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Critiques de Hélène Gestern (656)
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L'eau qui dort

J'aime beaucoup le style d'Hélène Gestern. Je me laisse entraîner par sa si belle plume, avec la sensation de dévaler les pages, bondissant de chapitre en chapitre. Elle a beaucoup de talent pour mettre en place les pièces composant ses différents romans, s'appuyant toujours sur des écrits, des photos qui ouvrent sur de véritables indices finement exploités.



Ici, son narrateur, Benoît, 46 ans, représentant de commerce, ne fait rien pour attirer notre sympathie. De son propre avis, c'est un menteur, un lâche, dénué de courage pour les petites ou grandes décisions. Il pense même qu'aux yeux de sa femme, il n'est qu'un minable.

Ce matin-là, un bouton de fièvre enflamme sa bouche et déchaîne jalousie et reproches blessants de la part de cette dernière. Une fois de plus, une fois de trop.

Anticipant le dernier rendez-vous qu'il doit honorer avant son licenciement économique, il prend la fuite, ignore les appels venimeux de sa femme et se dirige vers une ville, près de Blois. Il y prend une bière dans une lugubre brasserie de gare et là, abasourdi, il reconnaît à sa silhouette légèrement voûtée, Irina. Vingt ans que ce premier amour, si intense, si enflammé, a subitement pris fin par le départ brutal et sans retour, un matin de juin, de l'étudiante tant aimée.

Alors ne plus donner de nouvelles, il l'a vécu, de l'autre côté, à cette époque. Maintenant, c'est lui qui s'évapore dans la nature du Loir-et-Cher, laissant sa femme seule face à son inquiétude, sa colère, sa haine.



Parfois, il est utile de « se réinventer ailleurs, sur les décombres de ses rêves et la dépouille de son identité. »



Plusieurs lignes sensibles s'entrelacent dans ce roman. Celle d'un couple qui se déchire, dont les bases ne pouvaient soutenir durablement l'union. Celle de la disparition d'un amour fou avec le mal qu'elle engendre pour l'abandonné dévasté qui s'interroge. Celle des désertions vis-à-vis des autres mais aussi vis-à-vis de soi-même. Les fuites sont multiples et revêtent différentes formes. Mais le besoin de savoir reste collé au corps.

Et puis lorsque la recherche d'amour chez les êtres se solde irrémédiablement par un échec, il y a la nature, la sérénité trouvée dans un parc reposant, une protection salvatrice qui va pourtant cacher une autre intrigue, sur les traces d'Irina. Mais au milieu des carrés chromatiques, au bord de l'étang où l'eau semble endormie, Benoît peut enfin laisser libre cours à sa passion pour l'horticulture et y trouver le courage de casser les vestiges du passé.

Car les pousses de printemps éclatent, sourdes aux douleurs des hommes…



Par cette profonde introspection, l'auteure pose tellement les mots justes sur le désoeuvrement de cet homme, lui donnant une belle franchise, que même face à ses désertions pourtant condamnables, on ne peut lui jeter la pierre.

Roman captivant, qui se lit d'un trait mais qui n'est pas venu détrôner mon chouchou de l'auteure L'Odeur de la forêt.

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La part du feu

Après son premier roman très réussi, Eux sur la photo, Hélène Gestern revient avec La part du feu sur les thèmes qui lui sont chers : la famille, les secrets, la recherche identitaire et la douloureuse nécessité de savoir… quitte à se brûler au feu de la vérité.



Tout commence par une révélation et une découverte inattendues. Au moment où son vieux père lui annonce qu’il n’est pas son père biologique, Laurence découvre par hasard une ancienne correspondance entre sa mère et un homme qu’elle ne connaissait pas, un certain Guillermo Zorgen, leader d’un groupe de lutte clandestine des années 1970, et est aussitôt aspirée par son aura qui, 35 ans après sa mort, est restée fascinante. Qui était cet homme décédé dans des circonstances mystérieuses et quels liens entretenait-il avec ses parents ? Laurence va remonter le temps, fouiller le passé et mener son enquête.



Hélène Gestern confirme avec ce deuxième roman sa maîtrise de la narration. Eux sur la photo était un roman épistolaire, ici c’est un roman puzzle, mais chronologique, dans lequel sont semés des pièces à convictions, des coupures de journaux, des poèmes, des lettres, autant d’indices que Laurence va recueillir et analyser, en même temps que nous qui bénéficions, en plus, du point de vue des différents protagonistes. Sa quête va nous amener également à redécouvrir la France des années 70 et les mentalités de l’époque où mourir pour des idées n’était pas impensable, où des groupuscules extrémistes vivaient des chimères intenses au péril de leur vie. Un ton en dessous du précédent, moins émouvant, c'est tout de même un bon roman servi par un écriture précise et juste.



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Un vertige

Plus je lis, plus la complexité de l'être humain m'intrigue. Complexité et en même temps les sentiments, les stratégies, les manipulations sont toujours les mêmes. On a individuellement l'impression de vivre une situation unique et pourtant tout se répète. En lisant un vertige je n'ai cessé de me dire qu'une fois de plus le schéma de l'adultère se reproduit avec les mêmes remarques les mêmes questionnements les mêmes espoirs... Il en est de même pour la séparation. La sidération l'angoisse la panique la tristesse sont des états par lesquels passent beaucoup de personnes vivant une séparation. Alors que nous apporte ce livre si tout est tristement banal ? Je dirais une réflexion sur soi, cela peut aider à prendre de la hauteur Et surtout prendre plaisir avec l écriture car la plume de Hélène Gestern est vraiment très belle .
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Eux sur la photo

Un livre que je voulais découvrir depuis longtemps. Voilà qui est fait et je suis conquise. C'est un premier roman, mais quel coup de maître! Ce roman épistolaire est captivant, et s'avère être une magnifique histoire d'amour, histoire particulièrement tragique, mais où l'Amour s'écrit avec un grand "A". Un grand livre que j'ai savouré, un coup de coeur. Il est urgent de découvrir ce splendide roman!
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Eux sur la photo

Roman épistolaire qui vous happe dès les premières lignes.Hélène Hivert, fille unique, découvre dans les dossiers familiaux une coupure de presse datée été 1971 et qui représente sa mère morte lorsqu'elle était enfant et un fort bel homme.Intriguée elle décide de mener une enquête sur cette mère dont elle ne sait rien et sur un passé pesant de silences et non-dits.

Elle reçoit une réponse à l' annonce passée dans Libération , celle d'un certain S.Crüsten. Aussi intrigué qu'elle ils vont entrer en contact et essayer chacun de comprendre mieux qui ils sont et d'où ils viennent..

Un premier roman fort prometteur, une écriture vive et alerte , une analyse fine sur la mémoire des familles et sur cette période des années 60/70 pas si lointaine mais à des années lumières si l'on se réfère au mode de vie et de pensée de la société de l'époque ! Jolie découverte
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Un vertige

Il s’agit d’un petit livre de moins de 100 pages où le point fort est le choix des mots justes, intenses pour décrire minutieusement les émotions : la passion, l’attachement, la souffrance, la rupture, le déchirement,… Il ne s'agit pas réellement une histoire en elle même
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La part du feu

Je me suis réjouie de trouver un livre d'Hélène Gestern que je n'avais pas encore lu. J'aime son univers fait de secrets sur fond historique, son style intimiste, ses personnages émouvants et un peu perdus.



Le feu, c'est ici celui d'un passé encore brûlant, celui d' un mouvement d'extrême-gauche dans les années 70, qui se spécialise dans les actes incendiaires. Et son chef, le flamboyant Guillermo Zorgen, dont la mort reste entourée de mystère.



Laurence, une historienne trentenaire, des années plus tard, en découvrant brutalement que Jacques n'est pas son père biologique , va creuser le destin de ce révolutionnaire, à travers les non-dits de sa mère .Elle la voit depuis l'enfance comme " un étang noir" et elle sait " reculer devant ses berges".



Je n'en dirai pas plus mais c'est une histoire passionnante, d'êtres meurtris, englués dans leurs remords, aveuglés par leur idéaux.



" Dans le soir qui finissait d'épuiser ses réserves de lumière, à la cafétéria de l'hôpital Cochin, je me suis sentie terriblement seule , livrée à une mémoire qui ne suintait plus que des poisons." En effet, pour Laurence, le passé familial se révélera fort douloureux...
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Eux sur la photo

Cela devient de plus en plus compliqué d'écrire un roman épistolaire et ce livre-là a toutes les faiblesses qu'on imagine. J'ai vérifié plusieurs fois que les lettres s'échangeaient bien au XXI° siècle. Ben oui. Et pourtant, l'histoire d'amour est franchement mièvre (ils sont tous les deux libres, hétéros, beaux, culturés et pleins d'un humour de bon aloi). Et surtout, ils ont dû lire toutes les rééditions du PETIT SECRETAIRE DES AMANTS recueil complet de lettres à l'usage des amoureux des deux sexes de tous ages et de toutes conditions Broché – 1933.

Donc, l'idylle se noue - platement ; et les révélations se font jour, sans vraiment surprendre.

Mais c'est là tout le charme désespéré de ce court roman: nous rappeler qu'entre les jeunes gens de Molière et ceux des années 60, la différence fut mince. Et à contempler ces vies cabossées pour rien, délivrées de la guerre ou de la pauvreté, qui souffrirent sans héroïsme, à force de compromis et de renoncements, on ne donne pas cher de la romance entre Charles-Henri et Marie-Chantal.

Je comptais mettre 3 étoiles poussives. Mais j'ai fini ma lecture la gorge serrée. Auto-apitoiement à l'achèvement des vacances ? Peut-être. Mais il n'est pas tant de livres capables d'émouvoir. Alors oui: 4 étoiles.
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Cézembre

Mis à part quelques assez jolies descriptions sur l'élément marin et ses paysages, il semble que l'auteur ait des difficultés à écrire de manière autre que morne, sèche et digne d'un procès verbal de garde-pêche. La froideur de cette écriture ne m'a pas apporté l'intérêt que j'espérais trouver dans ce roman.

Le style plat tout au long, l'histoire sans grand intérêt, les difficultés évidentes, dès les premiers paragraphes, à captiver la benevolentia du lecteur, toute cette incurie du dialogue qui reste ancré dans une prose non crédible, cette tristesse aussi qui se dégage. bref tout cela une fois de plus me donne la preuve manifeste que la littérature féminine contemporaine est désormais en danger durable car profondément enracinée.



Par ailleurs pourquoi en fin de livre tous ces remerciements á une foule de personnes ? Helene Gestern ne sait donc pas se débrouiller toute seule ? Que de blablabla et comme cela est pénible et pesant. Mais c'est la mode des nouvelles Éditions, tout le,monde remercie, tout le monde est beau et gentil



Par ailleurs encore j'ai remarqué une erreur historique à propos de la guerre que Pompée avait menée, entre autre, contre les pirates qui envahissaient les mers. Ce n'est pas Cicéron qui a incité Pompée à la mener, mais Aulus Gabinius en - 77 av. J.C. Et, de là Cicéron a fait un discours intitulé Pro Lege Manilia (sur la Loi Manilia) fort dense et très intéressant concernant cette périodede même qu'un autre discours' de Lege Gabinia. Plus largement il s’agit pour Cicéron de persuader le Sénat que Pompée est l’homme de la situation pour lutter contre Mithridate et Tigrane.

Ces erreurs regrettables sont incompréhensibles et peuvent, selon moi, ne s'expliquer que par le manque de connaissance de l'autrice sur le monde romain et surtout, ce qui est inconcevable, l'outrecuidance de faire semblant d'avoir des connaissances sur l'antiquité romaine et les utiliser dans un roman. Déjà que toute l'histoire était pénible à lire, ces erreurs et prétentions me font désormais éviter toute lecture de cette autrice qui en fait un peu trop pour jouer à la fois l'intellectuelle et la romancière.

Cézembre #NetGalleyFrance



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L'odeur de la forêt

Roman riche, dense, grave, multiple et étincelant. Roman-gigogne qui entremêle les histoires et nous offre un chassé-croisé à plus d’un siècle de distance entre ces hommes partis la fleur au fusil défendre leur patrie en 1914 et qui vont se retrouver confrontés à l’une des pires boucheries de l’Histoire et une historienne de la photographie, Elisabeth Bathori, qui en enquêtant sur cette période va découvrir des secrets de famille, mais aussi se découvrir elle-même. Quand les morts réparent les vivants.

Tout commence par la rencontre de l’historienne avec une vieille dame, Alix de Chalendar, qui confie lui confie « l’album d’un poilu, qui avait envoyé pendant deux ans et demi des cartes postales et des photographies qu’il avait lui-même prises de sa vie dans les tranchées. Il avait écrit, aussi, presque chaque semaine, à sa sœur et à celui qui semblait être son meilleur ami, Anatole Massis, un éminent poète post-symboliste. » Très vite, Elisabeth se rend compte de la valeur inestimable de ce fonds et commence un travail d’archivage, de déchiffrage et de documentation sur cette période et sur ces personnes qui vont finir par l’obséder.

Car au travail de l’historienne va bien vite s’ajouter la volonté de remercier la vieille dame qui, avant de mourir, lui a non seulement confié ses documents, mais aussi les clés de sa maison dans l’Allier. Un endroit qu’elle va tenter d’apprivoiser et où de nouvelles découvertes l’attendent.

Hélène Gestern, en choisissant de passer d’une époque à une autre, de raconter la vie de ces hommes dans les tranchées, celle de cette femme qui enquête sur eux, fait éclater son roman en quatre histoires, toutes aussi passionnantes les unes que les autres.

Il y d’abord cette plongée dans la réalité de la « Grande guerre » et sur la barbarie, les injustices et les souffrances que le récit national a tenté d’occulter. Au fur et à mesure, on va découvrir un drame humain, une machine à briser les hommes. « Les correspondances, les ouvrages d'historiens empruntés à la bibliothèque de l'Institut me dévoilent un autre visage de la Grande Guerre, dont je n'avais jamais pris la peine de questionner la réalité quotidienne, celle qui se cachait derrière les images stéréotypées de régiments et de tranchées. Et ce visage est barbare : non seulement parce qu'il est marqué du sceau de l'orgueil militaire, poussé à son paroxysme d'aveuglement, mais surtout parce qu'il signe de manière définitive l'entrée du siècle dans le marché industriel de la mort. »

Il y a ensuite le roman de l’historienne, fascinante plongée dans le travail d’enquêtrice. On y voit comment, pièce après pièce, en rassemblant les témoignages, en faisant des recoupements, en déchiffrant un journal intime, le travail de documentaliste vous happe littéralement au point de « vivre » aux côtés de ceux qui prennent chair au fur et à mesure de cette enquête.

Et nous voilà confrontés à une nouvelle réalité, celle de cette famille qui, par le travail de cette femme, se voit confrontée aux fantômes du passé. Qui soudain ne sait plus si elle veut vraiment savoir ce qui s’est passé, qui craint elle aussi de voir la légende familiale voler en éclats.

Enfin, il y a l’histoire personnelle d’Elisabeth, dont l’auteur nous livre là encore, petit à petit, la part d’ombre. Elle essaie de se remettre de la disparition de son mari en se plongeant dans le travail, n’hésitant pas à prendre l’avion pour Lisbonne où un nouveau témoin, Diane Ducreux, peut l’éclairer sur certains points encore obscurs. « J’aurais voulu pouvoir expliquer à mon hôtesse que cette quête à laquelle je me raccrochais était ma seule arme pour comprendre le sentiment d’être suspendue dans le vide. C’est lui que j’avais espéré fuir en quittant Paris, mais il était toujours là, inscrit en moi ; il devait suinter de partout, de mon corps, de mes gestes, de ma voix. C’était le prix de ce deuil sans deuil ». C’est sans doute aussi en raison de cet état d’esprit qu’elle rencontre une oreille attentive à ses requêtes, qu’on lui confie ce que l’on sait. Que quelquefois même, on va au-delà. Et voilà déjà que s’esquisse une nouvelle histoire, celle de Tamara Zilberg, la grand-mère de Diane que l’on n’a jamais retrouvée. Elisabeth ne pourra dès lors, la laisser sur le côté.

Pas plus d’ailleurs que Samuel, le frère de Diane, un autre cœur meurtri. De façon presque impromptue, dans la ville du Fado, elle va se retrouver cheminant dans le vieille ville à ses côtés puis finissant dans son lit. Mais l’addition de deux souffrances peut-il suffire à construire un nouveau couple, notamment quand la distance vient compliquer l’histoire d’amour naissante ? Durant des semaines, ils vont se chercher, s’écrire, se retrouver quelquefois. « Le revoir aurait dû être bouleversant, après une si longue absence, mais j'avais trouvé ces retrouvailles difficiles : un sentiment de flottement, l'impression dérangeante de ne pas le reconnaître tout à fait. Je n'ai rien ressenti au moment de le prendre dans mes bras et j'ai repensé à une phrase que j'avais lue un jour dans un récit, une phrase absurde et terrible : "Je vous ai tellement attendu que je vous attends encore." Durant ces semaines où il s'est mis en retrait Samuel m'avait, d'une manière subtile, écartée de lui. »

Si ce roman est si passionnant, c’est que l’auteur travaille comme un maître du thriller, semant ça et là des indices, n’hésitant pas à nous offrir des rebondissements inattendus, émettant des hypothèses qui ne vont pas forcément s’avérer exactes, jouant avec le lecteur qui… en redemande ! C’est tout simplement l’un des plus beaux romans que j’ai lu depuis longtemps. Il serait dommage de passer à côté !


Lien : https://collectiondelivres.w..
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Eux sur la photo

C'est une belle et émouvante histoire sur un secret de famille, narrée d'une façon originale. Entre les descriptions de photos et le courrier échangé, on n'imagine pas être entraîné de cette façon, et pourtant... on tourne très vite les pages de ce livre.

À ceux qui n'apprécient pas le roman épistolaire parce que ça manque d'action, qu'il n'y a pas de dialogue, pas toujours d'histoire, je conseille de tenter celui-ci.

Si ce n'est pas de l'action à proprement parlé, il y a un tel suspense que vous en oublierez vos à priori.

Pour moi il mérite une très bonne note.
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Eux sur la photo

Souvent, je lis un crayon à la main, pour conserver des impressions, retenir une citation, une formule.



Pas possible avec Hélène Gestern !

J'ai été happé dès la première phrase "La photographie a fixé pour toujours trois silhouettes en plein soleil, deux hommes et une femme", pris par la tension qui s'installe d'emblée dans ce roman empruntant aux codes et au rythme du suspense policier.



Hélène a perdu sa mère quand elle avait 3 ans. Elle retrouve, dans des papiers de famille, cette photo qui l'intrigue. Comme une bouteille à la mer, elle la publie dans Libération. Stéphane, chercheur expatrié à Ashford croit reconnaître son père parmi les deux hommes.



De ce premier contact, naît une formidable aventure épistolaire - lettres, mails, sms - rythmée par la découverte d'indices, d'autres photos, qui viendront peu à peu compléter le puzzle d'un passé inconnu et tisser entre les deux protagonistes une histoire d'aujourd'hui à superposer aux silences d'hier.



L'histoire va s'écrire en 12 photos, autant d'étapes d'un parcours qui s'apparente à un chemin de croix pour la narratrice, Hélène, décidée à affronter cette histoire qui lui a été cachée, ces morceaux de vie qui lui manquent.



Voici un premier roman plein de finesse, d'intelligence, de vivacité.

Et d'espoir malgré le passé douloureux que vont remuer nos deux correspondants, parce que "Une fois né, l'amour, quelle que soit la destinée qu'on lui réserve, est irrévocable."



Comme le plaisir pris à la lecture de ce magnifique texte !

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Eux sur la photo

C'est un livre merveilleux. Un de ces romans dont on se dit : mais pourquoi ne l'ai-je pas lu plus tôt, pourquoi m'a-t-il fallu ce terrible confinement pour prendre le temps de l'ouvrir, alors qu'il était là, sur mes étagères, depuis plus de six mois ? Oui, c'est un livre merveilleux et d'une très grande beauté. Hélène Gestern écrit comme on n'écrit plus et se laisser porter par ses phrases procure un plaisir infini. Tout est délicatesse, douceur, pudeur aussi. Ce texte bouleversant est beau à en pleurer, ce dont je ne me suis évidemment pas privée.

Eux, sur la photo, ce sont deux jeunes gens : elle s'appelle Natalia Zabvine et lui Pierre Crüsten. Ils sont beaux, légers, insouciants et ils s'aiment. C'est une évidence. Ils vont (ou viennent de) jouer au tennis. La photo est ancienne. On voit cela aux tenues un peu démodées et au grain épais du tirage. Observer une photo, tenter de deviner l'identité des gens, les sentiments qui les lient est une entreprise délicate. On peut se tromper… Pourquoi cet homme se penche-t-il sur cette femme ? Veut-il lui dire quelque chose ? Pourquoi affiche-t-elle un sourire empreint de gravité ? Est-elle inquiète ? Pense-t-elle que le bonheur qu'elle semble goûter n'est qu'un moment fugace qui va lui échapper ?

Il y a un troisième homme sur cette photo. Lui se tient en retrait. Qui est-il ? Un mystère de plus...

La personne qui examine cette photo s'appelle Hélène Hivert, elle a bientôt quarante ans, vit seule avec son chat. Elle a passé une petite annonce dans Libé car elle aimerait bien savoir qui est le jeune homme aux bras protecteurs qui se tient près de sa mère sur cette photo. Cette mère, elle ne l'a pas connue. Elle est morte lorsqu'elle avait trois ans dans des circonstances assez mystérieuses. Si son père et sa belle-mère l'ont élevée en lui manifestant beaucoup d'amour et d'attention, ils ont fait en sorte qu'il ne soit jamais question de sa mère. Pourquoi ? Qui était Natalia Zabvine ? Pourquoi a-t-on toujours refusé à sa fille d'en savoir plus sur elle ? Quel terrible secret était le leur ?

Comme il est impossible de se construire sur du vide, des silences, des non-dits, sa fille, Hélène, va mener l'enquête. Un homme va répondre à son annonce : il s'appelle Stéphane et est le fils de Pierre Crüsten. Lui aussi se heurte à des questions concernant son père, peu loquace et irascible. Ils vont entreprendre un échange épistolaire pour tenter de comprendre qui étaient Natalia et Pierre, la nature de leur relation… Mais n'est-ce pas dangereux de remuer les choses du passé ? Où cette enquête va-t-elle les mener ?

Ce roman n'est pas seulement une histoire fascinante qui va vous tenir éveillé tard dans la nuit, il invite aussi à une réflexion sur la photographie, à la découverte d'un passé fixé à tout jamais sur un morceau de papier, pour le meilleur lorsqu'il renvoie à des moments heureux mais aussi pour le pire quand on sait que ces moments ne seront plus. Il y a une dimension modianesque dans ce roman à travers l'évocation du temps qui passe et la volonté de reconstituer ce qui n'est plus, comme un puzzle dont on assemblerait avec peine toutes les pièces. On a l'impression que ce passé, qu'il nous soit connu ou inconnu, dicte notre histoire présente, fait de nous ce que nous sommes devenus. Nous héritons, consciemment ou inconsciemment, d'une histoire et c'est avec elle que nous traçons notre chemin et qu'il nous faut avancer…

Par ailleurs, la lecture de ce roman nous amène aussi à nous interroger sur ce que fut une époque, avant mai 68 : les tabous, les interdits, les conventions sociales, la morale… On a presque oublié tout ce que les jeunes de cette époque ont dû subir comme contraintes et comme absence de libertés...

Enfin, ce qui, à mon avis, rend ce texte particulièrement délectable, c'est la relation pleine de retenue et de douceur qui se tisse progressivement entre les deux correspondants. On assiste à l'éclosion de leurs sentiments, à la progression de leur attachement et vraiment, l'écriture élégante et délicate d'Hélène Gestern nous plonge dans un pur ravissement !

Vous aimerez ce roman, plus que vous ne l'imaginez en lisant ces lignes… Croyez-moi !


Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Portrait d'après blessure

Olivier et d'Héloïse, sont victimes d'une explosion dans une rame de métro proche d'Odéon. Une photo du couple a été prise pendant l'intervention des secours, une photo dont l'interprétation est équivoque montrant un couple semblant proche, peut-être amants, une photo dégradante pour Héloïse, l'immortalisant pratiquement dénudée...Outre les blessures dans leur chair, il faut se reconstruire, comprendre les faits mais surtout affronter les dommages collatéraux que provoque ce cliché diffusé dans tous les médias...Car le cliché est ambigu et sous-entend une liaison adultère, alors que les deux victimes n'étaient que collègues.



Des chapitres courts où alternent les voix d'Olivier et d'Héloïse, où se tissent la longue introspection et reconstruction les deux victimes, deux voix entrecoupées de témoignages commentant des photos emblématiques d'évènements historiques marquants, illustrant le pouvoir de l'image et son impact sur la compréhension de l'observateur.

Dans cette réflexion sur l'image, Hélène Gestern montre l'impact qu'un cliché peut provoquer, la déflagration dans la vie des personnes exposées, le dommage collatéral d'autant plus incompréhensible et difficile à gérer que le couple concerné appartient lui-même au monde des médias, remettant en cause ses propres certitudes.

Un récit qui tourne autour de l'image donc, de son pouvoir, autant révélateur que destructeur qui a une résonance particulière actuellement.

Portrait d'Après Blessure est une dénonciation d'une société qui se définit par l'image, reléguant la remise en perspective des faits à des arguments ennuyeux quand ils ne sont pas tout simplement ignorés. C'est également la mise en évidence de l'opposition entre la protection de la vie privée et de la dignité et le droit de l'information.

Cette plongée dans l'intimité des protagonistes a tout de même quelques longueurs, les pensées, supputations, hypothèses sont passées en revue, disséquées et cela entraînent un ralentissement du récit.
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Cézembre

"Cézembre" est le cinquième roman que je lis de cette auteure, qui fait partie de mes préférées. Je savais, avant de commencer la lecture, que ce serait un moment d'émotion parce que cette photo de couverture absolument magnifique, très évocatrice d'une atmosphère, parce que la Bretagne qui m'offre tous les jours paix et sérénité, parce que Hélène Gestern et son écriture sensible et poétique.

Yann de Kerambrun, qui se retrouve le dernier de sa famille, à la mort de son père, qui n'a plus goût à rien, en instance de divorce, son fils parti en Allemagne, son métier de professeur d'histoire à la Sorbonne qui ne le passionne plus, décide de partir en Bretagne, dans la maison de famille à St Malo, en face de la mer et de l'île de Cézembre. Il se plonge dans les archives de la famille et découvre son histoire familiale, l'histoire de la compagnie de transport maritime que son arrière-grand père Octave a fondée en 1903 et qui a été transmise de père en fils depuis, dont il a refusé le poids à la mort de son frère jumeau, treize ans auparavant; il espère comprendre ce qui a fait de son père, Charles, un homme dur, qui l'a rejeté. Cette plongée dans le passé va lui révéler des secrets mais va également le révéler à lui-même.

Comme dans plusieurs de ses romans précédents, Hélène Gestern s'appuie sur un document du passé (une photo pour "Eux sur la photo", un album pour "L'odeur de la forêt" ou une partition inédite pour "555") pour initier la quête identitaire de son personnage. Se déroule alors sous nos yeux une fresque familiale avec en arrière-plan le XXème siècle, l'industrialisation, le progrès technologique mais aussi deux guerres mondiales.

Nous découvrons également l'histoire incroyable de l'île de Cézembre qui fut tour à tour le siège d'un monastère, régulièrement attaquée par les Anglais, colonie pénitentiaire au XIXème siècle et garnison allemande pendant la deuxième guerre mondiale qui empêchait l'accès à la baie de St Malo, impitoyablement bombardée en 1944 à tel point qu'on la croyait détruite à jamais. Elle jouera un rôle très important dans l'histoire familiale des Kerambrun.

Tout le roman, qui se déroule sur une année, se passe en Bretagne, à St Malo avec une incursion rapide à Brest. On sent tout l'amour de l'auteure pour cette région et pour la mer qu'elle décrit magnifiquement. Elle en fait un personnage vivant à part entière; c'est elle qui décide du destin des hommes. J'ai retrouvé, dans ses mots, le sentiment d'absolue liberté, l'impression d'être là où je dois être lorsque je suis face à la mer, au bout du bout du Finistère, surtout lorsqu'elle est furieuse sous un ciel menaçant et que le vent sature mon esprit d'oxygène, me transmettant toute son énergie.

J'ai été transportée par ce roman et par l'atmosphère qui s'en dégage. Un tout petit bémol, cependant : j'ai été un peu perdue par les chapitres en italique qui renvoient au passé de l'île, sans précisément le situer, avec des personnages qui apparaissent brusquement et disparaissent assez vite.

#Cézembre #NetGalleyFrance
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L'eau qui dort

C’est la critique de Bookycooky qui m’a dirigée vers ce roman. L’idée première, de cet homme qui disparaît sans donner d’explication à sa femme, me plait. Lors de sa vadrouille, il aperçoit son grand amour de jeunesse qui a fuit, elle aussi, du jour au lendemain. Elle le sème. Agacée, dans les chapitres suivantes, que dans tout, il ne peut s’empêcher de faire référence à sa femme. Tandis qu’il se fait embaucher aux espaces verts d’un château, ils vont y faire une incroyable découverte. À partir de là, on passe presque sur un polar. Une prose sur la disparition, les enfants non désirés et les jardins ornementaux. Se passe dans le Loir-et-Cher et en Haute-Savoie.
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Eux sur la photo

La maman d’Hélène est morte lorsqu’elle avait trois ans. Son père ne lui en a jamais parlé. A la mort de celui-ci, elle trouve une photo avec vraisemblablement sa mère dessus avec deux hommes, et deux noms écrits. A la recherche de son passé elle passe une petite annonce pour tenter de retrouver cet homme. Stéphane lui répond et commence alors une longue correspondance.

Magnifique cette histoire !

On s’immisce avec délice dans l’intimité grandissante de ces deux-là.

Au fur et à mesure des photos retrouvées par l’un et l’autre, le passé de leurs parents s’éclaire d’un jour nouveau.

Tous deux étouffaient dans le silence des secrets de famille et ils apprivoisent doucement la réalité.

Chaque photo retrouvée fait l’objet d’une description minutieuse que l’on détaille avec les yeux d’Hélène ou de Stéphane.

C’est vraiment un très beau roman, plein d’intelligence et de sensibilité.

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Cézembre

L'emprunt de ce livre est le fruit d'une confusion. J'avais gardé un souvenir ébloui du livre d'Hélène Gaudy "Un monde sans rivage. " D'une Hélène à l'autre, voilà comment Cézembre, caillou planté à quelques encablures de Saint Malo, est venu s'encadrer à ma fenêtre.

Les dieux de la littérature sont taquins et fichtrement perspicaces tant le travail des deux auteures offrent de similitudes. Toutes deux s'appuient sur d'anciennes traces du passé pour remonter le fil d'une histoire qu'en patientes historiennes, elles défrichent. De très vieilles pellicules retrouvées sur l'île du Svalbard pour l'une, et pour ce livre là, des " livres de raison", registres de comptabilité que Yann découvre dans un monceau d'archives quand il revient dans la demeure familiale au décès de son père.

Yann est u homme abîmé. Abîmé par l'impérieuse et inlassable bureaucratie liée à son poste d'enseignant d'histoire à la Sorbonne, par un divorce violent, par l'exil de son grand fils.

Décidé à prendre une période sabbatique, il se plonge d'abord avec prudence, puis avec passion dans le défrichage de ces archives qui racontent en filigrane l'histoire de "la société de propulsion Malouine", entreprise d'armateurs fondée par Octave, son aïeul, en 1903.

Je ne dirais rien de plus de cette patiente quête qui traverse un siècle aussi tumultueux que la Manche environnante. Peut-être préciserai- je simplement que j'ai été totalement happée par cette histoire qui nous raconte tout à la fois l'essor industriel et maritime d'une région et le quotidien d'une bourgeoisie enclose dans ses rigidités.

Les deux atouts majeurs de ce livre, je les ai trouvés ailleurs...

Dans l'écriture d'abord. Peut on dire d'un style qu'il est racé, paré d'une élégance folle comme on le dirait d'une femme sublime et mystérieuse ? J'ai réellement été conquise, relisant souvent phrases ou chapitres pour en savourer toutes les chatoyances.

L'autre attrait magique à tenu à cette mer que je ne connais pas, bras échappé d'un océan, la Manche. Sa présence est entêtante à chaque page, elle est le personnage central du roman.

Je sais la douceur salée des mers du sud, et j'ai eu la chance de contempler des caps mythiques, mais la mer narrée par Hélène Gestern est faite d'un autre sang, repue d'un vocabulaire mystérieux et corsaire. J'ai découvert avec émotion la chanson têtue de cette cote d'Émeraude qui offre ses falaises au large, ses façades au ressac et ses ambitions au jusant.

Un bien beau livre à mon goût...

Méfions nous des Hélène, ce sont de redoutables ensorceleuses.
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La maison sans toit

« L’écriture et la photographie : le trousseau de clés du monde. »



Après le joli travail d’illustration photographique de L’Autre fille d’Annie Ernaux par Nadège Fagoo, nouvelle incursion dans la collection Singulières des éditions Light Motiv avec La Maison sans toit, d’Hélène Gestern et Laure Samama.



Si le précédent avait constitué à illustrer une œuvre ancienne, l’approche est ici inversée : à partir de plusieurs séries de photos réalisées par Laure Semama au Mexique en 2015, Hélène Gestern, déjà à l’aise avec le principe (Eux sur la photo), a accepté d’y poser des mots, issus de ses seuls ressentis.



Ce reportage, c’est celui d’une maison latinos à l’abandon : des murs abîmés, des cadres et photos qui témoignent d’une vie passée, la religion qui plane, une carcasse de voiture, un lit (« c’est terrible, un lit abandonné »). Et des traces de balles aussi…



Armée de ces clichés figés, Hélène Gestern tente de recomposer l’histoire de la vie passée, convoquant même Perec ou Barthes comme acolytes de décodage du mystère de ce qui n’est que suggéré et qui a toutes les caractéristiques du drame et de la fuite.



« L’exil, c’est la mémoire qui fuit entre les doigts avec ces choses laissées derrière soi et dont l’empreinte, privée de ses propriétaires, reste plantée là comme un témoignage poignant, une question à la fois microscopique et vertigineuse : où êtes-vous, que vous est-il arrivé ? »



Un joli livre et un exercice de style tout en équilibre (« du drame et de la beauté. »), non conclusif, hommage à ce « trousseau de clés du monde » que forment photos et écrits.

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555

Ce roman met en scène 5 personnages principaux : un luthier talentueux et son associé ébéniste, une claveciniste de renommée internationale, un docteur en musicologie aux multiples compétences qui exerce ses activités dans divers pays, et un collectionneur belge veuf, richissime, et passionné. Quelques personnages secondaires complètent ce groupe d'amateurs de musique dont les vies vont être brusquement bouleversées par l'apparition presque miraculeuse sur le marché d'une partition inédite de Scarlatti. Partition qui va rapidement être volée...

Chaque personnage prend la parole tour à tour dans des chapitres assez courts, très bien écrits (j'ai retrouvé avec plaisir le style d'Hélène Gestern).

Au fil de ces chapitres, le fil de la vie , la personnalité, les blessures, les zones d'ombres, les côtés lumineux de chacun vont se dévoiler alors qu'ils cherchent à retrouver la partition disparue. Le dénouement les surprendra tous.

Ce livre est très agréable à lire car bien écrit, il nous conduit dans le monde des amateurs de musique, la découverte intime des personnages les rend attachants, le suspense est bien présent.

Mon seul bémol est le dernier chapitre dans lequel le voleur s'explique : pour moi ce chapitre est trop long, trop délayé, à la limite du vraisemblable.



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