Zacharias... murmurait le bonhomme, voilà tes illusions envolées !
(...)
– Mon ami, j’aurais une demande à vous faire... Vous connaissez le fils du garde forestier de Grinderwald... n’est-ce pas ?
– Karl Imant... oui, monsieur le juge.
– C’est un fort beau garçon... et je crois... de bonne conduite.
– Je le crois aussi, monsieur Seiler.
– Est-il dans les conditions voulues pour succéder à son père ?
– Oui, il a vingt et un ans... il connaît l’aménagement des coupes... l’essence des bois... il sait lire... écrire... mais cela ne suffit pas... il faudrait des protections.
– Eh bien, maître Yéri, j’ai conservé quelque influence dans l’administration supérieure des eaux et forêts... D’ici quinze jours ou trois semaines, Karl Imant sera garde forestier à Grinderwald... et je vous demande la main de Charlotte pour ce brave et beau garçon.
(...)
Quinze jours après, Karl Imant recevait le brevet de garde forestier en remplacement de son père, à Grinderwald, et huit jours plus tard il épousait la petite Charlotte.
(...)
M. Zacharias Seiler ne put être de la noce, étant indisposé ce jour-là... Depuis, il va rarement à la pêche... et toujours à Brunnen... vers le lac... de l’autre côté de la montagne !
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Les occupations ne me manqueront pas. Ensuite je retournerai tranquillement dans ma maison, me mettre à table avec ma fille Margrédel et mon neveu Kasper ; nous boirons un bon coup après le souper, et Kasper nous réjouira d’un air de clarinette. Au temps des vendanges, je soufrerai mes tonneaux, je surveillerai ma cuvée ; enfin, au lieu de me mêler de ce qui ne me regarde pas, j’aurai soin de veiller à ce qui me regarde. Il ne suffit pas, mes chers amis, de savoir acquérir, il faut encore savoir conserver ; combien de gens, à force de vouloir des honneurs et de la gloire, finissent par se ruiner de fond en comble ! Allons, allons, vous êtes de bons enfants ; vous avez voulu me faire plaisir, je le sais, mais vous avez pris un mauvais moyen. Ma place n’est pas au conseil municipal, elle est dans mes vignes : je ne veux rien être que Conrad Stavolo... et je le suis, par la grâce de Dieu.
Ainsi parla mon oncle, et tout le monde comprit qu’il avait raison.
Or, tout ce qu’il avait dit, il le fit exactement, et non seulement il soigna ses propres vignes, mais il mit encore les miennes en bon état.
Depuis la mort de ma mère, je vivais chez l’oncle Conrad en famille, et, pour vous dire franchement les choses comme elles sont, j’étais amoureux de ma cousine Margrédel : je trouvais ses cheveux blonds, ses joues roses à petites fossettes et ses grands yeux bleus les plus beaux qu’il soit possible de voir. Sa petite toque de taffetas noir, son corset à paillettes d’or et d’argent, sa robe rouge bordée de velours, tout ce qu’elle mettait, me semblait avoir une grâce surprenante, et je me disais : « Dans tout le pays, depuis Münster jusqu’à Saint-Hippolyte, il n’y a pas une jeune fille aussi belle, aussi bien faite, aussi riante, aussi gentille que Margrédel. »
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Aussitôt Lemoine, montant sur sa chaise, cria :
« Les cinq jours de prairie, quinze cents francs, quinze cents francs les cinq jours, à trois cents francs le jour, les cinq jours quinze cents francs !
– Deux mille, dit un juif.
– Deux mille deux cents, dit l’autre.
– Deux mille deux cents », répéta Lemoine.
Les deux juifs un instant allèrent ainsi, montant par cent francs, jusqu’à trois mille. M. Botte me dit à l’oreille :
« Samuel est l’homme de paille de Jean Rantzau et Judas celui de Jacques, la bataille est entre les deux frères. »
Je regardai : Jacques et Jean paraissaient calmes, mais sombres. Cela pouvait durer encore une demi-heure par cinquante francs, car après quatre mille les deux juifs se ralentissaient, n’osant plus monter sans regarder à chaque minute les signes des deux frères, quand tout à coup Jacques eut comme un éclair sur sa figure :
« Quatre mille cinq cents francs ! cria-t-il d’une voix terrible.
– Cinq mille, dit Jean en souriant.
– Six mille, dit Jacques, sans regarder son frère, mais les yeux enfoncés dans la tête et les dents serrées.
– Sept mille », dit Jean.
Alors Jacques poussa un éclat de rire et sortit en fendant la presse, les deux poings dans les poches de sa veste.
« C’est du bien trop cher pour moi », fit-il sur la porte, et il sortit.
Jean, de son côté, dit en passant près de moi, d’un air satisfait :
« C’est un peu cher, mais son grand pré sur la Sarre aurait été trop beau d’une pièce ; j’en voulais ma part et je l’ai. »
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Lorsque maître Jean-Claude eut atteint le bord de la terrasse, plongeant les yeux sur Grandfontaine et Framont à trois mille mètres au-dessous de lui, voici ce qu’il vit :
Les Allemands arrivés la veille au soir, quelques heures après les Cosaques, ayant passé la nuit, au nombre de cinq où six mille dans les granges, les écuries, les hangars, s’agitaient alors comme une vraie fourmilière. Ils sortaient de toutes les portes par files de dix, quinze, vingt, se hâtant de boucler leurs sacs, d’accrocher leurs sabres, de mettre leurs baïonnettes.
D’autres, les cavaliers, – uhlans, Cosaques, hussards, en habits verts, gris, bleus, – galonnés de rouge, de jaune ; en toque de toile cirée, de peau d’agneau, colbacks, casquettes, – sellaient leurs chevaux et roulaient leurs grands carricks à la hâte.
Les officiers, le manteau en écharpe, descendaient les petits escaliers, quelques-uns le nez levé regardant le pays, les autres embrassant les femmes sur le seuil des maisons.
Des trompettes, le poing sur la hanche, le coude en l’air, sonnaient le rappel à tous les coins de rues ; les tambours serraient les cordes de leurs caisses. Bref, dans cet espace grand comme la main, on pouvait voir toutes les attitudes militaires au moment du départ.
Quelques paysans, penchés à leurs fenêtres, regardaient cela ; les femmes se montraient aux lucarnes des greniers. Les aubergistes remplissaient les gourdes, le caporal schlague debout à côté d’eux.
Hullin avait l’œil perçant, rien ne lui échappait ; d’ailleurs il connaissait toutes ces choses depuis de longues années ; mais Lagarmitte, qui n’avait jamais rien vu de pareil, était stupéfait :
« Ils sont beaucoup ! faisait-il en hochant la tête.
– Bah ! qu’est-ce que ça prouve ? dit Hullin. De mon temps, nous en avons exterminé trois armées de cinquante mille de la même race, en six mois ; nous n’étions pas un contre quatre. Tout ce que tu vois là n’aurait pas fait notre déjeuner. Et puis, sois tranquille, nous n’aurons pas besoin de les tuer tous ; ils vont se sauver comme des lièvres. J’ai vu ça ! »
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Les autres riaient, mais Barabino les reprenait, disant :
– Laissez-le tranquille !... Plus tard, je vous en préviens, ce petit-là sera des bons... Il est triste maintenant ; ça peut arriver à tout le monde d’être triste, surtout quand on quitte les bons dîners de la maison, pour entrer au collège de Sâarstadt ; ce n’est pas consolant d’avoir des haricots, des pois et des lentilles, des lentilles, des haricots et des pois sur la planche pour un an, avec de la friture sans beurre, de la salade sans huile et du vin aigre, enfin ce que M. le principal appelle dans ses prospectus « une nourriture saine, abondante et variée !... » Non, ce n’est pas gai du tout, on pourrait se chagriner à moins.
Ainsi parlait le gros Barabino, et les autres ne riaient plus.
Après le souper, en me promenant dans le grand corridor, où les camarades se racontaient joyeusement leurs vacances, j’aurais voulu fondre en larmes.
Enfin la nuit étant venue, la cloche se remit à tinter, et l’on se rassembla pour monter au dortoir. Tous ces pas grimpant quatre à quatre les vieux escaliers du cloître produisaient un bruit de tonnerre.
En haut, je reconnus mon lit à ma petite malle qui se trouvait à côté ; et, m’étant déshabillé, je me glissai dans l’étroite couchette, sans oublier de faire ma prière. La lanterne brillait au pilier du milieu ; M. Wolframm, le maître d’étude, faisait lentement son tour dans la salle, attendant que tous les élèves fussent couchés ; puis il éteignit la lampe et alla se reposer dans sa petite chambre, au coin du dortoir.
M. Rufin, sur le coup de dix heures, au moment où les trompettes sonnaient le couvre-feu à la caserne de cavalerie, passa comme une ombre. La lune brillait par les vitres, calme et silencieuse.
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« Puisque tu veux savoir pourquoi nous avons quitté la France, me dit le vieux Bohémien Bockes, rappelle-toi d’abord la grande caverne du Harberg. Elle est à mi-côte, sous une roche couverte de bruyères, où passe le sentier de Dagsbourg. On l’appelle maintenant le Trou-de-l’Ermite, parce qu’un vieil ermite y demeure. Mais bien des années avant, quand les seigneurs avaient encore des châteaux en Alsace et dans les Vosges, nos gens vivaient dans ce trou de père en fils. Personne ne venait nous troubler, au contraire, on nous faisait du bien ; nos femmes et nos filles allaient dire la bonne aventure jusqu’au fond de la Lorraine, nos hommes jouaient de la musique ; les tout vieux et les toutes vieilles restaient seuls au Harberg, couchés sur des tas de feuilles avec les petits enfants.
« Je te dis, Christian, que nous étions une fourmilière, on ne pouvait pas nous compter. Souvent il rentrait trois et quatre troupes par jour ; le pain, le vin, le lard, le fromage ne manquaient pas, tout venait en abondance.
« Au fond de ce creux, nous avions aussi le grand-père Daniel, blanc comme une chouette qui perd son duvet à force de vieillesse, et tout à fait aveugle. On ne pouvait le réveiller qu’en lui mettant un bon morceau sous le nez ; alors il soupirait, et se redressait un peu le dos contre la roche. Deux autres vieilles ratatinées et chauves lui tenaient compagnie.
« Eh bien, tu le croiras si tu veux, les seigneurs et les grandes dames d’Alsace et de Lorraine n’avaient de confiance que dans l’esprit de ces vieilles. Ils arrivaient à cheval avec leurs domestiques et leurs chasseurs, pour se faire expliquer l’avenir et les amours ; et plus les vieilles radotaient, plus elles bégayaient en rêve, plus ces seigneurs et ces dames avaient l’air de les comprendre et paraissaient contents. »
Bockes se mit à rire tout bas en hochant la tête et vida son verre.
« C’est là, parmi des centaines d’autres, que je suis venu au monde, reprit-il, au moins je le pense. Il est bien possible que ce soit sur un sentier d’Alsace ou des Vosges ; mais ce qui me revient d’abord, c’est notre caverne, nos gens qui rentraient par bandes avec leurs cors, leurs trompettes et leurs cymbales.
« Une chose qui me fait encore plus de plaisir quand j’y pense, ce sont mes premiers voyages sur le dos de ma mère. Elle était jeune, toute brune, et bien contente de m’avoir. Elle me portait dans un vieux châle garni de franges, lié sur son épaule, et je passais la tête dans un pli pour regarder les environs. – Un grand noir, qui jouait du trombone, nous suivait, et me clignait des yeux en riant de bonne humeur. C’était mon père !
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Ceux qui n’ont pas vu la gloire de l’Empereur Napoléon dans les années 1810, 1811 et 1812 ne sauront jamais à quel degré de puissance peut monter un homme.

Quand il traversait la Champagne, la Lorraine ou l’Alsace, les gens, au milieu de la moisson ou des vendanges, abandonnaient tout pour courir à sa rencontre ; il en arrivait de huit et dix lieues ; les femmes, les enfants, les vieillards se précipitaient sur sa route en levant les mains, et criant : Vive l’Empereur ! vive l’Empereur ! On aurait cru que c’était Dieu ; qu’il faisait respirer le monde, et que si par malheur il mourait, tout serait fini. Quelques anciens de la République qui hochaient la tête et se permettaient de dire, entre deux vins, que l’Empereur pouvait tomber, passaient pour des fous. Cela paraissait contre nature, et même on n’y pensait jamais.

Moi, j étais en apprentissage, depuis 1804, chez le vieil horloger Melchior Goulden, à Phalsbourg. Comme je paraissais faible et que je boitais un peu, ma mère avait voulu me faire apprendre un métier plus doux que ceux de notre village ; car, au Dagsberg, on ne trouve que des bûcherons, des charbonniers et des schlitteurs. M. Goulden m’aimait bien. Nous demeurions au premier étage de la grande maison qui fait le coin en face du Bœuf-Rouge, près de la porte de France.

C’est là qu’il fallait voir arriver des princes, des ambassadeurs et des généraux, les uns à cheval, les autres en calèche, les autres en berline, avec des habits galonnés, des plumets, des fourrures et des décorations de tous les pays. Et sur la grande route, il fallait voir passer les courriers, les estafettes, les convois de poudre, de boulets, les canons, les caissons, la cavalerie et l’infanterie ! Quel temps ! quel mouvement !

En cinq ou six ans, l’hôtelier Georges fit fortune ; il eut des prés, des vergers, des maisons et des écus en abondance, car tous ces gens arrivant d’Allemagne, de Suisse, de Russie, de Pologne ou d’ailleurs ne regardaient pas à quelques poignées d’or répandues sur les grands chemins ; c’étaient tous des nobles, qui se faisaient gloire en quelque sorte de ne rien ménager.

Du matin au soir, et même pendant la nuit, l’hôtel du Bœuf-Rouge tenait table ouverte. Le long des hautes fenêtres en bas, on ne voyait que les grandes nappes blanches, étincelantes d’argenterie et couvertes de gibier, de poisson et d’autres mets rares, autour desquels ces voyageurs venaient s’asseoir côte à côte. On n’entendait dans la grande cour derrière que les hennissements des chevaux, les cris des postillons, les éclats de rire des servantes, le roulement des voitures, arrivant ou partant, sous les hautes portes cochères. Ah ! l’hôtel du Bœuf-Rouge n’aura jamais un temps de prospérité pareille !

On voyait aussi descendre là des gens de la ville, qu’on avait connus dans le temps pour chercher du bois sec à la forêt, ou ramasser le fumier des chevaux sur les grandes routes. Ils étaient passés commandants, colonels, généraux, un sur mille, à force de batailler dans tous les pays du monde.
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Là, cette malheureuse voit chaque nuit se reproduire les scènes effrayantes dont elle a été témoin pendant sa jeunesse : elle tremble sous la main du bourreau, elle est arrosée du sang des victimes, elle gémit à faire pleurer les pierres. Au bout de quelques semaines, les accès deviennent moins fréquents. On lui rend enfin sa liberté, sûr de la voir revenir l’année suivante.
« Le comte de Nideck se trouve dans une situation analogue, me disais-je, des liens inconnus de tous l’unissent évidemment à la Peste-Noire. Qui sait ? – Cette femme a été jeune... elle a dû être belle. »
Et mon imagination, une fois lancée dans cette voie, construisait tout un roman. Seulement, j’avais soin de n’en rien dire à personne, Sperver ne m’aurait jamais pardonné de croire son maître capable d’avoir eu des relations avec la vieille : et quant à mademoiselle Odile, le seul mot de folie aurait suffi pour lui porter un coup terrible.
La pauvre jeune fille était bien malheureuse. Son refus de se marier avait tellement irrité le comte qu’il supportait difficilement sa présence ; il lui reprochait sa désobéissance avec amertume et s’étendait sur l’ingratitude des enfants. Parfois même des crises violentes suivaient les visites d’Odile.
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Je courais donc, ma clarinette sous le bras et le cœur joyeux, pensant la surprendre ; mais au moment de monter l’escalier, qu’est-ce que je vois ? La bohémienne Waldine, – avec sa longue figure de chèvre, son bout de pipe entre ses lèvres bleues, son petit Kalep, noir comme un pruneau, dans un sac sur l’épaule, – qui sortait en traînant ses savates et qui riait en se grattant le bas du dos.
L’oncle Conrad ne pouvait pas souffrir cette espèce de gens ; il disait que les bohémiens ne sont bons qu’à voler, à piller, à porter les commissions des filles et des garçons d’une maison à l’autre, en cachette, pour attraper deux liards. Quand par hasard quelques-uns d’entre eux se trompaient de porte et venaient chez nous, il leur criait d’une voix de tonnerre :
– Voulez-vous bien sortir, tas de gueux !... Voulez-vous bien vous en aller !... Prenez garde !... On n’attrape ici que des coups de bâton !
Aussi ne venaient-ils presque jamais.
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