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Critiques de Albertine Sarrazin (74)
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Bibiche

« Bibiche » : un court roman fait de gravité même s’il donne l’impression de badiner.

C’est un récit de prison dans laquelle une adolescente vient d’être écrouée. Fantasque, elle détonne par son intelligence et par sa naïveté, se faisant remarquer par une matonne bienveillante et une détenue plus âgée.

Bien sûr c’est avant tout le quotidien prosaïque de l’enfermement - cantiner, communiquer, s’occuper. Mais les questions les plus futiles deviennent existentielles quand il s’agit, au fond, de résister, de garder sa singularité, de préserver une part d’humanité.

C’est frais, espiègle et suranné. Un texte qui transpire le vécu de l’autrice elle-même, un vécu qu’elle a su magnifier.

Tout comme a su magnifier le texte l’illustratrice de cette édition : ses images cognent et collent à l’ambiance à la perfection. J’aime le malaise qu’elles créent...

C’est donc un très bel objet-livre qui a rejoint ma collection autour de cette autrice qui mériterait d’être entièrement rééditée.
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Journal de prison 1959

J’avais beaucoup aimé mes lectures de L’astragale et La cavale et, même s’il a longtemps dormi dans ma PAL, j’étais enthousiaste à l’idée de découvrir ce journal de prison.

Enthousiasme rapidement douché malheureusement.



Tout d’abord, je m’attendais à ce qu’elle raconte la prison, mais comme me l’a vite appris la préface (la loooongue préface), ce n’est pas le cas. Ce n’est pas un récit des menus événements du quotidien, mais des réflexions personnelles. C’est un dialogue avec elle-même, avec son journal, avec nous alter-ego inopinés. Elle disserte sur l’amour, la mort, le mariage (qui se conclut cette année 1959), sa vie hors normes…

Elle s’y montre bavarde, d’une verve vive et papillonnante. Je l’avoue, je ne suis pas parvenue à rentrer dans son journal, à suivre son esprit, ses pensées, à m’intéresser à ses réflexions trop volubiles. La langue était belle pourtant, discours tantôt poétique, tantôt très oral. Cependant, bien que révélateur de la maturité et de l’intelligence de l’autrice, le contenu m’a laissée sur le bord de la route. J’ai tenu une centaine de pages avant de lâcher l’affaire.



Peut-être y reviendrai-je un jour, quand j’aurai lu ses autres écrits (La traversière, Lettres à Julien, Biftons de prison…). Ou peut-être, après la double déception Anaïs Nin/Albertine Sarrazin, dois-je conclure que les journaux intimes ne sont vraiment pas ma tasse de thé à l’exception de ceux de Mireille Havet ?
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L'astragale

L'astragale, c'est ce petit os du pied qu'Anne se brise en sautant d'un mur pendant son évasion. Décidée à quitter la prison, elle se traine jusqu'à la route malgré la douleur. Là elle croise Julien, petit malfrat qui lui demande de se cacher et d'attendre son retour.

De toute façon, qu'est-ce qu'elle pourrait faire d'autre Anne, avec ses os des pieds en capilotade ? Elle attend donc et quand Julien revient, c'est pour la prendre sous son aile. Il trimballe son "colis" d'une planque à l'autre, chez ses parents, Anne se laisse aller, désespérant de guérir de cette "mauvaise entorse", selon les mots du médecin.



Ce roman a été une rencontre pour moi, une rencontre avec un roman conseillé par une amie très chère, et une rencontre avec Albertine Sarrazin, cette romancière morte avant ses 30 ans.

Car Anne, emprisonnée dans un établissement pour mineures, prostituée à ses heures, en cavale, c'est Albertine.



Et de cette vie aventureuse, nait la poésie.

Ce mélange d'argot et de poésie brute m'a beaucoup touchée ; ces sauts dans le temps, ces transitions parfois abruptes, m'ont ancrée dans le texte.

Ça virevolte, ça tourbillonne et j'en redemande.
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Lettres et poèmes

Dans ces lettres, dignes de poèmes pour celles adressées à Julien, on trouve tout ce qui caractérise le style d’Albertine Sarrazin, le mélange de la bachelière cultivée qui a reçu une éducation soignée et obtenu un bac mention Bien et de la gouaille d’une gavroche prostituée. Qu’elle écrive à Julien, à son éditeur, à son médecin, à un admirateur inconnu, ses lettres sont pleines d’esprit. Quand à ses poèmes ils associent une forme classique à des thématiques contemporaines qui la touchent et une aisance à jouer avec les mots. Dommage que cette auteure, disparue trop jeune, soit un peu trop oubliée.
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L'astragale

Une relecture après une quarantaine d'années. Finalement un peu déçu, je croyais en garder un meilleur souvenir. C'est un peu confus dans la narration et le style est quelque peu ampoulé. On s'y perd parfois. En revanche, c'est un régal de se replonger dans l'argot des titis des années 60, ça donne un charme désuet à ce roman, qui, outre ce petit détail pourrait être actuel, voire intemporel. C'est un roman d'amour au féminin et je pense que cette auteure aurait pu faire une très grande carrière si la vie en avait décidé autrement...
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L'astragale

Anne s'est sauvée de prison. En sautant le mur, elle s'est blessée à la jambe et c'est là que débute toute l'histoire. L'histoire de sa cavale, de ses rencontres avec les personnes qui vont la planquer, de LA rencontre... mais aussi l'histoire de ses souvenirs, de ses envies de toute jeune femme, de convalescente.



Une bonne et jolie histoire malgré les évènements. On se prend d'amitié pour Anne, Julien, Annie et tous ceux qui croisent notre chemin au cours de cette lecture. Sans valider tous les choix d'Anne, on apprécie ce qu'en dit l'auteure, de sa plume agréable. Un petit bout de vie plein de promesses qui a été un plaisir de lire.
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L'astragale

Un roman culte. Une incroyable autobiographie écrite en prison.

Anne dans le roman, c'est Albertine Sarrazin, une femme étonnante, butée et totalement insoumise, prostituée, chapardeuse et taularde, rebelle, insolente et amoureuse qui se raconte. Elle évoque sa cavale après s'être échappée de prison en sautant d'un mur et s'être brisé l'astragale, une cavale qui se confond très vite avec une histoire d'amour.

Elle nous offre une oeuvre incandescente empreinte d'émotions et de toute sa rage.

Derrière ce "petit roman d'amour pour Julien" se cache le récit d'une vie écorchée, chaotique et romantique.

Une belle histoire d'amour entre petits malfrats.

Une écriture vive et précise.

Cette oeuvre biographique a été adapté au cinéma par Brigitte Sy, une adaptation esthétiquement très bien maîtrisée avec deux acteurs, Leïla Bekhti et Reda Kateb, irréprochables.
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L'astragale

Un roman où les mots sont hachés, crus, de même que les sentiments sont mis à des dures épreuves de bouleversement! On se demande bien de quelle nature est faite notre narratrice? C'est la vraie question! Car pour elle, il n'y a pas de compromis ente la souffrance et le bonheur! Orpheline, semblant vivre dans les airs, n'ayant aucun appui, emprisonnée, elle s'évade, et comme une chance se présente à elle à travers Julien qui semble vouloir l’intégrer dans une nouvelle vie mais chez elle, bien qu'elle soit encore jeune, le bonheur semble arriver trop tard, au point que les petits bonheurs des autres ne font que l'agacer...

Une autobiographie très touchante où le rejet de la naissance n'a consisté qu'à engendrer du rejet, encore et encore...
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La Traversière

Ca y est, elle est libre ! Libre d'attendre son mari, de continuer son roman, de vivre une vie honnête... Bon, cette partie là, c'est pas trop son truc à Albertine, mais elle essaye.

Dur retour à la vie civile, entre attente, cafard et alcool. Et surtout, recherche d'argent, puisqu'il ne tombe pas tout cuit dans les poches et que le roman tant attendu n'est pas écrit (au propre) mais en gestation, encore, et que donc les droits d'auteur ne sont pour l'instant que fumée...

Je retrouve ici ce qui m'avait tant plu dans L'Astragale : la verve, l'impertinence de Sarrazin. Elle dresse un tableau peu reluisant de celle qui sort de prison,sans parcours de réinsertion ni aide des organismes d'Etat, dépendant de la générosité des autres. Et elle dit clairement qu'elle vivra de sa plume ou de ses casses... Et où elle règle ses compte avec son enfance et ses parents désadoptifs.La vie plan-plan ne la tente pas. Elle trouve cela abrutissant (et comme je la comprends. Pas d'inquiétude, je resterai dans le droit chemin)

C'est le long chemin vers une existence loin de la prison, vers une vie qu'elle veut aussi plutôt protégée et solitaire, peut-être pour éviter les tentations, plus certainement pour éviter les curieux.seues. Chemin semé d'embûches et de quelques faux pas, mais vers chemin vers une vie d'auteure qui commence.



Challenge Plumes Féminines 2019-20
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La Cavale

Bon, on va pas se mentir. Je n'ai pas réussi à le terminer et pourtant, j'étais pas loin de la fin. Je ne saurais donc pas si elle tire de plans sur la comète ou si elle tente vraiment de se cavaler...

C'est tout un univers qu'elle décrit minutieusement : la prison. Ou plutôt les différents types de prison qui existent, les règles tacites et réglementaires qui régissent les relations entre les prisonnières, avec les gardiennes, les sorties... C'est une description presque sociologique, très précise. Elle partage aussi ses états d'âme, son amoureux qui lui manque (puisqu'ils sont incarcérés tous les 2)... On retrouve son ironie et son mordant. Pourtant, je n'ai pas réussi l'à m'y immerger, alors même que j'avais beaucoup aimé L'astragale. J'ai trouvé celui-ci trop bavard, je crois. Je dirai bien répétitif, mais n'est-ce pas le principe de la prison ?
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L'astragale

L'Astragale est un miracle de la littérature prolétaire. Albertine Sarrazin n'est pas roturière mais bordurière: elle vit au bord, aux abords et dans la marge d'un cahier.

Alcool, drogue, prostitution, évasion. Albertine vit plus rapidement que nous, avec sa malédiction appelée destinée. Elle est reine comme Œdipe est roi, sauf que ce dernier se crève les yeux à la fin de la tragédie et Albertine se casse cet os du pied appelé astragale.

Elle n'est pas née sous les meilleurs auspices, recueillie par d'autres parents rapidement (comme le roi de Thèbes), livrée à elle-même en Maison de correction (où tout le monde s'appelle Anne, nom qu'elle gardera), co-responsable d'un braquage la menant en prison dans la Somme. Elle s'évade car aucun mur ne peut arrêter un destin et l'Astragale commence.



Une bonne partie de sa vie s'est déroulée en prison pour celle qui est morte à 30 ans.

Que reste-il d'elle? D'abord ce roman, autobiographie d'un cœur à vif, presque cousu pour Julien où la prostitution rôde, prête à bondir dans les bras de Jean, cet autre homme, anti-Julien par excellence qu'elle ne peut aimer. Il ne s'y passe rien car Albertine ne fait qu'attendre. Il y a bien Ninie, Nounouche, Annie et d'autres. Ce ne sont que des seconds rôles, des comédiens sur lesquels Albertine s'appuiera pour mieux croiser le regard de celui qu'elle aime.



Elle attend Julien comme Racine explique le lien entre l'amour et l'attente dans ces vers de _Bérénice_: _Elle passe ses jours, Paulin, sans rien prétendre Que quelque heure à me voir et le reste à m’attendre_





Cet amour est impossible. Albertine était exceptionnelle.



Pour la "chave", contre la "tôle".
Lien : https://les-sirenes-de-jugur..
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L'astragale

Elle m'a accrochée par son charme désuet, suranné, son argot poétique, libre et virevoltant, l'écriture d'Albertine.



Elle m'a émue, sa vie faite d'abandons, de viol, de prostitution, de larcins, de prison et de cavales. Mais aussi d'amour et d'écriture. Elle n'a même pas vécu 30 ans, elle était brillante, elle a filé.



C'est qu'elle voulait se faire la malle Albertine, purgeant sa peine dans une prison-école suite à un braquage armé, elle s'en échappe en sautant d'un mur. Son astragale se brise net, elle se traîne jusqu'à la route où Julien, un jeune malfrat qui passait par là la ramasse. Naissance d'une idylle et d'un amour en cavale. Improbable mais vrai.



A lire !

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L'astragale

Une histoire sombre qui fonr les bons romans ce livre a découvrir est un plaisir de lecture pour nous et je vous en conseille la découverte
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Journal de prison 1959

L'univers carcéral est un thème qui me fascine. En littérature, il me fait penser irrésistiblement au comte de Monte-Cristo, mais aussi, d'un certain point de vue, à Robinson Crusoe lui aussi confronté à l'isolement. Transposé au cinéma, je pense au prisonnier d'Alcatraz (Clint Eastwood), à la grande évasion (Steeve McQueen), à la ligne verte (Tom Hanks) et à bien d'autres films qui m'ont laissé d'impérissables souvenirs. Toutes ces œuvres abordent ce thème sous des angles différents, elles ont toutefois de nombreux points communs.



 La grande question posée est la confrontation de l'homme face à la solitude et à la perte d'une des libertés les plus fondamentales, celle d'aller et venir. Autant de contraintes qui peuvent conduire à une lente déshumanisation. Sous cet aspect, c'est une problématique qui peut aussi concerner les personnes affectées d'un lourd handicap ou les personnes âgées dans certains EPAD.



 Que faire dans ces conditions pour ne pas devenir fou et comment envisager l'avenir ? La prison est-elle l'occasion de se livrer à une introspection fructueuse, peut-elle fournir l'occasion de s'amender, de se reconstruire, de se convertir, de préparer une revanche, de mieux profiter de la liberté une fois celle-ci retrouvée, de reprendre des études, de lire, de prier, de se consacrer a temps plein à un projet unique ? L'éventail des possibilités est large et peut déboucher sur des transformations radicales des individus concernés.



 La prison est un catalyseur qui transforme ses occupants en chrysalide. Nul ne peut savoir ce qu'il en ressortira : un imago, une chimère ou un écrivain comme Albertine Sarrazin ?



 L’espace clos de la prison peut devenir un lieu de recueillement, une thébaïde propice aux réflexions métaphysiques et religieuses.



 Les écrivains célèbres ayant fait des séjours en prison pour divers motifs plus ou moins graves sont plus nombreux qu'on pourrait le penser : François Villon, André Chénier, Gérard de Nerval, Dostoievski, Verlaine, le marquis de Sade, Oscar Wilde, Appolinaire, Robert Brasillac, Céline, Jean Genet, Soljenitsyne et quelques autres. Le cas d'Albertine Sarrazin est cependant unique à bien des égards. Comme souvent, avant de lire un auteur, je m'intéresse à sa biographie et c'est après avoir pris connaissance de sa vie tourmentée aux rebondissements à peine croyables que je me suis décidé à entreprendre la lecture de son "journal de prison" rédigé entre 1958 et 1959.



 Son parcours illustre le fait que les aptitudes fondamentales d'un individu finissent toujours par émerger, quelles que doit l'adversité. Les épreuves et la misère peuvent d'ailleurs parfois constituer un terreau fertile pour l'imagination créatrice.



 Son enfance est déjà un parcours du combattant : assistance publique dés sa naissance, paludisme à deux ans, à dix ans, elle est violée par son oncle.



 En 1952, interne au lycée, elle y démontre de réelles aptitudes intellectuelles, mais ses enseignants se plaignent de son indiscipline ; son père adoptif la place en maison de correction au bon Pasteur et demande peu après la révocation de l'adoption.



 En 1953, Albertine obtient le baccalauréat avec la mention bien et s'enfuit à Paris. Elle mène une existence marginale en vivant de petits larcins et en se prostituant. À la suite d'une tentative de hold-up à main armée, elle est condamnée à sept ans de prison. En détention, elle prépare le certificat d'études littéraires générales, commence à écrire des poèmes et poursuit l'écriture de son journal commencé dès l'âge de quatorze ans.



 Albertine est libérée en 1960. Quelques mois plus tard, elle a un accident de voiture avec son ami Julien (qui deviendra son mari en 1959) et sa mère adoptive. Cette dernière meurt.



 Elle connaît un court répit dans sa vie tumultueuse et publie en 1964 L'Astragale (qui raconte sa tentative d'évasion au cours de laquelle elle va rencontrer Julien). Le succès vient en 1966 lorsqu'elle reçoit le prix des quatre-jurys. Mais Albertine, de santé précaire doit subir une opération du rein, elle meurt à 29 ans à la clinique Saint-Roch de Montpellier, des suites d'une série d'erreurs médicales. Le chirurgien et l'anesthésiste responsables de son décès seront condammés à deux mois de prison avec sursis. La clémence des juges contraste avec les condamnations sévères qu'Albertine eut à subir pour avoir voulu simplement exister.



 L'ensemble de ses livres a été tiré à plus de 3 millions d'exemplaires et deux d'entre eux (l'astragale et la cavale) ont fait l'objet d'une adaptation au cinéma.



 Sa vie ressemble au synopsis d'un roman noir dont on pourrait dénoncer l'exagération morbide et pourtant tout ceci est authentique. Foudroyée en pleine ascension, elle portait en elle la puissance de vie, l'esprit de révolte, l'impertinence et le goût de la liberté que l'on prête à la jeunesse. Ses écrits en sont le reflet, c'est la raison pour laquelle elle peut encore parler aux générations d'aujourd'hui. Sa soif de liberté la conduira à sauter d'un mur haut de dix mètres pour échapper à la prison. Elle provoque ainsi un bouleversement dans sa vie, car ce saut dans l'inconnu sera le chemin qui la conduira vers le grand amour de sa vie, Julien, qui est lui-même un marginal. Le "journal de prison" doit se lire comme une longue lettre à Julien. Albertine s'y exprime avec sincérité, sans tricherie, ni artifice. On retrouve dans son style toute la singularité de sa personnalité. Un texte parfois difficile à saisir, que j'ai même parfois trouvé hermétique. Il faut le prendre comme une poésie qui délivre une musique, mais conserve toujours une part de mystère et d'informulé. Elle écrit à la page 78 (s'adressant à Julien) : "Si tu lis un jour, ce ne sera que prise de conscience plus nette de mes maladroites tentatives. Maladroites parce que volontairement en friche. Je préfère l'ébauche et le paradoxe : ça me permet de dire ce que je veux, et pense. Si je fais profession de démontrer, j'y perds en sincérité et liberté. L'artifice...non ! Mais oui à l'incohérence, magie des mots en pagaille."



 Ce texte mérite qu'on s'y attarde pour son originalité, sa force et l'étonnante maturité de l'auteure (elle avait vingt et un an). Mais, pour mieux l'apprécier, je pense qu'il serait utile de bien connaître la vie d'Albertine en lisant au préalable ses romans autobiographiques notamment l'Astragale (sa rencontre avec Julien) et la Cavale (sa vie en prison). Il existe aussi une biographie complète écrite par Josane Duranteau. J'ai ces livres dans ma bibliothèque (sauf celui de Duranteau que je vais essayer de me procurer) depuis pas mal de temps, et même si je connaissais un peu le parcours d'Albertine, je n'avais pas encore lu ses textes. Je viens de lire quelques pages de l'Astragale et il me semble plus adapté à une découverte de l'auteure que son journal de prison.



 Sa dernière évasion était en voie de réussite, elle devait lui permettre d'échapper à l'enfermement et à l'injustice sociale en devenant un écrivain reconnu. Le sort s'est acharné sur elle en l'empêchant d'achever une œuvre dont les premiers chefs-d’œuvre demeureront toutefois dans la mémoire des hommes.



 J'ai cherché en vain une édition de ses œuvres complètes. Ce serait une bonne idée de rassembler ses romans, lettres et poésies dans un volume de la collection bouquin par exemple. Cela comblerait un manque et rendrait hommage à une comète de la littérature qui a rejoint trop tôt le paradis des auteurs précoces, comme Rimbaud, Alain-Fournier ou Radiguet.



Bibliographie :



Journal de prison, Albertine Sarrazin, le livre de poche (1973), éditions Sarrazin.



l'Astragale, Albertine Sarrazin, le livre de poche (1969), Jean-Jacques Pauvert.



La Traversière, Albertine Sarrazin, le livre de poche (1966), Jean-Jacques Pauvert.



Albertine Sarrazin par Josane Duranteau (le livre de poche 1975), éditions Sarrazin.



Document :



Albertine Sarrazin, le roman d'une délinquante, documentaire (2004) écrit et réalisé par Sandrine Dumarais (52 mn).



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La Traversière

Quand on aime encore la vie, pas d'autre choix que d'emprunter des chemins de traverse. Et s'ils n'existent pas, on se les invente.



On échappe ainsi à l'ambiance délétère où règnent les morts vivants, leur pseudo amour institué avec son cortège de règles mortifères et leurs soubassements : renoncement, soumission, violence, non-dit, tartufferie. Quitte à se retrouver délinquante et être reléguée en « pays froid » comme dit Albertine, derrière des barreaux bien réels. Mais c'est un monde où l'on peut rêver encore un tout petit peu à une liberté future, où l'on peut jeter une bouteille à la mer, écrire en cachette, tracer des mots qui atteindront le cœur des lecteurs et être enfin reconnue pour ce qu'on est. C'est aussi un monde où il y a moins de faux semblants et des gens à aimer même s'ils sont à la merci de leurs geôliers comme Julien…



On a du mal à aborder une autre livre quand on a fini celui-ci, car la plupart (je parle des romans contemporains) paraitront bien fades...
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L'astragale

Astragale est un bien joli mot pour désigner un os de la cheville. On pourrait penser au talon d'Achille, mais l'astragale c'est bien plus évocateur. Sans en connaitre la signification, on imagine une immense étoile qui irradie une lumière mystérieuse. Et c'est bien de cette façon qu'agit le récit à partir de cette fracture initiale survenue en sautant le mur d'une prison. On entre dans l'histoire bouleversante et authentique d'Anne (alias Albertine), une jeune femme en cavale, qui s'accroche à un rien, tombe désespérément amoureuse de Julien, un malfrat. Aimer c'est le besoin viscéral de se laisser guider par une petite lumière, d'échapper à la servitude de la solitude, au vertige de l'errance, d'oublier les brisures qui s'enchainent : cruauté, indifférence et trahisons ou encore enfer de la prostitution. Même si Anne le sait et gardera toujours suffisamment de distance avec elle-même pour rester lucide...

Il y a vraiment de très beaux passages où une écriture riche, imagée, mêlée d'argot, s'affranchit du conformisme ambiant pour retrouver la valeur des mots et même devenir poétique. Sans affectation.

À lire et à relire

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L'astragale

Albertine Sarrazin saute d'une hauteur de dix mètres pour s'évader de prison et se fracture l'astragale, un os du pied. Elle est secourue par un malfrat, Julien, qui la cache chez des proches et l'aide à se soigner. Cet homme va devenir l'amour d'Albertine jusqu'à ses vingt-neuf ans, où elle meurt dans une salle d'opération négligente. Le couple réuni pensait trouver la sérénité dans leur maison de l'Hérault. La jeune femme était, dit-on, affaiblie par le tabac et l'alcool.



Le récit autobiographique (1965), rédigé en prison par Albertine – car elle sera reprise, tout comme Julien commettra d'autres délits qui lui vaudront l'enfermement – est considéré comme un petit roman d'amour pour «son homme».



Une écriture avec de belles trouvailles, pas trop d'argot, rien à voir avec le témoignage hardi de Jeanne Cordelier ("La dérobade"), bien qu'Albertine se prostitue, sans revenus durant sa cavale. Envers et contre tout, malgré Rolande, liaison de prison, malgré Jean, client épris, cette fille résolue de dix-neuf ans garde Julien rivé solidement au coeur : "Merci, Julien, d'avoir su me faire si mal. Tu mets un terme aux chimères, après un corps tu me fais un coeur de femme, ces femmes dont je méprisais le pouvoir mendiant, les attachements et les servilités forcenées. Maintenant, c'est moi qui renifle tes liquettes...".



Je n'ai pas l'impression que l'histoire, presque bienséante, est édulcorée : cette "âme sans détours" est émouvante de sincérité.



Préface de Patti Smith : "Sans Albertine pour me guider, aurais-je fanfaronné de la même façon, fait face à l'adversité avec la même ténacité ? Sans l'Astragale comme livre de chevet, mes poèmes de jeunesse auraient-ils eu le même mordant ?"



L'adaptation au cinéma (2015) de Brigitte Sy (malgré une Leïla Bekhti convaincante) ne m'a pas accroché du tout. Les extraits de celle de Guy Casaril (1968) ne m'inspirent guère mieux. Il y a dans une telle lecture une proximité avec l'écrivaine que je ne peux retrouver à l'écran.





Extrait à suivre.
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L'astragale

Roman d'une vivacité extrême, écrit avec une verve et un rythme qui portent cette cavale de la jeune héroïne, fracturée dans ses os et dans son âme. Ce livre publié en 1965 est d'une actualité toujours totale aujourd'hui, peuplé de paumés et de ceux qui en abusent, rempli de poésie violente, de sensualité très forte, un beau texte à savourer.
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La Crèche



L'idée que nous pouvons avoir de la vie carcérale en France , est surement un peu fausse par rapport à la réalité , Albertine Sarrazin s'est trouvée aux premières loges pour pouvoir en parler d'expérience .

Plus connue pour ses romans autobiographiques comme " L'astragale " ou " La cavale " , elle présente , ici , quatre nouvelles à même de nous faire toucher du doigts ce qu'est une prison pour femmes , loin des clichés fantasmés .

Par touches légères , avec un brin d'humour , une liberté de ton et un réalisme froid elle relate à coups d'anecdotes le quotidien carcéral .
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La Cavale

Dans La cavale, nous retrouvons Anick, qui n'est autre qu'Albertine elle-même, que la prison a reprise. Elle pense à Zizi (Julien, qui l'avait recueillie dans L'astragale) et rêve d'évasion. Lui finit par demander au juge la permission d'épouser la jeune femme. Ils sont enfermés dans les mêmes murs, aspirent à la liberté. Font des plans de cavales.



Ce deuxième roman d'Albertine Sarrazin dépend dans tous ses états la vie en prison, l'atelier, les matonnes, la cantine, le dortoir. Pour autant, bien que cela puisse paraître, à première vue, répétitif, on ne s'y ennuie pas une seconde. La jolie prisonnière a un style réellement prenant et émouvant, où se mêlent au français quelques expressions Pied-noir que presque plus personne n'emploie et que seuls les descendant des gens de "là-bas" comprennent encore.

En somme, nous pouvons dire que j'ai apprécié ce livre-ci autant que L'astragale.



Challenge ABC 2016/2017
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