Citations de Elie Wiesel (315)
Le bourreau tue toujours deux fois, la deuxième fois par l'oubli.
On n'affronte pas l'infini impunément.
Parfois l’on me demande si je connais « la réponse à Auschwitz » ; je réponds que je ne la connais pas ; je ne sais même pas si une tragédie de cette ampleur possède une réponse. Mais je sais qu’il y a « réponse » dans responsabilité.
Conscient que la génération des survivants s’amoindrissait de jour en jour, l’étudiant ou le lecteur contemporain se découvre fasciné par leur mémoire.
Car à un degré supérieur et ultime, il s’agit de la mémoire, de ses origines et de son ampleur ainsi que de son aboutissement. Je le répète : son débordement risque d’être aussi nuisible que son appauvrissement. Entre les deux, il nous incombe de choisir la mesure tout en espérant qu’elle sera proche de la vérité.
Pour le survivant qui se veut témoin, le problème reste simple : son devoir est de déposer pour les morts autant que pour les vivants, et surtout pour les générations futures.
Pourront-ils comprendre, eux pour qui c’est un devoir humain, noble et impératif de protéger les faibles, guérir les malades, aimer les enfants et respecter et faire respecter la sagesse des vieillards, oui, pourront-ils comprendre comment, dans cet univers maudit, les maîtres s’acharnaient à torturer les faibles, à tuer les malades, à massacrer les enfants et les vieillards.
Derrière moi, j’entendis le même homme demander :
- Où est donc Dieu ?
Et je sentais en moi une voix qui lui répondait :
- Où il est ? Le voici – il est pendu ici, à cette potence…
Je crois dans le langage bien qu'il ait été meurtri, déformé et perverti par les ennemis de l'humanité. Et je continue à m'accrocher aux mots parce qu'il nous appartient de les transformer en instruments de compréhension plutôt que de mépris. A nous de choisir si nous souhaitons nous servir d'eux afin de maudire ou de guérir, pour blesser ou consoler.
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Tout au fond de lui-même, le témoin savait, comme il le sait encore parfois, que son témoignage ne sera pas reçu. Seuls ceux qui ont connu Auschwitz savent ce que c'était. Les autres ne le sauront jamais.
Au moins comprendront-ils ?
Pourront-ils comprendre, eux pour quoi c'est un devoir humain, noble et impératif de protéger les faibles, guérir les malades, aimer les enfants et respecter et faire respecter la sagesse des vieillards, oui, pourront-ils comprendre comment, dans cet univers maudit, les maîtres s'acharnaient à torturer les faibles, à tuer les malades, à massacrer les enfants et les vieillards ?
Est-ce parce que le témoin s'exprime si mal ? La raison est différente. Ce n'est pas parce que, maladroit, il s'exprime pauvrement que vous ne comprendrez pas; c'est parce que vous ne comprendrez pas qu'il s'explique si pauvrement.
Et pourtant, tout au font de son être il savait que dans cette situation-là, il est interdit de se taire, alors qu'il est difficile sinon impossible de parler.
— Nous nous disons que nous sommes engagés dans une lutte sacrée, poursuivit-elle, que nous luttons contre quelque chose ; nous nous battons contre les Anglais, nous nous battons pour une Palestine libre, indépendante. C'est ce que nous disons. Mais, je le sais bien, Elisha, les mots, les mots ne font que donner un sens à nos actes, tandis que nos actes - une fois réduits à leur dimension réelle, c'est à dire primitive ont la couleur, l'odeur du sang. C'est la guerre, nous disons-nous. Il faut tuer. Alors, nous tuons. Il y a ceux - comme toi - qui tuent avec leurs mains et d'autres - comme moi - qui tuent avec leur voix. Chacun tue à sa manière. Mais, que pouvons-nous faire d'autre ? La guerre a ses lois. Si tu les nies, tu nies sa valeur et tu offres à l'ennemi la victoire. Nous ne pouvons pas nous le permettre. Cette fois-ci, nous avons besoin d'une victoire, d'une victoire gagnée à la guerre, nous en avons besoin pour survivre, pour continuer à nous maintenir à la surface du temps...
L'homme est trop petit, trop misérablement infime pour chercher à comprendre les voies mystérieuses de Dieu
La vérité du journaliste n'est pas celle du philosophe.Le premier cherche les faits, le dernier s'intéresse à ce qui les dépasse.
Je sais que toute quête implique l'autre,de même que toute parole peut devenir prière.
Je sais-je parle d'expérience-que même dans les ténèbres,il est possible de créer la lumière et de nourrir des rêves de compassion.Que l'on peut penser libre et libérateur à l'intérieur des prisons.Que,même en exil,l'amitié existe et peut devenir ancre.Qu'un instant avant de mourir, l'homme est encore immortel.
Les enfants des assassins sont des enfants, pas des assassins.
Soudain, nous entendîmes un hurlement terrible :
- Juifs, regardez ! Regardez le feu ! Les flammes, regardez !
Et, comme le train s'était arrêté, nous vîmes cette fois des flammes sortir d'une haute cheminée, dans le ciel noir.
Madame Schächter s'était tue d'elle-même. Elle était redevenue muette, indifférente, absente et avait regagné son coin.
Ce n'était pas ni l'Allemand ni le Juif qui régnaient dans le ghetto : c'était l'illusion.
Le journaliste se définit par ce qu'il dit, et l'écrivain par ce qu'il tait.
Il aurait pu lui raconter l'histoire du grand auteur de Hatam Sofér que le jeune fils interrogea sur une question concernant la foi. Le père lui répondit une semaine plus tard. "Est-ce possible, demanda le fils, que tu aies eu besoin de tout ce temps pour trouver une réponse à ma question?
- Non, lui répondit son père. J'aurais pu te la fournir aussitôt. Mais j'ai voulu te faire comprendre ceci: on peut très bien vivre uniquement avec des questions; et puis, sache que certaines questions restent à jamais sans réponse."
Mais Pavel avait besoin de réponses. Il les poursuivait. Parfois, à la scierie où ils travaillaient côte à côte, les deux jeunes Juifs discutaient. L'origine de l'univers, l'âge de l'homme, l'énigme du libre arbitre dans un dessein divin, le sentiment tragique de la vie et plus encore celui de la mort: comment les expliquer?
Oh, ce n'est pas la mort qui m'effraie, mais l'impossibilité de donner un sens à mon passé.
préface de l'édition 2006
"L'oubli signifierait danger et insulte. Oublier les morts serait les tuer une deuxième fois. Et si, les tueurs et leurs complices exceptés, nul n’est responsable de leur première mort, nous le sommes de la seconde. »