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Critiques de Eduardo Mallea (32)
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Dialogues des silences

Peu de monde sur le quai lorsque le train entre en gare de Buenos Aires. La sirène m’appelle, signe de départ, je monte dans un compartiment vide, vieille odeur de cuir et de cigarillos froids. Dans l’espace conjoint au mien, un vieux couple se regarde en silence, dégustant des tasses de maté qu’un thermos encore fumant tient au chaud. Moi, je descends en silence une Quilmes, les yeux qui oscillent de mon bouquin à la fenêtre ouvertes sur la campagne argentine, une lecture à peine perturbée par le ronflement du train.



Pinas et Gerardo sont deux amis d’enfance. Pas dans le genre franche camaraderie, plutôt dans le style de deux personnes qui s’écoutent en silence et discutent de la vie, entre débats et passions. Mais les aléas de la vie font qu’à un moment donné, les chemins s’éloignent, chacun prend un aiguillage différent. Le chef de gare les réunit à nouveau après une dizaine d’années dans la maison bourgeoise de Gerardo, l’occasion de reprendre ces discussions nocturnes, ces ballades dans les champs à échanger quelques mots ou quelques silences.



Le train souffle quelques instants, déversant une fumée humide dans le ciel bleu nuit. Les hommes descendent sur le quai avec femmes et bagages, m’isolant encore un peu plus dans ce train. La lune pointera bientôt son œil dans un coin de la fenêtre, le train crachotera à nouveau son souffle d’entrain. Le silence est magistral, ce soir. Au clair de lune, les pages légèrement bleuies par le ciel argentin sont elles aussi magistrales. De par la concision de la plume de l’auteur et le dialogue des silences.



Pinas et Gerardo ne semblent plus s’écouter. Le dialogue de l’un ou de l’autre découle dans une impasse. A sens unique. Ou à contre-sens, comme si leurs mots prenaient des rails différents. Le chef de gare a du modifier l’aiguillage de leur rencontre. La nuit s’enrichit d’une couleur noire profonde, elle devient sombre, ma lecture se fait énigmatique.



Etrangéité même, de ce petit fascicule que j’achève lorsque le train me ramène à mon point de départ. Le trajet m’a semblé si court et pourtant il m’a transporté. Intérieurement surtout. Que dire de plus. Lorsque j’ai fermé ce dialogue des silences, ma première incursion dans l’univers de l’écrivain argentin Eduardo Mallea, j’étais convaincu par la profondeur de ce livre. D’ailleurs… Un, j’ai déjà envie de relire ce roman. Deux, j’ai encore plus envie de découvrir d’autres œuvres « malléennes ». Trois, des histoires de silences, cela me parle profondément. Quatre, j’ai fini ma Quilmes et cherche un nouveau roman argentin pour en décapsuler une autre.



Maintenant, j'ai envie de parler à la nuit, à la lune bleue, à ma Quilmes...



Merci.
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Dialogues des silences

Pinas et Duran, deux argentins, deux amis de longue date. Suite au mariage de ce dernier,dix années d'éloignement et de froid les séparent. Peu aprés la mort de son épouse ,Duran invite Pinas pour quelques jours ,chez lui, à la campagne....

Le livre raconte cette rencontre et ce qui en suit dans la vie de Pinas.Une rencontre où Pinas agonise , cherchant chez son ami une voie de secours par le dialogue,à sa vie refermée sur elle-même, étrangère à tout.Alors que Duran ,qui "manifestement" vit entouré,ne répond pas à l'appel...

Pinas est le personnage malléen récurrent,un homme à la recherche de lui-même ,dans un monde qui n'est qu'hostilité et silence.Son angoisse existentielle ,sa quête de soi, aboutit à la non-communication avec l'autre,à l'impossibilité d'être entendu de l'autre.

C'est un des textes les plus forts de Mallea,court (80 pages), mais trés dense.

Magistrale!
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Chaves

"Au commencement était le Verbe". La parole, comme vibration qui donne la Vie. 

Chaves, lui, ne parle pas. Il ne parle plus. Qu'est-il arrivé à cet homme pour qu'il arrive jusque dans cette scierie du nord de la Patagonie? Les autres essaient de le faire parler mais il reste obstinément muet. Il dresse contre leur verbiage inutile tout le poids de son silence. Mais pour qui se prend-il avec ses airs supérieurs? Chaves c'est l'étranger, le bouc émissaire, celui qui dérange parce qu'il est différent, parce qu'on ne le comprend pas. Alors pour chasser le malaise qu'il diffuse, il faut le chasser lui, le battre, le détruire.



Pourtant Chaves n'a pas toujours été cet homme distant et mutique. La vie lui avait donné une femme qui était comme un miroir de lui-même. Pour la garder auprès de lui, Chaves avait appris à parler, à raconter et à se dire. Et puis la vie lui avait ensuite donné une fille, une enfant solaire qui réclamait des histoires. Pour elles, Chaves avait forcé sa nature de taiseux. Par elles, il avait connu l'amour. Mais ce que la vie donne, la vie le reprend et Chaves a tout perdu. Il a parlé et supplié pour les garder sur cette terre et sa parole est tombée dans le vide. Alors Chaves s'est muré dans un profond silence. Puisque tout est dérisoire et inutile, pourquoi parler?



Roman de l'extrême solitude, de l'absurdité de la condition humaine et du miracle de l'amour,  "Chaves" est l'un des plus beaux romans qu'il m'ait été donné de lire, véritable diamant d'à peine 80 pages. Il est souvent plus facile d'écrire beaucoup que d'écrire juste ce qu'il faut et j'admire les écrivains qui parviennent à cet épure. Eduardo Mallea possède, mieux qu'aucun autre, ce talent d'orfèvre. Chaque mot est parfaitement choisi, formant une écriture subtile et délicate. le lecteur est comme plongé dans une eau pure. En peu de mots, Mallea fait un livre sur le pouvoir magique de la parole et le conclut par un "Non" qui résonne comme une porte qui claque. Un grand livre, une grande leçon d'écriture.





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Chaves

Avec ce bref roman, cette nouvelle, cette plaquette, l’Argentin Eduardo Mallea signe un petit bijou. Il raconte l’histoire d’un homme seul et grave : Chaves. Cet homme parle peu, n’échange pas avec ses collègues bavards, même une fois le travail terminé. Solitaire jusqu’au bout, il n’en a que faire des autres, il s’isole volontairement, s’attelle avec ardeur à la tâche, peut-être même essaie-t-il de s’y oublier… Mais ce silence qu’il s’impose est mal perçu, ses collègues le croient hautain, méprisant. Alors, la frustration puis la colère se déchainent. Contrairement à l’entourage de Chaves, le lecteur est intrigué, veut connaître l’histoire de cet homme si particulier.



Et cette histoire, Mallea la livre petit à petit, via des retours en arrière. Alors que la fureur des travailleurs est à son paroxysme, l’auteur lève le voile sur les moments les plus intimes d’un homme à qui les promesses de la vie ont été ravies. Sa fille, puis sa femme… Chaves réussit à les partager naturellement. Et merveilleusement, aussi. On a l’impression d’entrer à pas feutrés dans la vie de cet homme. Lui qui parle si peu, il communique beaucoup, par des gestes presque imperceptibles, par un regard jeté à la dérobée, par le mouvement lent de ses pieds près de la berge, un soir alors que la brise vient rencontrer sa nuque. L’écriture a un je-ne-sais-quoi de poétique mais sans les lourdes fioritures qui souvent l’accompagnent. Tout comme le personnages Chaves, Mallea est économe de ses mots : rien de superflu, tout va à l’essentiel. Décidément, un auteur à découvrir et faire connaître.
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Chaves

Eduardo Mallea, vous connaissez ? Moi non, enfin jusqu’au billet de GeraldineB qui m’a fait prendre un billet pour l’Argentine sitôt la chronique lue.

Bienvenue en Patagonie, au cœur de la forêt. Bienvenue à la scierie sur les rives du fleuve, celui qui convoie les troncs portés par les eaux. Bienvenue mais disons le tout net, ça ne va pas être la franche déconnade.

Un roman de quatre vingt pages, vous allez me dire que c’est court et je vous répondrai oui. C’est court mais c’est intense.

Vous allez me dire qu’on a pas le temps de connaitre les personnages, je vous répondrai qu’en évitant d’écrire des pages et des pages de « paillettes » l’auteur plonge le lecteur au profond de l’intime du personnage, il nous emmène dans les entrailles de l’Homme et du sens de la vie ou plutôt de sa vie dans un premier temps.

Quatre vingt pages ne suffisent pas toujours c’est vrai car tout écrivain n’a pas la capacité d’Eduardo Mallea de dire l’essentiel en peu de mots.

Peu de mots tout comme son personnage en prononcera au cours de ces pages car le personnage principal partage l’affiche avec le mutisme. Dans les seconds rôles, l’incompréhension du monde extérieur et l’agressivité qu’elle provoque quand elle est complice de la peur de la différence.

Tout ça en quatre vingt pages et écrit divinement bien, bienvenue chez Eduardo Mallea.

Puissant et brillant.

Pour répondre à une amie babeliotte, je dirai que je vais suivre son conseil sans attendre et me plonger dans l’œuvre de Mallea sans attendre, d’ailleurs la commande est déjà partie, c’est dire si j’ai aimé cette première rencontre avec l’auteur.

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Dialogues des silences

♪On dort les uns contre les autres

On vit les uns avec les autres

On se caresse, on se cajole

On se comprend, on se console♫



Il y a des livres à mettre entre toutes les mains mais pour lesquels tout lecteur averti se doit de choisir le moment de la rencontre.

« Dialogues des silences » d’Eduardo Mallea entre dans cette catégorie. Autrement dit, si vous vous sentez moyen, attendez des jours meilleurs. Par contre si ça va plutôt pas mal et que la condition humaine dans son expression la plus épurée ne risque pas de vous plomber, alors n’hésitez pas.

« Dialogues des silences », en trois mots tout est dit. Un titre… si actuel.

A l’ère de la communication, l’incompréhension entre les Hommes n’a probablement jamais été si forte et la solitude si présente. Eduardo Mallea met en scène une relation amicale entre Pinas et Gerardo, relation comme il en existe tant où chacun s’écoute parler. On semble écouter l’autre bien sur mais si souvent on ne l’entend pas. Je ne parle pas de relations de copinage, d’échanges sur la pluie et le beau temps mais de profondeur, d’humain, de cœur, de ce que nous sommes chacun au fond de nous, de ce que l’on « cache » par pudeur, par peur, par fragilité.

La relation entre Pinas et Gerardo, mise entre parenthèse pendant des années suite au mariage de ce dernier et de l’incompatibilité entre « l’intruse » et Pinas va tenter de se renouer à la mort de celle-ci.

Recoller des bris de complicité après tant d’années est perdu d’avance. Le temps fait que les amis d’hier sont devenus deux étrangers. Si Pinas tente d’encourager Gerardo à se découvrir, l’essai reste sans écho et quand il décidera de mettre bas les masques, les réactions de son entourage lui feront prendre conscience de sa solitude. Solitude commune à tous puisque la nudité de l’âme semble être une agression pour la plupart des Hommes.

C’est court, intense et ça chatouille là où ça peut faire mal. Un dialogue où les silences sont assourdissants. Quoi qu’on en dise, qu’on soit très entouré ou pas, chacun d’entre nous est seul au monde, seul face à soi.



♫Mais au bout du compte

On se rend compte

Qu'on est toujours tout seul au monde♫

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A l'orée des ténèbres

Un roman mystérieux,captivant ,sur l'amour,la trahison,la dignité,la rancœur et la haine, d'un des plus grands maîtres des lettres argentines.

Barboza, un type étrange,orphelin de mère, ayant perdu son père à l'âge de douze ans et élevé par charité par un éleveur de moutons et lainier est le personnage malléen de cette histoire.Une incarnation romanesque de ces hommes en qui Mallea ne voyait que "fiction d'humanité,représentation d'humanité ,comédie d'humanité".

Le récit débute avec Barboza,habitant d'un bled perdu,qui le quitte pour se rendre en bus au nord du pays,avec destination et but qui nous seront dévoilés peu à peu....Durant le voyage l'homme revient sur son passé, sa rencontre avec une jeune fille, Silvia, qui deviendra sa femme...,sept ans auparavent.Une femme qui aurait pu être son salut et qu'il conduira lui-même à une solution extrême....

Ce livre est loin d'être une banale histoire conjugale qui finira mal.L'histoire n'est qu'un prétexte pour Mallea pour parler de l'Homme,"empêtré dans sa propre instabilité,dans sa méconnaissance de lui-même, qui doit affronter les zones obscures de sa personnalité sans savoir ce qu'il cherche,ou ce qu'il veut ,et qui se retrouve entraîné par ses ténèbres intérieures,vers d'autres extérieures,encore plus périlleuses pour lui".

Un magnifique récit où l'imagination et la réflexion du lecteur sont sans cesse sollicitées,nous tenant constamment en éveil jusqu'au coup d'éclat final.
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Dialogues des silences

Voici un roman d'une incroyable tristesse et qui réveille en nous bien des peurs et des doutes. Deux étudiants, Gerardo et Pinas, aux caractères opposés mais si complémentaires se lient d'amitié. Ils se séparent au moment où Gerardo se marie. Longtemps après, une fois celui-ci devenu veuf, les deux amis tenteront de se revoir et de renouer cette belle amitié mais sans y parvenir. Entre eux il y a maintenant comme une pesanteur, une impossibilité à écouter l'autre et à s'en faire comprendre. Trop d'années passées sans doute. Ils sont maintenant deux vieux messieurs emmurés à l'intérieur d'eux-mêmes, devenant de plus en plus insensibles à ce qui les entoure.

Le texte d'Eduardo Mallea est très beau, écrit avec une infinie délicatesse et une économie de mots qui sert on ne peut mieux le sujet du livre. Mais son grand talent est peut-être de nous faire si bien sentir l'épaisseur des non-dits. Un peu comme en musique, après un déluge de notes, on place un silence et ce silence est encore de la musique. Nos deux amis finiront seuls, l'un parce qu'il a perdu son amour et l'autre parce que de femme en femme, il ne l'a jamais trouvé. L'hiver est venu pour eux et leurs désirs sont pris dans les glaces. Sommes-nous tous condamnés à finir seuls, devenus étrangers à nos proches et transparents aux yeux du monde? Car oui, la vieillesse a ce pouvoir maléfique "d'effacer" les êtres bien avant qu'ils ne meurent. Et n'est-ce pas déjà une petite mort que de ne plus être entendu ni compris par qui que ce soit?

"Dialogues des silences" est un grand livre, celui de l'irrémédiable solitude et de l'incommunicabilité entre les êtres. Un roman que l'on referme en même temps que sa mélancolie se referme sur nous et qui résonne très longtemps au fond de nos angoisses les plus intimes, comme un point d'orgue.





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Les Rembrandt

« Les Rembrandt », c’est une nouvelle est assez différente des œuvres habituelles d’Eduardo Mallea et de ses personnages tourmentés et solitaires dans la campagne argentine. Le narrateur, un journaliste sud-américain, se rend à Amsterdam pour couvrir les Jeux olympiques de 1928. Et, tant qu’à être là, pourquoi ne pas aller au musée pour les peintures de Rembrandt ? Si seulement c’était si facile… Entre le travail, les sorties entre collègues et… Mona. Cette jeune femme des environs capte son attention puis l’accapare longuement, en escapades romantiques et en soirées intimes où les deux peuvent partager leur histoire et leurs sentiments. Bref, cette fameuse visite au Rijksmuseum est toujours reportée au lendemain alors que les Jeux tirent à leur fin. Réussira-t-il à jeter un coup d’œil aux plus belles toiles au monde ? À vous de le découvrir. Finalement, « Les Rembrandt », c’est une nouvelle sur le temps qui passe, les occasions perdues, les amours possibles et impossibles. C’est également le portrait envoutant de Mona donc l’intrigue s’en trouve améliorée d’un soupçon d’onirisme. Pas quelque chose d’incontournable mais un petit plaisir facile. C’est suivi d’une autre nouvelle encore plus courte, « La rose de Cernobbio ». Je l’ai trouvée correcte, sans plus, dans un style plus dépouillé et réaliste mais tout de même avec un brin de poésie. Eduardo Mallea est décidément un auteur qui mérite davantage de reconnaissance.
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Chaves

Chaves est un roman d'une extrême beauté, d'une extrême solitude, d'une extrême tristesse. Je ne suis pas une spécialiste des romans d'Amérique du Sud mais je peux tout de même dire que ce n'est pas l'atmosphère, l'ambiance que jerencontre d'habitude.

Ici, j'y retrouve plus la pesanteur, la lourdeur, la tristesse, la pauvreté de la littérature russe. Quoi qu'il en soit j'ai eu entre les mains un roman d'une très grande sensibilité et qui m'a vraiment touchée.

Chaves arrive en Patagonie pour travailler mais son silence interpelle, énerve, dérange, amène les hostilités.

En tant que lectrice ce silence fait mal car on ressent que Chaves cache sans doute une blessure et ce Chavez m'a immédiatement plu. On va faire un retour sur son passé et comprendre, le comprendre et l'aimer encore plus.

C'est un vrai bijou que ce petit livre d'une intensité extrême.

Eduardo Mallea a une plume d'une telle précision qu'il n'a pas besoin, tout comme Chaves, d'en dire beaucoup pour exprimer ce qu'il veut nous faire passer comme message. Émouvant, intense, un roman que l'on est content de garder auprès de soi.
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Cendres

Le docteur Reba, devenu veuf trop, a noyé sa peine dans l’alcool et la solitude. Sa fille unique Agata, presque abandonnée à elle-même, cloîtrée, est restée marquée par cette triste enfance de laquelle elle cherche à s’évader. Quand Nicator Cruz se manifeste, elle accepte de l’épouser sans amour, un peu comme un pacte ou une transaction d’affaires, et rapidement les deux s’installent dans un vieux ranch à la frontière de la pampa argentine. Mais les longues années de promiscuité stérile n’aident pas le couple. Au contraire, l’écart entre les deux se creuse pour n’être plus occupé que par les silences.



C’est d’ailleurs là qu’on reconnaît la magnifique plume Eduardo Mallea. Ces silences. Amplifiés par les regards évasifs, par les bouches pincées, par les gestes manqués. Jamais le silence n’aura été aussi éloquent. D’autant plus que les affaires vont mal, les récoltes sont perdues par la sécheresse une année, par le froid la suivante. La ruine est proche. Rien pour rapprocher les époux, qui s’emmurent davantage dans le mutisme. C’est donc l’histoire d’une solitude à deux, d’une passion manquée qui se consumme lentement.



C’est dans ce silence qui frôle la folie qu’Agata perd son mari, emporté par les fièvres. Elle retourne en ville, à Buenos Aires. Mais toujours son silence l’accompagne. On a beau essayer de lui faire la conversion, ses réponses monosyllabiques intriguent mais on insiste pas. Jusqu’à l’arrivée de Sotero, un tombeur de dames. Pour la première fois, Agata laisse libre cours à ses émotions. Mais peut-être aurait-elle mieux fait de conserver son mutisme… car il risque de ne lui rester que désespoir et folie…



J’avais beaucoup aimé « Chaves », du même auteur. Je retrouve les mêmes thèmes, le même style dans « Cendres ». Il s’agit d’un roman sublime, dans lequel Eduardo Mallea réussi à donner une voix au silence. Ce silence, une fois accepté, permet de s’ouvrir au monde qui entoure, mais surtout à plonger au plus profond de soi-même et d’y découvrir un abîme de tourments qu’il vaut mieux taire. Considéré comme le chef-d’œuvre de l’auteur, il gagnerait à être mieux connu. Et tous gagneraient à entreprendre la lecture de son œuvre.
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A l'orée des ténèbres

D’Eduardo Mallea, j’avais lu Chaves puis Cendres, qui m’avaient marqués. Positivement. C’est avec anticipation que je me suis lancé dans la lecture de « À l’orée des ténèbres ». Malheureusement, le charme n’a pas opéré autant cette fois-ci. Oui, on retrouve encore ces personnages solitaires, presque murés dans leur solitude et leur silence. Mais moins. Beaucoup moins. Les dialogues sont présents comme jamais dans ce roman, tellement qu’il est difficile de croire que Mallea en est derrière. Mais impossible de se tromper. Doute, introspection, démons intérieurs, les thèmes chers à l’auteur sont bien là. Il faut dire aussi que ses histoires commencent à se ressembler et à se confondre dans mon esprit. Dans tous les cas, ce récit est davantage porté par l’action et, si c’est inhabituel, ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose.



Barboza et Silvia vivent un mariage malheureux. L’arrivée d’un vieil ami d’enfance, Rivera, vient brouiller les cartes. Cet ami, qui ne devait rester que quelques jours, étire son séjour. Puis, quand il part enfin, Barboza découvre une lettre de sa femme l’informant de sa fuite. Tout d’un coup, cet homme issu d’un milieu pauvre et qui s’est fait lui-même, eh bien, il s’accroche à ce mariage malheureux et décide de partir à la recherche de sa femme. Et de se venger. Sait-il ce qu’il veut ? Sait-il qui il est ? Il est encore en train de se le demander alors qu’il attend l’autobus dans un trou perdu, en chemin vers son destin. Moi, je ne me suis pas vraiment attaché à ce personnage et à son destin. En tous cas, pas autant qu’aux autres personnages de Mallea. Ceci dit, « À l’orée des ténèbres » demeure une œuvre de qualité et ne me détournera pas des autres romans de cet auteur magnifique.
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Chaves

En tout premier lieu, merci à GeraldineB d’avoir ouvert une porte sur ce nouveau continent qui a pour nom Eduardo Mallea. Merci à elle de nous avoir invités à y entrer et d’avoir provoqué le désir, et encore plus, le besoin, de vouloir explorer l’œuvre de cet immense auteur.

Au commentaire de GeraldineB et aux autres belles critiques déjà disponibles, je n’ajouterai rien de plus que quelques remarques.



Chaves est un récit très court. Sa densité remarquable en fait toutefois un roman de grande envergure qui nous conte une histoire universelle. Ainsi, l’impact de Chaves sur le lecteur a la puissance du conte, et c’est une des entrées possibles pour recevoir cette œuvre – ce n’est pas la seule, la puissance poétique de l’écriture également ne cesse de nous emmener au-delà des frontières de l’ordinaire.

Concernant le conte, je citerai simplement les mots de Walter Benjamin pour ce qu’ils nous révèlent d’essentiel à ce sujet :

« ... parce qu’il fut jadis le premier conseiller de l’humanité, (le conte) se survit de façon mystérieuse à travers l’art de la narration. La première narration authentique est celle du conte de fées, – et elle reste telle. Là où il était malaisé de trouver un bon conseil, le conte féerique a su le donner ; là où la détresse était la plus grande, c’est lui qui fut le mieux en mesure de porter secours à l’homme. »



Dans ce récit déchirant, « le verbe », la parole de l’homme, sont mis à l’épreuve de l’absurdité. L’art de Mallea est d’avoir sublimé par sa prose admirable ce qui est absurde dans le monde et ce qui est grandiose. Entre ces deux extrêmes, l’homme se fraie un chemin à travers la parole ; or, sa griserie langagière est un leurre. Elle ne lui sert à sauver personne, et dans le cas de Chaves ni sa femme ni sa fille. Les deux moments où cette question atteint un paroxysme précèdent dans les deux cas la mort imminente, le comble de la parole impuissante et absurde revenant aux sommités médicales et à leurs divagations aussi désarmantes que bouffonnes. Leur déversement inouï de paroles insensées là où Chaves attendait les lumières de la science est la preuve imparable que celle-ci est stérile, suffisante, incompétente et vaine au moment le plus aigu de la détresse humaine.

La morale est cruelle qui renvoie chaque être humain à sa quête impossible et à sa solitude, mais Eduardo Mallea ne s’en tient pas toutefois à ce sombre constat. À ce qui semble sans espoir, la nature et l’amour sont en réel pouvoir de donner à chaque homme une réponse secourable. La nature et l’amour. La rencontre de l’Autre, si improbable soit-elle aux moments les plus hostiles, et ce que celui-ci représente en tant qu’autre, singulier et fraternel, censément possédé par la même quête que soi.

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Chaves

Chaves est un homme impassible, grave, et silencieux, au point de se heurter constamment à l'hostilité des autres et de mener une vie errante au milieu des paysages sauvages de l'Argentine. Quand il arriva dans la scierie d'un village afin d'y trouver un emploi, ce n'est donc qu'avec réticence qu'on l'employa et lui trouva un logement. Il aimait, la nuit, contempler les eaux du fleuve et voir s'agiter les lumières de l'autre rive, écouter ses rumeurs et sentir ses odeurs ainsi que celles de la forêt. Et là tout son passé remontait, en vagues successives, comme les lambeaux d'un rêve, nous entraînant dans les abîmes de son être : sa rencontre avec Pure, une jeune femme quelque peu étrange et détachée, comme lui, leur amour, leur vie commune avec leur fille, puis quand celle-ci décéda, les premiers assauts du malheur et les débuts de l'errance jusqu'à ce que Pure, elle-même, atteinte du typhus, vienne à décéder dans une ultime agonie, après laquelle Chaves allait comme renoncer au monde pour n'être plus attentif qu'aux pulsations les plus élémentaires de la Nature, s'abandonnant à un profond mutisme, que les hommes, aveuglés par leur haine et leur bêtise, allait rejeté.

Ce roman, très court, d'abord publié, dans les années cinquante, dans la collection de Roger Caillois "les croix du Sud", à l'écriture minutieuse, poétique et poignante, est un incontestable bijou.
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Cendres

Roman à la saveur intense d'amertume et de mélancolie, qu'on consommera néanmoins sans aucune modération, extasiés par autant de beauté crépusculaire, CENDRES nous fait plonger dans l'intériorité d'un personnage qui court irrémédiablement à sa perte : Ágata, dotée d'une sensibilité aiguë, à qui «chaque foyer de désir qui s'allumait en elle la hérissait, l'exaltait, l'épuisait», habitée par un «foisonnement intérieur» qui la rendait particulièrement inapte à supporter la monotonie du quotidien, la banalité des conversations et des réunions mondaines, la vanité des manifestations extérieures ou toute autre forme d'adhésion aveugle aux apparences et aux conventions purement sociales.

Femme à la pâleur et à la beauté diaphanes, son prénom avait été choisi en hommage au souvenir et à cette pierre que sa mère, morte en lui donnant le jour, aimait contempler longuement, dans le bureau de son mari, forme minérale qui «avait meublé la solitude de ses interminables après-midi de souffrance». Son père, émigré tardivement en Argentine, à l'âge de 30 ans, était un médecin suisse ayant épousé «une adolescente maladive après deux semaines de fiançailles» et qui, par la suite, «adoucirait par l'alcool la solitude de son veuvage». Ainsi, Agate fut-elle élevée par un père déraciné, exilé protestant et lecteur d'un seul livre, la Bible. Devenu profondément sceptique par chagrin, «espèce d'athée évangélisateur» professant à l'égard de lui-même et du monde «un calme dédain» («Nous sommes tous coulés dans le même moule -déclarait-il- et bien qu'empruntant des chemins différents, nous nous dirigeons tous vers le péché»), il s'était toujours adressé à sa fille «comme à une adulte». Enfant solitaire, Agata «passait son temps plongée dans ses pensées, se posant des questions sur le pourquoi de l'existence et y répondant comme elle le pouvait, avec toute la puérilité de son coeur». A Ingeniero White, port situé à quelques kilomètres de la ville côtière argentine de Bahia Blanca, dans une maison la plupart du temps vide, elle avait grandi face à l'immensité de l'Atlantique austral et à ses peurs enfantines, «dépourvue de toute croyance, dure, renfermée, sauvage, tel un chat perdu en rase campagne».

Rien, en effet, ne semblera pouvoir combler plus tard la solitude et la soif d'absolu qui se cachera au fond de cette âme inquiète et désorientée. Enfermée dans un environnement et dans une réalité vécus comme étant incongrus, décevants, résistants à tout véritable partage de ses sentiments propres, Ágata n'aura de cesse à vouloir, par défaut, s'y soustraire du mieux possible. Dans un premier temps, en se mariant hâtivement comme sa mère, à l'aube de ses 20 ans, quittant de la sorte un océan Atlantique devenu oppressant et la maison de son enfance, pour se rapprocher des grandes étendues vertes de la pampa, battues par le puissant vent minuano, cherchant alors dans le silence et dans la nature un moyen peut-être d'apaiser son étonnement perpétuel et ses doutes. Puis s'en éloignant encore davantage, quelques temps après, vers les contreforts sauvages et arides de la cordillère, pour, enfin, après s'être vu délivrer au forceps d'une existence durant laquelle elle s'était asséchée, «emmurée vivante» dans un mariage raté et dans un paysage extérieur et intérieur dépourvus de toute verdure (le titre original de CENDRES est «Todo verdor perecerá», «Toute verdure disparaîtra»), terminer par revenir s'installer à Bahia Blanca, quinze années s'étant écoulées depuis son premier départ. Imaginant un instant avoir définitivement soldé son «pretium doloris» par cet arrachement dernier, retournant alors vivre seule dans une chambre d'hôtel en ville, libre de toutes attaches -son père et son mari étant tous les deux morts -, dans un état de suspension existentielle provisoire, Ágata s'autorisera enfin à ouvrir complètement les portes de son être intime à quelqu'un d'autre, et à s'abandonner à la passion amoureuse. Cet épisode sera le dernier acte, acmé d'un drame subjectif qui la ravira d'une fois pour toutes, la ramenant vers le point de départ, là où précisément tout avait démarré, le port et sa maison d'enfance à Ingeniero White. Point nodal où, en bout de course, repose pour elle une vérité qui dispenserait toute explication, toute justification, toute preuve matérielle, via crucis entamée en quête de révélation et d'une possibilité de rédemption.



Il me paraîtrait faux, ou en tout cas extrêmement réducteur, de considérer que le drame d'Ágata serait à mettre en lien avec la notion classique de l'insatisfaction féminine, celle que rien ne semble en mesure de combler, CENDRES n'en est pas, à mon sens, une énième version édifiante, Ágata ne serait pas non plus une sorte de Emma Bovary australe. Au-delà même de toute tentative d'approche psychologique de ce personnage de femme magistralement dépeint et occupant ici une place centrale, quasiment exclusive, c'est la subjectivité humaine elle-même, l'impossibilité d'être-dans-le-monde pleinement dont il s'agirait avant tout dans ce récit.



N'avons-nous pas souvent entendu qu'on naît et meurt seuls ? Faudrait-il pour autant vivre dans l'amertume «cet intervalle entre deux néants» ? «A quoi bon prétendre être différent de ce que l'on est ?», se demandera Ágata à chaque tentative frustrée de s'arracher à sa solitude constitutive. De retour à Ingeniero White, néanmoins, elle se souviendra de ces mots prononcés par son père : « Ce qui subsiste de nous, c'est ce que notre coeur est capable de surmonter. Malheur à la fleur qui voudra toujours n'être que fleur ! Ce qui subsiste d'elle c'est son parfum, le souvenir de sa forme».

Les interrogations soulevées par l'histoire d'Ágata relèveraient donc davantage de celles, plutôt universelles, de l'Homme, de son être foncièrement désemparé face à sa solitude intrinsèque, face à la résistance farouche que le réel oppose à son besoin de transcender l'absurde et la finitude de sa condition, face à son désir continental de communion, voué, île parmi d'autres que tout homme constitue, à rester inassouvi.

Décliné dans une langue cristalline et magnifiée, CENDRES a la beauté et la gravité envoûtante d'une suite pour violoncelle, ou d'un adagio vénitien. C'est une oeuvre parfaitement aboutie qui invite à contempler sereinement la lumière éblouissante de la subjectivité humaine, dans ce que celle-ci recèlerait à la fois de plus éclatant et de plus terrifiant. En somme, c'est du grand art.

Âmes sensibles, ne surtout pas s'abstenir !











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La ville au bord du fleuve immobile

L'argentin Eduardo Mallea traite, dans ce beau livre La ville au bord du fleuve immobile, de l'incommunicabilité entre les hommes et la solitude qui en découle.

Imposant la préséance de l'idée sur l'intrigue et le récit, l'auteur met en scène des personnages solitaires, contraints à rechercher en eux-mêmes, au moyen d'une méditation douloureuse et au risque de sombrer dans la folie, une vérité humaine qui se dérobe dans la confusion de la vie sociale.



Expression d'une pensée personnelle nourrie de philosophie, motivée par une profonde spéculation intérieure et des thèses modernistes, c'est sans doute ce versant existentialiste, pessimiste et amer, qui donne à ce livre tout son intérêt.

Cette crise existentielle et spirituelle argentine est corollaire de son essai La Vida blanca, montrant la capacité de Mallea à intriquer dans son œuvre très cohérente ses essais et ses fictions.
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Chaves

Chavès est le nom d'un homme qui arrive d'on ne sait où pour se faire embaucher dans une scierie, au fin fond de l'Argentine. Il ne parle pas, ou très peu. Au village où il trouve à se loger, son mutisme étonne et dérange. L'histoire de cet homme nous est contée peu à peu, les chapitres alternant son passé et son présent. Nous apprendrons qu'il a eu une femme ainsi qu'une petite fille. Mais ce Chaves d'Edouardo Mallea, comme le Garçon savoyard de LF Ramuz, à qui il m'a fait penser, est un drôle de gars. La parole est pour lui un instrument difficile à manier en dépit des efforts qu'il fait pour l'apprivoiser. Mais s'il parvient à parler, se faire comprendre des autres est une autre paire de manches. Se taire est parfois la seule arme qui reste pour affronter le monde.



C'est une superbe histoire que nous conte ici Eduardo Mallea, avec un style tout en sobriété et pudeur et une grande humanité.
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Cendres

Ce roman est d’une très grande tristesse et dévoile le pessimisme de l’auteur, lequel explore sans concessions et avec beaucoup de justesse des états de solitude et de désespoir qui se transforment peu à peu en folie. La plupart des personnages de « Cendres » sont prisonniers d’eux –mêmes autant que des circonstances qui s’acharnent contre eux sans relâche ; étrangers aux autres, inaptes à la vie, ils semblent condamnés à subir et à creuser un abîme. Agata Cruz a épousé un homme sans l’aimer, peut- être pour échapper à son père, un médecin incompétent et alcoolique, et à la petite ville de Ingeniero White, un port proche de Bahia Blanca. Nicanor est aussi un être taciturne mais moins passionné et imaginatif qu’Agata. Il s’entête à cultiver une terre qui suite à des intempéries occasionnera sa ruine. Dans l’incapacité de s’aimer, Agata et Nicanor n’avaient plus à échanger que silences, ressentiments, puis haines. Aussi la mort de Nicanor apparaît elle d’abord comme un soulagement à Agata, la chance d’un recommencement et elle découvrira même la passion, avec Sotero, un homme brillant, jouisseur, mais aussi volage. La rupture, inévitable, sera une catastrophe pour Agata et dans la dernière partie du roman, Eduardo Malléa s’attache à nous décrire sa lente décrépitude, jusqu’au retour, plus tragique que salvateur, sur les terres de son enfance, c'est-à-dire dans les rues d’Ingeniero White, port aussi anodin que cruel.
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La vida blanca

Comme dans une grande partie de son œuvre, Eduardo Mallea dresse dans son essai La vida blanca un portrait analytique de son pays en crise postmoderniste notamment sociale et spirituelle des années 60, opposant une Argentine visible, entièrement construite sur des artifices sociaux et animées par des préoccupations matérielles, à une Argentine invisible et authentique et qui ne peut s'incarner que dans une aristocratie naturelle de l'âme, seule capable d'extraire l'individu de la "part vile et prédatrice de la vie". Et c'est le rôle de l'écrivain, selon lui, de révéler cette part invisible de l'âme de son pays et de la foi de ses habitants.

C'est le titre qui finalement donne le ton de cet essai : la vida blanca (et surtout l'adjectif blanca) symbolise la volonté de l'auteur d'invoquer une existence supérieure, exempte de médiocrité, pour un peuple enfin conscient de son intense vie intérieure, proposant ainsi une conscience collective originale, non soumise aux injonctions de la société de consommation corruptrices de l'identité nationale des argentins.



Entre méditation et analyse critique, cet essai interroge également la littérature comme voie de connaissance du monde, thème récurrent dans son œuvre ; Eduardo Mallea y dénonce enfin un univers urbain argentin protéiforme et cosmopolite, trompeur et instable, source pour l'homme de solitude et de tourment.
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Dialogues des silences

Pas facile d'aborder l'oeuvre de l'écrivain argentin Eduardo Mallea par la lecture de "Dialogues des silences". J'ai trouvé ce texte âpre, sombre, énigmatique. Toutefois, l'énigme qu'il propose au lecteur n'est pas dépourvue d'attrait, bien au contraire. Pinas est un homme qui vit à Buenos Aires et qui reçoit un jour l'invitation d'un ancien ami, Gerardo Duran, à venir passer quelques jours dans sa maison à la campagne. Pinas et Duran s'étaient connus durant leur jeunesse et Pinas avait alors fait la connaissance d'Ifigenia, la tante de Duran, qui lui avait enjoint de ne jamais s'éloigner de Gerardo. C'est pourtant ce qu'il advint : Duran se maria et le courant ne passa pas du tout entre sa femme Josefina et Pinas, qui cessa de fréquenter le couple. Pinas, resté célibataire, et Duran ne se revirent que des années plus tard, aux obsèques de la femme de Duran.



En se rendant par le train à l'invitation de Duran, Pinas espère retrouver "peu à peu les petits cailloux, les marques, les bornes derrière lesquelles allaient autrefois en s'effaçant les traces de cette amitié" et mettre fin à leur "bouderie réciproque". Mais les conversations que Pinas put avoir avec son hôte ne parvinrent pas à combler l'espoir de réconciliation et d'entente fraternelle qu'il avait mis dans ces retrouvailles.



La suite de l'histoire est assez étrange, frôlant même le fantastique. L'auteur ne nous donne que peu d'éléments pour déchiffrer ce conte lugubre. Ou peut-être n'ai-je pas su lire entre les lignes. Désarçonné par la tournure énigmatique de ce récit, j'avoue avoir porté sur lui un jugement assez sévère dans un premier temps. J'ai alors décidé de lire dans la foulée un autre livre de Mallea et bien m'en a pris, car je suis tombé sur le magnifique "Chaves". Du coup j'ai repris la lecture de certains passages des "Dialogues des silences" et j'y ai ressenti cette fois un charme que je n'avais pas ressenti à la première lecture.



Comme dans certaines conversations, même entre amis, il y a parfois à la lecture d'un livre une sorte d'incompréhension qui s'installe, une distance qui nous semble incompressible et nous en sommes chagrins. Mais en y regardant à deux fois, sous un autre angle de vue ou mesurée à une aune différente, cette distance peut nous sembler tout à coup beaucoup moins grande, voire disparaître comme par enchantement. Ce fut pour moi la surprenante leçon de ces "Dialogues des silences".
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