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Critiques de Ed Brubaker (522)
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Fondu au noir

Hollywood, 1948. Le scénariste Charlie Parrish se réveille dans une baignoire après une nuit de beuverie. A ses cotés se trouve le corps sans vie de Valeria Sommers, LA star du studio pour lequel il travaille. Constatant que la jeune femme a été étranglée et n’ayant aucun souvenir des heures précédentes, il s’enfuit sans demander son reste. Apprenant que le meurtre a été maquillé en suicide par ses patrons pour éviter un scandale, Charlie essaie de recoller les pièces du puzzle pour comprendre ce qu’il s’est passé au cours de la funeste soirée. Ce faisant, il met le doigt dans un engrenage qui risque de le broyer sans la moindre pitié.



Un noir serré, amer, sans un gramme de sucre. Il faut s’accrocher au départ pour s’y retrouver dans la foultitude de personnages (merci le trombinoscope présent au début de l’album !) mais une fois les repères trouvés, on se régale de bout en bout. L’atmosphère pesante de l’industrie du cinéma de la fin des années 40 avec ses stars ingérables, ses producteurs véreux et ses scénaristes alcooliques est rendue à la perfection. La dimension politique (chasse aux sorcières communistes dans tous les studios d’Hollywood) est un élément majeur de l’intrigue. Manipulation, corruption, règlements de comptes et secrets inavouables rythment une histoire sans temps mort aux nombreux rebondissements.



Les personnages ont tous une vraie densité, leur évolution psychologique est extrêmement crédible et leurs relations particulièrement travaillées. Un vrai plaisir de se plonger dans ce polar poisseux à souhait, porté par les dessins aussi sombres que réalistes d’un Sean Phillips au sommet de son art. Bars miteux à peine éclairés, femmes fatales en robe fourreau, tapis rouge, chapeau en feutre, verre de whisky dans une main et cigarette dans l’autre, l’ambiance de l’époque, digne d’un roman de Raymond Chandler ou de Ross MacDonald, fascine autant qu’elle effraie.



Un album diaboliquement vénéneux à la mécanique sans faille. Efficace et addictif.
Lien : http://litterature-a-blog.bl..
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Scène de crime

Scène de crime



Ed Brubaker

Michael Lark

Sean Phillips

Delcourt

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"Scène de crime", c'est là où vit Jack Herriman, détective privé. Une sorte de musée tenu par son oncle Knut, photographe, et sa copine Molly. Quand le sergent Paul Raymonds, ancien partenaire de son père dans la police, lui envoie du boulot, Jack voit resurgir un passé qu'il aimerait oublier. Il s'agit de retrouver une jeune femme qui semble s'être perdue dans une secte...



Delcourt réédite ici le premier récit (que je ne connaissais pas) du célèbre Ed Brubaker : 4 épisodes d'une histoire complète (et un récit bonus) où l'auteur plaçait déjà tous les codes du polar avec une aisance et un modernisme impressionnant. On sent bien tous les éléments qui annoncent Criminal, Fatale, Reckless...



C'est la première collaboration avec Sean Phillips à l'encrage sur des crayonnés remarquables de Michael Lark (voir cahier graphique final) et des couleurs de James Sinclair. Délicieusement noir, évidemment, fouillé, très axé sur une galerie de personnages réussie, cet album qui date de 1999 n'a pas pris une ride.



Très écrit, aux récitatifs un peu bavards mais immersifs, avec des personnages épais, Scène de crime annonçait la couleur de la carrière qui va suivre. Loin d'être un brouillon, cet album mérite de prendre place dans ta bibliothèque, dans le coin Brubaker-Phillips, déjà bien garni !

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Captain America : Le procès de Captain America

« Captain america, le procès de Captain america » est une aventure contemporaine ancrant le plus célèbre super héros américain dans un univers d'un grand réalisme.



En réalité, la véritable star de cr récit est plutot Bucky Barnes, métamorphosé par Brubaker en super héros « bad ass », ex agent soviétique et tueur programmé.



Bien que sans beaucoup d'action, la partie « justice » du procès passe plutot bien, la seconde partie du comics se transformant en un « Prison break » version goulag russe sale et dangereux.



Avec ses personnages secondaires faire-valoir (Veuve noire, Faucon) et ses criminels russes de bon calibre (les effrayants ex super soldats devenus des machines à tuer), ce « Captain america, le procès de Captain america » tient son rang, même si la plupart des dessinateurs manquent de finesse et de puissance !


Lien : https://lediscoursdharnois.b..
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Pulp

« Pulp » est une bande dessinée au fort caractère, un récit sombre où l’espoir n’a pas de place.





Entre la jeunesse du personnage principal et sa vie actuelle en 1939, du western à base de duels et de confrontations de pistoleros, au New-York de l’écrivain payé au mot pour ses histoires dans des magazines « Pulp », où la montée du nazisme se fait oppressante, ou des choix doivent être fais, ou la maladie et la précarité ne laissent pas vraiment de beaux jours à venir.





Le récit est donc vraiment sombre, les dessins eux sont très stylés et m’ont bien plus et sont relevés par des couleurs parfaitement maîtrisées.





C’est un album OneShot de 72 pages qui se lit par contre très vite et d’une traite mais qui attrape le lecteur du début à la fin.





« Pulp » est un album fait pour ceux qui aiment autant les westerns que les histoires de gangsters mais aussi les intrigues rythmées.
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Reckless, tome 1

Ce tome est le premier d'une série dont le personnage principal est Ethan Reckless. Il est paru sans prépublication initiale en chapitre, en 2020. Il a été réalisé par Ed Brubaker pour le scénario, Sean Phillips pour les dessins et l'encrage et les couleurs sont l'œuvre de Jacob Phillips. La quatrième de couverture comprend des commentaires élogieux de Joe Hill, Damon Lindelof et Patton Oswald.



Au temps présent, un homme avance dans une grange en plein soleil, dans une exploitation agricole. Lloyd Wilder évoque un numéro surtaxé qu'on peut appeler : on tombe sur un répondeur. Il est possible de laisser un message pour demander de l'aide, sur des affaires pour lesquelles on ne peut pas aller voir la police. Si l'histoire est assez bonne, un type arrive et résout le problème à la place du client, pour un prix. Wilder écrase sa clope sur un établi, prend une machette et demande à l'homme en face de lui si c'est bien ça et si c'est de lui qu'il s'agit. Ethan Reckless répond que c'est bien ça et que c'est bien lui. Sa chemise est maculée de sang et il tient une petite hache dans la main droite.



Deux semaines plutôt à Los Angeles en 1981, sous le soleil. Ethan Reckless se rend chez lui, un cinéma désaffecté qui abrite aussi son bureau. Cela fait maintenant un peu plus de six ans qu'il résout des problèmes pour les autres. Ça a commencé en 1975, avec l'amie d'un ami à qui il a donné un coup de main, et qui lui avait donné cinq milles dollars sur ce qu'il avait ramené. À l'époque, cette somme permettait de vivre un bon bout de temps peinard à faire du surf, presque un an. Le deuxième client était un homme d'affaires et il avait tout simplement donné un de ses immeubles à Reckless en guise de paiement, un cinéma désaffecté avec sa marquise, appelé El Ricado. Reckless se sert du cinéma pour se projeter des films, peinard, tout seul, et pour parler affaires avec Anna, la jeune femme qui s'occupe du répondeur, des messages, et des paiements. Ce jour-là, il est en train de regarder Destroy All Monsters (1968) de Ishiro Honda. Anna arrive et lui indique que les finances commencent à être au plus bas et qu'il y a une annonce : un fils qui veut récupérer la voiture de collection de son père qu'il a perdu à l'occasion d'un pari, possiblement truqué. Il rappelle qu'il est hors de question qu'il permette à Anna d'organiser des séances de projection dans le cinéma, qu'il permette à des jeunes de venir en dégrader les fauteuils. Il y a un autre message bizarre laissé par une femme : si le nom de Donovan Rush dit quelque chose à Reckless, il peut la retrouver au motel Moonlite Inn, pendant trois jours encore.



En 2006, Ed Brubaker & Sean Phillips lancent une série de polars, publiée par Image Comics : Criminal. Ils la mettent en hiatus intermittent, et la relancent en 2019. Entre temps, ils ont collaboré sur d'autres projets, et en 2019/2020, ils ont publié 3 histoires complètes sans prépublication, se déroulant dans le même univers que Criminal. La pandémie de Covid est l'occasion pour eux de repenser leur stratégie : ils décident de lancer une nouvelle série fin 2020, sous la forme de 3 récits complets à paraître en moins d'un an, consacrée à un nouveau personnage. D'un autre côté, c'est toujours le même duo, œuvrant toujours dans le genre polar, juste avec un autre personnage principal, habitant sur la côte ouest des États-Unis. Le lecteur retrouve donc ce qu'il attend de ces créateurs. Un personnage principal pas très bien équilibré : vivant en marge de la société, gagnant de l'argent par des moyens réprouvés par la loi, ayant un grain et un trou dans ses souvenirs à la suite d'un événement traumatique. Le lecteur retrouve également le goût du scénariste pour situer clairement son récit dans un contexte social et historique. Il a choisi le tout début des années 1980, au soleil de la Californie, et au cours du récit apparaissent plusieurs éléments de contexte historique évoqués de manière explicite. Un exemple parmi d'autres : le lecteur peut relever la mention du Weather Underground : un collectif positionné très à gauche, anti-impérialiste et antiraciste, ayant participé de manière active à la campagne contre la guerre du Viêt Nam, prônant une action qu'ils qualifiaient de propagande armée, pour marquer la différence avec des actions de type lutte armée.



Le lecteur retrouve également les caractéristiques des dessins de Phillips : traits d'encrage un peu lourds et dont l'irrégularité apporte une forme de désinvolture, aplats de noir aux formes irrégulières, parfois copieux dans certaines cases, jeu d'acteurs de type naturaliste, d'une rare évidence. Jacob Phillips réalise une mise en couleurs en phase parfaite avec les dessins. Dans un premier temps, le lecteur éprouve l'impression d'une mise en couleurs naturaliste très évidente. S'il prend un peu de recul, il se rend compte qu'en fonction des cases, le coloriste peut laisser apparents ses coups de pinceaux, qu'il apporte une sensation de texture à certaines surfaces uniquement avec des nuances différentes. Il respecte les contours détourés par les traits encrés, mais à l'intérieur il peut appliquer une couleur partiellement dans la surface ainsi délimitée. Enfin, s'il s'arrête un instant sur une page, le lecteur est surpris de voir qu'il n'aurait pas du tout utilisé ces couleurs là pour un effet naturaliste, alors que l'effet final semble entièrement naturel.



Ces vingt années de collaboration entre Phillips et Brubaker leur ont permis de développer leur travail d'équipe pour aboutir à une complémentarité telle que le lecteur a l'impression que l'histoire est racontée par un unique artiste, et pas par deux personnes différentes, avec des écarts dans leur sensibilité. Il est possible de prendre n'importe quelle page au hasard après la lecture et d'en trouver des exemples. Cela peut aussi bien apparaître en creux (il n'y a aucune répétition entre ce que disent les personnages et ce que montrent les images) que de manière explicite (e calme avec lequel Lloyd Wilder finit sa cigarette avant de passer à l'attaque à la machette). La narration visuelle coule de source et chaque scène apparaît comme une évidence pour le lecteur. Cette facilité naît d'une longue pratique : le lecteur la prend comme un dû, totalement absorbé par sa lecture. S'il lui vient l'idée de feuilleter la bande dessinée après l'avoir dévorée, l'élégance de la narration lui apparaît. Phillips parvient à faire croire à ce duel à l'arme blanche dans une grange à l'écart. Il reproduit avec fidélité le type de façade surprenante du cinéma de Los Angeles. Il conçoit ses plans de prise de vue avec soin, sachant rendre visuellement intéressant une scène de dialogue de 5 pages, entre Anna et Ethan, ce dernier restant assis sur un fauteuil du cinéma. Il sait faire apparaître le rapport de force quand Ethan Reckless questionne June, la serveuse d'un diner, et qu'il ne parvient pas à prendre le dessus dans la discussion. La réalité de la violence physique dans un combat à l'arme blanche ressort crument : une boucherie sans une once de romantisme. Par contraste, le lecteur ressent le calme du moment de détente quand Ethan peut enfin faire un peu de surf dans une ambiance lumineuse violette, totalement adaptée.



Un polar de plus pour Brubaker, et il maîtrise les conventions de ce genre comme peu d'auteurs. Un personnage principal en marge de la société avec un système de valeur très personnel, une jeune femme qui lui demande de l'aide, un trafic avec des sommes d'argent qui changent de main, quelques flambées de violence. Ethan Reckless ne dispose pas d'un cerveau extraordinaire pour son enquête mais il avance de manière inflexible, peu sensible à la douleur. Malgré tout, ses capacités physiques restent du domaine du possible, et il est faillible. Ce récit utilise les conventions du genre, le scénariste les mettant à profit de son histoire. Le lecteur sans appétence particulière pour le polar se laisse prendre par une intrigue avec son lot de surprises et ses personnages âpres. Le lecteur habitué du genre apprécie l'habileté avec laquelle Brubaker manie les codes du genre. L'auteur a conçu un personnage dont le parcours de vie reflète plusieurs éléments historiques majeurs, embringué dans une histoire plausible. Le lecteur se dit qu'il a vu venir le trafic de loin, et il se trouve pris au dépourvu quand l'histoire connaît un nouvel imprévu, ramenant de l'originalité dans cette convention qu'il avait anticipée. Il retrouve toute confiance dans les auteurs et termine sa lecture aux anges d'avoir ainsi lu un tome complet.



Une histoire complète pour un nouveau personnage par un duo réalisant ensemble des polars depuis 20 ans. Le savoir-faire acquis pendant toutes ces années se voit sur chaque page, autant pour la complémentarité entre les deux créateurs, que pour la fluidité de la narration, la mise à profit des conventions de genre, etc. Brubaker & Phillips montrent bien que Ethan Reckless est un individu abîmé, mais aussi un individu du mauvais côté de la loi, parvenant à maintenir cet équilibre précaire chez le lecteur : un bon niveau d'empathie, mais aussi une réprobation morale pour ce style de vie. Ce polar fait ressortir des éléments sociaux et systémiques de l'époque, directement liés à l'histoire contemporaine de ces années-là, soit un commentaire sur les options d'une jeunesse qui n'avait rien demandé pendant la guerre du Viêt Nam, et les conséquences sur leur vie une fois devenus adulte.
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Criminal - H.S. : Sale Week-End

Ce tome contient un récit complet qui peut être lu indépendamment de tout autre, même s'il y apparaît un personnage de la série Criminal des mêmes auteurs. Il comprend les pages publiées dans les épisodes 2 & 3 de la série Criminal de 2019, initialement publiés en 2019, écrits par Ed Brubaker, dessinés et encrés par Sean Phillips, mis en couleurs par Jacob Phillips.



Un soir de juillet 1997, Jacob Kurtz rentre chez lui, après une journée passée sur une enquête. Il trouve un message sur son répondeur, : Mindy lui indique qu'elle a un boulot pour lui, à l'occasion de la prochaine convention de comics. Il sera remis une récompense d'honneur à Hal Crane pour sa carrière, et Mindy souhaite que Jacob lui serve de guide et de surveillant. Elle ajoute que Crane a demandé Jacob nominativement. Jacob se souvient de l'époque où il fut son assistant, et de la manière peu aimable dont il le traitait. Il se souvient également de la manière dont Hal Crane s'était embrouillé avec les responsables éditoriaux : Julius Schwartz chez DC Comics, Gerry Conway chez Marvel Comics. Malgré ces mauvais souvenirs, Jacob accepte quand même le boulot. Vendredi, Jacob est à pied d'œuvre à la convention et il se souvient qu'Hal Crane est surtout connu pour avoir travaillé sur le dessin animé Danny Dagger and the fantasticals. Jacob continue de progresser dans les allées de la convention, et il finit par apercevoir Hal Crane en train de discuter avec une jeune femme costumée en Princesse Yaz, un des personnages dudit dessin animé. La discussion se termine quand elle lui envoie une gifle.



Alors qu'elle est partie, Jacob s'approche d'Hal Crane qui le reconnaît. À sa demande, il lui explique qu'il a proposée à la jeune femme qu'elle monte dans sa chambre pour 100 dollars. Il pensait qu'il s'agissait d'une prostituée au vu de sa tenue. Jacob lui explique qu'il s'agit d'une fan du dessin animé, et qu'elle a vraisemblablement fait son costume elle-même. Hal Crane exprime sa surprise de voir autant de monde à la convention, alors qu'il pensait que les comics étaient une industrie moribonde. Jacob est tout aussi déconcerté car il sait que de nombreux éditeurs mettent effectivement la clé sous la porte. Quoi qu'il en soit, il annonce à Hal Crane qu'il doit participer à une intervention en compagnie de Joe Kubert, Will Eisner et Al Williamson. Hal Crane lui répond qu'il n'y participera pas car il a autre chose à faire. Jacob conduit la voiture, et Hal Crane s'assoit à l'arrière. Il ne conduit plus depuis l'accident qui a coûté la vie à Archie Lewis, un auteur de comic-strip dont il avait été l'assistant. C'était Hal Crane qui conduisait la voiture dans laquelle Archie Lewis a trouvé la mort.



En 2018, Brubaker & Phillips sortent une histoire complète Criminal Hors-série. Mes héros ont toujours été des junkies. Quelques mois plus tard, ils embrayent avec une nouvelle série Criminal. Dans la première page, le lecteur retrouve Jacob, il le voit rentrer chez lui. Les dessins montrent qu'il n'allume pas la lumière tout de suite, Jacob référant rester dans la pénombre. Le lecteur peut voir l'aménagement ordinaire, avec un canapé et un fauteuil ; il note également un dessin original au mur. Ainsi il prend visuellement connaissance du lien qui existe entre Jacob et Hal Crane, au point que le premier conserve un dessin affiché du second. Comme il s'agit d'un polar, le lecteur peut avoir l'impression que le ratio de séquences de dialogue est assez élevé. Pourtant s'il regarde les planches sous un autre angle, il peut observer également comment Sean Phillips montre les événements, ou les circonstances, portant une forte partie de la narration visuelle. Le lecteur est placé aux côtés des personnages et il voit la réaction de la cosplayeuse à la proposition d'Hal Crane, la table minuscule et dénudée qui lui est réservée pour signer, l'aménagement dans l'appartement du collectionneur pour pouvoir stocker un maximum d'originaux, le type d'établissement qu'Hal Crane fréquente pour aller voire un coup. Sean Phillips représente les choses avec un tel naturel dépourvu de toute ostentation que le lecteur peut ne pas s'en rendre compte, n'ayant l'impression que de dessin facile et purement fonctionnels.



Le lecteur perçoit beaucoup plus facilement les éléments visuels relatifs au monde des comics. Ça commence dès la deuxième page avec les tables à dessins dans le studio d'Hal Crane, ainsi que les meubles de rangement des planches. Ça continue avec le petit plateau sur lequel sont posés un cendrier avec une clope en train de se consumer, mais surtout le pot d'encre de Chine, le pinceau, les stylos, les grattoirs, etc. Par la suite, le lecteur peut encore regarder d'autres meubles de rangement spécifiques chez le collectionneur, dans le sous-sol de la maison d'Hal Crane et des morceaux de pellicules d'animation. Il laisse également son regard errer dans les allées de la convention : les différents cosplayeurs (allant de l'équipe des Ghostbusters à un soldat de l'empire en armure rose, en passant par la princesse Yaz, un homme habillé en Wonder Woman, etc), les badges d'accès accrochés en pendentif, les files de dédicace, la cérémonie officielle de remise des prix… Ed Brubaker glisse lui aussi de nombreuses références en citant des professionnels du métier : Julius Schwartz (1915-2004), Gerry Conway (1952-), Joe Kubert (1926-2012), Will Eisner (1917-2005), Al Williamson (1931-2010), Max Gaines (1894-1947), Jack Cole (1914-1958), Wally Wood (1927-1981), Joe Orlando (1927-1998), Stan Lee (1922-2018). Le lecteur familier du monde des comics se sent chez lui. Le lecteur de passage venu uniquement pour un récit de la série comprend les enjeux, et se doute que les noms cités sont ceux de professionnels.



Du fait que cette histoire s'inscrit dans la série Criminal, le lecteur s'attend à ce que des actes criminels soient commis. Effectivement, Hal Crane, artiste ayant atteint et dépassé l'âge de la retraite, se livre à des petits trafics pour pouvoir payer ses dettes. En particulier, il travaille avec un faussaire pour signer des faux afin de les vendre plus chers. Au fil des souvenirs de Jacob, le lecteur apprend qu'il était aussi coutumier du fait de voler des planches originales chez les éditeurs pour lesquels il travaillait afin de les revendre pour son compte personnel, une autre référence à une pratique avérée. Le lecteur voit un autre petit criminel mesquin vivant de combines à la petite semaine. Ed Brubaker se montre sans pitié vis-à-vis d'Hal Crane : sa façon de rabaisser ses assistants, son humiliation de voir son prix remis par l'éditeur qui l'a exploité, sa velléité de recourir aux services d'une prostituée, son recours à la violence face à des gens qui ne savent pas se défendre. Il se montre même beaucoup plus cruel que ça : Hal Crane est un individu qui n'a pas su mettre à profit son talent de dessinateur pour s'installer, qui est toujours dans le besoin malgré ce qu'il a pu accomplir dans son champ professionnel, qui ne peut pas apprécier les honneurs qui lui sont rendus du fait de sa rancœur. Il est humilié en constatant qu'il n'y a qu'une seule personne qui attend pour une signature à sa table de convention. Il sait qu'après avoir signé la boîte de goûter, elle sera mise en vente dans la minute qui suit, alors que lui a signé gratuitement.



Le lecteur perçoit toute l'amertume de ce monsieur âgé, grâce à la direction d'acteur impeccable de Sean Phillips. Le jeu des personnages est naturaliste, et les expressions de leur visage relèvent de celles d'individus adultes, ce qui ne les empêche pas d'être expressifs. Le lecteur ressent l'amusement d'Hal Crane de s'être fait gifler, son changement d'état d'esprit en écoutant les questions respectueuses du journaliste de Comics Review, le calme de façade alors qu'il se fait remettre à sa place par sa fille, la rouerie de Ricky Lawless (le frère de Tracy Lawless) alors qu'Hal Crane lui explique ce qu'il attend de lui, l'amertume et la culpabilité qui ronge Hal Crane. En de courtes scènes, Brubaker & Phillips en disent beaucoup, brossant le portrait d'un homme qui a vécu dans le milieu professionnel des comics américain. Outre les noms d'artistes et de responsables éditoriaux, le lecteur peut identifier des anecdotes comme celle du vol des planches originales, mais aussi de l'accident de voiture qui évoque celui d'Alex Raymond (1909-1956). Le prénom d'Hal Crane évoque aussi celui d'Hal Foster (1892-1982), le créateur de Prince Valiant. Pour autant ces références ne s'apparentent pas à des béquilles pour masquer un manque d'inspiration : elles constituent un écho à des faits marquants de l'histoire des comics aux États-Unis, et avant à celle des strips paraissant dans les journaux.



Ed Brubaker n'oublie pas pour autant le titre de sa série. Il est donc question de crimes réalisés par des faussaires, d'une intrusion avec effraction, de vols, et d'un autre plus grave. Le récit se focalise sur Hal Crane, sur sa vie évoquée par bribes, dans les déclarations de Jacob Kurtz qui semble s'adresser à un auditeur invisible, un peu comme s'il parlait plus pour le lecteur que pour lui-même. Les auteurs brossent le portrait très amer d'un individu doté d'un immense talent, s'exprimant dans un champ artistique tenu pour mineur, tenue de main de fer par les responsables éditoriaux, les artistes n'étant que de la main d'œuvre sans reconnaissance de leur droit d'auteur. Hal Crane est le produit d'une époque, d'un milieu professionnel, faisant de ce récit un polar au sens noble du terme : un roman noir inscrit dans une réalité sociale précise, ayant une incidence directe sur les individus évoluant dans ce milieu.



Avec la quatrième de couverture, le lecteur pourrait croire qu'Ed Brubaker & Sean Phillips (avec Jacob Phillips) s'offrent une petite aventure dans un chemin de traverse pour jouer avec les conventions comics, afin de contenter une partie de leur lectorat. Il apparaît très vite qu'ils racontent l'histoire d'un professionnel du monde des comics, sans omettre les crimes ordinaires, avec un suspense quant à la nature de ce que recherche fiévreusement Hal Crane.
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Décennies : Marvel dans les années 2000 - La Un..

Ce tome est le septième dans la série d'anthologies publiées pour célébrer les 80 ans d'existence de l'éditeur Marvel Comics. Il comprend Ultimate Spider-Man 1, Wolverine: The Origin 2, The Ultimates 1, Truth: Red White & Black 1, Astonishing X-Men 1, Civil War 2, Captain America 25, et une partie du numéro 583 d'Amazing Spider-Man. Jess Harold écrit une introduction d'une page qui revient sur les sorties de chacune de ces séries avec une densité d'information assez faible de type promotionnelle.



Ultimate Spider-Man 1 (scénario de Bill Jemas & Brian Michael Bendis, dessins de Mark Bagley, encrage d'Art Thibert) - Norman Osborn est en train de regarder les résultats d'une expérience génétique sur une araignée dans un laboratoire de son entreprise. Peter Parker se fait enquiquiner par deux zigotos dans l'établissement de restauration des lycéens. Son Oncle Ben arrive ce qui permet de calmer le jeu. Le harcèlement recommence le lendemain dans les couloirs du lycée. Wolverine: The Origin 2 (scénario de Bill Jemas, Joe Quesada, Paul Jenkins, dessins d'Andy Kubert, mise en couleurs de Richard Isanove) - Dog Logan observe Rose O'Hara qui est à sa fenêtre. John Howlett explique à son fils James qu'il doit commencer à prendre des responsabilités et qu'il va l'emmener quand il fera le tour de l'exploitation. Le père de John Howlett trouve que John surprotège James. The Ultimates 1 (scénario de Mark Millar, dessins de Bryan Hitch, encrage d'Andrew Currie) - En 1945, au-dessus de l'Atlantique Nord, un avion militaire emmène des troupes pour un parachutage massif sur l'Islande. À son bord se trouvent Bucky Barnes et Captain America. Les hommes de troupe se demandent ce que peut bien apporter un gugusse dans un costume à l'image du drapeau. Truth: Red White & Black 1 (scénario de Robert Morales, dessins et encrage de Kyle Baker) - En 1940, Isaiah et Faith Bradley se rendent à la grande fête foraine de New York, en espérant pouvoir aller écouter un discours de William Edward Burghardt Du Bois (W. E. B. Du Bois, 1868-1963). Lors de l'accès à une attraction, ils se heurtent au racisme ordinaire qui fait des citoyens noirs, des citoyens de seconde classe. Dans un bar, Dallas Huxley retrouve son ancien sergent Lucas Evans et ils entament une partie de billard dans un bar fréquenté uniquement par les noirs.



Astonishing X-Men 1 (scénario de Joss Whedon, dessins et encrage de John Cassaday) - Tildie Soames, une jeune fille, se réveille en sursaut d'un cauchemar dans lequel un monstre la dévorait. La doctoresse Kavita Rao vient la réconforter. Kitty Pryde arrive à l'école pour surdoués de Westchester et se dépêche de se rendre à la conférence d'accueil qui a commencé sans elle, aux côtés d'Emma Frost, de Scott Summers et d'Hank McCoy. Civil War 2 (scénario de Mark Millar, dessins de Steve McNiven, encrage de Dexter Vines) - Une équipe du SHIELD récupère Vulture et Grim Reaper qui ont été neutralisés par Captain America et ses rebelles. Il reste encore 7 jours avant que l'obligation légale de recensement des superhéros n'entre en vigueur. Tony Stark espère que Captain America se rangera à son point de vue. Reed Richards travaille sur le projet 42. Peter Parker s'apprête à révéler publiquement son identité secrète pendant une conférence de presse. Captain America 25 (scénario d'Ed Brubaker, dessins et encrage de Steve Epting) - Captain America s'est rendu aux autorités et il va comparaître en justice pour avoir refusé de se soumettre au recensement. Amazing Spider-Man 583 (scénario de Zeb Wells, dessins et encrage de Todd Nauck) - Peter Parker se rend au discours inaugural du quarante-quatrième président des États-Unis : Barack Obama.



En décembre 1996, l'entreprise Marvel Comics a déposé un avis de faillite. En 1997 le groupe Marvel Entertainment Group est racheté par Toy Biz et devient Marvel Entreprises. Avi Arad, Bill Jemas, Bob Harras et Isaac Perlmutter conçoivent un plan pour redresser la marque. En 1998, Joe Quesada devient le responsable éditorial en chef après avoir été responsable de la ligne Marvel Knights avec Jimmy Palmiotti. Au début des années 2000, l'éditeur Marvel se retire du Comics Code Authority et lance de nouvelles lignes de comics comme MAX et Ultimate. Au vu du volume de la production Marvel dans les années 2000, toute anthologie est vouée à être partielle et partiale. Pour celle-ci, l'éditeur a choisi des épisodes ayant bénéficié d'une couverture médiatique. En (re)découvrant ces épisodes, le lecteur fait le constat de la volonté de l'éditeur d'explorer de nouveaux territoires : une nouvelle origine pour un autre Spider-Man, une nouvelle origine pour une autre équipe des Avengers, une origine pour un Captain America afro-américain, l'origine de Wolverine qui jusqu'alors était restée intouchable, une guerre civile entre superhéros. Le lecteur peut ainsi assister ou revivre la naissance de l'univers Ultimate qui aura existé de 2000 à 2015. Il constate que la narration pour Ultimate Spider-Man n'est pas si différente que ça des autres comics de l'époque, et que l'avantage réel est de pouvoir disposer d'une version du personnage qui repart de zéro, donc accessible à de nouveaux lecteurs. Cette version (et la suivante avec Miles Morales) a duré pendant plus de 250 épisodes, et Miles Morales a intégré l'univers principal (616) de Marvel. Mark Bagley réalise des planches soignées et détaillées, mais fortement marquées par les tics de superhéros classiques.



Il en va tout autrement pour le premier épisode des Ultimates avec une narration beaucoup plus cynique et des dessins hyper réalistes avec un dynamisme cinématique. Cet épisode présente un saut qualitatif par rapport au reste de la production de superhéros industriels mensuels. Cette forme d'écriture fera école par la suite dans l'univers partagé Marvel. D'ailleurs le lecteur retrouve cette sensibilité narrative dans le premier épisode des Astonishing X-Men. Il y a la même approche visuelle de la narration, des dessins fluides et photoréalistes, avec une densité d'informations moindre, et une mise en couleurs très riche. Paul Mounts utilise des teintes foncées et denses pour Ultimates. Laura Martin utilise des teintes plus variées et lissées pour Astonishing X-Men, visant plus un naturalisme un peu plus froid. Frank d'Armata réalise une mise en couleurs tout aussi sophistiquée pour Captain America, avec une approche plus axée sur l'installation d'une ambiance pour chaque séquence. Avec l'avènement de l'infographie, les metteurs en couleurs peuvent devenir de véritables artistes apportant autant aux cases que le dessinateur lui-même. C'est flagrant avec Richard Isanove pour la minisérie Origin où il habille les dessins d'Andy Kubert au point de leur donner une consistance qui n'existe pas dans les traits tracés, simulant la texture gauffrée du papier. D'ailleurs le lecteur se rend compte au bout de quelques pages que le degré descriptif des dessins n'est pas très élevé, ce qui génère une dissonance narrative… enfin pas tant que ça parce que le scénario est particulièrement artificiel.



Jusqu'alors, l'éditeur Marvel avait choisi et imposé de ne pas révéler le secret des origines de Wolverine/Logan, laissant les auteurs rajouter couche après couche de souvenirs pouvant être déclarés faux par l'auteur suivant. Raconter ses origines, le tout début de sa vie brise donc une règle appliquée depuis plusieurs décennies, pour innover. Par comparaison, la mort de Captain America est beaucoup moins novatrice, car la décennie 1990 est riche en superhéros tombés au champ d'honneur… et revenus en bonne santé depuis. Par contre, Ed Brubaker met en œuvre une narration plus sèche mêlant superhéros et espionnage pour un récit haletant et sombre, avec des dessins réalistes avec un encrage appuyé qui apporte une part de ténèbres et de sérieux, en phase avec la nature du récit. Cette situation est l'aboutissement de la guerre civile qui a opposé les superhéros entre eux. Les responsables éditoriaux ont choisi de faire figurer l'épisode 2 dans ce recueil, car c'est celui où Peter Parker dévoile son identité dans une conférence de presse. Le lecteur retrouve des dessins cliniques, reprenant le réalisme de ceux de Bryan Hitch et la froideur de ceux de John Cassaday, pour un récit très malin où les superhéros doivent choisir leur camp, entre 2 possibilités inconciliables. Ils sont pris dans un système où ils n'ont d'autre choix que de prendre parti dans un monde complexe qui ne peut pas se simplifier en un camp des bons et un camp des méchants.



Au milieu de ces récits, les 2 autres font tâche. Les 9 pages dans lesquels Spider-Man rencontre Barack Obama ramènent le lecteur à un récit très basique, un supercriminel idiot, des dessins s'approchant de ceux de Mark Bagley, et une mise en couleurs extraordinaires de Frank d'Armata, mais déplacée pour ce type de dessins. L'autre épisode qui dénote est celui de Truth réédité par la suite dans Captain America: Truth (2003). Mark Morales transpose l'Étude de Tuskegee (1932-1972) à l'univers partagé Marvel, sous la forme d'une expérience de sérum de supersoldat, menée sur des afro-américains, aboutissant au fait que la création de Captain America s'est faite sur les cadavres des cobayes afro-américains. Les dessins de Kyle Baker sont encore plus en décalage, avec une approche caricaturale des personnages, une simplification des décors, et une exagération de toutes les cases, avec un esthétisme à l'opposé de celui des superhéros traditionnels. Le lecteur apprécie à sa juste valeur la décision de rendre ainsi hommage à cette minisérie atypique, politique et faisant œuvre de devoir de mémoire.



Comme pour les autres tomes à partir des années 1960 (décennie de la naissance des superhéros Marvel), ce tome-ci ne peut pas être représentatif de toute la production pléthorique des années 2000. Comme pour les 2 décennies précédentes, les responsables éditoriaux ont effectué des choix qui rendent compte d'une facette de la production, d'un axe de développement de l'entreprise. Le lecteur voit l'apparition de superhéros plus cyniques (Ultimates, Civil War), d'auteurs ouvertement cyniques et mercantiles (Origin), de vieilles recettes habillées de neuf (Ultimate Spider-Man, rencontre avec Barack Obama), d'auteurs sachant faire passer leur voix (Captain America, et dans une moindre mesure Astonishing X-Men), et d'auteurs ambitieux en liberté totale (Truth: Red, White and Black).Toute une époque.
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Criminal, tome 7 : Au mauvais endroit



Été 1979, Tracy se retrouve sur les routes avec son père violent et alcoolique. À devoir conduire pour lui, à changer les plaques, à être témoins de meurtres, à se retrouver seul de très long moment et au final à se démerder pour se nourrir car son père ne rentre pas, où ne lui offrent pas de bons repas.

À travers ce road trip entre père et fils, on comprend mieux pourquoi Tracy pensait que son jeune frère avait vécu une meilleure vie que lui en restant seul avec sa mère.



Seule échappatoire pour ce jeune enfant rentré trop vite dans ce monde d'adultes, est de lire les bandes dessinées. Là, au moins même s'il y a de la violence, c'est le bon côté qui gagne contre le mauvais... Car Tracy est hélas du mauvais côté par son père. On ne choisit pas sa famille, mais on peut choisir ses lectures. 📖



Côté dessin, les expressions faciales sont très bien réussites. Que ça soit la surprise, la peur, la lassitude de Tracy Lawless face aux mauvaises actions de son géniteur de père ainsi que les expressions de ce dernier dans ses côtés assez psychopathes de truands.
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Dakota North : Design for Dying

Ce tome comprend les premières apparitions de Dakota North dans l'univers partagé Marvel : les 6 épisodes de sa minisérie, 3 épisodes hétéroclites, sa participation à l'enquête de Matt Murdock dans Daredevil: Cruel and Unusual (épisodes 106 à 110).



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Dakota North : épisodes 1 à 5, 1986/1987, scénario de Martha Thomases, dessins et encrage de Tony Salmons, couleurs de Christie Scheele - Dakota North et Mad Dog (son secrétaire) sont en train de s'entraîner au tir à l'arme à feu dans une grande salle, avec des silhouettes en carton qui surgissent inopinément. Leur séance est interrompue par l'arrivée de l'inspecteur de police Amos Culhane. Dans le même temps, la sonnerie du téléphone retentit : il s'agit d'un client qui appelle pour louer les services de Dakota North. Le créateur de mode Luke Jacobson souhaite qu'elle enquête sur le saccage de son showroom et sur les menaces de mort qu'il a reçues. Dakota enfourche sa moto qui se trouve également dans un coin de cette immense pièce, et se rend chez le grand couturier. À son arrivée, l'un des employés la prend pour le mannequin qu'ils attendent et lui tend une robe à mettre, ainsi qu'un attaché-case. Dakota North finit par accéder au grand couturier, mais lance la valise par la fenêtre, et elle explose sans causer de victimes. Pendant ce temps-là, Samuel J. North décide que son fils adolescent Ricky North doit aller vivre avec sa fille Dakota. Anna Stasio, l'assistante particulière de Luke Jacobson est reçue par Cleo Vanderlip.



Après la résolution de cette première affaire, Dakota North se rend à l'invitation de son père à un déjeuner d'affaire. Il lui présente le major George C Cooper. Étant plutôt rétive à l'idée de se voir imposer un contrat par son père, elle accepte d'interrompre la conversation pour aller danser avec Timas, un beau jeune homme lui ayant proposé de le rejoindre sur la piste. Cooper décide de se lancer dans une partie poker avec le jeune Ricky North, qu'il perd assez rapidement. Il lui donne un stylo de luxe comme gage, n'ayant pas de liquide sur lui pour lui payer la somme qu'il lui doit. Alors que tout le groupe sort du restaurant, la voiture du major explose, juste avant qu'il ne monte dedans. Cela décide Dakota North à accepter de lui servir de garde du corps. De son coté, Cleo Vanderlip a compris grâce à un informateur que Ricky North possède le précieux stylo plume et elle charge la jeune et charmante Daisy Kane de s'attacher à ses pas et de l'écarter en l'emmenant dans une destination convenue en Europe.



Lorsque le lecteur découvre les avis de parution de cette série bimensuelle dans les comics de 1986, il est totalement pris au dépourvu, car l'encart met en avant Dakota North avec un pistolet à la main, et un seul mot : Style. De fait, il découvre une série qui dénote par rapport à la production mensuelle de l'éditeur. Non seulement le personnage principal est une femme, mais en plus elle est liée au milieu de la mode, et il n'y a pas l'ombre d'un individu disposant de superpouvoir dans la série. En plus les 2 auteurs sont alors inconnus dans le milieu des comics. Dans la courte introduction, la scénariste indique qu'elle avait une petite expérience en tant que journaliste dans le milieu de la mode et que cela a constitué un atout dans le développement de la série. Dans les faits, le degré de description de ce milieu professionnel est quasi nul, et se contente d'enfiler 3 clichés, entre le couturier détaché des contingences matérielles et aveugle à l'intérêt que lui porte son assistante, et la femme d'affaires impitoyable, dont l'intérêt pour la mode est quasi nul. Pour faire bonne mesure et initier des intrigues, Martha Thomases introduit le père de Dakota North, et indique qu'il a travaillé pour les services secrets. À partir de là, elle développe une première intrigue basée sur un concurrent ne jouant pas fairplay contre Luke Jacobson. Le premier épisode établit ainsi la dynamique de la série, entre la détective privée chic et efficace sans être cynique, l'amoureux transis qu'elle ne remarque même pas, le jeune frère source de distraction, et le père rigide et critique du métier de sa fille. Les épisodes 2 à 5 constituent une aventure de plus grande ampleur au cours de laquelle Dakota North voyage jusqu'à Paris, la capitale de la mode, mais sans que cela ne soit évoqué, et poursuit son trajet jusqu'en Suisse.



Tony Salmons est également un inconnu quand paraît le premier épisode de la série. Par la suite, il illustre Vigilante: City Lights, Prairie Justice (1995) sur un scénario de James Robinson. Comme le fait observer la scénariste, cet artiste dessine dans un registre débarrassé des conventions graphiques de superhéros, ce qui donne une identité visuelle à la série, très différente de la production mensuelle de masse de l'éditeur Marvel. Il réalise des dessins avec une approche classique, à base de traits encrés pour délimiter les contours, et d'aplats de noir irrégulier pour évoquer les ombres portées et les reliefs dans chaque surface. Il module l'épaisseur de son trait, de gras à très sec, jusqu'à en devenir parfois cassant. Salmons réalise des dessins dans un registre descriptif et réaliste, avec un degré de précision satisfaisant, sans verser dans le photoréalisme. Au fil des séquences, le lecteur observe qu'il sait donner une bonne idée du volume des endroits, de leur profondeur. Les personnages disposent de morphologie normale, avec des expressions de visage naturalistes. Effectivement, l'artiste sait conférer une touche élégante aux personnages quand ils sont bien habillés, comme Ricky ou parfois Dakota.



Lors du passage à Paris, il devient évident que Tony Salmons n'effectue pas de recherche au préalable. La Tour Eiffel a une forme approximative et son environnement immédiat n'a rien à voir avec la réalité. La mise en images passe parfois en mode plus naïf, par exemple avec un wagon de train dont il sort des roues pour qu'il continue sa course sur la route, ou une chasse au faucon peu réaliste, menée par cheik d'opérette. D'un autre côté, il se conforme aux prescriptions du scénario, Martha Thomases privilégiant parfois le spectaculaire au plausible, utilisant alors de grosses ficelles. Le lecteur se retrouve sous le charme de Dakota North, jeune femme avec la tête sur les épaules, n'ayant pas froid aux yeux, tenant tête aux hommes dans des affrontements et des combats, s'élançant dans l'action, tout en prenant soin des personnes qui l'entourent. Mais plusieurs éléments laissent rêveur : la tentative de meurtre à l'arbalète trop mélodramatique pour être honnête, ou encore les effets du gaz toxique risquant de tuer tous les êtres vivants à l'échelle d'un pâté de maison mais finalement dont l'action est limitée à une pièce.



Effectivement, à l'époque, ces 5 épisodes ressortaient par rapport à la production mensuelle de l'éditeur Marvel, pour leur absence de superpouvoirs et de costumes colorés, pour le premier rôle tenu par une femme crédible, par les dessins dépourvus des tics graphiques des superhéros. Les 2 histoires se lisent avec plaisir, tout en donnant l'impression de s'adresser plus à des enfants qu'à des adultes, malgré une saveur plus élaborée. 3 étoiles pour la curiosité.



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Web of Spider-Man 37 (1988) : scénariste James Owsley, dessinateur Steve Geiger, encreur Keith Williams - Dakota North et son jeune frère enquêtent sur une série de meurtre de mannequins retrouvées égorgées. La prochaine victime présumée Elyse a pour ami Mary-Jane Watson, ce qui veut dire que Peter Parker n'est pas loin. Le scénariste propose une enquête cousue de fil blanc, en y entremêlant un amoureux transi avec un plan foireux, avec une mise en image fonctionnelle. Le lecteur mesure toute la distance qui sépare cet épisode quelconque des 5 épisodes de la série initiale qui avaient plus de caractère. 2 étoiles.



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Power Pack 46 (1989) : scénariste Terry Austin, dessins Whilce Portacio, encrage Mark Badger - Une autrice à succès de roman jeunesse est accusée d'avoir dérobé la somme d'argent servant de course aux trésors pour ses lecteurs. Katie Power et son frère Jack décide d'enquêter chacun de leur côté pour disculper l'autrice, Katie avec le Punisher (Frank Castle), Jack en louant les services de Dakota North. Le scénariste concocte une suite de rebondissements à destination de lecteurs plus jeunes en s'accommodant tant bien que mal de la participation du Punisher, et en y mêlant des zozos évoquant les 3 Stooges. L'association de Portacio et Badger aboutit à des dessins descriptifs avec une petite exagération comique, encore trop réaliste pour être réellement en phase avec le scénario et le public visé. 1 étoile.



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Marvel Super-Heroes Fall Special (1990, 11 pages) : scénario Dwight Jon Zimmerman, dessins Amanda Conner, encrage Brad Vacanta - Janet van Dyne participe à un défilé de mode qui est interrompu par l'irruption d'un individu pouvant se transformer à volonté en toute sorte d'animaux, avec une gemme sur le front. Dakota North était dans les parages et se retrouve mêlée à l'histoire. Le lecteur découvre cette histoire en regrettant finalement la précédente, que ce soit pour le scénario prétexte ou pour les dessins très convenus. 1 étoile.



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Cruel and unusual (Daredevil 107 à 110, 2008) : scénario d'Ed Brubaker & Greg Rucka, dessins de Michael Lark & Stefano Gaudiano - Un homme doit passer à la chaise électrique pour un crime qu'il a avoué avoir commis. Luke Cage convainc Dakota North qu'il est innocent et elle convainc Matt Murdock de participer à l'enquête. Pour le commentaire détaillé, cliquer sur Daredevil: Cruel and Unusual. Excellente aventure de Daredevil, tant pour l'intrigue que pour la mise en images. 5 étoiles.
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Criminal Hors-série. Mes héros ont toujours été d..

Ce tome contient une histoire complète (quasi) indépendante de toute autre, qui ne nécessite pas de connaissance préalable d'une autre série. Cette histoire est parue en 2018, directement sous la forme d'un récit complet, sans prépublication. Le scénario est d'Ed Brubaker, les dessins et l'encrage de Sean Phillips, et la mise en couleurs a été réalisée par Jacob Phillips. Cette bande dessinée compte 66 pages.



Quelque part sur une plage de Californie, proche de Santa Teresa (non loin de San Jose), Ellie a enlevé ses chaussures, et se tient les pieds dans l'eau. Une femme âgée approche en promenant son chien, lui faisant observer la beauté du paysage. Ellie lui adresse la parole et lui parle d'une chanson de Vic Chesnutt (1964-2009) évoquant un jeune homme nageant dans la mer et s'étant éloigné plus loin qu'il ne pensait, non pas en train d'agiter les bras pour faire signe, mais en train de se noyer. La dame se demande si Ellie va bien. Quelques jours auparavant, Ellie était admise dans un établissement de soin spécialisé dans les cures de désintoxication, un centre de réhabilitation pour drogués. Elle participait à une séance de groupe, sous la houlette de Mitch, où la parole était monopolisée par Todd. Ce dernier racontait une histoire incroyable au cours de laquelle il s'était retrouvé dans un squat pour acheter sa dose, alors qu'un rival était survenu et avait ouvert le feu. Il avait dû se cacher sous un cadavre. Elle sait pertinemment qu'il ment et que tout est inventé.



La veille au soir, Ellie s'était introduite dans le bureau des soignants et avait consulté le dossier des patients de son groupe. Elle y avait découvert que Mitch avait en fait dépensé l'argent de son ménage dans des clubs de striptease et qu'il s'était fait passer pour un drogué auprès de son épouse pour ne pas à avoir à avouer la vérité. C'est ensuite au tour de Lois de prendre la parole pour évoquer sa dépendance aux antidouleurs, puis à Ken pour son addiction à la cocaïne. Elle-même a été admise 3 jours auparavant, amenée par un oncle lui ayant bien fait comprendre que c'était sa seule chance. Skip (un charmant jeune homme) intervient pour dire que la confession est un baume apaisant pour l'âme. Mitch indique à Ellie que c'est à son tour de s'exprimer. Elle cite Keith Richards, disant que le pire qu'on puisse dire à propos de l'héroïne donnera toujours envie à quelqu'un d'essayer. Mitch ne comprenant pas très bien où elle veut en venir, elle continue pour indiquer qu'elle n'est pas sûre qu'être abstinent est désirable. Elle cite l'exemple de David Bowie, Brian Wilson, Lou Reed qui ont réalisé leurs meilleurs disques en étant sous produit psychotrope. Mitch lui planifie un rendez-vous particulier avec la docteure Patti.



Voilà une production de Brubaker & Phillips originale à plus d'un titre. Pour commencer, ils ont choisi de publier cette histoire d'un seul tenant, sans prépublication, ce qui est exceptionnel dans le système de production américain des comics. Ils ont dû estimer que le respect du modèle économique en place n'était pas approprié pour une histoire relativement courte, mais qu'elle méritait une sortie dans un format avec couverture rigide. À la lecture, il apparaît qu'il s'agit d'un récit consistant auquel ce format sied bien. Ensuite, ils n'ont pas choisi de rattacher cette histoire à une de leur série, à part incidemment. Cela signifie que si le lecteur ne connaît pas la série Criminal des mêmes auteurs, le récit ne perd rien en cohérence pour lui. S'il connaît cette série, l'apparition de Leo le temps d'une page n'apporte pas de sens supplémentaire au récit. Enfin, la mise en couleurs n'est pas réalisée par Elizabeth Breitweiser, coloriste attitrée de Sean Pillips depuis plusieurs années. Jacob Phillips ne démérite pas. Dans un premier temps, le lecteur voit bien que la conception de la mise en couleurs diffère des œuvres précédentes de Phillips. Puis il remarque que Jacob Phillips utilise des teintes différentes de celles de la palette de Breitweiser, en particulier du rose en aplat. Il laisse aussi plus de place au blanc de la page. Il réalise une mise en couleurs adulte, sachant doser les aplats, les discrets effets de mouchetis, les débords, et la juxtaposition de 2 nuances d'une même teinte. La mise en couleurs serpente élégamment entre naturalisme et impressionnisme, apportant des saveurs aux formes détourées, sans écraser les traits de contour, sans supplanter les dessins, en harmonie avec eux.



Comme à son habitude, Sean Phillips réalise des dessins dans une veine descriptive et réaliste, avec une impression de contours qui auraient mérité d'être un peu peaufinés. Mais en y regardant de plus près, le lecteur est impressionné par la précision des tracés sous une apparence de simplicité et d'évidence. L'artiste pèse chaque élément de chaque case. Les costumes sont choisis avec soin, en fonction du protagoniste, de sa personnalité, de sa position sociale, de son occupation. Le jeu des acteurs donne l'impression d'observer des individus croisés dans la rue, réagissant normalement et sans emphase aux situations dans lesquelles ils se trouvent, à ce qui leur est dit, avec un naturel confondant, tellement évident que le lecteur éprouve la sensation qu'ils sont juste à côté de lui. Il voit la dame sur la plage, réagir à la tension de la laisse du fait des mouvements du chien. Il regarde les participants au groupe de parole, notant leur regard se porter ailleurs alors qu'ils effectuent l'effort de mémoire pour se souvenir de ce qu'ils ont vécu, pour préparer leur prochaine phrase. Il se retrouve fasciné par le langage corporel d'Ellie alors qu'elle initie le jeu de la séduction avec Skip, en notant les tensions perceptibles dans le corps de celui-ci alors qu'il réagit inconsciemment aux signaux émis par Ellie. Il voit toute l'expérience acquise par la docteure dans sa mine désabusée, sa certitude qu'Ellie et Skip ne sauront pas faire preuve d'assez de discipline pour se débarrasser de leurs mauvaises habitudes. S'il n'y fait pas attention, le lecteur n'a même pas conscience de toutes les informations portées par les dessins, tellement ils semblent évidents et faciles.



Sean Phillips est tout aussi habile et élégant dans sa manière de représenter les décors. Il sait qu'il peut s'appuyer sur Jacob Phillips pour apporter des informations de texture ou de relief par le biais de la mise en couleurs. Il ajuste donc son degré de détails en fonction des besoins de la scène, avec comme objectif une lisibilité immédiate. Ainsi s'il regarde uniquement les traits encrés dans la scène d'introduction, il n'y a que quelques traits fins et des tâches noires qui ne semblent pas figurer grand-chose. Pourtant le lecteur voit l'eau miroiter, le sable crisser et l'humidité imprégner les rochers. La complémentarité entre couleurs et traits est tellement extraordinaire qu'il est possible de ne pas s'en rendre compte. Du coup le lecteur éprouve l'impression dans chaque scène de se trouver sur les mêmes lieux que les personnages quel que soit le degré de détails. Il peut très bien y avoir une façade représentée de telle sorte à percevoir le volume du porche, des escaliers, du balcon, que de simples traits pour les plis d'un drap, la sensation d'immersion est aussi intense. En outre, alors que le récit repose essentiellement sur les dialogues et la voix intérieure d'Ellie, la narration visuelle reste diverse et variée, à la fois pour les activités des personnages, à la fois pour les différents lieux. Le lecteur a l'impression de lire un roman avec les commentaires d'Ellie, en même qu'il lit les images, tellement la coordination entre scénariste et dessinateur est élevée. À l'opposé de textes et images redondants, le partage entre les deux est si bien pensé que qu'il ne se remarque pas et que les deux s'enrichissent et interagissent avec efficience. Il ne note qu'un seul faux pas : Jean-Paul Sartre se promenant sur les Champs Élysées, au milieu des fiacres, étrange anachronisme.



Le lecteur croit immédiatement en l'existence d'Ellie car il perçoit plusieurs aspects de sa personnalité, ses contradictions, ses convictions, ses plaisirs. La narration est ainsi faite qu'elle est en est le centre, en étant à la fois présente dans toutes les séquences, et avec les cartouches de texte portant sa voix intérieure. Même si cette histoire n'est pas inscrite par ses auteurs dans la série Criminal, le titre et le flux de pensée d'Ellie ne laissent pas de place au doute : ses actions la placent du mauvais côté de la loi. Le lecteur se prête au jeu d'interpréter ses phrases, ses actions et ses émotions en supposant qu'il y a anguille sous roche. Même si Ellie ne ressemble pas à une femme fatale, il n'y a pas de doute que la fréquenter nuit gravement à la santé. En outre, elle a acquis la conviction que l'usage de drogues récréatives est de nature à améliorer la vie. Elle s'est bâti toute une mythologie personnelle à partir des musiciens, surtout des chanteurs, ayant créé sous influence, en y ajoutant quelques artistes triés sur le volet comme Jean-Paul Sartre et Vincent van Gogh. Ed Brubaker sait de quoi il parle en matière de musiciens drogués, et a même pu en faire une sélection indicative de la personnalité d'Ellie : Vic Chesnutt (1964-2009), Keith Richards, Billie Holiday, Gram Parsons (1946-1973), Elliott Smith, David Bowie, Lou Reed, Brian Wilson. Il construit ainsi son personnage, indiquant que l'élément déclencheur a été une K7 audio de sa mère, et la confirmation est venue à l'écoute de Billie Holiday at Carnegie Hall (1956). Alors qu'il est entièrement accaparé par l'intrigue (découvrir l'objectif réel d'Ellie), le lecteur apprend des bribes de son enfance et les expériences qui ont façonné sa relation avec les produits psychotropes.



Ed Brubaker s'est fixé un défi déraisonnable : parler de l'usage de drogues récréatives au travers d'un personnage ambivalent. Il lui fait même énoncer le risque avec la citation de Keith Richards indiquant qu'il est impossible de parler de drogues sans supprimer son pouvoir de séduction ou de fascination. Même si le récit commence dans un centre de désintoxication, il n'y a pas de jugement moral, pas de leçon de morale. Il n'y a pas non plus de scène de défonce, ou de bad trip, ou encore de sevrage. La dépendance reste en arrière-plan, mais elle n'est pas totalement absente. Ellie et Skip ne sont pas encore à l'étape où toute leur vie est consacrée à atteindre la prochaine dose. Dans le même temps, ces 2 personnages principaux sont dans la fuite, le lecteur ne peut pas les envier. Ils sont consommateurs de drogue pour supporter leur condition, pour vivre des moments plus heureux que ceux que la réalité leur apporte. En outre, en focalisant le récit sur Ellie, Ed Brubaker donne l'image d'une personne uniquement intéressée par elle-même, incapable de se mettre à la place de l'autre.



Ed Brubaker & Sean Phillips sont toujours aussi en harmonie entre eux, réalisant une narration qui semble avoir été pensée et mise en œuvre par un unique créateur. L'artiste raconte visuellement l'histoire avec une simplicité et une évidence telles que le lecteur trouve tout naturel et crédible. L'histoire propose une véritable intrigue, avec des personnages complexes et attachants, sans être sympathiques. Au travers de l'histoire personnelle d'Ellie, les auteurs abordent la question de la fascination vis-à-vis de la drogue, de la manière dont un individu peut concevoir ce produit comme étant une source de plaisir désirable, avec une approche psychologique subtile et convaincante. Ils ne cherchent pas à convaincre le lecteur de la dangerosité ou de l'innocuité des produits psychotropes, ni à montrer leurs effets, juste comment un individu peut le voir comme une substance désirable, au-delà de ses effets euphorisants ou psychotropes.
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Kill or be killed, tome 1

Ce tome est le premier d'une série indépendante de toute autre. Il contient les épisodes 1 à 4, initialement parus en 2016, écrits par Ed Brubaker, dessinés et encrés par Sean Phillips, avec une mise en couleurs réalisée par Elizabeth Breitweiser. Ces créateurs sont également les auteurs des extraordinaires séries Fatale, Tome 1 : La mort aux trousses et Fondu au noir.



Au temps présent, Dylan (un jeune homme) est en train d'exterminer de la racaille avec son fusil à pompe. Dans un immeuble, il abat un homme à bout portant dans une salle de bain, puis un deuxième dans le salon. Il tire ensuite froidement et méthodiquement sur 2 autres qui viennent de sortir de l'ascenseur. Pendant ce temps-là, sa voix intérieure semble s'adresser à un interlocuteur invisible, évoquant la facilité avec laquelle il est devenu un tueur, la litanie des crimes grands et petits évoqués tous les jours aux informations, le fait qu'un psychopathe est devenu président et que l'avidité mène le monde. Il se fait prendre par surprise par un agresseur, se défend tout en continuant de penser aux individus qui vivent dans ce monde de manière passive en se gavant de divertissement à la télévision. Mais il se reprend en se disant qu'il n'a pas commencé son histoire par le début, et qu'il lui faut revenir en arrière, peut-être un soir de nouvel an 7 ans plutôt quand des mecs ont importuné sa copine de l'époque dans un bus et qu'il n'avait pas la carrure suffisante pour répondre. Ou alors peut-être le jour où il a fait une tentative de suicide en se jetant depuis le toit de son immeuble, après avoir fait une autre tentative aux médicaments quelques années plutôt.



Dylan finit par se concentrer sur quelques semaines auparavant. Il vit alors en colocation avec Mason. Ce dernier fréquente assidument Kira qui leur rend régulièrement visite et qui passe tout aussi régulièrement la nuit avec Mason dans sa chambre. Elle a également été la meilleure amie de Dylan. Puis un soir, il y a un mois, alors que Mason est sorti chercher des pizzas, Kira est venu s'installer sur les genoux de Dylan et l'a fougueusement embrassé, mais elle s'est séparée de lui dès qu'elle a entendu Mason revenir. C'est ce soir-là que Dylan s'est jeté dans le vide du septième étage, malade de solitude. À peine s'est-il élancé qu'il a regretté son geste. Il a miraculeusement survécu à sa chute. Le soir même, il voit l'apparition d'une créature surnaturelle dans sa chambre qui le malmène et qui lui explique que le prix à payer pour sa vie sauve est de tuer une personne par mois.



Après la lecture de Fatale et de The fade out (et avant des séries Cirminal et Incognito), le lecteur est prêt à accorder aveuglément sa confiance à ces auteurs. Il sait qu'ils vont réaliser un nouveau récit qui s'inscrira dans la veine du roman noir, avec certainement des éléments d'un autre genre (superhéros pour Incognito) et des hommages à une époque (les années d'après-guerre à Hollywood pour The fade out). S'il n'a rien lu de tout ça, il est vraisemblable qu'il est venu à cette nouvelle série sur la foi de la renommée des auteurs, ou pour la couverture saisissante.



Le lecteur découvre des pages très organiques dans leur apparence, avec une mise en couleurs étonnante. Elizabeth Breitweiser utilise une approche essentiellement naturaliste, mais avec un parti pris artistique. Dès la première case, le lecteur peut voir que la coloriste ne se contente pas de rendre compte des couleurs de manière réaliste. Pour cette première case, elle complète aussi le dessin avec un arrière-plan évoquant l'ombre portée de la fenêtre. Sean Phillips s'investit fortement dans les décors, mais quand il estime que la case a plus d'impact sans (à de rares occasions), Breitweiser vient la compléter soit en évoquant le décor, soit en réalisant un camaïeu reflétant l'état d'esprit ou l'émotion des personnages. La complémentarité est si naturelle que le lecteur peut ne pas s'en apercevoir s'il n'y prête pas attention. De même qu'il peut ne pas remarques certaines teintes inattendues, dont un orange vif pour aux moments les plus violents et brutaux. Le travail de la coloriste est remarquable en plusieurs points. Elle rehausse le relief des surfaces, mais sans utiliser de lissage dans les dégradés de teinte, plutôt avec des surfaces irrégulières qui évitent une impression d'embellissement de la réalité, ou d'enjolivement. La plupart du temps, elle utilise surtout des teintes ternes et un peu sombres pour rendre compte d'un quotidien pas folichon, sans être morbide ou désespéré pour autant. Par contraste, la luminosité de Kira ressort, comme si son entrain apportait de la lumière dans le quotidien de Dylan. Elle effectue également un travail remarquable pour rendre compte de la luminosité si particulière de la neige. Elle sait utiliser les effets spéciaux de l'infographie à bon escient, en l'occurrence pour apporter une vie surnaturelle aux peintures du père de Dylan.



Il faut que le lecteur fasse un effort pour dissocier les traits encrés de Sean Phillips, de leur mise en couleurs afin de se rendre compte de leurs qualités. L'approche de l'artiste s'inscrit dans une veine réaliste, mais là encore avec une intention consciente de ne pas l'enjoliver. Il mélange dans ses cases des traits fins pour une partie des contours, et des traits plus épais pour rendre compte de l'irrégularité de ces contours, des ombres portées, avec des aplats de noir irréguliers. Ses personnages présentent une morphologie normale, sans excès de muscle, et s'habillent avec des tenues ordinaires, variées, et adaptées à leur occupation et aux conditions climatiques, ainsi qu'à leur position sociale et leurs revenus. Les expressions des visages sont variées et font apparaître des émotions nuancées et des états d'esprit complexes. Elles sont mesurées, ne marquant fortement le visage que lors des moments de stress intense, comme lors des affrontements physiques, des prises de risques ou des mises en danger.



Sean Phillips met en œuvre la même approche graphique pour rendre compte des différents environnements dans lesquels se déroule le récit. Le lecteur peut se projeter sans difficulté aux côtés de Dylan qu'il se trouve dans cet immeuble où il fait un carnage, assis à une table dans une bibliothèque municipale, aux côtés de sa copine dans les rues New York, dans la petite chambre de son appartement, dans les couloirs d'un hôpital en attendant de régler sa note, ou au volant de sa voiture. L'objectif du dessinateur n'est pas d'en mettre plein la vue au lecteur, mais d'inscrire le récit dans un quotidien banal et normal. S'il y est sensible, le lecteur peut quand même remarquer la vue panoramique sur les immeubles depuis le toit, la belle verrière d'une terrasse, le pavillon de banlieue ordinaire où habite la mère de Dylan, l'urbanisme authentique des rues New York sous la neige, la foule dans les couloirs du métro, l'aménagement intérieure d'une rame de métro déserte, etc. L'aspect ordinaire et banal des différents lieux est l'aboutissement d'une réflexion graphique sophistiquée, à l'opposé d'une paresse picturale ou d'un manque de compétence.



S'il se limite à la dimension graphique de la narration, le lecteur peut facilement se laisser tromper par son apparente innocuité. Mais sa lecture lui montre qu'elle n'est pas synonyme de fadeur et encore moins de vacuité. En fait toutes les scènes semblent aller de soi et couler de source, alors que l'intrigue raconte des événements sortant pour le moins de l'ordinaire. Cependant, Ed Brubaker fait preuve de la même adresse narrative, pour présenter son histoire comme allant de soi, n'ayant finalement rien de si extraordinaire que ça. Dylan n'est qu'un jeune individu désabusé comme les tous ceux écœurés par l'état du monde, scandalisé par les injustices, dégoûtés par l'impunité et le laxisme, déjà résignés à cet ordre des choses inique et indigne. Sa tentative de suicide raté lui fait prendre conscience qu'il n'a aucune envie de mourir, mais aussi que chaque jour compte. Il décide donc de faire quelque chose, de prendre les choses en main, et d'éliminer quelques nuisibles de la société. Le scénariste montre comment il se procure une arme à feu qui ne peut pas être tracée (ce n'est pas si compliqué que ça) et comment il choisit ses cibles. Ce dernier point s'avère plus compliqué, car Dylan veut avoir la certitude qu'il ne commet pas d'erreur, qu'il assassine bien des individus nocifs pour la société, coupables de crimes graves. Finalement tout cela est bien logique et légitime.



C'est toute la force de la narration du scénariste que de rendre plausible et normal le comportement de son personnage principal. Il apparaît dès le début qu'il se livre à une étude de caractère. Toutes les séquences mettent en scène Dylan et la moitié comporte les commentaires de sa voix intérieure, soit sous forme de cellule de texte, soit sous la forme de courts paragraphes dans une colonne, les dessins occupant l'autre moitié de la page également dans une colonne. La scène d'ouverture alpague tout de suite le lecteur avec cette tuerie méthodique de sang-froid, avec sa violence et sa brutalité. L'intrigue est mise sur les rails avec un individu qui va prendre la loi entre ses mains pour éliminer les éléments nocifs de la société. Le lecteur tombe toutefois sur des éléments inattendus comme la tentative de suicide, ou un conte extrait de Les mille et une nuits, ou encore une référence à Frantz Kafka et une autre à Vladimir Nabokov. Il est pris à contre-pied quand le surnaturel fait irruption, à la fois sous la forme d'un spectre se manifestant directement et seulement à Dylan, à la fois par les peintures du père de Dylan. Ed Brubaker maintient l'incertitude quant à la réalité de cet élément surnaturel, laissant le lecteur choisir s'il doit le prendre au premier degré (il y a déjà eu des éléments surnaturels dans les séries précédentes du duo Brubaker & Phillips) ou s'il s'agit d'une métaphore du désordre mental de Dylan (au vu de ses actes, ce ne serait pas si étonnant).



De séquence en séquence, les auteurs dessinent le portrait d'un jeune homme avec un vision égocentrique du monde, absorbé par ses propres réflexions, convaincu de son inutilité, cherchant un but. Mais il est également possible d'y voir une histoire d'amour, un récit cathartique (un gentil jeune homme normal éliminant les immondes criminels), un questionnement sur l'absurdité de l'existence et ses étranges bizarreries, à ce titre l'adolescence de Kira confrontée aux pratiques échangistes de sa mère décroche le pompon. Sous des dehors de thriller et de justice expéditive, Ed Brubaler regarde la vie d'un drôle d'air, son personnage faisant bon usage de sa propension à l'introspection.



Décidément, le lecteur en vient à se demander si le duo Ed Brubaker & Sean Phillips peut rater une histoire. Ils continuer d'évoluer dans le genre du polar, avec une touche de surnaturel (peut-être) utilisant les conventions du genre pour servir leur récit, jouant avec la violence, à la fois pour ce qu'elle a de cathartique, mais sans édulcorer sa brutalité écœurante, emmenant le lecteur dans la logique d'un jeune homme bien parti.
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Gotham Central, tome 1

Comment faire son boulot de flic quand un masque s'est fait le protecteur de la ville?

A Gotham, ce ne sont pas les malfrats qui manquent, et les plus dangereux sont de sacrés psychopates. Pourtant au Central, les bons flics sont nombreux, et aucun ne souhaitent être refoulé aux "chiens écrasés". C'est question d'engagement, d'orgueil aussi.

Gordon, chef emblématique, a peut être pris da retraite, mais dans le service des Crimes Majeurs, les deux équipes d'inspecteurs qui se relaient ne comptent pas laisser Batman régler toute les affaires criminelles à sa manière.

Un nouveau point de vue sur cette Gotham corrompu.

Ed Brubaker, Greg Rucka et Michael Lark mettent en scène les enquêteurs du Central dans différentes affaires. Une ambiance polar qui dénote un peu avec l'univers habituel de Gotham mais qui lui donne plus de profondeur.

Toujours aussi sombre et peuplée de maniacs à vous filer des sueurs froides, la cité n'est pas le terrain du seul Batman, et on nous le rappelle ici de façon originale.
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Friday, tome 2

Ah, enfin!!!!

Après une introduction qui était un sacré teaser, l'histoire arrive enfin dans sa dimension fantastique. Et quel fantastique!!

Pour être honnête, il y avait beaucoup de fantastique dans le premier tome, mais en demi teinte, par oui-dire, ou fugitivement. Mais là on est vraiment au coeur du mystère, que dis-je de la conspiration, que dis-je d'une aventure épique pour la jeune Friday, et qui sait? l'occasion de se réconcilier avec ce qui la hante... dans le 3e tome.



J'ai tout aimé dans celui-ci, les indices laissés par Lance, le courage de Friday, le scénario qui nous embarque dans une continuité comme si on connaissait toutes leurs histoires passées, et bien sur le surgissement de l'horreur et le combat central de l'épisode. On est dans le registre bien connu de l'ingéniosité contre la perversité, mais c'est raconté avec talent.



Il y a comme dans le tome 1, plein d'éléments sympa de mise en scène comme la façon dont la lumière du phare se reflète dans les yeux de Friday. C'est vraiment une aventure sympa à lire et à relire!!
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Fatale, tome 2 : La Main du Diable

Dans la lignée du premier tome, mais on a quitté les années 50 pour les année 70 et le milieu du cinéma, toujours cette ambiance de polar noir qui dérive vers un fantastique gore, lovecraftien. Du suspense, de la tension, de l’action, et des mystères, je m’accroche, il faudrait que je ne tarde pas trop à lire la suite pour ne pas perdre le fil.
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Pulp

New-York, 1939. Sale temps pour les vieux artistes. Max Winter en fait l'expérience tous les jours. Sous ses cheveux blancs et sa silhouette malingre, le "grand-père" bouillonne comme dans sa jeunesse lorsqu'il est face à une injustice... et finit par faire des attaques qui lui rappellent que s'il veut changer le cours de sa vie, c'est maintenant ou jamais.



En effet, Max est dessinateur pour un "pulp magazine" ; il aimerait publier des histoires profondes dans lesquelles son héros, Red River Kid, ferait autre chose que se battre en duel et taper des gens, mais son jeune patron dénature complètement ses œuvres : le but, c'est de vendre. Les gens veulent de la baston. Frustré par le manque de reconnaissance pour son boulot, désespéré d'être si mal payé, il trouve un peu de réconfort auprès de Rosa, sa copine, à qui il aimerait offrir autre chose que trois pièces pour survivre jusqu'au loyer suivant. Derrière leurs murs, le nazisme monte, discrètement mais sûrement.







Alors, sentant sa fin proche, il décide de forcer le destin. S'il faisait un gros coup, comme dans le temps, en braquant une banque ? Car Max n'a pas toujours été artiste ; sa jeunesse, il l'a passée auprès de son pote Spike à faire les quatre cent coups pour aller chercher les fonds que leur modeste condition de fermier ne pouvait leur apporter. Il a souvent fait du mal, il est souvent sorti du droit chemin, il s'est souvent battu... Son héros de BD, Red River Kid, c'est un peu son alter ego.
Lien : https://pulco-suivezlepapill..
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Criminal, Tome 1 : Lâche !

Les histoires de braquage sont un genre que j'adore en film et en série mais que je connais finalement très peu en comics. La seule expérience que j'ai eu dans ce genre, et quelle expérience, fut l'excellent Parker de Darwyn Cooke.



Ed Brubaker est un auteur que je connais pour son travail chez les Big Two (Marvel et DC) mais je n'avais encore jamais lu de récit du fameux duo Ed Brubaker / Sean Phillips qui est très réputé dans le milieu du polar.



Pour cette première expérience, j'ai finalement choisi Criminal.

Et que dire à part que ça marche très très bien !



Rien de révolutionnaire dans le scénario, un braquage avec un plan prévu de A à Z, des flics ripoux, ça tourne mal... c'est du déjà vu c'est vrai, mais tout est bien fait.



L'histoire marche très bien, les personnages sont géniaux et le dessin qui pourrait gêner un peu au début marche finalement très bien.
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Kill or be killed, tome 1

Bon sang, que c'est bon, une vraie bouffée d'air frais dans le paysage du comics ! Laissez de côté les culottes et capes en tous genres et embarquez avec le duo survitaminé, je nomme, Brubaker au scénario (dont la réputation n'est plus à faire et qui ici est en grande forme) et Phillips aux dessins. Les deux compères ayant déjà collaboré sur l'éminente série Criminal, ils remettent ici le couvert avec un run rondement mené grâce à un rythme soutenu et des protagonistes diablement bien écrits, le tout dans une ambiance crasseuse comme on les aime.



Oubliez donc les Marvel édulcorés un instant et plongez dans cette spirale infernale, véritable chute libre dans les viles abysses de cette société déshumanisée où chacun est écorché par cette diatribe sous acide. Vous l'aurez compris, la noirceur est au rendez-vous, mais jamais de manière gratuite, bien au contraire. Les bas-fonds et travers de notre société moderne aliénée par la violence sont subtilement mis en exergue et même, ironie ou pas allez savoir, sublimés le plus souvent par les mirifiques colorisations édulcorées de Breitweiser.



Une fois ce premier tome dévoré une seule pensée occupera votre esprit : vite, la suite.
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Catwoman, Tome 1 : D'entre les ombres

Une très belle bande dessinée sur la mystérieuse Catwoman. Les dessins sont d'un beau graphisme, l'émotion est là, l'histoire tient debout et le passé de Catwoman est bien mis en scène, ce qui crée du suspens et du mystère. Plus sexy que jamais, la belle féline règne en maitresse sur Gotham et sur le monde de la nuit, en décidant de protéger les filles de rues et les laissés pour compte. Flirtant quand même avec la limite du mal, Selina apporté une touche de subtilité et une finesse féminine qui manque souvent aux superhéros (ou supervilains). Cela fait du bien, je recommande aux amateurs !
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The Authority Révolution, tome 1

Ce tome fait suite à The Authority, Tome 5 : de Robbie Morrison & Dwayne Turner. Il comprend les épisodes 1 à 6, initialement parus en 2005, écrits par Ed Brubaker, dessinés par Dustin Nguyen et encrés par Richard Friend, avec une mise en couleurs réalisée par Randy Mayor (épisodes 1 à 5, avec l'aide de Darlene Royer pour l'épisode 5), et Wendy Broome pour l'épisode 6. Il s'agit d'une histoire en 12 épisodes qui se termine dans le tome 2.



Dans l'espace, à bord du Porteur (Carrier), un individu encapuchonné contemple l'espace, puis sort du pont en demandant au capitaine Samson de le réveiller quand ils auront atteint la Plaie (The Bleed). Au temps présent, Midnighter se tient devant 3 représentants de l'ex-gouvernement des États-Unis en supportant l'énoncé de leurs doléances, tout en s'imaginant en train de leur fracasser le crâne d'un coup de botte dans les dents. Un des représentants en costard finit par perdre son calme, se lever et tempêter contre Midnighter parce que le Docteur (Jeroen Thondike) a créé sa propre religion. Midnighter quitte la salle, passe par une porte ouverte par le Porteur et se retrouve dans le bureau de Jack Hawksmoor, le dirigeant de l'équipe Authority et des États-Unis. L'Ingénieure (Angela Spica) entre dans la pièce et indique qu'elle préférerait que The Authority se soit autoproclamée comme des dictateurs, plutôt que de devoir convaincre des individus aussi obtus. Midnighter rentre à bord du Porteur, où l'intelligence artificielle lui apprend qu'Apollo est parti promener Jenny Quantum (5 ans). Midnighter va s'entraîner dans la salle de sport pour se défouler.



À Philadelphie, il apparaît soudainement un groupe d'individus dotés de superpouvoirs : Paul Revere, Maiden America, Fallout, Johnny Rocketman et Dyno-Mite. Ils se font appeler les Fils de la Liberté. Paul Revere harangue la foule et les convainc de se révolter contre The Authority qui a pris le pouvoir de force, à l'occasion d'un coup d'état. Ils s'en prennent aux forces de l'ordre tuant les policiers, et causant d'importants dégâts matériels. Les tanks de l'armée arrivent sur place pour remettre bon ordre. Un officiel finit par apporter la nouvelle à Jack Hawksmoor qui se dit qu'il peut bien laisser ça à la police. Quand l'officiel lui dit qu'il y a des individus dotés de superpouvoirs, il sait qu'il doit intervenir. Il demande à l'Ingénieur de convoquer Swift (Shen Li-Men) et le Docteur. Ce dernier ne répond pas. Angela Spica indique à Hawksmoor que c'est parce qu'il se trouve à l'audience de son divorce. Authority se lance dans la bataille. De manière fort inattendue, Swift se fait neutraliser par Johnny Rocketman, se retrouvant même grièvement blessée. L'Ingénieur va chercher le Docteur à son divorce. Midnighter apprend que Swift est dans le coma et il demande au Porteur de le transporter où se trouve Hawksmoor. Il aboutit à un endroit très différent qu'il ne connaît pas.



The Authority est un groupe créé par Warren Ellis & Bryan Hitch en 1999. Après 12 épisodes, la série a été reprise par Mark Millar & Frank Quitely pour des épisodes polémiques. Robbie Morrison & Dwayne Turner ont réalisé une série en 15 épisodes, de zéro à 14, avec un crossover au cours duquel The Authority réalise un coup d'état pour s'emparer du pouvoir aux États-Unis, et réussit son coup. Le lecteur retrouve donc l'équipe au pouvoir, fermement décidé à guider le peuple vers une utopie, sans tergiverser sur les décisions à prendre, mais en conservant des représentants du peuple, pour ne pas tomber dans une dictature pure et simple. Ed Brubaker s'amuse alors avec le nom de l'équipe puisque, suite à l'intervention des Fils de la Liberté, le peuple se révolte contre l'Autorité (jeu de mot avec le nom de l'équipe). La question de fond pour cette première moitié de saison est de savoir si Authority peut gouverner comme une forme de dictateur bienveillant : ils savent ce qu'il faut faire pour rétablir une forme de justice sociale, pour éviter la mainmise du capitalisme sur les biens de la planète, pour respecter l'environnement. Pourtant, Paul Revere et son équipe n'éprouvent aucune difficulté pour convaincre le peuple de se rebeller, et les élus maintenus en place luttent de toute force pour ne rien se laisser imposer. Au sein même de l'équipe, des voix discordantes se font entendre : tous ne cautionnent pas les moyens à mettre en œuvre pour que la populace bénéficie de leur savoir et de leurs bienfaits.



Ed Brubaker ne limite pas son scénario à une interrogation politique. Effectivement, la question d'une dictature bienveillante est au cœur du récit, traitée avec intelligence. Il ne s'agit pas d'une problématique nouvelle, Mark Gruenwald l'ayant déjà mise en scène en 1985 dans Squadron Supreme avec Paul Ryan et Bob Hall. Ici, le scénariste se focalise moins sur les moyens, et plus sur les questions éthiques. Il entremêle ces questionnements avec une intrigue plus complexe : des superhéros qui semblent venir tout droit du passé pour rameuter les foules contre les dictateurs qu'est The Authority, ainsi qu'un avertissement en provenance du futur sur les conséquences des actes de The Authority à destination d'un de ses membres. Brubaker s'arrange en plus pour semer le doute dans l'esprit du lecteur quant à l'identité de la silhouette encapuchonnée qui apparaît dans la première page et qui tire les ficelles en coulisse, sans qu'on sache trop de qui. Le lecteur ne peut faire autrement que d'essayer d'anticiper la révélation de son identité, en repérant les indices et en déduisant le cours probable du reste du récit, sans forcément beaucoup de succès.



Visuellement, Randy Mayor effectue un travail soigné de mise en couleurs, sachant habiller les formes détourées, avec des couleurs parfois un peu froides pour rendre compte de l'approche des membres de The Authority, plus basée sur l'efficacité plus que sur l'empathie. Il utilise les dégradés sans en abuser pour remplir certains fonds de case, en particulier le ciel diurne ou nocturne. À d'autres moments, le dessinateur opte franchement pour des fonds noirs afin de donner plus de poids à ses dessins, en particulier à bord du Porteur. Le metteur en couleurs utilise à bon escient le potentiel des effets spéciaux de l'infographie pour rehausser les décharges d'énergie des superpouvoirs et les explosions destructives. Dustin Nguyen réalise des dessins dans un registre descriptif et réaliste, avec un degré de simplification significatif, couplé à des aplats de noir aux contours déchiquetés. Cela peut demander un petit temps d'adaptation au lecteur du fait de certains traits de contour très fins et un peu cassants qui jouxtent des aplats de noir irréguliers. L'artiste adapte la densité d'informations aux séquences, pouvant passer de décors détaillés, à une simple ligne de couleur comme arrière-plan. Pour autant, les personnages restent immédiatement reconnaissables, à la fois du fait de leur costume, mais aussi par leur morphologie et leur visage. De même, le lecteur sait où se déroule chaque scène, même si lors des combats urbains, il peut avoir l'impression que les bâtiments reculent pour laisser la place aux individus dotés de superpouvoirs de s'envoyer valser à plusieurs dizaines de mètres. À certains moments, le lecteur éprouve l'impression que Nguyen succomberait bien à la tentation de s'inspirer fortement de Mike Mignola en donnant des formes conceptuelles à ses aplats de noir.



Dustin Nguyen a donc opté pour un rendu différent de la méticulosité de Bryan Hitch & Paul Neary, ou de la préciosité de Frank Quitely. Cependant, il a conservé l'intention du grand spectacle, en utilisant régulièrement des cases de la largeur de la page, soit pour une vue panoramique, soit pour rendre compte de l'ampleur des mouvements. Ainsi, le lecteur apprécie la vue de l'espace étoilé en page 1, la course-poursuite aérienne entre Johnny Rocket Man et Swift, l'ambiance enténébrée des réunions de The Authority à bord du Porteur, les déplacements surnaturels de Jack Hawksmoor en milieu urbain, ou encore les décombres fumants de villes après le passage des Fils de la Liberté. Une autre des caractéristiques marquées de la série étaient son degré de violence, allant jusqu'au gore. En page 3, le lecteur découvre le fantasme de Midnighter qui défonce le visage d'un politicien d'un coup de semelle dans la bouche, provoquant déchaussement de dents et giclée de sang. Lorsque Midnighter s'en prend à des agresseurs dans une ruelle sombre, la cervelle gicle et un œil vole hors de son orbite. Par la suite, Dustin Nguyen se contente de taches de sang aux formes déchiquetées, ne semblant pas prendre plaisir à représenter les conséquences d'une violence sadique sur des chairs fragiles.



En fonction de sa première prise de contact avec The Authority, il est possible que le lecteur soit resté bloqué sur cette version qu'il considère comme définitive : les interventions musclées et intelligentes à grand spectacle d'Ellis & Hitch, ou la violence sadique et narquoise de Millar & Quitely. Il doit accepter qu'il s'agisse d'une nouvelle équipe créatrice et donc d'une version différant par quelques points. Il trouve un vision politique adulte : personne ne peut imposer une utopie par la force, au mépris du libre arbitre des citoyens. Il trouve une intrigue entretenant le mystère. Les dessins n'ont pas la précision d'Hitch ou de Quitely mais la narration conserve la fibre grand spectacle avec une fluidité sans faute, et une personnalité assez affirmée pour ne pas revenir aux dessins du premier comics industriel venu. Le lecteur se rend compte qu'il lui tarde de connaître l'issue de cette saison.
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Criminal, Tome 6 : Le dernier des innocents

Nous sommes en 1982, Riley Richards compte retourner dans sa ville où il a grandi à Brookview pour rendre visite à son père qui y est hospitalisé. Mais avant de partir on apprend que les hommes de Mr Hyde, sont à le surveiller, car il leur doit de l'argent à cause de dettes de jeux.



Riley a eu une enfance assez tranquille, heureuse en compagnie d'amis qu'il va retrouver. Dans ses souvenirs on y apprend qu'il avait épousé une amie d'enfance : Félix Doolittle, dont son père est un riche industriel qui en plus a donné un boulot à Riley dont il a toujours. Mais au fond de lui il aurait préféré passer sa vie avec sa voisine d'enfance Lizzie Gordon.



Au final Riley est un homme qui a tout pour être heureux, mais ce sont ses mauvais choix qui ont fait qu'il doit de l'argent à des malfrats, ainsi que d'avoir raté sa vie de couple marié. Riley n'ira pas par quatre chemins, il fera de grandes découpes dans sa vie pour garder les plaisirs de la vie et en plus s'en rajouter. Et s'il faut être un « criminal » pour ça, cela ne leur gênera pas le moindre du monde. Comme le dit un ancien camarade à lui : « Tu crois toujours que le monde entier tourne autour de toi ? ».





C'était intéressant de suivre la démarche de Riley dans ces magouilles et de tous les tomes de cette série criminal j'ai trouvé que ça sortait de l'ordinaire d'avoir comme personnage principal un assassin méthodique de sang-froid. Mais cette histoire ne m'a pas autant plus que les autres tomes, je n'aime pas ce genre d'individu égoïste et moralement mauvais, prêt à soumette voir effacer les autres pour vivre grandement heureux.
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