Je vous le dis d'entrée, ce bouquin est un immense coup de coeur et je regrette d'avoir mis tant de temps à le lire et de l'avoir fini si vite.
Si j'ai acheté ce livre au départ, c'est grâce notre ami libraire (sur)médiatisé, Gérard Collard. Je ne sais jamais trop quoi penser de ce monsieur, il bafouille, il s'énerve, il ne finit jamais ses phrases, ce qui est particulièrement frustrant étant donné qu'il dit des choses intéressantes MAIS il est l'un des rares à présenter à la télévision des livres assez grand public et donc à s'adresser à tout le monde (je n'ai rien contre la Grande Libraire mais franchement, faire de la lèche à toute la scène littéraire française, y a un moment où ça devient lourdingue). Malgré tout, je n'aime pas toujours ce qu'il présente, vous savez ce qu'on dit sur les goûts et les couleurs... Bref, sa présentation me tentait bien pour celui-ci (la voir sur YouTube ici) et il faut avouer que je ne me serai jamais arrêter dessus de moi-même.
En 1986, June a 13 ans et son oncle Finn, son parrain et confident, vient de mourir d'une maladie encore méconnue, le Sida, la laissant seule avec une soeur, Greta, qui la méprise cordialement, avec des parents bien trop pris par leur travail et un tableau représentant les deux jeunes filles réalisé par Finn en guise de testament. Lors de l'enterrement de Finn, June et Greta repèrent un jeune homme que leur mère évite et leur présente comme le meurtrier de son jeune frère. June comprend alors, dans ce discours tout en demi-mot et semi-vérité, qu'il s'agit de Toby, "l'ami particulier", le petit ami de Finn. Quand Toby, dévasté par le chagrin, tente de rentrer en contact avec June, la jeune fille est traversé par quantité de sentiment contraire : doit-elle le rencontrer ? est-il dangereux ? pourquoi Finn ne lui a jamais parlé de lui ? Toby, quant à lui, essaye par tous les moyens d'apprivoiser la jeune adolescente.
Dîtes aux loups que je suis chez moi est un récit sur les relations, sur les personnes. Le personnage principale, June, est profondément attachant (avec un petit côté énervant, bien sûr, c'est une ado !), elle est fantasque, a une vie intérieure très riche, elle est peu ouverte aux autres mais aime d'un amour quasi inconditionnellement ceux qu'elle choisit. Elle fait parfois preuve de beaucoup de faiblesse (on en vient vouloir la secouer, pour qu'elle se défende contre sa soeur par exemple) mais aussi de force, elle se bat pour Finn et les préjugés dûs au Sida, elle va à l'encontre de ses propres sentiments de rejet pour aider quelqu'un dans le besoin. Toby est aussi bouleversant, dans une autre mesure, c'est un jeune garçon qui est sans cesse banni, rejette, méprisé, et il semble encaisser les chocs de la vie sans vouloir riposter (on est plutôt dans du "tendre l'autre joue"), il est seul sans montrer qu'il est malheureux, même si June (et nous avec) s'en rend compte assez vite. Finn, autre personnage important du trio principal, est pourtant peu présent physiquement, il est la trame, le filigrane qui lie tout ce petit monde, il plane comme un fantôme qui surveillerait les faits, gestes et émotions des amours qu'il a laissé derrière lui. C'est le premier fil de relation : June/Finn - Finn/Toby - June/Toby, pour l'héroïne, il n'existait avant que le premier, il va donc lui falloir composer avec un passé dont elle ignorait tout (Finn/Toby) en acceptant que quelqu'un d'autre occupe une place importante dans la vie de son oncle adoré, et il va aussi falloir qu'elle y creuse son trou en transformant le vide laissé par Finn en une vraie relation.
La relation de June et de Greta, la soeur aînée machiavélique, est aussi très intéressante, tout en faisant écho avec l'ancienne relation de Finn avec sa propre soeur, la mère de June. Greta, si elle m'a moins ému que June et Toby, fait quand même bien mal au coeur, on comprend assez vite que sa méchanceté est due à une souffrance, et même si cela ne la justifie en rien, on commence, à la fin du roman, à prendre véritablement partie pour elle.
Vous l'avez compris, Dîtes aux loups que je suis chez moi est un livre bouleversant, rempli d'émotion allant de la colère à l'incompréhension, de la tristesse au bonheur. C'est tout simplement génial. On y retrouve une petite atmosphère à la Philadelphia, avec l'après-découverte du Sida, quand la maladie était encore honteuse et taboue, réservée aux seuls homosexuels (et donc dépravés dans la tête de la plupart des gens de l'époque) ou drogués, et dont personne ne savait encore véritablement comment elle se transmettait (June s'angoisse pour un bisou sur la joue, la mère s'affole en voyant Greta appliquer le baume de Finn sur ses lèvres). Si on doit vraiment donner un tout petit point légèrement négatif, on peut juste pointer du doigt le style parfois un peu balbutiant de l'auteure (il s'agit de son premier roman) mais qui, finalement, colle assez bien avec l'âge et le caractère du personnage principal (le livre est écrit à la première personne du singulier, un peu à la manière d'un journal intime). J'aurai aussi bien aimé qu'une sorte de conclusion soit apporté à l'histoire de la pauvre Greta, on en vient à espérer un deuxième tome, qui se déroulerai quelques années après, pour voir comment ont grandi les deux jeunes filles.
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