« Oui, il est insupportable de ne pas savoir ; ce silence familial est un poison qui contamine tout ce qu’il touche, nos rêves, nos peurs, nos vies d’adultes. Et il finit par nous replier autour de de nos questions trente ou quarante ans après. »
Ce poison dont parle Hélène, il en faudra trouver l’antidote ; un antidote qui arrivera sans crier gare, sous forme d’une photo, retrouvée dans les archives familiales.
Comment une banale photo peut bouleverser une vie, et surtout la remplir soudainement de tout ce qui lui manquait depuis des décennies.
La photographie, l’objet type de la mémoire familiale sera au centre de ce roman épistolaire. Car tout part d’une photo, les personnages clés de la vie d’Hélène et Stéphane sont des photographes, et c’est photo après photo qu’Hélène et Stéphane vont construire leur vie, et relier chaque évènement.
Roman épistolaire donc, car d’un simple avis de recherche dans un quotidien, va naître un échange entre deux inconnus qui deviendra de plus en plus intime, et profond, mais restera, et c’est là un paradoxe, assez longtemps distancié par un vouvoiement qui ,compte tenu de leur sentiments respectifs , pourrait paraître désuet. Pour ma part, je l’ai perçu comme une grande pudeur, un profond respect entre eux, mais aussi une peur plus ou moins inconsciente de l’avenir et des réponses à leurs recherches.
La correspondance utilise des modes aussi variés que la lettre traditionnelle travaillée, intimiste et profonde, le courriel qui peut être bref et synthétique, ou au contraire aussi personnalisé que la lettre, et le sms.
Entre chaque épisode de correspondance, nous franchissons une étape supplémentaire grâce à une photo qu’Hélène Gestern a le génie de faire vivre avec les mots ; si tant est que je pouvais visualiser chacune d’elle. Elle décrit avec beaucoup de finesse et de détail chaque grain de photographie. Du grand art…
Je serais incomplète en passant sous silence une autre lettre, longue, cette fois, lettre posthume, si belle, qui ne peut que nous toucher au cœur, et nous ôter toute tentative de jugement .Si le secret est un poison, il peut être un poison doté des meilleures intentions…. Doit-on tout dire ? Et si oui, oui, quand le dire ? Comment ?
Aller à la rencontre de l’intimité de ses parents n’est-il pas déjà un pas de trop ? Où et quand s’arrêter ?
Hélène Gestern, qui signe là son premier ouvrage, nous offre une écriture soignée, au charme désuet de la correspondance d’antan, un phrasé qui immédiatement m’a portée sur le chemin d’Hélène et Stéphane. C’est avec eux que j’ai vécu deux après-midi durant, comme eux j’ai douté, eu des crèves cœur, me suis aussi amusée de leur humour. En dépit du drame qui se cache derrière tous ces secrets verrouillés, j’ai trouvé la fin apaisante, et apaisée. C’est à la grande sagesse de nos deux personnages que l’on doit cela. En effet vouloir connaître la vérité, est une chose ; l’assumer, et en faire un atout, est tout autre. Assurément Hélène et Stéphane ont réussi l’épreuve.
« Aujourd’hui, lorsque je pense à eux deux, je mesure la force de leur lien, ce lien qui nous a conduits l’un vers l’autre à trente-sept ans de distance, à partir d’une improbable coupure de journal. (…)Oui, c’étaient eux sur la photo, qui nous parlaient, nous appelaient… Je les contemple jusqu’au vertige et je crois les entendre nous dire qu’il faut vivre maintenant, saisir la chance qu’ils ont laissée échapper. »
Ils m’ont parlé à moi aussi, ces deux-là… Hélène Gestern, rencontrée chez elle, à Nancy, au livre sur la place, m’a également parlé à l’oreille tout au long de ses pages. Ce premier ouvrage est plein de promesses pour les suivants.
Que mon libraire, qui lui aussi, m’a parlé de ce livre avec tant passion, soit remercié
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