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Critiques de Dominique Bona (358)
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Les partisans : Kessel et Druon, une histoi..

Salut amis voyageurs,



vous commencez à me connaître désormais. Alors lorsque Babelio.com m'a proposé de découvrir Les partisans, Kessel et Druon, une histoire de famille, de @Dominique Bona, de L'académie française, paru aux Éditions Gallimard, je ne pouvais que succomber ! Un grand merci à ces différents partenaires de m'avoir offert cette opportunité.



Mon avis :

Tout d'abord, je dois vous prévenir, ce fut une lecture exigeante, passionnante certes mais qui m'a demandé de l'attention, du temps pour la savourer à sa juste valeur.

L'auteure nous emmène auprès de ces deux romanciers de génie, qu'un lien familial, jamais reconnu d'ailleurs, uni. La même soif d'écrire, la volonté de brûler la vie par les deux bouts les rapprochent encore davantage. D'abord disciple de son oncle, Druon puisera à ses côtés sa verve littéraire, sa force de travail. Joseph Kessel fut avant tout un journaliste-aventurier, dont les passions l'ont mené aux quatre coins du globe, écrivain prolixe dont le verbe était aussi affuté que la plume. Druon sera lui, presque plus polissé, si on met à part leurs colères légendaires. Auteur de fresques romanesques historiques incroyable, on oublie souvent qu'il fut aussi ministre de la Culture.

Deux hommes hors du commun dont le destin fut lié. L'auteure nous permet aussi de faire la connaissance des femmes de leurs vies avec une aparté passionnante concernant Germaine Sablon.

Leurs vies trépidantes ne peuvent se lire sans comprendre chaque époque qu'ils ont vécue, de la Deuxième guerre mondiale à la création d'Israël, de la fuite vers l'Angleterre à l'entrée des femmes à l'Académie française.

Une double biographie à déguster, page après page, en prenant tout son temps.

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Les partisans : Kessel et Druon, une histoi..

Regardez cette couverture - Druon et Kessel, cravatés, élégants et désinvoltes, le premier allumant la cigarette du second. Le sous-titre annonce la couleur et ne laisse même aucune place au doute, nous plongeons dans l'histoire des deux fameux écrivains. Pourtant, dès les premières pages, une interrogation s'impose : pourquoi, en entamant la biographie de l'oncle et du neveu, a-t-on à ce point l'impression que le livre tournera principalement autour de Germaine Sablon ?



Certes, elle a largement sa place dans un tel ouvrage, ne serait-ce qu'en sa qualité de compagne de Kessel. Après une carrière d'actrice à la grande époque du muet, une certaine notoriété en tant que chanteuse et un engagement courageux dans la résistance, Germaine Sablon mériterait même sa propre biographie. Mais, dans le contexte qui nous intéresse, je crains que Dominique Bona ne lui ait donné une importance disproportionnée. Et cela a un coût.



Sans doute emportée par son enthousiasme, l'autrice place tout de suite la jeune femme sous les feux de la rampe et en dresse un portrait flamboyant. Par conséquent, le lecteur, en l’occurrence votre serviteur, n'a bientôt plus d'yeux que pour l'interprète historique du Chant des Partisans. Or, elle éclipse rapidement les deux paroliers de cet hymne de la résistance française. À tel point qu'arrivé à la moitié du livre, alors qu'elle a quitté la scène, la suite de la biographie ne brille plus que par son absence. L'autrice, qui n'a pas su attirer l'attention du lecteur sur Kessel et Druon, jusque là resté dans l'ombre, peine à donner de l'intérêt à deux personnalités qui pourtant n'en manquent pas. L'auteur des Rois maudits ne passe plus que pour un intellectuel de droite, brillant mais déshumanisé ; celui des Mains du miracle, qui est pourtant l'archétype de l'aventurier passionnant et du romancier engagé, n'est que l'ombre de lui-même.



Malgré ces défauts, si je puis dire, en faisant évoluer Kessel, Druon, Sablon et les autres dans un contexte politique, historique et intellectuel marqué par de grands évènements et de fortes personnalités, et par ailleurs en usant d'une plume classique parfaitement adaptée, Dominique Bona parvient à rendre son livre captivant. Riche d'anecdotes qui ancrent le récit dans son époque et donnent un caractère vivant à la lecture et, surtout, servi par des sujets dont l'exploitation lacunaire est heureusement compensée par leur indéniable charisme, il donne envie de se (re)plonger dans leurs œuvres. Puis vous aurez Le Chant des Partisans dans la tête pour un moment. C'est mon cas.



Touchez mon blog, Monseigneur...
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Les partisans : Kessel et Druon, une histoi..

Dominique Bona est une écrivaine de grand talent, très douée pour les biographies. Celle qu’elle avait écrite sur Clara Malraux avait marqué de nombreux lecteurs. Dans ce dernier ouvrage, elle s’attaque à deux fortes personnalités de la littérature française du 20ème siècle, Joseph Kessel et son neveu, Maurice Druon mais aussi à un troisième personnage, fort intéressant, Germaine Sablon, chanteuse de variété, sœur du fameux Jean Sablon et maîtresse de Kessel dans les années 40.

Le point de départ du livre est la résistance de ces trois personnages à la défaite française de 1940, leur ralliement à de Gaulle et leur périple vers Londres. Dominique Bona nous présente, certes, la vie de ces trois personnages : le flamboyant et tourmenté Kessel, toujours entre plusieurs aventures et plusieurs maîtresse, le brillant mais plus épicurien Druon, la courageuse, libre et généreuse Germaine Sablon.

Mais Bona va plus loin. Elle se sert de ces trois figures comme de vecteurs pour nous faire vivre des périodes marquantes de l’histoire internationale, politique et culturelle du 20ème siècle. Surtout la période de la deuxième guerre mondiale : la résistance, Londres, l’épuration, les procès de Nuremberg mais aussi à travers Kessel, les affres de la création de l’Etat d’Israël ou l’insoumission de l’Afghanistan.

Nous voyons à l’œuvre les deux écrivains, tous les deux doués, productifs, ne connaissant pas « la peur de page blanche ». Druon obtient le prix Goncourt à 30 ans pour « Les grandes familles ». Ensemble, l’oncle Kessel et le neveu Druon, créent dans la campagne anglaise en une après-midi le fameux « Chant des partisans ».

Avec Kessel le journaliste et l’aventurier, Dominique Bona, nous emmène aux quatre coins du monde, nous fait rencontrer les nombreuses personnalités avec lesquelles, doué d’empathie, il est lié. Elle nous montre aussi combien sa vie personnelle a été compliquée entre sa mère, ses épouses successives, ses multiples maîtresses, son grand appétit, ses soirées alcoolisées. Homme à facettes, colosse généreux d’un côté, mélancolique et pessimiste de l’autre. Un pessimisme qui se traduisit par son refus absolu d’avoir des enfants.

Avec Druon, sensible aux honneurs, Dominique Bona nous fait fréquenter les acteurs de la vie politique et culturelle française, les présidents de la République aimés (de Gaulle, Pompidou, Sarkozy) les méprisés (Giscard d’Estaing, Mitterrand, Chirac), le ministère de la Culture qu’il occupa un an en 1973-74, les artistes et responsables qu’il encouragea ou affronta (Jack Lang). Ses affrontements avec un Bernard Pivot inspiré sont croustillants. Sur le plan littéraire, l’on voit comment Druon mit en place des ateliers et recruta des plumes pour rédiger les sept tomes de son grand-œuvre « Les rois maudits » dont il garda cependant la maîtrise rédactionnelle.

Autre point commun, l’Académie Française dont Kessel, Druon furent membres (comme Dominique Bona actuellement) et même secrétaire perpétuel pendant 14 ans pour Druon lequel s’opposa farouchement sans y parvenir à l’entrée des femmes dans cette assemblée.

La perspective Germaine Sablon nous permet de mieux comprendre comment une femme libre, une artiste, pouvait évoluer dans ces milieux et comment très liée à son frère Jean et à sa famille, elle a su résister au délaissement de Kessel et à un inéluctable déclin physique et artistique.

Les multiples angles d’approche de la vie de ces trois personnages utilisés par Dominique Bona rendent la lecture de ce livre de plus de 500 pages, alerte, dynamique, très intéressante. L’auteur dresse des portraits pleins de tendresse mais aussi de lucidité avec une écriture fluide et sensible. Ces « Partisans » sont une belle réussite !

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Gala

GALA, ELUARD, DALI ET LES AUTRES.

Entrez entrer dans cette merveilleuse biographie écrite par une académicienne dans un style clair fluide et élégant. Vous y visiterez le monde des dada et des surréalistes, vous y verrez Paul Éluard le poète maso échangiste, Max Ernst l’artiste playboy, André Breton avec son charabia révolutionnaire, et Salvador Dali, infantile et voyeur, nimbé de sa « paranoïa critique ».

Gala est le lien entre tous ces personnages hauts en couleur. Muse, inspiratrice, perverse hypersexuée, intéressée, vénale, mère indigne ? Peut-être tout à la fois, mais qu’importe, elle su tirer le meilleur de ce peintre talentueux dont le génie a allié le classicisme au surréalisme. Le personnage, narcisse à la fois inspiré, génial et haïssable est l’Image même du sensationnel et de l’inutile.

En outre, l’étude des positions de chacun par rapport à la géopolitique du moment est très intéressante : avec ou contre Hitler au moment du pacte germano-soviétique ? le matérialisme dialectique est il compatible avec le surréalisme ? Un très bel ouvrage que je classe en 5 étoiles et qui m’incite à aller vers d’autres biographies de la même auteure comme celles de Zweig ou de Morisot.
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Mes vies secrètes

Dominique Bona (née en 1953), académicienne, est surtout connue pour ses biographies, à la fois fouillées et agréables à lire. Pour ma part, j’ai déjà eu l’occasion de lire ses ouvrages sur Romain Gary, Berthe Morisot et Stefan Zweig: je les ai trouvées très intéressants. Dans "Mes vies secrètes", D. Bona nous livre son témoignage sur la genèse de tous ses livres, sur ses recherches et ses rencontres dans le cadre de son travail. L’auteure nous plonge dans une double subjectivité: celle de la personnalité qui fait l’objet de son étude, et aussi sur sa propre subjectivité. C’est allègre, intelligent et varié - et ça me donne envie de lire les livres que je n’ai pas encore lus, notamment celui qui a été consacré au grand amour de Paul Valéry.
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Mes vies secrètes

CELLE QUI FAISAIT LES CHOSES À L'ENVERS //

À chaque fois que je suis dans une librairie de musée, mes yeux finissent par croiser le nom de Dominique Bona mais je n'ai pas encore lu de biographie de cette écrivaine. Pourtant c'est un genre littéraire que j'apprécie (j'ai même fait un "guide" spécial bio avec la nouvelle fonctionnalité d'Instagram).

Bref ce livre m'a donné envie de lire enfin au moins quelques unes des biographies de Dominique Bona et en particulier celles de Romain Gary, Camille Claudel, Stefán Zweig ou Gala.



J'ai aimé aussi entrer avec elle dans le monde de l'édition (savoureux chapitre sur Simone Gallimard) et connaître un peu plus l'histoire du Mercure de France.



J'ai aimé suivre Dominique Bona à Arcachon dans le quartier de la ville d'hiver que j'ai eu l'occasion de découvrir il n'y a pas très longtemps, à Salzbourg ou à Petropolis.



Si vous vous intéressez à tout ce qui touche au processus d'écriture, ce livre met aussi en lumière le travail si particulier de biographe avec, sous la plume de Dominique Bona, à la fois sincérité et humour.



Enfin Dominique Bona m'a donné très très envie de lire Romain Gary car elle en parle avec une ferveur incroyable.



Vous avez déjà lu des bio de Dominique Bona?
Lien : https://www.instagram.com/p/..
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Mes vies secrètes

La dernière de couverture indique "Dominique Bona retrace sa vie d'écrivain" ; cela n'est pas tout à fait ça.

Bien sur, elle revient sur les personnages dont elle fit la biographie ; certains très célèbres (Stefan Zweig, Romain Gary, Colette, Gala, Camille et Paul Claudel...) et d'autres moins (les filles de Marie-José de Hérèdia, Clara Malraux, Michel Mohrt...). Certes, elle se livre sur ses sentiments et les circonstances qui l'ont amenée à choisir tel ou tel personnage mais elle se dévoile peu sur sa propre vie d'écrivain.

Chaque chapitre revient sur une de ces légendes avec des destins qui se croisent. Certains sont plus intéressants que d'autres ; en ce qui me concerne, j'ai aimé ceux sur Gala, Camille Claudel, Clara Malraux ou Stefan Zweig.

L'écriture est ciselée et intime mais je m'attendais, au regard de toutes ces personnalités hautes en couleur, à un récit plus flamboyant, truffé d'anecdotes et un rythme enlevé.

Je suis passée un peu à côté.
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Le manuscrit de Port-Ebène

Dans ce roman, on lit les mémoires d'une jeune aristocrate qui débarque à Saint-Domingue en 1784 pour épouser un planteur, et découvre l'île, sa nature, son climat, son ambiance si particulière, mais aussi le système colonial, l'esclavage... Elle va ensuite vivre la Révolution et la révolte des esclaves. Ce récit alterne avec de brefs épisodes, l'histoire de l'éditeur contemporain Jean Camus qui reçoit ce mystérieux manuscrit de la part d'un descendant de la mémorialiste, manuscrit qui semble porteur d'une malédiction et d'un secret de famille...



J'ai tout simplement adoré ce roman ! Je l'ai ouvert sans trop savoir à quoi m'attendre, pour découvrir enfin Dominique Bona, et je ne l'ai pas regretté ! C'est un livre envoûtant, qui réussit à nous donner envie de tourner les pages alors qu'il ne se passe en vérité pas grand chose une grande partie du temps, puisque l'héroïne mène une vie plutôt oisive. Mais les descriptions de la nature et de la découverte de la vie sur l'île sont magnifiques et poétiques, et le style de Dominique Bona est absolument superbe, avec une plume raffinée et délicate.

Le roman allie le récit poétique, de rêve, et le récit d'aventure, à la fois personnelle, de l'héroïne, et historique.



Les passages sur Jean Camus sont un peu moins intéressants, mais ils ont le mérite de rendre le récit de l'héroïne encore plus passionnant, et surtout d'apporter le dénouement dans les derniers chapitres, en particulier le fameux secret.



Le contexte historique est très bien reconstitué et d'une grande précision ; allié à ces descriptions poétiques très visuelles, le lecteur est transporté à Saint-Domingue à la fin du XVIIIe siècle. On apprend beaucoup, tant sur la vie quotidienne dans les plantations que sur les événements historiques qui ont conduit à la fin de ce système.



Seul bémol de ce livre, les quelques coquilles (une brune qui devient blonde...) et surtout la grande incohérence sur la chronologie. La narratrice arrive sur l'île en 1784, à sa sortie du couvent ; elle a donc entre 15 et 20 ans. Elle dit écrire ses mémoires juste avant de mourir, alors qu'elle est presque centenaire... Or elle meurt en 1822 ! De même, elle rentre en France en 1793, en disant avoir vécu plus de 10 ans sur l'île et dit qu'il lui restait 40 ans à vivre en métropole !



En résumé, c'est un vrai coup de cœur, et il est très dommage que ce roman soit si peu connu !
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Mes vies secrètes

Dans cet essai, la romancière et biographe Dominique Bona se livre sur sa vie d'écrivain, ses rencontres de gens célèbres et sur ces maisons d'écrivains où elle aurait aimé - ou pas - se poser.

Chaque chapitre se lit comme une nouvelle histoire.

C'est la rencontre de Romain Gary alors que l'auteur n'est qu'une jeune fille puis l'approche du grand écrivain à travers ses amis, ou sa première épouse Lesley Blanch, ou encore son neveu Paul Pavlowitch, celui-là même qui a accepté d'incarner Ajar.

On croise aussi le destin des femmes autour de Pierre Louys, les soeurs Heredia filles du poète José Maria de Heredia.

On découvre Paul Valery, Clara Malraux mais aussi Stephan Sweig, Gala la muse de Salvator Dali ou encore Colette; Certains de ces célébrités sont au centre de biographies de Dominique Bona.

Dans le chapitre intitulé "Les enfants du Mercure" Dominique Bona a écrit des pages émouvantes sur Simone Gallimart, à la tête du Mercure de France;

Mais le récit que j'ai préféré parmi tous est celui consacré à Berthe Morisot. Dans "Pour un bouquet de violettes", l'auteur évoque pour nous ce portrait de Berthe Morisot peint par Manet. Vêtue de noir, elle porte un bouquet de violettes au corsage; Berthe est devenue Madame Manet en épousant Eugène, frère d'Edouard Manet.

C'est avec admiration, tendresse et pudeur que Dominique Bona nous confie la vie intime de ces personnages, à travers leurs lettres, leurs oeuvres, leurs descendants et leurs maisons.

C'est passionnant et on a envie d'en savoir plus.



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Une vie de Gala

La Feuille Volante n° 1331 – Mars 2019 .



Une vie de Gala – Dominique Bona – Flammarion. (2018)



Elle était originaire de Kazan où, dit-on, les femmes se caractérisent par leur grande beauté, pourtant elle n'était ni jolie ni belle ni attirante, mais elle devait bien avoir un côté fascinant et peut-être même ensorceleur pour avoir séduit et surtout inspiré deux artistes majeurs de sa générations, le poète Eluard et le peintre Dali. Elle venait de Russie, portait un nom imprononçable mais elle a surtout été connue sous son surnom éternel de Gala, ce qui ajoute à son mystère, puisque, si elle a été leur muse, elle ne s'est jamais vraiment laissée aller aux confidences sur elle-même. Elle était cultivée mais pas créatrice et l'art était cependant son domaine ce qui ajoute à son côté énigmatique. Elle n'a ni écrit ni peint mais a été le témoin des excentricités de dadaïsme et des délires créateurs du surréalisme. C'est cependant en ce jeune homme de 22 ans, Eugène Grindel, inconnu, rencontré dans un sanatorium, qu'elle croit et qu'elle épouse et c'est le même, dix ans plus tard, qu'elle abandonne alors qu'il est devenu Eluard un poète reconnu et ce pour vivre, même mariée, avec un peintre espagnol à ses débuts, de dix ans plus jeune qu'elle et prétendument homosexuel. Bizarrement Eluard qui est très amoureux d'elle ferme les yeux sur ses amours de contrebande et même les favorise, la laissant voyager seule et vivre sous leur toit avec un autre poète, Max Ernst qui devient vite son amant.



Celle qui a pratiquement abandonné Cécile, la fille qu'elle a eue avec Paul Eluard, sera une mère pour lui. Sur ces deux artistes vulnérables et fragiles elle a exercé l'autorité maternelle d'une femme solide, en même temps qu'elle a été leur énergie, leur raison de vivre et de créer. Elle a été passionnée par les hommes qu'elle a aimés mais, indomptable, a été détestée des autres. Eluard l'a chantée en femme, elle fut une maîtresse pour Max Ernst qui la transfigure en créature surnaturelle mais elle fut pour Dali une véritable béquille et il la peignit sous tout les angles, nue, habillée et surtout sublimée, parfois même sanctifiée. Elle a réveillé ses fantasmes les plus secrets. Il est un être marginal, incontrôlable mais à la pauvreté du début succède très vite la richesse avec la notoriété. Follement amoureuse au commencement de leur relation Gala s'est vite révélée en femme d'affaires avisée, sachant gérer l'immense fortune de son mari mais aussi en profiter. Le surnom « d'Avida dollar » dont on a affublé Dali, c'est en fait elle qui le mérite. Comme dans tous les couples il y a eu des orages, des séparations, la maladie et ce couple mythique s'est lentement délité pour une fin triste.



Dominique Bona renoue avec sa passion de la biographie. Elle récidive même puisque elle était déjà l'auteure d'un livre sur le même thème publié en 1995 (La Feuille Volante n° 646). A croire que le personnage de Gala la fascine. Je ne connais évidemment pas cette académicienne que j'ai cependant lue avec beaucoup de plaisir depuis des années, mais cette discipline est bien entendu difficile puisque que celui qui écrit est tenu par l'histoire de celui qui est son sujet, cependant notre auteure a choisi ici, comme ailleurs, d'aborder ce travail à travers les désordres amoureux qui ont émaillé la vie dont il s'agit. L'amour et ses bouleversements sont en effet des révélateurs plus grands que tout ce qu'on peut réaliser pendant son passage sur terre. Je suis persuadé qu'en parlant des passions amoureuses des autres on s'apaise et se comprend mieux soi-même, on sort du carcan de la statue du commandeur pour pénétrer la sensibilité de l'être humain que celui dont on parle était avant tout. Il y a certes la vérité historique des faits rapportés qu'elle respecte scrupuleusement en s’interdisant tout débordement dans la fiction, mais il convient surtout de ne pas juger, et au contraire de tenter de comprendre le caractère intime de la personne évoquée. C'est ce que fait très bien Dominique Bona qui sait, comme à chaque fois, communiquer à son lecteur tout l' enthousiasme qui est la sien pour son personnage à travers une riche documentation de lettres et de photographies.



Nous ne faisons qu'un bref passage sur terre qui restera, pour la plus grande majorité d'entre nous sans la moindre trace (on se souvient plus facilement de la vie des criminels que du parcours mener anonymement par le commun des mortels). Je suis toujours fasciné par le destin de certains d'entre eux qui, parfois malgré eux, suivent leur route ou tracent honorablement leur sillon au point qu'ils éveillent la curiosité et l'intérêt d'écrivains qui souhaitent leur rendre hommage par leurs écrits .











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Stefan Zweig

Comme toujours, la finesse d'analyse et le doux courant de l'écriture de Dominique Bona nous entraîne dans le monde des êtres d'exception dont elle trace les portraits. Nous voici intime, sans même nous en rendre compte, sans recul de cet être si fort et fragile à la fois. Nous voici de la famille, de ses proches, mieux nous voici Stefan Zweig lui-même, avec sa douceur, sa finesse, ses démons, ses tourments, sa vision presque infantile d'un monde qu'il croit bon, parce qu'il l'est lui-même et dont il prendra congé (il n'y a pas de hasard) avant d'en prendre la mesure de l'horreur. Un livre remarquable à marquer et re-marquer de cinq, cents, mille étoiles de connaissance et re-connaissance.
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Clara Malraux

Lorsque Clara Goldschmidt, née en 1897 à Paris, rencontre André Malraux, elle a 24 ans, une enfance heureuse à Auteuil, de l’argent, une famille juive-allemande cultivée, cosmopolite. Lui a 19 ans, une famille dont il ne dit rien, une allure de « petit rapace hérissé à l’œil magnifique » selon Mauriac, il a tout lu et peu vécu. Le nouveau livre de Dominique Bona raconte la vie passionnée et tumultueuse d’une femme, dans le miroir d’une grande histoire d’amour. Quand Clara dit longtemps « Nous », André Malraux lui répond surtout « Je ». Ils furent deux, en effet, au Cambodge et à Angkor lorsque le futur auteur de La voie royale, mué en voleur de statues khmères, écope de trois mois de prison ferme et que Clara bataille à ses côtés pour obtenir sa libération. Deux en Afghanistan, en Iran, au Cachemire, au Japon, à New York, partout où ce couple indissociable dirige ses pas ; puis trois à la naissance de Florence Malraux, juste avant le prix Goncourt obtenu en 1933 pour La Condition humaine. Deux aussi dans les engagements politiques de l’avant-guerre, en URSS, en Espagne où Clara aide Malraux à relever le magnifique défi de l’escadrille Espana. Viennent les dissensions et la solitude, et la souffrance pour une femme courageuse qui pourrait confesser, telle l’héroïne de son roman Grisélidis : « Vous n’avez pas le droit de m’abandonner puisque vous êtes irremplaçable ». En 1937, Malraux et Clara divergent politiquement, et au privé l’écrivain tombe amoureux de la belle Josette Clotis. Résistante dès 1941, fidèle d’un cercle d’intellectuels parmi lesquels Edgar Morin ou François Fejtö, Clara traverse difficilement la guerre en juive clandestine, sa fille au plus près d’elle, alors que Malraux observe les choses à distance, avant de faire sa métamorphose sous les traits gaullistes du colonel Berger. Le couple divorce en 1947. Elle, révoltée, généreuse, militante, prête à tous les combats, dont celui de la guerre d’Algérie. Lui, ministre de De Gaulle, chargé des affaires culturelles en 1958, inquiétante figure repliée dans les songes de grandeur, écoutant Les Voix du silence plutôt que les cris des torturés d’Alger. Clara, découvrant la civilisation du Kibboutz, retrouve ses racines en Israël. André, crépusculaire, chez Louise de Vilmorin, devient le seigneur de ces Chênes qu’on abat. Il meurt en 1976, elle en 1982, sans avoir jamais cessé de porter le nom de l’homme qu’elle a aimé « contre vents et marées ».
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Clara Malraux

Dominique Bona est une femme de lettres françaises, tenant le siège numéro 33 à l’Académie Française. Elle est surtout connue pour ses biographies toujours étonnamment précises, où la sensibilité est palpable et le rôle de la femme souvent mis en avant. Après la biographie de Romain Gary, de Gala, de Stefan Zweig, et de tant d’autres, elle s’est arrêtée sur le cas de Clara Malraux, du couple Malraux.

Clara est follement éprise de cet homme qui va vivre à ses dépens au grand dam de sa famille qui ne voit pas cette relation d’un bon œil. Elle, issue d’une famille bourgeoise, lui, fils d’un petit commerçant de Bondy. Tout les oppose, pourtant dans la pénombre de la nuit, ils se retrouvent.

Ils se cherchent, ils s’opposent, ils se tyrannisent, et pourtant elle l’aime. Lui plus avare de sentiments vise la gloire, se construit une image derrière laquelle la femme se doit d’être en retrait et silencieuse. Pour lui, la culture est une affaire d’hommes.

Dans l’ombre de cet homme, Clara se heurte à ses propres préjugées. Comment se libérer ? Comment s’émanciper ? Aimer, s’épanouir, se révéler, comment ?

La lecture de cette biographie est très agréable. Dominique Bona sait capter l'attention de son lecteur !

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Berthe Morisot : Le Secret de la femme en n..

Pour découvrir un peintre immense qui avait le tort d'être une femme et reste largement méconnue des historiens de l'art.... Amie de Renoir, Degas, Monet et Mallarmé qui la tenaient en très haute estime, elle faisait pleinement partie de leur groupe des Impressionnistes, mais c'est à sa mort que l'exposition organisée par ces grands peintres a révélé l'ampleur de son travail. Ce n'est qu'en 2002 qu'un exposition de ses oeuvres (combien je regrette de l'avoir manquée...) a été organisée à Martigny. Sur son acte de décès, à la ligne "profession" à été portée la mention "sans". Grâce à ce livre Dominique Bona nous retrace la vie de cette femme exceptionnelle, de son époque, des épreuves vécues par tous ces peintres qui ont eu tant de mal à imposer leur vision, et nous fait approcher le processus de la création. Un livre magnifique de sensibilité.

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Stefan Zweig

Stefan Zweig/ Biographie par Dominique Bona

C’est une excellente biographie de l’écrivain Stefan Zweig, un de mes écrivains préférés, que nous propose dans ce livre Dominique Bona.

Mais pas seulement une biographie et une analyse psychologique du personnage : c’est aussi une analyse de l’art d’écrire de Stefan Zweig.

L’enfance de Zweig n‘a pas été marqué par la douceur : enfant gâté il n’a manqué de rien si ce n’est de la première tendresse.

Déçu par l’éducation insipide reçue à l’école qui visait non à développer la personnalité, à l’épanouir et l’enrichir, mais à la dompter, le jeune Stefan sera toujours rebuté par le système scolaire. Il a une passion pour la musique, le théâtre et la littérature, des matières négligées dans le cursus scolaire. Ses idoles vont être Rainer Maria Rilke et Hugo von Hofmannstahl, deux grands poètes autrichiens.

Pour Zweig, on n’était pas un vrai Viennois sans l’amour de la culture.

Zweig parlait l’anglais, l’italien et le français en plus de sa langue maternelle l’allemand et du latin et du grec appris à l’école. Il a une passion pour Voltaire et Racine autant que pour Goethe et Schiller.

Dans son récit « Le Monde d’hier », Zweig décrit en scènes vivantes la vie sexuelle et amoureuse avant le Première Guerre Mondiale. La morale de l’époque est peu propice aux élans amoureux. D’une plume discrète, il esquisse sans rien livrer de personnel, ce qu’était une visite dans une maison close. Il ne dit pas s’il y a été lui-même.

Zweig est un personnage qui doute de ses capacités et il affirme ne se voir aucun avenir dans la littérature.

On est étonné 70 ans plus tard de voir qu’il est l’écrivain de l’époque le plus lu dans le monde. Zweig est une valeur sûre, de nos jours, de la littérature : il plait par ses récits brefs, intenses et passionnels, exaltés et douloureux. Chez Zweig, « le feu court à travers les mots, les phrases. » Le secret est la clé du récit. « Chacun des personnages se débat avec ce quelque chose, inavoué, informulé, enfoui au plus profond de lui où il croit l’avoir oublié, mais qui un jour remonte à la surface, menaçant un équilibre précaire, ou miraculeux. » Ses personnages sont animés d’une dualité profonde, et possédés par une passion. Zweig plait car il est un écrivain concis et efficace. Pas de longueurs, il écrit en homme pressé. « La femme est le cœur de ses livres et il la met en scène à tous les âges de la séduction. »

Au cours de se voyages, il se découvre un attrait particulier pour Paris.

Il aime Verlaine et fréquente Émile Verhaeren et Romain Rolland avec qui il voudrait une réconciliation franco-allemande après la victoire prussienne de 1870.

Mais, « rêve d’intellectuel, divagation ubuesque, la thèse fait hausser les épaules aux contemporains. Les peuples eux-mêmes, grandis dans l’ignorance et l’affrontement réciproques, ne sont pas mûrs pour la comprendre. »

Il se sent en harmonie avec de grands esprits comme Hermann Hesse qui défend la liberté de l’individu, la résistance à la contrainte et aux violences physiques ou morales.

Mais il ne se décourage pas et se rappelle chaque jour la phrase de Goethe : « Homme, quand comprendras-tu que ne pas aboutir fait ta grandeur ? »

Dominique Bona dissèque un peu plus la personnalité de Zweig et nous montre que l’érotisme est à côté du travail, des lectures et de l’amitié, le jardin secret de Zweig.

Ses relations sont éphémères et secrètes : il ne s’attache pas.

Cependant il rencontre Frederike et les sentiments qu’il éprouve à son égard le prennent au dépourvu. Il l’épouse et divorcera à la fin de sa vie, pour Charlotte.

Il va s’intéresser à trois écrivains : Balzac, Dostoievski et Dickens et écrire un triptyque qui reste une œuvre majeur.

Il s’installe à Salzbourg avec Frederike pour écrire en toute tranquillité. Il reçoit Toscanini, Bartok, Alban Berg, Richard Strauss, Ravel. Il connaît Roger Martin du Gard, André Gide, Julien Green, André Maurois et entretient une relation cordiale avec chacun.

Un de ses maîtres à penser est Érasme de Rotterdam qui voyait dans l’intolérance le mal héréditaire de notre société. Comme lui, Zweig n’obéit à aucune couleur, à aucun hymne, à aucun drapeau. Autrichien, il se veut d’abord européen. Érasme est pour lui le modèle de l’homme libre capable de résister aux despotismes.

Après l’autodafé du 10 mai 1933 au cours duquel les nazis brûlent tous les livres qui ne sont pas en accord avec les thèses du nazisme, Zweig fuit à Londres, mais il ne se plait pas en Angleterre et préfère séjourner à Nice pour voir ses amis, Joseph Roth, Jules Romain, Igor Stravinski, H.G.Wells.

Puis c’est New York en 1935, Rio de Janeiro et Buenos Aires où il donne des conférences.

1937, c’est la première dépression nerveuse. Zweig doute de tout. L’Anschluss en 1938 puis les accords de Munich le 30 septembre achèvent de lui miner le moral et la santé.

« Les accords de Munich scellent l’annexion de l’Autriche et se concluent par la poignée de main tristement historique entre Daladier, Hitler et Chamberlain. »

Il se retire au Brésil à Pétropolis, non loin de Rio.

Zweig commence dès 1941 la rédaction de son livre testament « Le monde d’hier » à l’usage des générations futures pour qu’elles mesurent ce qu’il y avait de beau et de bon dans cette civilisation européenne, anéantie par deux guerres. Ce sont des pages soutenues par l’émotion, mais qui gardent une élégance et une pudeur, marques indélébiles de l’auteur.

On connaît la fin : le 21 février il se donne la mort avec sa jeune épouse Lotte.

Il est enterré à Pétropolis.

Magnifique livre que cette biographie très complète de Stefan Zweig par Dominique Bona, qui se lit comme un roman.

Les œuvres les plus célèbres de Zweig, vendues encore de nos jours à des millions d’exemplaires :

Amok, La pitié dangereuse, La confusion des sentiments, 24 heures de la vie d’une femme, Destruction d’un cœur, Le monde d’hier, et son chef d’œuvre à mon sens, Le joueur d’échecs. Ainsi que de très belles biographies, Fouché, Marie-Antoinette, Erasme, Magellan etc…

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La ville d'hiver

Je me suis laissée embarquer dans l'histoire de la Villa Teresa avec beaucoup de plaisir.

A la suite d'un licenciement, Sarah quitte Paris pour la Ville d'Hiver, soit Arcachon, ville réputée pour soigner les tuberculeux. Elle se réfugie à la Villa Teresa où elle n'a de cesse de découvrir ses secrets.

Au fil des pages, Dominique Bona nous fait remonter le temps et nous conduit à la Belle Epoque où un auteur italien D'Annunzio enchaîne les conquêtes féminines, dont la Goloubeff, une russe éperdument éprise de D'Annunzio au point de le harceler après qu'il l'ait quittée.

Le style m'a fait penser à une recherche sur une époque et des personnes comme Dominique Bona doit le faire quand elle écrit ses biographies. Le roman est découpé en trois parties.

Dans la première, le décor est planté d'où de nombreuses descriptions.

La deuxième partie fait la part belle aux recherches effectuées par Sarah pour découvrir le passé de D'Annunzio et les éventuels liens avec Teresa qui a donné son nom à la villa où séjourne Sarah.

La dernière partie est la plus rythmée. Les différents secrets sont enfin dévoilés.



J'ai eu plaisir à lire ce livre. Les amoureux de la nature, de la mer et des oiseaux se régaleront. Je me suis attachée aux personnages, notamment à Sarah pour laquelle j'ai éprouvé beaucoup de compassion. J'avais hâte de poursuivre ma lecture pour découvrir la suite et la chute.



Un bon moment de lecture en compagnie de Dominique Bona de l'Académie Française.
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Je suis fou de toi. Le grand amour de Paul ..

Dominique Bona n'a pas son pareil pour rendre intéressante et passionnante la vie de ceux dont elle a choisi d'écrire la biographie. Elle y parvient encore une fois avec ce dernier livre qui nous dévoile l'existence de Jeanne Voilier, avocate, éditrice, libre de moeurs et courtisée par les plus grands et dont Paul Valéry tombe éperdument amoureux à soixante-six ans. Cette biographie d'un "couple" hors du commun est un formidable révélateur du milieu littéraire de cette époque avec en toile de fond la vie amoureuse de cette femme grande dévoreuse d'hommes et de femmes aussi. Avec la vie de cette grande amoureuse on découvre aussi avec intérêt le milieu littéraire de la France après 1940 et, en particulier, les affaires d'épuration de l'après guerre des écrivains et des maisons d'édition. Encore une belle réussite de Dominique Bona.
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Camille et Paul

N°675– Août 2013.

Camille et Paul – La passion Claudel – Dominique Bona - Grasset



Camille et Paul ont été élevés dans une famille austère aux marches de la Champagne où tout signe d'originalité était exclu. La mère, femme au foyer, effacée mais belliqueuse et revêche, le père, receveur de l'Enregistrement, foncièrement laïc espéraient que leurs enfants embrasseraient des carrières plus sûres que celles dévolues à l'art. C'est pourtant lui qui favorisa le penchant de sa fille pour la sculpture et celle de son fils pour les Lettres comme il encouragea la pratique du piano pour Louise son autre fille. C'est lui aussi qui préconisera leur éducation à Paris, à ses yeux plus formatrice. Ce sera Louis-le-Grand pour Paul et un célèbre atelier de sculpture pour sa sœur. Si la Capitale éblouit la jeune fille, lui ouvre ses portes et la vie de bohème, Paul s'y ennuie et ne songe qu'à la quitter. De cette période Paul exècre le côté laïc très en vogue à l'époque autant que les Lettres trop classiques ou trop positivistes à son goût. Camille avait beau être plus âgée de 4 ans que son frère, il y eut entre eux un rapport fusionnel exceptionnel. Ils ne peuvent se passer l'un de l'autre, il ne peuvent rien faire l'un sans l'autre mais la sœur aînée domine son frère. [L'auteur fait d’ailleurs un parallèle intéressant entre Chateaubriand et Claudel]. En société où ils n'ont d'ailleurs leur place ni l'un ni l'autre ils se font remarquer, lui par son air renfrogné, elle par son franc-parler. Ils n’aimeront jamais les mondanités. Ils sont aussi travailleurs et volontaires l'un que l'autre: quand Camille décide d'aller travailler chez Rodin, Paul refuse de préparer Normale Supérieure et opte pour une carrière diplomatique, tout cela contre l'avis parental ! Aussi bien lui qu'elle obéiront à l'appel de leur art . Lorsque Camille rencontre Rodin, il est son aîné de 24 ans, pourtant bien des choses les rapprochent et pas seulement l'amour de la sculpture. De cela, Paul en souffre « Il n'est plus le seul homme de sa vie ». Plus elle se rapprochera de Rodin, plus elle s'éloignera de lui mais Paul restera toujours obsédé par cette sœur, jusque dans son œuvre.



Camille vit avec Rodin une liaison passionnée que la morale bourgeoise et bien entendu sa famille condamnent et ce d'autant plus que son amant a une vie matrimoniale avec une autre femme et refuse de l'épouser. Elle travaille dans son atelier, mais cela n'en fait pas pour autant l’imitatrice de Rodin ; elle reste une artiste solitaire et originale qui doit beaucoup au Maître mais les deux sculpteurs s'enrichissent mutuellement dans leurs créations respectives. Paul et Rodin avaient beaucoup d’affinités, notamment culturelles, mais jaloux de l’homme qui lui vole sa sœur, il lui porte une haine tenace. Pour autant, sans oser l'avouer, il aura sa part dans le malheur futur de Camille. De son côté il est bouleversé par la poésie de Rimbaud et par la révélation de Dieu à Notre-Dame de Paris. Dès lors, devenu un adorateur de la Vierge, sa sœur est regardée comme une pécheresse. Pourtant il gardera longtemps secrète sa conversion comme Camille cachera sa liaison avec Rodin.



Est-ce sa volonté de partir loin, son attirance vers la mer ou la nécessité de mettre de la distance entre sa sœur et lui, il choisit la carrière diplomatique qui très jeune l'envoie en Amérique du Nord puis en Chine où il passera quinze années. Il ne cessera pas pour autant d'écrire ni surtout de correspondre avec Camille qu'il revoit à chacun de ses séjours en France. La vie de Camille s’éclaircit quand, lassée de ses atermoiements, elle quitte Rodin. A 30 ans, elle est désormais libre et pauvre malgré une certaine notoriété mais se sent incomprise. De son côté, à 32 ans Paul, en dehors de son métier de Consul de France se consacre à la religion et à l'écriture. Il est vierge mais cette vie monacale va être bouleversée par Rosie, une femme mariée et mère de famille qu'il rencontre sur un bateau en partance pour la Chine. C'est une séductrice dont il tombe éperdument amoureux et qui lui donnera une fille mais le quittera. Sa vie, même loin de Paris, sera aussi scandaleuse que celle de sa sœur. D'autres femmes viendront mais Rosie restera son grand amour perdu, une source de culpabilité aussi pour le chrétien qu'il est. Ainsi le frère et la sœur puisent-ils dans leur vie sentimentale leur inspiration créatrice et dans son œuvre littéraire, Paul campera des femmes indomptables et libres qui trahissent. Contre le suicide ou la folie, Paul choisit le mariage...de raison, un viatique plutôt qu'une vocation.



De son côté, Camille à 40 ans est déjà une vieille femme solitaire, orgueilleuse mais terrorisée, poursuivie par les ennuis, qui croit au complot, présente de plus en plus un délire paranoïaque. Quand elle se met à détruire ses œuvres, et surtout après la mort de son père en 1913, sa mère qui ne l'a jamais aimée et sa famille (et par conséquent Paul) la font interner. Quelques mois après une campagne de presse dénonce sa « séquestration » par sa famille dans un asile d'aliénés. Pendant ce temps, Paul va de poste en poste à l'étranger, est nommé ambassadeur, connaît une grande notoriété littéraire... et oublie sa sœur qui, consciente de son état d'enfermement restera incarcérée pendant 30 années sans amis ni beaucoup de lettres et de visites de sa famille selon le vœu maternel. Elle mourra à 80 ans. Paul est devenu un paterfamilias entouré d'une nombreuses descendance, thuriféraire de Pétain puis de De Gaulle, tenté un temps par la politique, soucieux de faire reconnaître son œuvre, et enfin élu à l'Académie française. Il verra Camille avant qu'elle ne meure dans la solitude et le plus grand dénuement et ressentira « cet amer regret de l'avoir abandonnée ».



Ce furent deux êtres qui se ressemblaient, qui se comprenaient, mais l'un croyait au ciel et l'autre n'y croyait pas pour paraphraser Aragon, deux tempéraments sensibles, passionnés mais fragiles, deux génies, deux destins différents cependant, l'un voué à la notoriété, l'autre à l'oubli [« Moi j'ai abouti à quelque chose. Elle n'a abouti à rien... L'échec a flétri son existence. » confesse-t-il]. L'auteure fait pertinemment remarqué, nonobstant l'admiration qu'elle peut avoir pour l'écrivain, que dans les relations que Paul eut avec sa sœur, l'idéal chrétien qui gouverna la vie de l'auteur du « Soulier de satin » fut quelque peu oublié par ce dernier. Voulut-il se protéger ou cela fut-il la marque d'un sentiment de culpabilité ? C'est là une contradiction qui mérite d’être soulevée.



Selon son habitude, Dominique Bona se livre à une enquête passionnante et détaillée sur ces deux personnages [Depuis que je lis ses œuvres, j'ai toujours été étonné non seulement par son style agréable à lire mais aussi par la précision de son travail et par sa grande culture].Si elle rend hommage à Paul et nous le montre sous un jour nouveau, pour moi assez inattendu par rapport à son image officielle, elle évoque aussi avec tendresse l'image de Camille, la tire assurément de l'oubli. Il y eut à la fin du XX° siècle et au début de celui-ci un mouvement de réhabilitation de Camille tant par la littérature, le théâtre, les expositions que par le cinéma. Selon le mot d'Eugène Blot, qui fut un admirateur et un soutien actif du sculpteur, il permit de « tout remettre en place ». Ce livre aussi y contribue.



© Hervé GAUTIER - Août 2013 - http://hervegautier.e-monsite.com






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Camille et Paul

Je n’ai pas l’habitude de lire des biographies. A vrai dire, c’est une grande première pour moi. C’est un genre que j’appréhendais. Peur de rentrer dans l’intimité des personnes mais aussi, il faut bien l’avouer, peur de m’ennuyer. Et de ce point de vue-là, le début ne m’a pas vraiment rassuré : j’ai trouvé le ton employé par l’auteur très docte, dénué de toute émotion, froid. Avec le recul, je me rends compte que cela tient finalement plus à l’ambiance familiale décrite, elle-même austère, lourde, pesante qu’à l’écriture. Une fois passé ce cap, j’ai réussi à entrer dans ma lecture et y ai pris beaucoup de plaisir. Il semble que Dominique Bona dresse un portrait tant physique et moral très juste du frère et de la sœur, avec le plus d’objectivité possible. C’est peut-être aussi ce qui donne cette impression de distance, de recul du départ. Elle analyse finement les destins croisés de Camille et Paul, avec moult détails, ce qui nécessite une lecture très attentive mais extrêmement intéressante et enrichissante. J’ai appris beaucoup durant cette lecture, ce qui n’était pas très difficile : je partais avec très peu de bagages. En effet, je savais que Camille était sculptrice et qu’elle avait vécu une grande histoire d’amour avec Rodin et fini ses jours dans un hôpital psychiatrique. Quant à Paul, il m’était presque totalement étranger. J’avais entendu son nom mais ça s’arrêtait là. Elle a su me les rendre vivants, touchants, avec leurs bons et leurs mauvais côtés et cette complicité qu’ils partageaient, jusqu’à ce que la vie, les voyages à l’étranger de Paul dans le cadre de ses fonctions d’ambassadeur et l’enfermement de Camille ne les séparent. J’ai maintenant envie d’en découvrir davantage et notamment, de voir les sculptures de Camille et de lire les œuvres de Paul. En tout cas, j’ai été vers un genre qui a priori ne me plaisait pas et j’en suis heureuse : je n’hésiterai pas à lire d’autres biographies, si tant est que le sujet me plaise, comme ce fut le cas ici !
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Deux soeurs: Yvonne et Christine Rouart, le..

travailler à Paris en août. prendre sa voiture et écouter la radio. écouter un auteur parler de son livre. se dire : "humm ! ça doit être bien". attraper un stylo, un malheureux bout de papier, et profiter d'un feu rouge pour noter le titre et l'auteur. se régaler à l'avance, et imaginer ce tableau de Renoir - qu'effectivement, tout le monde connait...

acheter le livre. et là.... DECEPTION TOTALE.

un texte redondant sur le milieu familial, tellement cultivé, et leurs amis peintres...

un texte dont on attend la "TRAGEDIE" - et qui ne nous apprend pas grand chose qu'une vie, plutôt deux vies, de femmes du début 20ème, plutôt privilégiées en fait.

bref, 20,90 € et une lecture poussive...

Désolée pour l'auteur (dont j'ai déjà lu Camille et Paul).
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