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Critiques de Gérard Mordillat (422)
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Les Vivants et les Morts

"Les vivants et les morts " c'est avant tout un roman populaire, un roman social mais aussi et surtout un roman "document".

Il est question de la décadence d'une usine dans un petit village.

Une usine qui bien évidemment, permet à la grande majorité des habitants du village de survivre.

Mais voilà qu'une inondation va mettre en péril la survie de cette usine, qui deux ans après avoir tant bien que mal réussi à "sortir le nez de l'eau", se remet à sombrer.

Gérard Mordillat met en scène une flopée de personnages afin de nous relater la lutte que vont entreprendre les ouvriers pour sauver et sauvegarder leur travail.

Je vous parle d'un roman " document" car l'auteur noircira pas moins de 829 pages pour nous expliquer dans les moindres détails, les différentes étapes d'une fermeture d'entreprise : plan social, parachute doré, rachat par firme étrangère,reclassement,délocalisation etc.

Ce roman est une fresque familiale et ouvrière, dans la lignée du " Germinal ", un Zola des temps modernes.

J'ai beaucoup aimé.
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La bataille du rail : Cheminots en grève, écriv..

Nous avons tous un rapport particulier avec le train, des souvenirs d’échappées belles, de rencontres cocasses, de paysages qui défilent, de baisers échangés sur un quai de gare, de voyages qui ont changé une vie…



C’est le cas d’une trentaine de plumes de la littérature française, qui souhaitent intervenir, au moyen de la fiction, en soutien à la grève engagée par les cheminots. Car la lutte des cheminots n’est pas une lutte corporatiste, elle cristallise au contraire l’idéal de solidarité, concrétisé par des services publics, de tout un peuple.

Avec Patrick Bard, Agnès Bihl, Laurent Binet, Geneviève Brisac, Bernard Chambaz, Didier Daeninckx, Abdelkader Djemaï, Bruno Doucey, Annie Ernaux, Pascale Fautrier, Patrick Fort, Valentine Goby, Nedim Gürsel, Hédi Kaddour, Leslie Kaplan, Jean-Marie Laclavetine, Lola Lafon, Hervé Le Corre, Sandra Lucbert, Mako, Roger Martin, Guillaume Meurice, Gérard Mordillat, François Morel, Grégoire Polet, Jean-Bernard Pouy, Patrick Raynal, Alix de Saint-André, Danièle Sallenave, Jean-Marc Salmon, Alain Serres, Shumona Sinha, Murielle Szac, Tardi, Carole Trébor et Philippe Videlier.

Je soutiens le mouvement de grève des cheminots. Je remercie tous les agents qui se battent chaque jour pour notre service public. Si comme moi vous aimez le train, achetez ce livre. Et faites achetez. Moi, j’ai convaincu 3 personnes et vous ?



Je remercie tous les écrivains, animateurs qui s’engagent auprès des grévistes. Ce qui ne gâche rein, la lecture des textes est magnifique !
Lien : https://blogentresoi.wordpre..
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Rouge dans la brume

Quelle extraordinaire fresque sociale a réussi, une fois de plus, Gérard Mordillat, en écrivant "Rouge dans la brume" ! Dans ce livre, il y a tous les drames qui bouleversent notre société dévorée par un capitalisme sans scrupule, cette « doctrine économique reposant sur l'exploitation des plus faibles par les plus riches. »

"Les vivants et les morts" nous avait enthousiasmé par sa justesse et sa force mais il faut reconnaître que, dans ce roman écrit six ans plus tard, cet écrivain prolifique qui est aussi un réalisateur talentueux, a réussi une oeuvre encore plus forte et plus complète.

L'action se déroule dans le Nord. Carvin en est le moteur et le héros. Comme un symbole, tout commence en pleine tempête alors que tout le personnel de Mékamotor vient de recevoir une lettre annonçant la fermeture de leur usine, courrier expédié avec un timbre de la Saint-Valentin !

Chantal, l'épouse de Carvin veut divorcer. Elle affirme : « Pas de combat, pas de lutte ! du confort, de l'argent, de la tranquillité. » Tout l'opposé de ce qui motive son mari. L'auteur mène en parallèle les vies familiales et amoureuses de ses personnages, leur activité professionnelle et la lutte pour préserver un emploi menacé : « Leurs actions sont pilotées par la colère d'être foutus à la porte alors qu'ils font bien leur boulot et que l'usine est rentable. »

Weber, délégué CGT, demande à Carvin d'être le porte-parole des ouvriers de cette entreprise dont le groupe, trois mois auparavant, a reçu 55 millions d'euros d'aide de l'État, plus 2 000 € de la municipalité… Pour Carvin, il n'est pas question de se battre pour de meilleures indemnités : « … se mettre sur le terrain de l'argent, c'est se placer sur le terrain que les patrons préfèrent… Réclamer une prime, c'est signer notre défaite avant même d'avoir mené la bataille. » Il s'agit d'abord et avant tout de conserver son travail et sa dignité.

Toute l'histoire est d'une justesse extraordinaire. Il faudrait recopier des pages entières lorsque chacun développe ses arguments. le mot « fatalité » doit être rayé du vocabulaire et les dirigeants ne brillent pas par leur courage, ceux qui décident étant aux États-Unis, sous le couvert d'un fonds de pension.

Régulièrement, l'auteur intercale des « Paroles de dirigeants » et c'est édifiant de lire ces déclarations authentiques signées Sarkozy, Brousse (Medef), Hamon, Estrosi, Dassault, Parisot, Copé, Woerth, Trichet, Cohn-Bendit, Lagarde, etc… Tout cela nous rappelle que nous ne sommes pas dans la fiction mais dans ce que vivent ou ont vécu tant d'hommes et de femmes, bernés par de fausses promesses et niés dans leur humanité.

Maîtrisant parfaitement le suspense et l'enchaînement des faits et des actions qui voient les ouvriers en lutte de trois usines différentes se retrouver sur le terrain malgré leurs divergences, Gérard Mordillat montre aussi le rôle joué par les médias, la police et les sociétés dites de sécurité, sans oublier de révéler ce que cachent les discours officiels faussement rassurants.

Comment peut se terminer une telle histoire vécue au plus près des dégâts commis par « une doctrine économique reposant sur l'exploitation des plus faibles par les plus riches » ? Pour le savoir, il suffit de se plonger dans "Rouge dans la brume", un livre qui, avec ses 434 pages, se dévore trop vite.




Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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La brigade du rire

Une ancienne équipe de handball, bande d'anciens copains se retrouvent et réalise le rêve de certains d'entre nous, faire vivre la vie normale et misérable d'un travailleur à un membre de l'élite bien pensante et toujours prête à donner son avis sur la bonne marche de notre société tout en ignorant totalement la réalité.

Une farce qui permet à Mordillat de nous dépeindre en même temps les failles de notre société et de ses personnages haut en couleurs et très attachants.
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Les Vivants et les Morts

L'ayant d"couvert sur ma liseuse, je ne m'attendais pas à un tel "pavé" ! Un pavé, tant par la forme (des centaines et des centaines de pages), que par le fond : un pavé dans la mare du capitalisme à outrance, un pavé de rue jeté lors de manifestations de citoyens en colère, un pavé lourd de conséquences sur des vies humaines, dé gestion inhumaine...

J'ai aimé le sujet, le vécu d'ouvriers dont l'usine se retrouve en faillite à cause de patrons voyous, son traitement tellement réaliste, les réactions des gens, leur quotidien, leurs paroles, leur physique, j'ai presque eu l'impression de "lire" un reportage. Les "héros", qui n'en sont pas, finalement, s'entremêlent, chacun nourri de sa propre histoire personnelle.

Le style n'est pas littéraire en soi, mais frappant quelquefois, et vrai, toujours.

J'ai moins aimé certains personnages, leur attitude , leurs décisions, mais si j'ai quelquefois pesté contre certains d'entre eux, c'est bon signe, cela signifie que les personnages me semblaient si réels que j'avais envie de les "enguirlander", pour rester polie... bref, une lecture instructive, réaliste, qui ne m'a pas laissée indifférente, sans qu'elle m'ait émue néanmoins.
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Nous sommes Charlie : 60 écrivains unis pour ..

Il s'agit d'un recueil de textes de 60 écrivains classiques et surtout contemporains unis pour défendre la liberté d'expression suite aux attentats de janvier.

Certains textes sont ecrits à chaud et se situent plutôt dans le registre de l'émotion, d'autres se situent plus dans la réflexion.

Si tous sont intéressants, ils sont de styles et de longueurs variables , et il y a sans doute moins d'unité et de cohérence que dans la BD car les événements sont abordés sous des angles très différents. L'initiative n'en reste pas moins à encourager.

Pour ma part, j'ai été plus particulièrement sensible aux textes d'Eric-Emmanuel Schmitt, Bernard Pivot, Gérard Mordillat et Julien Blanc-Gras pour ne citer qu'eux.
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Xenia

Mordillat excelle à nous faire partager le destin d'une jeune femme et de ses proches pour vivre décemment, avoir un travail mais aussi des moments d'amitié, de joie. Un livre attachant et réaliste, j'ai beaucoup aimé.
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Ulysse Nobody

Avec Ulysse Nobody, Gérard Mordillat et Sébastien Gnaedig nous plongent dans le quotidien d'un presque monsieur tout le monde.

Ulysse est un petit animateur radio au Havre, faute de mieux pour celui qui se rêvait acteur et qui ne manque jamais de rappeler qu'il a eu un prix au conservatoire. Mais voilà après un petit succès dans une émission enfantine sur France 3 il y a maintenant bien longtemps, plus rien ou presque...

Comment faire pour payer son loyer et faire reconnaître son talent quand plus personne ne veut de vous même pour une publicité de seconde zone. C'est la vie de Monsieur Nobody.

Et puis un jour, alors qu'il semble au bord du gouffre, un ancien collègue lui propose de l'aider. Il peut lui prêter de l'argent, sans doute lui trouver un boulot, lui faire rencontrer les bonnes personnes. Un véritable ange gardien ce Fabio et désintéressé? Que doit faire Ulysse en retour? Trois fois rien, une apparition sur scène, un petit discours, parler de son parcours... Petit détail ce sera au cour d'un meeting du PFF, le parti fachiste français. Mais il n'est pas fachiste, il serait même sans doute de gauche. Et pourtant qui l'aide qu'en il n'a plus rien, qui l'écoute et le comprend...

C'est le début du renouveau et peut-être aussi de la fin pour Ulysse Nobody. Il va être reconnu de nouveau mais aussi ostracisé par la profession. Peu importe, il est maintenant la tête de prou, le candidat à la députation imbattable dans l'Aisne...

Où tout cela le mènera t-il ?



La lecture de ce roman graphique emprunté à la bibliothèque de Saint-Gilles-Croix-de-Vie fut un vrai plaisir. J'ai aimé la bonhomie mélancolique d'Ulysse, les rues du Havre tellement reconnaissables. J'ai apprécié autant le scénario que le dessin et les clins d'œil à la réalité. Il pourrait y avoir au début de l'ouvrage une indication "toute ressemblance avec des personnes réelles serait totalement fortuite...". Pourtant il est difficile de ne pas faire de lien avec le front national, sa dédiablolisation... Et on voit aussi comment une personne lambda peut se laisser embarquer, alors que rien ne l'y prédestine, dans ce type de parti.





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Le Suaire : Corpus Christi, 2019

Ce tome est le troisième d'une trilogie : Le Suaire, tome 1 : Lirey, 1357 paru en 2018, Le Suaire - Turin, 1898 (2018), celui-ci paru en paru en 2019. Les 3 tomes ont été coécrits par Gérard Mordillat et Jérôme Prieur, dessinés et encrés avec nuances de gris par Éric Liberge. Ce tome peut être lu sans avoir lu les deux premiers, mais ce serait dommage de s'en priver, et cela risque de rendre quelques pages inintelligibles.



En 2019, à Lirey en Champagne, Lucy Bernheim, cinéaste américaine, se tient devant la chapelle collégiale, et elle la photographie. Elle est interpellée par le père de Brok avec qui elle a rendez-vous. Il tient dans la main la clé qui permet d'ouvrir la chapelle, et il l'invite à le suivre pour une visite. Lucy Bernheim observe la fresque mur, lit les panneaux d'informations sur le Saint Suaire, sur Geoffroy de Charny (1300-1356). Elle explique au père de Brok son projet de film. Il lui propose de continuer la conversation au presbytère. Une fois au chaud, le père de Brok explique la raison pour laquelle le suaire ne peut pas être celui de Jésus, ni celui de quelqu'un d'autre. Il lui fait la démonstration de la fabrication de traces similaires sur un linge. Lucy Bernheim s'étonne auprès de lui que tant de gens croient encore au fait que ce suaire puisse être authentique. Le père de Brok évoque la position équivoque de l'Église, les laïcs qui se sont acharnés à montrer que le linge était le suaire de Jésus, la preuve par la datation la carbone 14 qui a conduit à remettre en cause la science plutôt que d'accepter les résultats. Il interroge Lucy sur ce qui la motive à faire un film : elle veut ainsi combattre l'intégrisme catholique lié à l'extrême droite qui font de l'image du suaire un usage politique aux États-Unis.



Une fois la conversation terminée, Lucy Bernheim va marcher dans la campagne. Chemin faisant, elle observe les champs de neige, les ânes, un corbeau un chien. Elle aperçoit au loin un bosquet d'arbres par lequel elle se sent attirée. Elle quitte le chemin pour s'y rendre. Elle aperçoit une sœur en habit qui lui tient un panier sans rien dire et qui la prend par la main pour qu'elle l'accompagne. Elles marchent jusqu'à un endroit où se trouvent des planches sur des tréteaux. Le corps d'un homme trop long est allongé nu dessus. Elles déplient le drap que porte la sœur pour l'en recouvrir. La sœur commence à appliquer des onguents sur le drap pour marquer le relief du corps. Puis elle se tourne vers Lucy et lui fait un signe d'au revoir. Lucy Bernheim a des visions d'un homme crucifié sur une croix avec une couronne d'épine, d'une femme allongée sur son lit, de Lucie une bonne sœur, d'Henri évêque de Troyes en 1357, de Lucia Pastore d'Urbino et de son père le Baron, d'Enrico Spitiero, et d'autres personnes encore. Quelques jours plus tard, elle se trouve à Turin pour voir le suaire. Elle fait le point avec un des techniciens de son équipe de tournage. Elle se souvient de la première fois où elle a vu le suaire à Turin avec Thomas Crowley, son professeur de théologie à Berkeley. Elle évoque son retour proche aux États-Unis et le fait qu'elle va aller voir une pièce de théâtre sur Jésus à Broadway.



En entamant ce troisième tome, le lecteur sait qu'il s'agit du dernier et qu'il vient conclure la trilogie. Il ne sait pas trop à quoi s'attendre, entre une évocation de Suaire de Turin tel qu'il est aujourd'hui considéré, l'histoire d'une nouvelle femme dont la vie y est liée (comme celle de Lucie et de Lucia précédemment) et une mise en scène de la foi catholique et de quelques croyants. Il constate très rapidement que les coscénaristes ont bien conçu leur récit en 3 chapitres : évocation de Lucie et de Lucia, évocation d'Henri et d'Enrico, reprise du motif de la vision de la sœur Lucie déjà utilisé dans le tome 2, et prise position claire sur la nature frauduleuse du suaire, fabriqué en 1357, sciemment utilisé comme relique créée ex nihilo. De ce point de vue, il s'agit d'une bande dessinée à charge qui établit le suaire comme une imposture. Les auteurs avaient déjà présenté une possibilité de fabrication du suaire dans le tome 1. Ils avaient ensuite évoqué des raisons techniques impliquant qu'il ne pouvait s'agir des marques laissées par un corps humain sur un drap. Ils exposent d'autres éléments dans ce troisième tome : un exemple de procédé de fabrication de telles marques (une démonstration effectuée par le professeur Henri Broch), les résultats de la datation au carbone 14 établissant que le drap a été tissé au quatorzième siècle. Le père de Brok énonce que la science ne peut rien faire quand l'esprit humain a décidé de croire, les preuves tangibles n'ayant aucun effet.



Dès le premier tome, le lecteur connaît donc l'opinion des auteurs et sait qu'ils vont développer leur histoire sur la base de ce point de vue. Comme dans les 2 tomes précédents, ils commencent par exposer des connaissances relatives à l'histoire du Suaire de Turin. Mais très vite, le récit prend une autre tournure, la même que celle des 2 tomes précédents. Lucy Bernheim se retrouve aux prises avec la croyance religieuse, avec la foi qui nourrit le fanatisme d'un individu. Cette orientation du récit peut décontenancer si le lecteur est resté sur les documentaires de Mordillat et Prieur. En plus, les auteurs n'y vont pas avec le dos de la cuillère en ce qui concerne le mysticisme : visions pour Lucia Bernheim (de Lucie, mais aussi de la crucifixion décrite en prologue du premier tome), sous-entendu de réincarnation ou au minimum de destins liés, de cycles (Lucie/Lucia/Lucy tourmentée et opposée à Henri/Enrico/Henry), symbolisme de la croix, des anges, des démons, du brame du cerf… Le récit prend même un tournant grand guignol avec une crucifixion au temps présent, et un fanatisme de foule. Le propos donne l'impression d'être amoindri par le recours à ces éléments exagérés, comme si les auteurs ne pouvaient pas parler du Suaire, de la Foi, de la religion sans la transformer en des rituels déments, ce qui viennent s'ajouter à la forgerie de la relique.



Comme dans les 2 tomes précédents, Éric Liberge impressionne par la qualité de ses planches et de sa narration graphique. À nouveau les auteurs ont choisi de faire la part belle aux pages sans texte : elles sont au nombre de 25 sur un total de 68. Il n'est pas facile de raconter une histoire sans mot : de raconter quelque chose de substantiel, et d'être certain de la bonne compréhension du lecteur. Dans ce tome, cela commence avec la promenade de Lucy Bernheim dans la campagne pendant 6 pages muettes, suivies par 2 compositions complexes muettes en pages 14 & 15. En page 8, le lecteur regarde pour partie le paysage par les yeux de Lucy Bernheim, et pour l'autre partie la voit avancer avec son bâton de marche. L'artiste œuvre dans un registre réaliste et descriptif, permettant d'observer les animaux et l'environnement enneigé. Il éprouve la sensation de se promener aux côtés de la jeune femme et ressent le calme des lieux. Le dessinateur dose avec subtilité les blancs sur la page (espace vierge) de telle sorte à ce que la transition vers un état de conscience différent s'opère sans heurt. La rencontre entre Lucy et Lucie apparaît comme un fait normal, ce n'est que l'écho avec une scène semblable dans le tome 2 entre Lucie et Lucia qui révèle la nature onirique du moment. Les pages 14 & 15 s'avèrent plus complexes et plus ambitieuses. Dans la première, Liberge doit réussir à faire prendre conscience au lecteur du poids psychologique qu'exerce la religion sur l'esprit de Lucy, et dans la seconde évoquer cette impression de cycle se répétant de Lucie à Lucia à Lucy. Le résultat est clair, lisible et compréhensible, malgré la liberté d'interprétation générée par l'absence de mot. Il réitère cette sensation de remémoration en page 21, où le lecteur retrouve l'image du cerf en train de bramer. Il n'y a que le dessin en pleine page (p. 26) dont l'interprétation n'est pas si évidente.



Du début jusqu’à la fin, Éric Liberge est entièrement au service du récit dans tout ce qu'il a de plus exigeant. Il a donné vie à des personnages inoubliables et distincts. Le lecteur peut voir aussi bien les ressemblances que les différences entre Lucie, Lucia et Lucy et elles ne se limitent pas à leur tenue vestimentaire. Il a adopté une direction d'acteurs naturaliste, ce qui colle parfaitement à l'esprit de réalisme du récit. Il sait installer des décors cohérents et conformes à la réalité, pour des endroits aussi différents que la campagne autour de Lirey, l'architecture de la cathédrale Saint-Jean-Baptiste de Turin, l'aménagement de la chapelle de Guarini, le quartier de Broadway à New York, l'urbanisme de la ville de Corpus Christi au Texas (300.000 à 400.000 habitants), différents lieux associés aux Évangiles pour Le baiser aux lépreux, Les marchands du Temple, l'oliveraie de Gethsémani où des gardes du Sanhédrin font irruption. Il donne une force de conviction peu commune aux reconstitutions de ces scènes des Évangiles. Il réussit à trouver les bons cadrages, le bon séquençage pour rendre compte de la folie qui anime la foule dans la dernière séquence hallucinée.



Le lecteur se laisse donc transporter par la force de conviction de la narration visuelle, par sa précision et sa capacité à faire coexister le littéral très précis et la vision du ressenti de certains personnages. Ce n'est pas une mince affaire car le récit est teinté par le ressenti de Lucy Bernheim tout du long, et par les assauts du fanatisme masqué ou à découvert, jusqu'à une projection agrandie du linceul dans le ciel au cours d'un rassemblement à Corpus Christi, et même l'apparition du Christ dans le ciel. Le lecteur doit accepter que pour Gérard Mordillat et Jérôme Prieur parler de la Foi et du fanatisme, c'est sortir du rationalisme et qu'il faut donc employer un mode narratif adapté, passer au ressenti, à la métaphore, avoir recours à des comportements irrationnels. Sous réserve d'accepter ce mode narratif, le récit fait sens : une femme se confrontant à un traumatisme, devant exorciser ses croyances, et donc remettre en cause celles des autres. Les images deviennent alors la concrétisation de cette violence conflictuelle psychique. La page de fin devient une invitation à célébrer autre chose que la mort du Christ, ou l'utilisation d'un subterfuge (une fausse relique) pour préférer un autre usage à ce linge.



Ce troisième tome vient conclure cette trilogie surprenante, à bien des égards. Il ne s'agit pas d'une bande dessinée servant de support à un exposé historique ou technique sur le Suaire de Turin. Il s'agit bel et bien d'un récit, d'un roman se déroulant sur 3 époques (1357, 1898, 2019), suivant à chaque fois une femme différente, mais liées toutes les 3 par l'oppression du fanatisme religieux, d'une foi patriarcale s'imposant à elle. Éric Liberge est épatant de bout en bout, illustrant ce roman ambitieux de manière réaliste et précise, tout en réussissant à faire coexister des moments de visions, de mysticisme, sans les rendre naïfs ou crétins. Le lecteur peut se projeter à chaque époque, dans chaque lieu, et côtoyer des individus plausibles. Il apparaît très rapidement que les auteurs ont construit leur récit dans les moindres détails, que ce soient les images récurrentes comme celle de la Passion, ou des correspondances comme les ânes dans un pré en page 8, annonçant l'étrange monologue d'Henry en page 19. Au final, le ressenti du lecteur sur cette œuvre est partagé. Il a découvert un récit atypique, très personnel, particulièrement bien exécuté, mettant en scène des thématiques complexes comme la Foi, ses excès, la prédominance des croyances sur les faits scientifiquement prouvés, les contraintes implicites qu'exerce un système dominant sur tout ou partie de la population. Afin de pouvoir l'apprécier à sa juste valeur, il faut avoir conscience que les auteurs ne font aucun compromis avec une religion qui cautionne le mensonge des fausses reliques pour assurer en partie la foi de croyants.
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Xenia

On ne fait plus dans le ‘roman social’ à l’heure actuelle, mais Gérard Mordillat est là pour nous rappeler que la misère, elle, est toujours d’actualité.



Pas la misère dans les pays lointains, pas la misère des immigrés, la misère des travailleurs français, de ceux qui ont des contrats d’emploi en bonne et due forme mais qui ne leur procurent pas assez pour vivre décemment. Alors quand en plus vous êtes une mère célibataire, vous n’avez même pas le temps d’y penser tellement vous courez.



Xenia est une satire sociale réaliste et impitoyable. Plein de clichés ont dit certains, peut-être mais aucune exagération, seulement la description de la réalité. Pas de la littérature ont dit d’autres, peut-être mais Gérard au moins ose dire tout haut ce que d’aucuns n’osent pas penser tout bas.



Gérard Mordillat est un indigné et il le dit. Il dit la difficulté d’être femme dans un monde d’hommes, d’être mère, de ne pas avoir fait d’études, de vivre dans une banlieue glauque. Mais il reste l’amitié qu’on ne peut pas lui prendre. Et quand sa copine Blandine se fait lourder au supermarché parce qu’elle récupère les légumes invendables dans les poubelles, ça va chauffer – explosion garantie cette fois-ci !



Moins subtil que « La brigade du rire » mais moins dérangé que la « Tour abolie », ma troisième lecture de Mordillat me dit qu’il y en aura d’autres.



Et je n’ai qu’une chose à dire à l’auteur : Continuez !

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Leurs contes de Perrault

J'aime les contes, et j'aime l'idée de les revisiter. Alors, lorsque j'ai vu ce titre, je me suis dit pourquoi pas...



Finalement, la rencontre n'a pas fonctionné du tout. J'ai lu les deux premiers contes et je me suis arrêtée là...Trop revisités pour me plaire, trop vulgaires, trop "adultes" trop tout quoi...Je n'ai même pas essayé les autres contes.



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Moi, présidente

Une équipe de télévision filme en direct la nouvelle présidente de la république française. Je pensais que le sujet allait me faire rire ou/et grincer des dents. Une histoire courte qui ne parle que de pipi-caca. Un concentré de mots grossiers et de vulgarité. Rédaction d'un enfant ? Les pubs m'ont quand même amusée par leurs cynismes.
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La brigade du rire

La brigade du rire est l'alliance de 7 copains, anciens joueurs de handball qui, après un repas bien arrosé, décident de kidnapper un journaliste de 'Valeur française' Ramut, déplaisant et arrogant personnage pour qui le travailleur est un fainéant, un profiteur et un obstacle au développement économique.

Séquestré dans un bunker, ils le font travailler et subir ce que subissent tous les travailleurs durant leurs carrières professionnelles.

Un régal d'humour qui sous son aspect délirant relate la lutte des classes, le libéralisme, la France d'en bas et celle d'en haut. Beaucoup de références économiques, politiques, cinématographiques, littéraires étayent les propos et ne laissent pas indifférents.

Une superbe farce/fable où l'on rit beaucoup, la chute est excellente, car ce n'était pas évident de finir ce livre
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Les Vivants et les Morts

J’ai adoré ce roman à la fois social et sentimental. Il m’a marquée et pourtant, je l’ai lu il y a déjà pas mal d’années. Gérard Mordillat est vraiment excellent pour décrire le quotidien des ouvriers dont l'usine va fermer, les luttes qui en résultent et les conflits entre classes sociales, mais pas seulement.

Ce roman réaliste dresse avec beaucoup d’émotion une grande galerie de personnages, du patron à l'ouvrier, du syndicaliste au journaliste, des simples habitants aux élus, de femmes et d’hommes… Gérard Mordillat nous permet de suivre le processus de démantèlement de l'usine avec ses premiers licenciements, ses faux espoirs, ses grèves, ses manifestations. C'est plein de colère, sans fard et cru. Un très bel hommage à ceux qu'on laisse sur le carreau pour l’intérêt économique des puissants.

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Vive la Sociale !

Paris XXe arrondissement, du côté de Belleville et de Ménilmontant. C’est l’histoire de Momo et de sa famille. Le père est communiste, la mère anarchiste et le frère socialiste. Rien que de l’ordinaire. Travail et revendications sociales, Perroquet Vert (le café du coin) et mots croisés de l’Huma : voilà ce qui rythme leur quotidien. Du moins, quand ce n’est pas la guerre d’Algérie et les barricades de mai 68.



Avec un humour franc et grinçant, Gérard Mordillat met en regard le monde et les utopies. Combat déséquilibré, sauf si l’on ferme les yeux. Dictateur en six lettres ? Tout dépend de la première : L, H ou F ? La plume est critique, elle n’enjolive pas les idéaux. Et pourtant ces derniers nous gagnent… On se prend à rêver d’un monde meilleur, de lendemains heureux. Alors, vive la sociale !
Lien : http://auxlivresdemesruches...
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L'attraction universelle

Bijou vit avec Bonne Maman qui le chérit et le gâte ( un peu trop!) jusqu'au jour où Mman et Ppa arrivent pour le reprendre. Ppa a trouvé du travail dans une raffinerie, dans le Sud. Une nouvelle vie commence alors pour ce petit garçon déjà très mûr pour son âge.

Mais la nouvelle vie n'est pas rose. Déjà la maison trouvée ne plaît pas à Mman et très vite à la raffinerie la grève s'installe. Ppa ne rentre pas tous les soirs et Mman boit beaucoup trop de bière.

Bijou se fait un ami: Moselle avec lequel il découvre les oiseaux, la nature.

Le tête à tête entre Mman et Bijou est un désastre. La violence verbale est au rendez-vous...

Très vite le lecteur comprend qu'un secret plane autour de la naissance de Bijou.

Gérard Mordillat est un conteur avant tout, mais il se fait la voix des humbles, de la misère sociale. Un livre qui dérange.
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Les Vivants et les Morts

Quel bouquin, je n’arrête pas d’y penser d’autant que les grèves des raffineries nous prennent la tête, mais il y a grève et grève. Si je vous dis que c’est l’histoire d’une usine menacée de fermeture, vous allez passer à côté pensant vous retrouver dans un récit socio-politique barbant mais ce serait sans compter sur le talent de Gérard Mordillât, auteur engagé mais qui nous livre un grand roman d’amour et d’aventure.

J’ai été emportée par les personnages, le rythme et l’histoire bien sûr qui vous touche au cœur.

C’est vraiment un grand roman comme on en lit peu, je ne comprends pas pourquoi je n’en avais pas entendu parler plus tôt.

N’hésitez pas, foncez !
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La brigade du rire

Un indigné ce Gérard ! Une grande plume aussi.



Le travail qui glisse vers l’esclavage.

L’égalité remplacée par la charité.

« Un peuple n’a qu’un ennemi dangereux, c’est son gouvernement. »

Des petites phrases chocs.

Le rire est le propre de l’homme et c’est ce qu’il lui reste quand on lui a tout pris.



Un kidnapping réussi mais aussi raté car à quoi sert un acte politique s’il n’est pas relayé.

Mais tout le monde se fout du kidnappé. Et il fera bien rire quand il aura raconté ce qui lui est arrivé : il a été obligé de travailler comme un ouvrier aux conditions que lui-même prône dans ses articles.



J’avais déjà lu ce livre il y a 5 ans. En cette période confinée je relis ce que j’ai bien aimé.

Un livre qui vous donne une baffe et qui vous fait du bien.



A lire sans hésiter.



- Vous pouvez vous foutre de moi mais je vous demande, depuis 89, 93 et toutes les dates historiques que vous voudrez : qu’est-ce qui a changé ?

Et, comme personne ne se risquait à lui répondre, il continua :

- Une chose a changé : avant on avait un métier, après on a eu un travail puis un emploi et maintenant on a un job quand c’est pas un stage. C’est-à-dire une misère.

p. 72

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Nous sommes Charlie : 60 écrivains unis pour ..

Trouvé au hasard des visites dans les boîtes à livres, ce recueil de textes édité par le livre de poche un mois après l’attentat survenu le 7 janvier 2015 dans les locaux de Charlie Hebdo m’est tombé dans les mains fort à propos. En effet, je terminais la lecture du Lambeau de Philippe Lançon, il me paraissait intéressant de confronter à ce texte très personnel, cette vision plus large des tragiques événements. J’ai eu beaucoup plus de mal à venir à bout de ce recueil que du témoignage de Lançon mais certains textes m’ont particulièrement interpelée : le texte de Claude Halmos sur le rôle de l’école dans la nécessité d’apprendre à penser par soi-même ou celui de Caroline Fourest qui s’adresse avec émotion à « ses camarades » dans un bel hommage à leur esprit frondeur ou enfin celui de Romain Puértolas qui met l’humour et la dérision au cœur de son récit, très beau clin d’œil là aussi à l’esprit Charlie Hebdo. On y retrouve également de quoi nourrir sa réflexion sur cette absolue et nécessaire liberté d’expression à travers la prose de Voltaire, de Victor Hugo ou Beaumarchais et sous la plume de notre contemporain, Jacques Attali. Malgré les cigales qui chantent à tue-tête, un ouvrage grave mais nécessaire pour nous aider à choisir les chemins que l’on souhaite tracer demain pour notre pays. Sans contexte, une lecture citoyenne et républicaine qui garde tout son sens et son actualité cinq ans plus tard.
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La brigade du rire

Une bande d'anciens copains joueurs de hand ball se retrouvent et décident de kidnapper un journaliste fervent chroniqueur d'idées toutes faites et communément admises par la bien-pensance libérale. Il décident de le faire travailler comme ses chroniques le préconisent en se déguisant en 7 nains pour ne pas être reconnus. Trés drôle et critique acerbe des médias .
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