AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Catherine Bardon (839)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Les déracinés

A tous ceux qui penseraient que ce livre de 750 pages doit être sacrément long à parcourir , mon message sera le suivant : en tournant la dernière page , vous risquez de vous exclamer " déjà !" et de ressentir un grand vide s'installer en vous , de vous retrouver bien seul(e) , comme lorsque , sur un quai de gare , on n'aperçoit plus que les feux rouges du train qui emmène loin de vous une personne que vous aimez plus que tout .....

Ce livre est un premier roman qui montre toutefois déjà tout le talent d'une autrice qui maîtrise tous les codes de l'écriture , tant sur le plan de l'expression , de l'alternance des genres et sur le plan des idées .Nul doute que ce premier ouvrage a été pensé , travaillé, façonné, ciselé avec passion . Catherine Bardon est tombée " amoureuse " de la république dominicaine , cela se voit , cela se sent ,et surtout , cela se vit......

Point de départ du roman: Vienne , ville d'art , de culture ,intellectuelle , ville de beauté mais aussi ville ou retentissent d'inquiétants bruits de bottes.Nous sommes dans les années trente........Juifs non pratiquants , Wilhelm et Almah , se rencontrent , se marient, poussés par un amour beau et absolu , pour le plus grand bonheur de leurs entourages . Hélas ...il faut fuir...la Suisse , un long , très long exil vers ...la dictature dominicaine et une vie nouvelle de colons . C'est ça ou....le néant...

L'épisode historique a existé mais est resté bien confidentiel et c'est , à mon avis , une très belle idée, très originale que de le porter à notre connaissance.Ce sera l'occasion de croiser une pléiade de personnages aux idées et aux comportements bien différents mais poussés par une rage de vivre incroyable , eux tous qui ont bien failli la perdre , cette vie si précieuse . C'est remarquable.

Et puis , il y a cet amour entre ces deux êtres, ces êtres à qui on va rapidement s'identifier . Leur relations sont présentées avec justesse , finesse , pudeur et sensualité .L'émotion nous étreint souvent et certaines situations, de toute beauté ne peuvent avoir été écrites que par une femme....Désolé , les gars , il y a tellement de poésie que nous (..On peut le reconnaitre sans vexer personne , non?...) ne pouvons que tomber sous le charme de cette plume aérienne . Attention , je n'ai jamais dit que ce livre ne s'adressait qu'aux femmes , ne nous égarons pas .Non, c'est un livre universel sur l'amour qui peut souder un couple mais c'est aussi , hélas, un livre qui nous montre que le monde ne change malheureusement pas , car les déracinés, ils sont toujours bien là.....

J'ai rencontré Catherine Bardon , hier , à " lire à Limoges " et , en discutant un peu avec elle , j'ai mieux compris pourquoi cette charmante dame parlait aussi bien de ce pays mystérieux et de cet exil terrible vers cette île de tous ceux dont personne ne voulait....La passion , les yeux plein de soleil ...

Les" Déracinés "vont continuer avec "l'Américaine " et l'histoire de Ruth , la fille de Wil et Almah . J'en suis très heureux car , je vous l'avoue , je n'avais pas trop envie de quitter tout " ce beau monde ".Mais ça , c'est une autre histoire, dont nous reparlerons plus tard.

Allez , n'ayez aucune crainte de vous lancer , vous ouvrez 750 pages superbes qu'il serait bien dommage de rater. C'est mon avis , rien que mon avis mais......
Commenter  J’apprécie          22622
Les déracinés

Voilà très exactement le genre de roman que j’adore lire lors des grandes vacances d’été ! Les Déracinés est un de ces romans qui a le charme et le souffle des grandes sagas populaires, accessible à tous les lecteurs qui ont envie de se laisser entraîner sur les traces de personnages forts, amenés à traverser le tragique de l’Histoire. Si l’écriture, fluide et soignée au demeurant, manque de créativité et d’intensité, ce n’est finalement que pour mieux accompagner un récit qui, lui, en regorge.



J’ai été immédiatement embarquée dans le destin du couple charismatique Almah / Wil que l’on suit de 1921 à 1961 : elle, riche héritière, future dentiste, lui journaliste critique d’art, ils vivent une histoire d’amour flamboyante, d’autant plus vibrante qu’elle se déroule dans le contexte terrible des années 1930-40, et qu’ils sont juifs autrichiens.



Les talents de conteuse de Catherine Bardon sont évidents. Elle a l’intelligence du dosage subtil romanesque individuel / contexte historique collectif. Toute l’histoire des Juifs vivant dans le Grand Reich est brillamment restituée, sans lourdeur, parfaitement intégrée aux destins d’Almah et Wil : montée de l’antisémitisme, à partir de l’arrivée au pouvoir de Hitler, Anschluss ( annexion de l’Autriche par l’Allemagne nazie en 1938 ), persécutions antisémites culminant dans la Nuit de Cristal, immigration massive de la population juive européenne, mise en place de la Shoah.



Surtout, en en faisant son cœur, ce roman dévoile un épisode méconnu de la Deuxième Guerre mondiale : comment la République dominicaine devint une terre d’asile offrant 100.000 visas à des juifs européens, son dictateur Trujillo étant motivé par des intérêts géopolitiques et économiques plus que philanthropiques : restaurer son image après les massacres de milliers d’Haïtiens en 1937, relancer l’économie de l’île, « blanchir » sa population, tout cela sous le regard bienveillant des Etats-Unis. Au final 650 visas seront distribués : la colonie de Sosua se développera comme une communauté agricole de type kibboutz.



Cet incroyable épisode m’a rappelé le très beau roman de Louis-Philippe Dalembert, Avant que les ombres s’effacent, construit autour du décret de naturalisation voté par l’Etat haïtien autorisant ses consulats à délivrer, non pas des visas, mais carrément des passeports à des centaines de juifs fuyant le nazisme.



A partir de cette trame historique très forte, le roman fait la part belle aux enjeux à hauteur d’hommes et de femmes avec une force d’évocation assez enthousiasmante. Difficile d’oublier Almah, Wil et tous les autres personnages. Il y a beaucoup d’ampleur à les voir évoluer dans le chaos de l’histoire, des cafés viennois à la colonie ingrate de Sosua, en passant par les camps de réfugiés suisses, le Portugal ou le jeune Etat israélien, à mesurer toute la richesse des relations humaines dans l’adversité. On vibre avec eux autour de la question centrale de l’identité du déraciné : comment réinventer sa vie dans les épreuves et se mesurer face à soi au fil des amours, des amitiés, des drames et des rencontres ?



Une fresque très prenante que je compte bien poursuivre avec le deuxième volet : L’Américaine, centrée sur Ruth, la fille d’Almah et Wil, à New-York de 1961 à 1967. Je m’en délecte par avance.

Commenter  J’apprécie          14512
Une femme debout

Lorsque j'ai refermé ce livre, la première pensée qui m'a sauté à la figure a été de me demander pourquoi je n'avais jamais entendu parler de Sonia Pierre, avocate haïtienne militante des droits humains, exceptionnelle femme pressentie pour l'obtention du Prix Nobel de la Paix, décédée prématurément en 2011.



Catherine Bardon a fait le choix de la biographie romancée. Tout est donc recentré sur l'incroyable trajectoire militante de Sonia Pierre. Elle, la fillette noire née en République dominicaine dans un misérable batey ( sorte de campement où vivent les braceros, coupeurs de canne à sucre, structure néo-esclavagiste intégrée dans des plantations ), sauvée par l'école et un prêtre instituteur qui a cru en elle. On suit les différentes étapes de son parcours qui démarre à 13 ans, en 1976, lorsqu'elle apprend à lever le poing en organisant une manifestation de braceros pour réclamer de meilleurs salaires et conditions de vie.



L'autrice n'invente rien qui n'aurait pu se passer, trouvant un harmonieux dosage fiction / documentaire afin d'éviter la sécheresse strictement biographique d'un personnage qui a toujours afficher discrétion et pudeur ( Sonia Pierre n'a jamais mis en avant sa vie privée et familiale, ce qu'a respecté Catherine Bardon ). Le gras romanesque vient du truculent personnage de Kerline, l'amie d'enfance, totalement fictif : un excellent contrepoint, miroir de ce que Sonia Pierre aurait pu devenir en enchaînant les grossesses précoces et en trimant pour élever dans l'indigence ses nombreux enfants.



Les pages se tournent toutes seules tant Catherine Bardon possède un vrai talent de conteuse. On sent à quel point elle aime son héroïne, mais sans chercher à imposer son admiration, jamais elle ne force le trait pour pousser le lecteur dans un sens. Ce sont ses choix narratifs qui lui permettent de se positionner et de s'indigner. Elle avance subtilement pour susciter l'empathie du lecteur et y parvient d'autant plus aisément que les combats de Sonia Pierre, en plus d'être justes, résonnent de façon très universelle avec l'actualité et l'interrogent.



Lorsqu'elle créé en 1981 la MUDHA ( Mouvement des femmes dominico-haïtiennes ), cette organisation associative a pour but d'éveiller l'opinion publique internationale et dominicaine sur le sort injuste et précaire des travailleurs des bateyes. Très rapidement, l'avocate face au déni permanent des droits basiques des Haïtiens et de leurs descendants en République dominicaine, elle saisit la juridiction de la Cour interaméricaine des droits de l'homme. Mais cela n'empêche la gouvernement dominicain de réformer la Constitution pour supprimer le droit du sol avec effet rétroactif pour rendre apatrides près de 250.000 Dominicains d'ascendance haïtienne, puis pouvoir les expulser … des thématique très actuelles qui ressurgissent en France dans les débats politiques sur la loi immigration.



Il existe toujours 411 bateyes, face bien cachée de la République dominicaine.



Commenter  J’apprécie          13310
Les déracinés

Un livre indispensable !



Il y a plusieurs vies dans une vie, Pour Wilheim et Almah, en tous cas.

Lorsqu’ils se sont connus à Vienne en 1932, leur route semblait toute tracée.

Lui, jeune journaliste était promis à un brillant avenir au sein d’un prestigieux journal autrichien, elle avait choisi une profession médicale pour rester dans la lignée de son père célèbre chirurgien, elle entreprit des études de dentiste.



Une vie de confort, de plaisir et d’amour jusqu’à ce que des bruits de bottes se fassent entendre aux portes de l’Autriche.

Peu à peu l’insouciance laisse place à la peur et aux brimades. L’antisémitisme devient chaque jour plus violent, les artistes, les intellectuels commencent à s’exiler.

En 1939, après mille persécutions, ils partent avec des visas américains qui se révèlent être des faux.

Après une année passée dans un camp en Suisse, ils traversent la France, l’Espagne et embarquent au Portugal pour la République Dominicaine où 100 000 visas ont été accordés à des juifs venant de toute l’Europe pour construire une communauté, sorte de Kibboutz.



A peine arrivés sur une terre hostile, au milieu de nulle part, brulée par un soleil implacable, la vie s’organise et peu à peu, des bâtiments et un village sortent de terre.

Au fil des mois, ils apprennent à relever la tête, à oublier la peur et le besoin vital de passer inaperçu.

La vie reprend son sens avec en souvenir de fond un paradis perdu. Ils deviennent agriculteurs, éleveurs, bâtisseurs et les jours se succèdent dans harmonie tranquille.



« C’était à la fois enivrant, exaltant et émouvant »



« Nous sommes arrivés sans illusions et maintenant nous partageons un rêve ».



Ce livre est à découvrir en priorité, je ne comprends pas que l’on n’en parle pas davantage dans la presse.

J’ai tout aimé dans ce livre, Wil et Almah sont attachants, courageux. Les personnages secondaires tissent des liens d’amitié, d’amour,Il y a des naissances, des mariages, des drames, des rencontres inoubliables.





Catherine Bardon nous propose un profond et superbe roman sur l'amitié, la richesse des relations humaines, l'évolution des individus au fil de la vie ainsi que celle des rapports entre les êtres humains, la nostalgie, l'exil.

« Les déracinés » se lit comme un roman feuilleton, les paysages défilent tant la description en est précise. On sent la chaleur, le vent, la poussière.

Cette lecture m’a bouleversée et n’est pas prêt de quitter ma mémoire.

J’adresse un immense merci à NetGalley et aux Editions Les Escales.





Commenter  J’apprécie          1243
Une femme debout

Un roman totalement passionnant, très documenté, un pan de l'histoire que je ne connaissais pas . L'auteure nous raconte la vie de Sonia Pierre, de sa naissance jusqu'à son décès Elle est née 1963 en République Dominicaine, de parents haïtiens. Elle vit , dans les « Batey »où la misère règne.Les personnes sont exploitées,ils travaillent dans les cannes à sucre, jusqu'à épuisement, pour un salaire minable ,à peine de quoi nourrir leurs familles . Des personnes apatrides, ont leur à enlever toute dignité humaine . Sonia a eu la chance d'aller à l'école et de faire connaissance de Père Anselme, son instituteur, Ce dernier a découvert son potentiel, et à tout fait pour qu'elle puisse continuer ses études, elle qui voulait devenir avocat. A treize ans , elle participe ,à sa première manifestation.

Sonia va apprendre très vite et comprendre cette situation de discrimination. Une grande dame qui va œuvrer toute sa vie, pour la défense des droits de l'homme. Non sans mal, mais c'est une battante , malgré les menaces faites à son encontre. Un combat qu'elle mènera toute sa vie, mettant de coté son rôle de mère et d'épouse. Certaines personnes l'encourageront, dans ses démarches. Atteinte d'une maladie cardiaque, elle décédera subitement. Avant sa mort, elle avait demandé à sa fille de continuer son combat. L'auteure nous offre une biographie légèrement romancée. Un témoignage poignant, bouleversant, mettant en avant toutes ces discriminations, ces sentiments de haines, ces sentiments raciaux, des moments qui perdurent et perdurons encore. Une plume sensible subtile rendant une lecture à la fois tragique, bouleversante , un bel hommage pour cette grande Dame.
Commenter  J’apprécie          1164
La Fille de l'ogre

°°° Rentrée littéraire 2022 # 44 °°°



L'ogre, c'est le général Rafael Trujillo qui a dirigé la République dominicaine de son coup d'Etat en 1930 jusqu'à son assassinat en 1961. Un des dictateurs les plus sanguinaires et extravagants d'Amérique latine, contrôlant son pays par la terreur mené par sa police politique, le SIM ( Service du renseignement militaire ) qui recourait à la torture systématique d'opposants, confondant son patrimoine avec l'Etat au point de bâtir un empire économique par l'extorsion et l'intimidation qui en fit un des cinq personnes les plus riches au monde de son époque. Il a ordonné le massacre à la machette d'au moins 20.000 Haitiens travaillant dans les plantations sucrières. Sa mégalomanie lui a fait dépenser des dizaines de millions de dollars pour ériger des édifices dans un style néo-mussolinien et organiser une culte de la personnalité hallucinant en tant que « Bienfaiteur de la patrie ».



La fille, c'est son aînée, Flor de Oro, figure aujourd'hui tombée dans l'oubli après avoir été sous les feux des projecteurs, que Catherine Bardon a exhumé des limbes de l'Histoire pour nous en proposer une biographie romancée, imaginant de quoi étaient tissées son enfance, sa jeunesse, sa vie de femme jusqu'à sa mort en 1978 à 63 ans, et comment elle a assumé cette écrasante filiation.



Catherine Bardon fait le choix de coller au plus près à son héroïne, cherchant à percer l'opacité de Flor de Oro pour découvrir ce qui se cachait derrière le sourire affiché sur les photographies. Même si le récit dessine en creux l'histoire de la dictature de Trujillo, le contexte historique n'est clairement pas au premier plan. Par appétence personnelle, j'aurais apprécié qu'il soit plus présent ou plus développé. Car finalement, on ne saura que peu ce que pensait Flor de Oro des actes terribles de son père, trop accaparée à tenter de vivre malgré tout, refoulant la vérité pour ne pas sombrer. Cela m'a clairement manqué et cette lacune, même volontaire, a enlevé de la densité à cette lecture.



La fille de l'ogre est l'histoire d'une dérive, d'une vie malmenée et mal menée dès son enfance, envoyée dans une solitude extrême pendant huit ans dans un prestigieux pensionnant français, le collège privé féminin de Bouffémont, pour la préparer à tenir son rang de fille de président. L'auteur a un talent de conteuse évident qui nous entraîne sur ses pas, de Ciudad Trujillo à Berlin, de Rome à New-York, parvenant à dire ce qu'on devine ou ce qui se dérobe, avec un souci du constat psychologique.



Flor de Oro Trujillo n'a cessé de se tromper. Toute sa vie, elle a été une petite fille amoureuse d'un père qui ne lui a jamais qu'il l'aimait, victime d'une tache originelle impossible à laver aux yeux du père : sa goutte de sang noir qui s'exprime dans sa peau mate et ses cheveux indisciplinés, appelant à son père une ascendance qui lui fait honte, lui qui se poudrait pour dissimuler sa peau jugé trop sombre. Toute sa vie elle a couru après son affection, cherchant son assentiment tout en cherchant à le fuir car lui ne pensait qu'à l'utiliser, la contrôler, la surveiller. Triste échappatoire, elle a cru fuir par le mariage. Neuf maris épousés selon un schéma immuable : flirt, colère du père qui refuse que sa fille ait des aventures hors mariage, mariage, disgrâce, fuite à l'étranger, retour dans le giron paternel à coup de gros virements bancaires.



Forcément, c'est un peu répétitif tant Flor de Oro est enfermée dans ce marathon matrimonial infernal doublé d'un jeu sadique de son père qui jamais ne desserrera son licol. On referme le livre pas nécessairement ému mais touché par la tristesse de cette vie qui s'apparente à une descente aux enfers entre alcool, vie nocturne dissolu et dépression, dont seul surnage son amour malheureux pour son premier mari, le playboy mi-espion mi-diplomate Porfirio Rubirosa qu'elle épouse à 17 ans et aimera toute sa vie.
Commenter  J’apprécie          1166
La Fille de l'ogre

Il a fallu le hasard d’une rencontre, à Châteauneuf-de-Galaure (Drôme) pour que je découvre enfin Catherine Bardon et son extraordinaire roman consacré à Flor de Oro Trujillo : La Fille de l’ogre. Histoires d’Histoire avait programmé cette intervention dans le cadre d’un week-end intitulé « Le bruit des bottes. Quand la montée des dictatures menace la démocratie. »

D’emblée, Catherine Bardon m’a intrigué et j’ai tout de suite décidé de lire son dernier roman, avant qu’elle publie Une femme debout, au début de ce mois de janvier 2024. Bien sûr, cette dictature de Trujillo, à Saint-Domingue, m’évoquait des souvenirs mais la vie de sa fille, Flor de Oro, tellement mouvementée, avec ses neuf mariages, ses moments de bonheur et ses coups de déprime, demandait à être connue en détails.

C’est donc la plume de Catherine Bardon qui m’a emporté sur les pas de Flor de Oro, La Fille de l’ogre. Si j’ai été captivé jusqu’au bout par cette histoire, je dois saluer d’abord l’énorme travail de documentation réalisé par l’autrice. Tout est daté, localisé et ce qui aurait pu être ennuyeux est formidablement lié par une plume des plus passionnantes, poétique parfois. Catherine Bardon a même ajouté quelques documents, lettres, photos, à la fin du livre.

L’autrice connaît bien les Caraïbes et en particulier Saint-Domingue. Elle sait faire vivre la population et ressentir la beauté des sites tout en faisant comprendre ce que subissaient les gens sous le joug d’une dictature de plus en plus dure.

L’histoire débute en 1920, à San Cristóbal, en République dominicaine. Flor de Oro a 5 ans et vit avec Aminta, sa mère. Elle se considère un peu comme une fille de remplacement de sa sœur, décédée. Son teint foncé ne plaît pas à son père car cela lui rappelle cette goutte de sang haïtien qui coule dans ses veines. D’ailleurs, cet homme n’aura qu’une obsession : se blanchir pour accéder et rester au pouvoir. Son ascension est irrésistible. Il accumule les maîtresses et divorce d’Aminta, envoyant Flor étudier en France, à Bouffémont (Val d’Oise) alors qu’elle n’a que 9 ans !

La vie de La Fille de l’ogre prend déjà une tournure peu ordinaire. Elle sera faite de quelques hauts et de beaucoup de bas, toujours sous la coupe de cet homme, son père, qu’elle aime et qui devient Président de la République dominicaine, en 1930. Je note que la photo qui orne la couverture du livre montre une Flor rayonnante au bras de ce père à l’air sévère.

Très vite, elle rencontre l’autre homme qui va énormément marquer sa vie : Porfirio Rubirosa. Elle en tombe aussitôt follement amoureuse, ne tient pas compte des avertissements et force son père, souvent nommé T dans le récit, à accepter le mariage. Elle a 17 ans et Porfirio, 23 ans.

Avec Saint-Domingue et sa capitale qui devient bientôt Ciudad Trujillo, la vie de Flor m’emmène à New York, Paris, Berlin, Rio de Janeiro, Washington, Rome, La Havane, Bogotá, Montréal pour revenir souvent à New York.

Je suis souvent choqué par le flot d’argent qui coule sans retenue car T se sert abondamment au détriment d’une population qui est de plus en plus fliquée comme le font toutes les dictatures. Arrestations, incarcérations, tortures, assassinats, la panoplie est complète et Flor craint aussi pour sa vie.

L’écriture magnifique de Catherine Bardon permet de bien appréhender le sentiment amoureux. Mais pour le décompte des neuf maris, la rencontre, la fâcherie et la rupture, je vous renvoie à la lecture de La Fille de l’ogre, un roman qui offre, en plus, d’excellentes formules pour permettre de ressentir la dégringolade de cette femme que je plains parfois mais dont je ne peux excuser tous les dérapages agrémentés d’une consommation d’alcool débridée.

Au final, se dégage un bien triste bilan d’une vie déchirée entre l’amour pour son père, un châtiment sans fin, et celui, infini, pour Porfirio Rubirosa, une véritable malédiction, un grand cirque tragique.


Lien : https://notre-jardin-des-liv..
Commenter  J’apprécie          1025
L'Américaine

Après avoir découvert avec beaucoup d'intérêt le très beau " les Déracinés " ,j 'ai eu le plaisir de rencontrer Catherine Bardon à " Lire à Limoges " et d'échanger avec elle pour , bien entendu , lui faire part de mon avis et lui demander de bien vouloir me dédicacer son deuxième roman , " l'Américaine "."L'Américaine", c'est la "suite " de "Les Déracinés " , un roman dans lequel on va retrouver nombre de personnages présents dans le précédent volume . On va y suivre plus particulièrement cinq années de la vie de Ruth , la fille de Wil et Alhma , les très beaux personnages dont nous avons pu suivre l'exil de l'Autriche de 1938 jusqu'en république dominicaine . Au moment où s'ouvre le roman , Ruth quitte son pays d'adoption pour rejoindre New - York afin d'exercer le même métier que son père , le métier de journaliste . A peine partie , sur le bateau, elle va faire la connaissance de " vous pleurez mademoiselle ?" un " gamin " aussi attachant que désopilant, voire irritant , le jeune Arturo qui ,lui , part pour entamer une carrière de musicien . Les deux jeunes héros vont occuper la plus grande partie de l'espace dans ce roman , une histoire touchante , émouvante , l'histoire d'une extraordinaire et indéfectible amitié capable de résister à toutes les épreuves de la vie . Et des épreuves , ils vont en connaître tout au long de ces cinq années de certitudes , d'interrogations , de doutes , d'inquiétudes , de rires et de larmes , cinq années d'initiation à la vie , leur vie , placés sous la protection tutélaire, discrète mais essentielle des personnages , héros du premier volume....C'est très humain , un beau plaidoyer sur le désir d'émancipation qui s'appuie sur les origines ,sur les bases familiales ou amicales qui ont forgé une conscience , une appartenance ,une authenticité. La jeunesse a toujours eu l'envie d'aller " voir ailleurs si l'herbe était plus verte " avant de souvent revenir là où se trouve sa place, sa vraie place ." Des racines ...et des ailes ".

L'histoire de Ruth et Arturio est magnifique , l'amour que leur portent ceux qui les entourent est magnifique . Madame Bardon sait raconter de belles histoires et on retrouve tout son talent pour faire passer des émotions , faire vivre ses personnages , nous les faire aimer , nous impliquer , bref , nous faire " tourner les pages " et retarder à l'extrême le moment où nos yeux épuisés se fermeront malgré notre résistance .

En parallèle , on retrouve des éléments historiques fort intéressants sur la république dominicaine et ses relations compliquées avec son peuple et les grandes puissances.Voici un deuxième roman qui confirme , pour moi , la grande réussite " des déracinés " , un essai transformé , en quelque sorte , qui laisse , à mon sens , la porte ouverte à un troisième volume , que j'appelle de tous mes voeux tant j'aimerais bien connaître le destin de tous ces gens qui sont entrés dans ma vie et avec qui j'ai encore envie de passer " un moment " , un bon moment , assurément.

J'ai lu que " les Déracinés " et " l'Américaine " pouvaient être lus indépendamment l'un de l'autre . Sans doute . Pourtant , à mon avis , ce serait dommage .Mais ce n'est que mon avis .

Encore merci , madame , pour ce roman très travaillé, documenté , fouillé et humain .J'ai adoré, mais , hélas , c'est fini......pour l'instant.
Commenter  J’apprécie          976
Les déracinés

On va suivre l’histoire d’un couple et de sa famille dont on fait la connaissance en 1921, alors que Vienne rutile de mille feux, tandis que se profile la montée de l’antisémitisme, du nazisme. Il y a d’abord les moments heureux, la rencontre, de Wilhelm et Almah, leurs familles respectives qui ont pignon sur rue : Julius le père d’Almah est un chirurgien renommé, sa mère Hannah, musicienne, le père de Wil Jacob est imprimeur, autoritaire certes, mais qui laissera son fils choisir le métier qu’il veut, alors qu’il rêvait de lui laisser l’imprimerie familiale, dont la femme Esther est en apparence soumise.



Malgré, les corbeaux noirs qui se profilent à l’horizon, on va assister à leur mariage, à la synagogue ; l’antisémitisme rampant va monter crescendo, les violences, les insultes, et certains commencent à fuir dans l’exil ou le suicide ; les droits se réduisent de plus en plus mais chacun espère que cela va s’améliorer, ils sont là depuis des générations, occupent une place dans la société viennoise…



Il est difficile de prendre la décision de s’exiler en laissant les parents derrière soi, la culpabilité s’insinue… Un jour, Myriam, la petite sœur de Wil se fait traitée de « sale truie » et cela va précipiter sa décision de partir. Pour Almah, c’est impossible de partir en laissant ses parents à Vienne, mais Julius et Hannah vont décider d’en finir, la libérant de ses hésitations et de sa culpabilité.



Ainsi commence l’exil, le passage par la Suisse, où ils atterrissent dans un camp où ils vont rester environ un an, puis la traversée de la France direction Lisbonne, où la vie leur sourit un peu plus et enfin l’embarquement vers l’inconnu dans le bateau qui les emmènent en Amérique, où ils espèrent pourvoir rester, Myriam et son époux Aaron habitant New-York : ils découvrent l’humiliation, Ellis Island où les examine comme des animaux… Leur demande est rejetée, ils acceptent alors d’aller avec le groupe à la Dominique.



Tout construire dans l’île où règne le dictateur Trujillo. Ils vont créer une communauté manière Kibboutz, travaillant la terre, construisant un village sur une usine désaffectée…



Peu à peu la communauté augmente avec d’autres arrivées, notamment Svenja et son frère Mirawek, arrivés de l’Est, Emil, mais aussi Markus qui sera un ami solide pour Wil. Une belle histoire d’amitié entre Svenja, libre, volage, et Almah et en miroir celle de Markus et Wil… Des liens qui se renforcent autour de la création du journal, car ils ont dû renoncer à une partie de leurs rêves, le journalisme pour Wil, alors que sa femme peut encore exercer son métier de dentiste.



Almah est le moteur de ce couple extraordinaire qui résiste même s’il doit parfois s’arc-bouter pour tenir ; elle s’accroche à la vie même dans les pires moments…



Ils élèvent leurs enfants, Frederik, né à Vienne et Ruth, conçue probablement lors du « séjour » à Ellis Island, dans cette atmosphère de liberté et de créativité, mais ne parlent jamais du passé, de ceux qui sont restés à Vienne, voulant à tout prix les protéger dans cette bulle… Ruth est le premier bébé né dans la communauté, ce qui lui donne une aura, parfois dure à assumer pour elle.



Il faut se battre tous les jours pour faire sortir quelque chose de cette terre, avec des périodes de doute voire de suspicion car les semences sont imposées par … Monsanto (déjà), les vaccins et les antipaludéens par Bayer…



Un jour, le 23 février 1942, la nouvelle tombe : Stefan Zweig s’est suicidé. C’était le maître à penser de Wil, il l’admirait profondément … Elle connaissait la passion maladive de Wilhelm pour l’écrivain autrichien qu’il avait interviewé avec tant de fierté autrefois. C’était lui qui lui avait donné le goût de la littérature et qui l’avait inspiré par son mode de vie…



Il va lui rendre hommage en publiant la lettre émouvante laissée par Stefan Zweig dans leur journal…



Catherine Bardon évoque aussi avec beaucoup de sensibilité les vagues de nostalgie (Sehnsucht) qui parfois remontent avec une odeur, un mot et les ramènent dix ans en arrière…



Mais peu à peu, la Communauté va s’éloigner des principes qui ont été à la base de sa construction, certains voulant vendre leurs produits directement, faire de l’argent… Et les liens vont se distendre car il y aura la création de l’État d’Israël et certains, comme Svenja et son frère, partiront créer des Kibboutz avec gestion collective, comme si l’expérience de Sosua était le brouillon, la première mouture, mais où se situe la frontière entre réalité et idéal ?



Catherine Bardon aborde dans ce roman l’histoire de cette famille et de leurs amis, entre 1921 et 1961 (avec le procès de Eichmann) en nous rappelant en parallèle la grande Histoire, sans jamais, tomber dans la facilité, ou la caricature, nous livrant les états d’âme de chacun, en les reliant aux grands évènements, aux grands personnages de l’époque.



Elle ne nous brosse pas un tableau idyllique de l’île car le dictateur Trujillo (alias « le bouc » à cause de son appétit pour la chair fraiche) y règne avec une poigne de fer et le narcissisme et le culte de la personnalité sont bien là, même si la petite communauté est loin de la capitale.



Elle ne cherche pas à nous vendre un couple idéal à travers l’histoire de Wil et Almah : c’est un couple qui s’aime très fort car les liens qui se sont tissés entre eux sont basés (et renforcés) par toutes les épreuves qu’ils ont traversées, mais l’amour n’est jamais un long fleuve tranquille et ils auront tous les deux des blessures, des crises à traverser, ce en quoi ils nous ressemblent.



Un petit mot dur le style : l’auteure a choisi d’alterner le récit des faits et les notes du journal tenu par Wilhelm où il exprime son ressenti, ce qui donne une saveur particulière à son livre.



Etan donné ma passion pour cette époque de l’histoire, ce livre était pour moi, mais il m’a tellement emballée que j’ai du mal à faire une synthèse et ma critique, comme toujours dans ces cas-là part un peu dans tous les sens, tellement j’ai envie de partager mon enthousiasme.



J’ai adoré ce roman, volumineux mais qui se dévore, ces héros que je n’avais pas envie de quitter et dont j’ai appris à connaître les états d’âme, les personnalités. Je vais enchaîner avec le tome 2 « L’Américaine ». Je l’ai acheté pour avoir une version papier et revenir sur tous les passages que j’ai soulignés…



Vous l’avez compris, si vous ne l’avez pas lu, précipitez-vous…



Un immense merci à NetGalley et aux éditions « Les Escales » qui m’ont permis de découvrir ce livre magnifique.



#LesDéracinés #NetGalleyFrance
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
Commenter  J’apprécie          758
L'Américaine

Presque un an après "Les déracinés", j'attaque le deuxième volet de cette tétralogie. Et deux constatations en préambule :

Le premier volet était encore très présent dans ma mémoire, et je n'ai jamais ressenti le besoin de le consulter à nouveau, signe que ma note de l'époque (4,5) était justifiée. Il a laissé sa trace, sans faire vraiment de vagues à l'époque, mais de façon durable.

Ce deuxième volet m'a laissé un peu sur ma faim, en comparaison. J'ai été un peu déçue par le personnage de Ruth, et ses errances en terre américaine.



Quand je parle d'errances, il s'agit surtout d'une vue de l'esprit de Ruth, Elle sera en effet accueillie, au sein de sa famille, par sa tante et le mari de celle-ci, architecte, qui vivent à New-York de façon très privilégiée. Elle n'aura jamais à errer au sens géographique du terme. En revanche, elle ne sait pas très bien ce qu'elle veut, et malgré tout le soutien qu'elle peut recevoir de sa famille, de son meilleur ami, Arturo, dominicain aussi, rencontré lors de son départ de l'ile, et de sa marraine, elle peine à se trouver.

Elle m'a parfois un peu exaspérée, me faisant penser à une gamine trop gâtée, qui se plaint un peu trop de son sort, même si la vie n'a pas toujours été tendre avec elle. Elle a du mal à se tourner vers l'avenir, se sentant de par le passé de sa famille, étrangère partout. Et son enfance, particulièrement heureuse et protégée ne l'a pas préparée à affronter toutes les questions qu'elle se pose hors de son cocon familial. La façon dont l'auteur relate son mal-être a contribué à cette lassitude de ma part: elle nous décrit longuement les sentiments de Ruth, au détriment parfois de ce qui lui arrive.



Cependant, les personnages secondaires m'ont séduite, d'abord ceux que l'on connaissait par le premier tome, Alhma, sa mère toujours aussi superbe et Svenja sa marraine, toujours aussi pétulante, les deux étant des femmes résolues, allant leur chemin sans se laisser intimider par quiconque.

Et la meilleure surprise de ce tome a été Arturo, rencontré par Ruth, sur le bateau qui les emporte loin de l'ile. Il est tour à tour attendrissant, drôle, émouvant, réconfortant et saura entourer Ruth de son amitié et la soutenir quoiqu'il arrive.



Ce qui m'a aussi intéressée, c'est de continuer à découvrir l'histoire de l'ile, que j'ignorais totalement. Et je me réjouis d'y retourner pour le troisième tome. L'auteur n'est jamais aussi inspirée que quand elle en décrit les paysages, les coutumes, la cuisine, les danses et surtout ses habitants.

J'essaierai de laisser passer un peu moins de temps avant de l'ouvrir.
Commenter  J’apprécie          659
Les déracinés

« Sans racines, nous ne sommes que des ombres . »

«  Nous ne pourrons jamais revenir , ils ne nous pardonneront jamais ce qu'ils nous ont fait. »



Deux extraits de cette fresque fabuleuse au souffle puissant, lue comme un feuilleton, l'histoire d’une longue errance de pays en pays, d’illusions en désillusions , du tourbillon de la vie à Vienne vers 1921 à 1961 en République Dominicaine où les héros apprendront le goût des fruits, les colères du ciel , les caresses du soleil souvent brûlant , les odeurs de la terre, les hamacs et les machettes , Les ventilateurs , les chaises berceuses , le nom des poissons , et des plantes, renonçant à tout superflu , peut- être toucheraient - ils au bonheur ?



Après mille traumatismes, exclusions, exils , renoncements , humiliations , douleurs extrêmes ...





















Vienne la fabuleuse , ville d'esprit , d'art et de patrimoine, ses promenades au parc du Prater,



Vienne : insouciante, resplendissante, fourmillante , bruissante , ses concerts ,théâtres , musées,



cafés , une effervescence culturelle , intellectuelle et artistique jusqu'à « la banalité du mal » selon



Hannah Arendt, la traversée d'une guerre, un holocauste, la perte d'un enfant ....



L'auteur conte lors de courts chapitres bien structurés l'histoire passionnante de Wilhem Rosenheck , 25 ans journaliste qui ne se sent pas juif , admirateur fervent de Stefan Zweig, ( effondré lors de l’annonce de son suicide ) seulement profondément autrichien , confiant et en sécurité et Almah , belle , libre, radieuse ....20 ans qui deviendra dentiste .

Ils se rencontrent en 1932, commence un amour vibrant, profond, incommensurable.

Animés d'une puissante rage de vivre , ils devront affronter lors d'un adieu poignant , silencieux et intime leur univers, leur pays , leurs parents, leurs racines...



La montée de l'antisémitisme les obligera à passer un an dans un camp en Suisse.

Empêchés de partir aux Etats - Unis à cause de visas faux , on leur proposera de se rendre en République Dominicaine où le dictateur local offre cent mille visas à des juifs venus du Reich ....



Là , ils tenteront en devenant fermiers de reconstruire leur vie, leur destin, au milieu de la jungle brûlante ...



Fondée sur des faits réels, alternant le journal de Wilhem , ses réflexions parfois désabusées et les faits , c'est une lecture à la fois historique et universelle , entraînante , poignante , bouleversante, riche d’enseignements et de réflexions ....



Wilhem perdra ses illusions de journaliste, l'oubli de ses rêves de jeunesse: douleur de l'exil, : quête de racines , remords .

Almah, , vibrante , courageuse , aimante , fière , déterminée , beaucoup plus forte tentera sa vie entière de continuer à l'aimer ...tout en participant à fonder une communauté agricole , une coopérative à fonctions multiples une espèce de Kibboutz ou plutôt un moshav, le profit bénéficiant à l'ensemble du groupe , les décisions étaient prises collectivement de façon démocratique ....

On pourrait en dire plus mais .....

Les personnages sont vivants et vibrants, terriblement attachants ,pétris d’humanité .

L'écriture est précise , fluide.

Les dates des événements aident à la compréhension de ce pan d'histoire méconnue ....

L'auteure dont c'est le premier roman , fondé sur des faits réels est une amoureuse de la République dominicaine , auteure de guides de voyage et d'un livre de photographies sur ce pays , où elle a passé de nombreuses années ...

Je pense à certaines amies de Babelio qui pourraient apprécier ce gros livre : 650 pages , irradiant de douleur mais aussi d'amour chez des êtres pris dans les turbulences du temps ....

On ne voit pas le temps passer tellement cette lecture romanesque prend aux tripes ....

Un coup de coeur ..mais ce n'est que mon avis..

Merci à ma médiathèque, à Claire , qui avait mis en avant cet ouvrage , paru en mai 2018 .....

Je le conseille ..

Publié aux éditions : Les escales , Domaine Français.



Commenter  J’apprécie          6415
 Et la vie reprit son cours

Quand j'étais plus jeune, j'adorais me plonger dans de grandes sagas romanesques. J'ai lu quasiment tous les Jalna, découverts dans le grenier de ma grand-mère, les Henri Troyat ou les Maurice Denuzière. Cette habitude m'est un peu passée, ces lectures se révélant souvent chronophages.



J'ai un peu renoué avec cela ces derniers temps, que ce soit la saga des Cazalet ou celle-ci de Catherine Bardon. Et j'y retrouve ce qui fait le charme de ces grandes fresques romanesques : la vie d'une famille à travers plusieurs générations agrémentée de données historiques qui ajoutent à leur attrait.



Dans ce troisième tome des Déracinés, on retourne en République Dominicaine, même si l'histoire des États-Unis et d'Israël est bien présente grâce aux amis et membres de la famille qui y résident ou y font des séjours. le roman est comme dans le deuxième tome, centré sur Ruth, avec alternance de chapitres à la première et à la troisième personne, permettant à l'auteur d'approfondir ce que ressent Ruth. Celle-ci va se marier, avoir des enfants et vivre une vie que l'on pourrait qualifier de tranquille, bien à l'abri sur les terres familiales, même si quelques évènements viennent secouer ce monde protégé et privilégié. Son travail de journaliste passe au second plan.



J'ai aimé retrouver toute la tribu, les personnages déjà connus et les nouveaux arrivés. L'intérêt de ce type de saga, c'est d'avoir l'impression de faire partie de la famille, de vivre leur vie à leurs côtés.

L'histoire de la république Dominicaine est bien évoquée, sur ces années (de 1967 à 1979) ainsi que les événements marquants des États-Unis : assassinat de Martin Luther King, mouvement Hippie, interventionnisme dans tous les autres états américains, guerre du Vietnam, et d'Israël notamment les accords de camp David. Mais, ils sont relatés plutôt que vécus, et même la chape de plomb de la dictature dominicaine n'est pas très sensible dans la vie de tous les jours de Ruth et sa famille.

Je n'ai pas retrouvé dans ce tome le souffle qui portait le premier, et même si je l'ai préféré au second, je l'ai trouvé un peu fade, sans grandes surprises. Je pense que je lirai quand même le dernier pour savoir ce que devient chacun des membres de cette famille à laquelle je me suis attachée.



Merci à NetGalley et aux éditions Les Escales pour ce partage #Etlavierepritsoncours #NetGalleyFrance
Commenter  J’apprécie          6311
La Fille de l'ogre

C’est avec une certaine empathie que Catherine Bardon nous raconte le destin pitoyable de Flor de Oro, la fille de l’Ogre des Caraïbes, autrement dit Rafael Leonidas Trujillo qui a exercé un pouvoir dictatorial jusqu’à son assassinat en 1961.

Toujours sous surveillance, comme tout l’entourage du dictateur, Flor de Oro doit se soumette aux ordres et au bon vouloir de son père. L’auteure nous raconte cette vie faite de mariages ratés, neuf au total, de voyages et de fêtes. Dépendante de la fortune du dictateur et parfois assignée à résidence, Flor del Oro tente d’oublier ses désillusions dans l’alcool et les bras des hommes qu’elle se doit d’épouser pour ne pas entacher l’honneur de son père. Toute sa vie elle devra se débattre conte son anorexie et l’alcoolisme.

L’histoire n’a pas retenu grand-chose de cette jeune héritière, et son premier mari, Porfirio Rubirosa, play-boy volage qui sera diplomate, espion, coureur automobile et la coqueluche des femmes en vue aura laissé davantage de traces.

Catherine Bardon prend le parti de son héroïne pour narrer ses difficultés, ses échecs et ses tentatives avortées de révolte et de liberté. Il fallait bien combler les lacunes de cette biographie et l’auteure romance à foison les amours nocifs de Flor tout en imaginant son attachement pour ce père dont elle voudrait être aimée.

En filigrane se déroule l’histoire de l’île sous le joug du « Bienfaiteur de la Patrie » ainsi que les évènements mondiaux comme la montée du nazisme et la seconde guerre mondiale. J’ai regretté que l’histoire ne soit pas davantage abordée, ainsi que les cruelles conséquences de la dictature de Trujillo. Pour approfondir un peu plus l’histoire de cette dictature, il faut lire « La fête au bouc » de Mario Vargas Llosa, un portrait effroyable de la société de corruption et de turpitude qui a régné à Saint-Domingue.



Commenter  J’apprécie          572
Les déracinés

C'est avec brio et émotion que Catherine Bardon nous raconte l'histoire : Les déracinés.

Ce roman inscrit l'histoire d'une famille dans le Temps universel de l'Histoire.Je veux dire par là que cette histoire est commune à tous les déracinés.

Almah et Wilhelm se rencontrent dans la Vienne fascinante des années 30. La vie n'est qu'un tourbillon joyeux jusqu'à ce que l'HISTOiRE prenne le pas et dicte aux individus ce qu'ils doivent faire, ce qu'ils doivent subir. L'antisémitisme encore latent explose avec l'arrivée d'Hitler au pouvoir en Allemagne et l' Anschluss en Autriche.

Être juif devient une tare, une infamie qui permet tout à leurs bourreaux comme humilier des juifs Autrichiens à nettoyer les pavés avec des brosses à dents .

Almah et Wilhelm n'ont d'autre recours, comme tous les leurs de fuir l'Autriche leur pays bien aimé.Cette tragédie les conduit sur le chemin de l'exil. D'abord en Suisse, puis à New York, mais personne ne veut des juifs qui fuient, on évoque des quotas "dépassés".

Almah et Wilhelm finissent par échouer avec leur jeune fils en République dominicaine ou le dictateur Trujillo les "accueillent".

Mais quand on n'a nulle part où aller...

Alors, Almah et son mari vont vivre dans cette île où la nature luxuriante et la mer les autorisent à vivre une autre vie.

Catherine Bardon nous parle de cette résilience extraordinaire de l'homme, qui peut tout endurer même si le vague à l'âme est toujours présent dans chacun des coeurs, mais c'est la vie qui triomphe , l'espoir d'un lendemain qui donne l'énergie de lutter.

J'ai beaucoup aimé ce roman qui nous transperce le cœur et je le dédie à tous les exilés du monde d'Hier comme hélas celui d'aujourd'hui.
Commenter  J’apprécie          565
L'Américaine

Il ne faut pas prendre une saga à rebrousse poil et lire le tome 2 avant le tome 1. Non qu'on ne suive pas- on nous balise obligeamment la route- mais c'est comme prendre un film après quelques minutes:  on n'arrive pas à rentrer dedans, on regarde tout d'un oeil un peu détaché,  on entend les voisins tousser, on est agacé par l'odeur de pop corn de la rangée de devant.  Bref, on est mauvais public.



 Il ne faut pas essayer d'entrer en empathie avec la fille au prétexte qu'elle est l'héroïne du tome 2 alors qu'il est évident que la mère, héroïne du tome 1, passée ici au second plan,  avait (et a toujours) toutes les qualités romanesques requises pour polariser et pimenter la lecture . Seulement voilà,  la mère a eu son heure de gloire, et vous n'aurez que quelques miettes de la flamboyante Almah. Votre sandwich à  vous, c'est Ruth. La fille.



Il faut se méfier des suites. Souvent le soufflé retombe, le souffle,  lui, se fait court, l'inspiration se cherche. On ne sait plus bien où on va.



Exactement comme Ruth dite Ruthie.



Elle quitte Saint Domingue pour New York, cet Eldorado autrefois espéré par ses parents, Almah et Will, et qui ne les a pas admis. Ruth, elle, y va sans problème,  avec un passeport en bonne et due forme. Sa tante l'attend. Plan plan. Pépère. Ce n'est pas Exodus. Ni le Saint Louis.



Elle voudrait devenir journaliste. On est dans les années soixante. Elle pourrait suivre la cause de Martin Luther King, la naissance des contestations étudiantes, du mouvement hippie,  l'assassinat de Kennedy, l'émergence de la Factory et de l'Underground. Rien ne la motive vraiment si ce n'est Un concert des Beatles.... Et ces grands événements de la vie americaine cités plus haut prennent trois lignes  dans son récit. On doute de sa motivation...



C'est que  (comme son auteure m'a t il semblé ) Ruth hésite, se cherche,  en bonne fille de Déracinés elle va passer 450 pages (quand même ) à osciller entre trois terres: le Paradise lost de Saint Domingue,  le Paradise regained  de New York et...Israël,  la terre promise de ses aïeux.



Si Ruth avait un peu plus de couleurs, ou si les pays entre lesquels son coeur balance  avaient plus d'épaisseur, on s'attacherait, on se passionnerait même peut-être.  Mais c'est une persillade, rien de plus. Elle met en appétit mais le plat juste saupoudré, reste fade, les caractères effleurés.



Tout coule et rien ne reste, comme dirait mon pote Héraclite. 



Cela dit, j'ai lu sans déplaisir cette Américaine au titre si mal choisi .



A son actif, le livre a une ecriture fluide, facile, lisse. Où rien n'accroche. Où tout est prévisible, pressenti. 



Un roman tout confort pour lectrice fatiguée qui a besoin qu'on lui mâche un peu les choses. À ce titre, c'était le bon livre pour la bonne personne et au bon moment.



Je lirai sans doute le tome 1 au vu de ses excellentes critiques mais, pour moi, le voyage s'arrêtera là.  Pas de tome 3, c'est sûr. 

Commenter  J’apprécie          5623
L'Américaine

Nous retrouvons dans ce roman, les héros qui ont fait la joie des lecteurs qui ont aimé « Les déracinés ». Le récit alterne toujours les faits et le journal des ressentis, émotions du héros principal, qui est Ruth, la fille de Wilhelm et Almah Rosenheck.



Un drame est survenu à la ferme, Wilhelm est décédé à la suite d’un accident de la route, idiot comme souvent : sa voiture a percuté une vache, dans la nuit, à peine quelques secondes d’inattention et c’est le grand voyage…



Ce drame traumatise tout le monde, on s’en doute, mais Ruth, « le premier bébé » de la colonie, dont le visage a été photographié, a même été utilisé pour des timbres-poste éprouve le besoin de quitter sa famille pour aller faire des études de journalisme à New-York. Nous sommes en 1961.



Elle part en bateau, refaisant à l’envers le voyage que ses parents ont fait des années plus tôt, comme un pèlerinage. Elle fait la connaissance d’Arturo sur le steamer, un jeune Dominicain qui part faire des études aussi.



Ruth découvre ainsi la sinistre Ellis Island qui depuis ne retient plus personne en quarantaine, et comprend ce que ses parents ont dû ressentir quand les US ont refusé de les accueillir.



Elle vient vivre chez sa tante Myriam, qui tient une école de danse, et dont le mari Aaron a bien réussi dans son métier d’architecte, et une relation forte se noue avec leur fils Nathan, épris de danse lui-aussi. Leur réussite est teintée de tristesse, car Myriam pense à son frère Wil et à Almah qui n’ont pas peu réaliser leur rêve.



« Je voulais vivre ma vie comme je l’entendais sans m’encombrer des bagages pesants de l’histoire familiale. J’allais écrire une page de la vie des Rosenheck en Amérique. Ma propre page. »



Ce roman évoque surtout le statut difficile des enfants de la deuxième génération : ses parents sont des êtres tellement exceptionnels pour Ruth, qu’elle se sent nulle, ne pouvant jamais leur arriver à la cheville. Comment faire son chemin quand les parents ont tant souffert, ont dû supporter tellement de désillusions, travailler la terre, construire leur colonie ?



« Qui étais-je, moi Ruth Rosenheck, née en république Dominicaine de parents juifs autrichiens, parachutée à New-York ? Juive, Autrichienne, Dominicaine, américaine ? Avais-je fait le bon choix ? Je me sentais perdue… »



Un autre élément entre en ligne de compte : ils n’ont jamais parler de leurs propres parents, de l’antisémitisme, de la Shoah pour préserver leurs enfants, car c’était trop lourd à porter, alors ils les ont élevés dans la liberté, l’insouciance : Ils étaient « les petits princes de la colonie » dit Ruth.



Alors dans ce cas, comment savoir qui l’on est et d’où l’on vient ? Comment se construire ? Ruth a choisi le journalisme comme son père, après avoir abandonné ses études d’infirmière, (dans la famille d’Almah, ils étaient médecins depuis des générations) et le virus était entré en elle lorsqu’elle avait couvert le procès d’Eichmann…



A l’université, elle se rend compte qu’il y a des clans, l’élite et les autres dont elle fait partie, ce qui ne facilite pas l’intégration… les US n’ont guère fait de progrès depuis l’arrivée de ses parents, la fermeture d’Ellis Island n’est qu’un symbole et encore…



Ruth a idéalisé aussi le couple formé par ses parents, en mettant la barre aussi haut, comment s’engager dans une histoire d’amour, construire un couple ou une famille ?



Elle se cherche, s’égare dans des amours sans lendemains, comme si elle voulait se perdre elle-même, seul Arturo son ami est fidèle au poste. Avec lui, elle va assister, à l’assassinat de JFK, le racisme, Johnson et la guerre au Vietnam, et la marche des droits civiques avec Martin Luther King, le plus jeune prix Nobel, ne l’oublions pas… en passant par les jeunes hippies, la drogue, l’amour libre, (où elle retrouvera Lizzie qui faisait partie de la bande des quatre copains autrefois.



Même si le récit qui s’étend jusqu’à 1966, allume un projecteur sur Ruth, on ne perd pas de vue les autres personnages, Almah, Marcus, Svenja, Frizzie entre autres, ni l’évolution de la situation politique et sociale de la République Dominicaine, ou la construction d’Israël.



J’ai aimé la manière d’aborder la recherche de l’histoire familiale pour savoir ce que l’on veut transmettre, le besoin de se connecter avec les grands-mères qu’elle n’a pas connues, pour continuer le chemin tout en partant à la quête de son identité. Mettre de la distance, géographiquement parlant, ne rend pas forcément plus autonome. Cette jeune femme est intéressante, même si l’on parfois envie de la « secouer un peu » pour qu’elle avance…



Catherine Bardon, nous fait parcourir les US par le biais de tous les évènements importants qui se sont déroulés sur cette période, et pointe le traitement des Noirs, le rejet dont ils sont victimes. Elle n’est pas tendre dans sa description et tout ce qu’elle évoque résonne tristement avec la période actuelle. En choisissant de faire participer Ruth et Arturo à la marche pour les droits civiques pour écouter le discours de Martin Luther King : « I have a dream », elle donne au lecteur la possibilité de « revivre » cette manifestation pacifique.



J’ai bien aimé ce roman, même s’il manque quelque chose de la magie du premier tome « Les déracinés », cela reste une belle histoire, qui étrille « l’Amérique » et sa société qui ne brille pas par sa tolérance, et se comporte comme le gendarme du monde, n’hésitant pas à envoyer des soldats pour maintenir à tout prix une dictature en République dominicaine par exemple…



Ce roman est dense, il ne s’étend que sur six années et pourtant il se passe tant de choses ! j’espère que l’auteure nous proposera une suite car il est difficile de se détacher des personnages…



Un grand merci à NetGalley et aux éditions Les Escales qui m’ont permis de découvrir ce roman et d’apprécier une nouvelle fois son auteure.



#Laméricaine #NetGalleyFrance




Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
Commenter  J’apprécie          540
Les déracinés

1931, Vienne resplendissante. Ville de patrimoine et d'esprit. Une jeunesse dorée celle d'Almah, celle plus ancrée dans le concret de Wilhelm. L'insouciance des années d'avant la montée de l'antisémitisme, de la folie meurtrière propagée par Aldof Hitler.



Catherine Bardon nous plonge dans un pan de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale méconnu pour sublimer une histoire d'Amour vibrante, une histoire de vies qui se cherchent une terre d'adoption pour construire un havre de paix, survivre.



Il est journaliste, elle est dentiste. Ils seront fermiers. Ils enfouiront la peur, pleureront ceux qui se sont sacrifiés pour qu'ils aient une famille, une vie heureuse.





Ce devait être une parenthèse avant le retour. Impossible. Trop d'horreur, trop de peur, trop de morts, rien ne sera plus pareil à la Vienne de leur insouciance. Il faut construire, s'installer au soleil, à l'ombre d'un dictateur. Une communauté, un kibboutz expérimental, des amitiés, un lien, une ancre.



C'est un roman d'exception. Il dit tout de l'Humanité : son inhumanité, sa résilience. Les destins de Wilhelm et Almah, l'apprentissage d'un nouveau monde, d'une nouvelle langue. Les amitiés fraternelles avec Markus et Svenja.



"Sans le savoir, une population fragilisée de juifs apatrides dont aucun État ne voulait, se prêtait à une expérimentation sociologique d'envergure." Ils réussirent un temps.



L'auteure raconte les pertes immenses comme celle de Stéfan Sweig : en adressant une lettre de suicide dans laquelle il dira tout de l'état d'esprit de ces rescapés : "adresser de profonds remerciements au Brésil, ce merveilleux pays qui m'a procuré, ainsi qu'à mon travail, un repos si amical et si hospitalier. De jour en jour, j'ai appris à l'aimer davantage et nulle part ailleurs je n'aurais préféré édifier une nouvelle existence, maintenant que le monde de mon langage a disparu pour moi et que ma patrie spirituelle, l'Europe, s'est détruite elle-même".



Cette fresque romanesque captive, vous tire larmes et sourires. 30 ans pour une saga sur fond d'horreur où les enfants prendront racine. Quelque 600 pages qui vous livrent une part d'histoires de 100 000 Juifs qui content l'Histoire sombre et lumineuse à la fois, entre peurs, amours et espoirs. L'exil. Les personnages sont attachants, vivants, vibrants.



Catherine Bardon nous offre une fresque bouleversante très cinématographique. Un roman instructif qui doit devenir un incontournable de nos bibliothèques.

Commenter  J’apprécie          544
Les déracinés

La capacité d’adaptation : voilà un trait de personnalité que l’on retrouve chez beaucoup d’êtres humains, et je l’approuve entièrement.

Ce roman, c’est ça.



L’histoire démarre à partir d’un jeune homme viennois, Juif, fils d’imprimeur, et d’une jeune femme dont il tombe amoureux, Almah, Juive également, fille de chirurgien. Ces jeunes gens ont tout pour réussir dans la vie : une famille aimante, des métiers qu’ils ont voulus, journaliste et dentiste, de l’argent, et l’amour fou.

Mais les années 30 à Vienne n’offrent pas d’avenir radieux. C’est avec effroi et consternation qu’ils voient s’approcher puis prendre possession de leur ville et de leur pays l’ogre allemand.

Obligés de quitter leur pays parce que chassés, honnis comme tant de milliers d’autres, ils fuient. Après un an de stagnation dans un camp pour réfugiés en Suisse et un passage décevant par Ellis Island, ils arrivent en République Dominicaine, qui à l’époque est sous la coupe du dictateur Trujillo. Faisant partie d’un programme de « placement » des Juifs déracinés, ils s’y installent en compagnie de quelques dizaines d’autres, échappant par ce moyen à l’Holocauste. Que leur réserve la vie là-bas ?



J’ai découvert un épisode (si l’on peut dire) que je ne connaissais absolument pas, et j’ai été séduite par des moyens attrayants et détournés en m’attachant à une famille fictive. L’histoire est ancrée dans l’Histoire, et les multiples personnages de fiction s’emmêlent aux êtres réels.



Ce roman est très instructif, de facture classique mais aux phrases chantantes, aux descriptions très visuelles, où l’amour, l’amitié, la persévérance côtoient le deuil, la jalousie, les regrets. Une vie ordinaire, en somme, mais tellement extraordinaire.

Commenter  J’apprécie          506
Un invincible été

Ainsi s’achève cette tétralogie s’étendant sur 83 longues années étalées sur deux siècles.

De ce dernier tome, j’ai aimé, avant tout, son titre emprunté à une citation de Camus « Au milieu de l’hiver, j’apprenais enfin qu’il y avait en moi un été invincible »

( L’Eté- 1954- Retour à Tipasa 1954). Il résume si bien la saga de cette famille, de chacun de ses membres et du cercle de ses amis , qui a dû affronter la peine, la tristesse, la guerre, l’exil, la mort et la vie qui continue, l’apaisement, l’amour qui ressurgit dans les moments les plus insidieux, les plus poignants, qui a surpassé le froid douloureux de l’hiver , symbole du mal, du désespoir, de la violence, des heures sombres, pour retrouver la lumière sublime de l’été, métaphore du bonheur, de la joie de vivre…

Une famille qui a su, grâce à ses valeurs, et comme Camus, faire de sa vie son métier d’Homme et de Femme «  J’avais fait mon métier d’homme et d’avoir connu la joie tout un long jour ne me semblait pas une réussite exceptionnelle, mais l’accomplissement ému d’une condition qui, en certaines circonstances, nous fait un devoir d’être heureux. » (Camus, Noces à Tipasa 1938).

Catherine Bardon a, une fois de plus, avec justesse et intelligence, croisé et intégré les évènements marquants ou un peu moins qui ont jalonné les 33 ans racontés dans ce dernier livre.

Une réussite littéraire.
Commenter  J’apprécie          485
 Et la vie reprit son cours

Ruth se marie



Le troisième volet de la saga dominicaine de Catherine Bardon couvre les années 1967-1979. L’occasion pour Ruth, la narratrice, de trouver l’amour et d’affronter de nouveaux défis. On la suit avec toujours autant de plaisir.



«Il y avait là deux continents, quatre pays, cinq langues, trois générations. Comme Wilhelm Rosenheck aurait été fier de cette belle et grande famille née de son exil et du sacrifice de sa terre natale.» À l’image de l’émotion qui étreint Ruth qui retrouve tous les membres de sa tribu à Sosúa à l’occasion de son mariage, le lecteur qui l’a suivie depuis Les déracinés à l’impression de faire partie de la noce. Pour un peu, il lèverait son verre avec eux, heureux de partager ce moment de bonheur. Car il sait ce qu’ils ont enduré depuis cet exil en République dominicaine dans les sombres années de l’Anschluss.

La belle histoire de ce troisième tome commence avec l’arrivée sur l’île d’Arturo, son ami pianiste installé à New York. Le jeune homme est venu passer quelques jours auprès de sa famille – de riches industriels du tabac – et retrouver Ruth. Il était pourtant loin d’imaginer que son escapade au carnaval avec son frère Domingo aboutirait à un mariage. Faisant fi des conventions – inutile d’ajouter qu’elle nous avait habitué à ça – Ruth se laisse aller dans les bras de cet homme marié et plonge à corps perdu dans une «passion folle, impétueuse, exaltée, excessive même.»

Un tourbillon qui va tout balayer en quelques mois et trouver son apothéose dans ce mariage célébré en novembre 1967, quelques mois après la fin de la guerre des six jours que la branche des émigrés installés en Israël a vécu au plus près.

Car Catherine Bardon – comme dans les précédents épisodes – profite de cette chronique qui embrasse la période de 1967 à 1979, pour revenir sur les faits historiques marquants qui vont toucher de près la diaspora. On se souvient qu’après avoir joué L’Américaine (qui vient de paraître en poche chez Pocket), Ruth avait choisi de revenir en République dominicaine pour poursuivre l’œuvre de son père et diriger le journal de Sosúa. Elle est donc aux premières loges pour commenter les soubresauts du monde, notamment quand ceux-ci touchent directement la communauté. Au choc de l’assassinat de Martin Luther King succéderont les images du premier homme sur la lune, puis celles terribles de cette guerre au Vietnam qui n’en finit pas.

Bien entendu, elle ne pourra laisser sous silence les accords de Camp David et cette photo chargée de tant d’espoirs rassemblant Jimmy Carter, Anouar El Sadate et Menahem Begin, espoir douché à peine une année plus tard par le sanglant attentat aux J.O. de Munich.

Aux bras de son mari, Ruth nous fait aussi partager son quotidien et nous raconte la vie sur ce bout de terre des Caraïbes et la chape de plomb imposée par le dictateur Balaguer. Je vous laisse notamment vous régaler des péripéties engendrées par la visite de Jacques Chirac en 1971 et la course à un objet de l’ethnie tainos à offrir à ce grand amateur d’arts premiers.

Et le roman dans tout ça? J’y viens, d’autant plus qu’il occupe la part prépondérante du livre, comme le titre le laisse du reste suggérer. Lizzie, l’amie d’enfance de Ruth, qui avait émigré aux États-Unis et avait rejoint le flower power en Californie, lui a fait la surprise d’être présente à son mariage. Mais derrière l’excentricité se cachait la gravité. C’est une personne malade qu’elle accueille chez elle et qu’elle entend aider. Et pour que la vie reprenne son cours paisible, il faut aussi que Gaya, la fille de Christopher, accepte son beau-père. Disons simplement qu’un voyage aux États-Unis servira à dénouer ce problème, avec une belle surprise à la clé.

Catherine Bardon se régale et nous régale. Elle est passée maître dans l’art de faire rebondir son récit, de mettre tour à tour les différents protagonistes au premier plan, de faire brusquement rejaillir le passé, comme par exemple quand un tableau de Max Kurzweil se retrouve dans une galerie de Tel-Aviv…

Et si un quatrième tome est déjà programmé, la romancière aimerait bien s’affranchir de sa famille dominicaine pour se lancer dans une autre histoire, totalement différente. En attendant, ne boudons pas notre plaisir !




Lien : https://collectiondelivres.w..
Commenter  J’apprécie          470




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Catherine Bardon Voir plus

Quiz Voir plus

Viviane Moore, Le seigneur sans visage

Quel est l'animal de compagnie de Michel ?

une hermine
un chat
une salamandre
un chien

15 questions
823 lecteurs ont répondu
Thème : Le Seigneur sans visage de Viviane MooreCréer un quiz sur cet auteur

{* *}