Citations de Georges Perros (332)
Écrire est l’acte le moins pessimiste qui soit.
La vie rétrécit au lavage mental
Prendre l’air
était son métier.
Vivre, c'est enregistrer. Ce qu'on appelle l'inspiration, ce ne sont que les moments privilégiés où la cire humaine trouve aiguille adéquate.
« La mer est jeune, quel âge a- t- elle
Elle est ce mur horizontal
Où s’appuyer quand rien ne va
Et rien ne va plus trop souvent
Cette béquille infatigable
Qui n’en finit pas de jeter
Sa parabole au fond des sables
Dans le cœur mat d’un coquillage
On l’entend encore chanter. »
Les mots sont des masques que le poète ajuste sur les mille et un visages de la réalité pour qu'elle aille faire la fête sans risque d'être reconnue - et par suite bafouée - par ceux qui s'en croient propriétaires.
Oui, je m'aperçois qu'il est souvent question d'amour dans ces notes. Cela ne m'étonne pas. Ce qui m'étonne, c'est qu'il n'en soit pas toujours question. A m'écouter vivre, il me semble que c'est mon seul sujet, mon seul embarras, ma seule terreur. Et peut-être mon seul dépit.
[Notes pour une préface aux "Papiers Collés", p 392]
On met du temps pour comprendre que juger un individu, une oeuvre, etc, c'est se vanter soi-même, c'est se donner du poids.
Notes 1, 1953, p. 195
Qui te connaît Georges Perros
Nul au monde ni moi ni vous
Toi peut-être fille aux seins roux
Prêtresse de ce vieil Eros
Je ne sus que te caresser
Alors qu'intense amour à faire
Qu'es-tu devenue ô beauté
Dont je perçus mal le mystère
Qu'est-il devenu ton cher corps
Terreux, dansant avec les morts
L'horrible, l'éternel quadrille
Où es-tu folle jeune fille
Folle d'aimer qui ne sait pas
Être aimé autrement qu'en rêve
Non plus aimer sinon trop brève
La férocité d'un désir
Moins à vivre hélas qu'à mourir.
Si je te rencontrais demain
Tu me verrais main dans leurs mains
A ces enfants que je fis naître
Tu me dirais bonjour peut-être
- Je l'ai vu quelque part mais où
Cet homme près de la vieillesse
Avec ce regard un peu flou
Mais quand mon Dieu mais où était-ce ?
.
PETIT COURS DE CORRESPONDANCE
Quand je termine une lettre
par « cordialement », je
rougis de honte.
Cela ne semble pas sincère.
Mais quand une lettre
m’arrive
avec cette même formule,
mon cœur se réchauffe.
Je souris. Je me dis
que cette personne est cordiale,
même si
quelques instants auparavant
je n’avais jamais entendu
parler d’elle. En fait, c’est
un gros abruti dans son
bureau à demi-éclairé, si
entreprenant qu’il en est
décoiffé, avec de grosses
souris en caoutchouc
dans le couloir.
Sincèrement,
Ron Padgett
J'écris comme on viole. En cachette. Dans les sous-bois du langage. Vite. Caresse interdite. Je n'éprouve qu'une sensation : celle du conflit permanent. Le comble de ce conflit me semblant être l'amour.
La mer est jeune quel âge a-t-elle
Elle est ce mur horizontal
Où s'appuyer quand rien ne va
Et rien ne va plus trop souvent
Cette béquille infatigable
Qui n'arrête pas de jeter
Sa parabole au fond des sables
Dans le coeur mat d'un coquillage
On l'entend encore chanter.
La vie, c'est par moments.
(textes posthumes, p. 1339)
Vivre est assez bouleversant
quoique médisent nos sceptiques
De quoi demain sera-t-il fait
ô plus on va plus on le sait
car enfin le jeu perd sa mise
et les dés meurent dans nos mains
Porte de plus en plus étroite
qu’il est maigre notre destin
pour y trouver de quoi le fuir
p.93
Je partais de la rue Lepic
d'un garni mes parents avaient
laissé leurs meubles en Alsace
ou presque il s'agit de Belfort
(p. 37)
Georges Perros, qui êtes-vous ?
Je suis toujours ce que je vais devenir...Je ne sais pas ce que je suis. Demain, je saurai, demain je saurai ce que je suis aujourd'hui. J'ai toujours l'esprit d'escalier. Vivre dans le présent, c'est une possibilité: c'est pour ça que socialement je suis complètement nul.Je ne peux pas me situer quelque part. Alors....ça peut aussi s'appeler l'impatience.
Je ne saurais vous dire tout
Et ne pourrais car le mystère
c'est bien cela vouloir tout dire
et s'apercevoir à la fin
que la marge est tout aussi grande
qui nous sépare du prochain
Pendant qu'on écrit l'existence
que l'on dit avoir bouge et change
et quand on parle à un poète
de son dernier recueil il est
depuis longtemps miné par l'autre
aussi brûlant définitif
qu'il nous fera lire demain
Si nous vivions siècles durant
on n'en finirait pas d'aller
au seuil de notre vérité
qui recule quand on la presse
et nous envahit quand on dort.
p.92
La poésie est dans la rue, dans le ruisseau, elle est tout à fait dénuée de hiérarchie, elle ne sait pas. Elle ne sait rien. Elle est le chant de notre ignorance. Elle ne connaît pas son homme, ni ses amours, ni ses idées politiques, ni ses ambitions sociales. Elle est ce qui est toujours la, dans nos jours et nos nuits difficiles.
J'allais une fois encore vers cette Bretagne
Qui m'a très jeune fasciné
Qui m'est aimant quand j'en suis loin
Qui m'est douleur quand de trop près
J'en subis la loi inflexible
De pierres de ciels d'horizons.
Les hommes partout se ressemblent
Les lieux n'y pourront jamais rien
Les lieux ne nous donnent à vivre
Qu'avec parcimonie
Pour renouveler le bail, le contrat qui nous lie
À nos frères, puisqu'il paraît.
Ce n'est pas parce-qu'un homme "écrit bien" qu'on l'admire, je veux dire qu'on l'envie, je veux dire qu'on le hait. C'est parce qu'il nous donne, grâce à son écriture, un témoignage de haute existence, qui nous trouble, nous laisse avec nos manques.