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Critiques de Herta Müller (152)
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La bascule du souffle

Excellente découverte d'un auteur que je devrais explorer mieux: un roman sur les camps, évidemment c'est parfois dur à encaisser, n'allons pas prétendre que c'est une lecture légère!

La déportation des populations germanophones dans le bloc soviétique n'est pas tellement un sujet dont on parle souvent, mais le roman se concentre plus sur la vie au camp en elle-même, dans un style très particulier et marquant, peut-être un peu déboussolant au début.

C'est un de ces livres qui marque un lecteur et qui s'il ne se hisse pas tout à fait au niveau d'autres auteurs, c'est peut-être tout simplement car Herta Müller a travaillé avec un homme ayant réellement vécu ces horreurs, contrairement aux auteurs de littérature concentrationnaire étant des survivants.

Un grand livre.

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La convocation

La peur instillée comme un venin, les humiliations, au travail, dans les bureaux de la Securitate, les interrogatoires, les dénonciations, les fausses accusations. Par d'infimes détails, des bribes de souvenirs, la narratrice nous fait vivre le quotidien d'une terrible dictature qui enferme, aliène, abîme, détruit les liens dans un univers de suspicion. Malgré tout, elle a décidé de résister.
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L'homme est un grand faisan sur terre

Aimé ? Pas aimé ? Mon sentiment est particulier.

Un livre très court, mais de lecture peu facile. Le début m'a déconcertée, surtout les scènes plutôt crues et inattendues qui m'ont rebutée. Bien fait de persévérer : j'ai découvert un auteur inconnu avant son Nobel, narrant les affres de la (grande) Histoire entremêlées avec les (petites) histoires misérables d'un pays de l'Est sous joug totalitaire, la Roumanie de Ceaucescu.

Zoom sur un village roumain où vivent quelques familles allemandes (de la minorité Souabe) qui, les unes après les autres, entreprennent d'émigrer en Allemagne. Nous suivons le meunier Windisch dans cette quête du Graal, livrant ses sacs de farine et payant des intermédiaires pour obtenir les passeports. Les petits détails de la grisaille quotidienne.

Disputes avec sa femme, inquiétude désabusée à propos de son adolescente qui devra être offerte aux représentants corrompus et graveleux de la police et de l'Eglise avec la complicité de la postière pourrie, regard méprisant ou mesquin sur les voisins, jalousie, et vice versa.

Tout est gris, sombre, miséreux, sans espoir.

Aucune joie, aucune complicité avec quiconque, des mots très durs entre mari et femme, un ressentiment qui date de leur retour de guerre et qui a formé une chape de plomb entre eux deux. Mensonges, tromperies, pots de vin, corruption des autorités, délation...

Et un paysage en arrière-plan dénudé, froid, gris, austère, désarticulé entre pluies et sécheresse.

Je déduis que le récit se déroule entre 1965 (arrivée de Ceaucescu) et 1970 : fonction du retour des camps de prisonniers après-guerre de Windisch et l'âge de sa fille Amélie (16 ou 17 ans).





Herta Müller, née en Roumanie au sein de la minorité allemande des Souabes, a reçu le prix Nobel en 2009 pour avoir "avec la densité de la poésie et la franchise de la prose, dépeint l’univers des déshérités".

Le style est impersonnel, factuel, dépouillé. Parfois dérangeant, cru. Les personnages ne sont pas attachants, les dialogues sont épurés et de toutes façons incisifs ou dépourvus d'émotion. Les chapitres se succèdent sans véritable séquence. C'est un roman sans aucune note de joie qui décrit des personnages désabusés qui ne partagent que le fait d'habiter un même village et de vouloir s'en aller à l'Ouest.

Comme le précise la 4e de couverture : "Depuis que le meunier Windisch veut émigrer, il voit la fin du monde partout dans le village". Et je me suis fait la réflexion que ce serait un intéressant travail scolaire que de relever justement toutes ces impressions de fin du monde qui essaiment le récit.

Finalement, il se dégage une vraie poésie de ce petit roman, avec des notes surréalistes qui m'ont fait penser à l'écrivain russe (que j'apprécie bcp) Vladimir Sorokine et ses récits de dystopie, et puis le poids des superstitions (l'arbre qui mange ses pommes...) m'a également fait penser au remarquable roman de Tea Obrecht, "La femme du tigre" qui se situe dans l'ex-Yougoslavie.

Un petit livre que je conseille aux lecteurs patients, et qu'intéresse le contexte historique et géographique : la Roumanie d'alors et le vent d'espoir soufflant vers l'Ouest. La fin du roman n'en est que plus parlante, réaliste. "Tout ça pour ça" pourrait-on penser.


Lien : http://coquelicoquillages.bl..
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Le renard était déjà le chasseur

Hélas pour moi, je me suis profondément ennuyée à cette lecture et je ne crois même pas avoir fini le livre. Je n'ai pas compris où l'auteur voulait en venir. Quelque chose a dû m'échapper, mais quoi ? S'agissant d'un Prix Nobel de littérature, j'ai des scrupules, mais c'est ainsi.
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La bascule du souffle

Critique de Chloé Brendlé pour le Magazine Littéraire



Voilà soixante ans que j'essaie, la nuit, de me rappeler les objets du camp. Ce sont les affaires de mon bagage de nuit. Depuis mon retour du camp, la nuit d'insomnie est une valise en peau noire que j'ai dans le front. Mais, depuis soixante ans, je ne sais toujours pas si j'ai des insomnies parce que j'essaie de me rappeler des objets ou si, à l'inverse, je me bagarre avec eux, ne pouvant fermer l'oeil. » Ainsi parle la bouche d'ombre, Léopold Auberg, le héros du nouveau roman de Herta Müller. Léopold a 17 ans en 1945. Il appartient à la population germanophone de la Transylvanie, région de Roumanie. Léopold est le double fictif d'un vieil ami de Herta Müller, et un écrivain oulipien allemand décédé en 2006. Oskar Pastior fut envoyé au goulag par les Russes, à la fin de la Seconde Guerre mondiale. C'est avec lui et à quatre mains que la romancière, prix Nobel 2009, devait écrire La Bascule du souffle. Du témoignage de son ami, elle a fait un roman, à la première personne du singulier. Un roman qui fait partie de ces livres qu'on préférerait ne pas ouvrir. On croit qu'ils vont nous fredonner une macabre antienne ; on croit, perversement, à la «rengaine» de ladite «littérature des camps». Et l'on lit un récit qui fore la réalité de part en part, une sorte de «carnet du sous-sol». La Bascule du souffle nous force à lire lentement. À relire. Rien de bien compliqué en apparence ; il faut s'accoutumer pourtant à la dislocation du réel qui morcelle la narration en courts chapitres, en veilles et en souvenirs, en méditations et en observations, en portraits et en anecdotes. Fragments du miroir brisé de soi qui échappent au temps, dans une latence difficile à supporter. Non, l'écriture de Herta Müller n'est pas poétique, et encore moins onirique. Elle ne fait pas rêver, encore moins s'évader. Rire, parfois. Mais elle ne transcende aucun enfer par une hypothétique magie des mots, même quand Léopold répond à son kapo, qui lui demande «Comment c'est, chez vous, au sous-sol ?» : «C'est charmant, chaque tranche de travail est une oeuvre d'art.» Imagée, cette écriture l'est ; non pas en raison d'éventuelles - et rares - métaphores, mais d'une certaine myopie obsessionnelle.

Si la «nuit d'insomnie» est une «valise en peau noire», ce n'est pas par un effet d'imagination, mais de délire : elle ne fait que réitérer le départ au petit jour et la déportation qui s'ensuivit. Faire sa valise. La valise, d'un coup, occupe le champ de vision du texte. Elle devient le symptôme lancinant du «grand voyage» de Léopold. D'autres images prennent tour à tour le dessus, comme celle de l'amas de poux qui vient contaminer l'apparition de certains aliments, ou celle des chaussettes de laine blanches. Dans l'univers de la romancière, les objets menacent à tout moment d'être éternels. L'auteur aux yeux écarquillés - comme grand ouverts sur une vision de cauchemar - racontait cette angoisse dans l'une de ses deux conférences données à Paris à la mi-octobre : «Quand on est face à la peur de la mort, les objets peuvent prendre des proportions monstrueuses. Qui me dit que ce verre d'eau, posé là sur la table, ne va pas vivre cinq cents ans ?» Dans certains de ses précédents livres, comme Le renard était déjà le chasseur, l'effet de loupe pouvait paraître étrange et dérangeant. Les objets inanimés, les animaux, les fruits, venaient créer une inquiétante fantasmagorie du quotidien sous la dictature. Mais, dans le contexte de l'univers carcéral du camp de concentration, cela prend tout son sens. Quand les objets font cruellement défaut, même les plus menus deviennent des bourreaux ou des trésors. Ainsi du mouchoir offert au prisonnier par une vieille femme russe, évocation qui tissait déjà la trame de l'émouvant discours de réception du prix Nobel de Herta Müller (1). Ces objets ne sont pas des symboles ou des allégories, mais les derniers résidus d'un sens en fuite.

Il n'est pas jusqu'aux mots qui ne soient réquisitionnés pour servir de matière brute : si la romancière emploie les capitales d'imprimerie, c'est bien pour les muter en objets, dans cet univers de famine où règne l'équation « 1 pelletée = 1 gramme de pain ». Là où les mots ne collent plus aux choses, ils deviennent eux-mêmes choses parmi les choses. Et prennent la consistance du charbon, de la faim, du désir.

Le magnétisme de l'oeuvre de Herta Müller tient à ce saisissant effet d'optique, qui fournit dans La Bascule du souffle des renversements terrifiants. Ainsi, le héros revenu au bercail devient à son tour un objet pour le petit frère conçu en son absence. Ainsi la scène de danse finale, époustouflante, dans laquelle le héros répète la tradition du tango au camp, avec de bien singuliers partenaires : le réveil, les clés, la théière. Car, le plus insoutenable, finalement, c'est ce retour parmi les « gavés du pays natal ». Comment s'étonner, dès lors, du constat de l'irrémédiable solitude du héros qui se met à consigner son histoire sur le papier, à l'instar de l'écrivain : « C'était un grand fiasco intérieur d'être désormais en liberté, irrévocablement seul, et le faux témoin de moi-même. J'ai caché mes trois grands cahiers à carreaux dans ma nouvelle valise en bois. »
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La bascule du souffle

La bascule du souffle/Herta Müller / Prix Nobel 2009

Cette chronique terrifiante est la relation d’une histoire vraie qui commence en janvier 1945. Nous sommes en Roumanie où vit une population germanophone établie dans la région de Transylvanie. Une déportation est annoncée puis imposée par l’allié soviétique de la Roumanie, car l’URSS soupçonne ces gens d’avoir soutenu les nazis pendant la guerre.

Le narrateur, un jeune homme de dix sept ans répondant au nom de Léopold, est sur la liste des personnes recensées. Il prépare donc ses affaires et attend la police roumaine qui l’embarque dans la nuit et le froid de cet hiver glacial de 1945. Sa grand-mère, lui faisant ses adieux lui affirme qu’elle sait qu’il reviendra des camps.

Enrôlé dans une usine de charbon, puis à la tuilerie, la cimenterie et toutes sortes de travaux forcés, le jeune homme doit se contenter d’un morceau de pain et de deux soupes par jour. Le froid, la faim, les poux, la dysenterie, sont le quotidien de Léopold durant cinq ans dans ce camp de travail situé en Russie. La faim en particulier est une obsession, et en guise de cerveau, il n’a plus dans la tête que l’écho de la faim ; il n’y a pas de mots adéquats pour dire la souffrance de la faim. Avec la conséquence : quand la chair a disparu, porter ses nos devient un fardeau qui enfonce dans le sol… « C’était le temps de la peau sur les os, et celui, éternel, de la soupe aux choux, le matin au réveil et le soir après l’appel… Tout ce que je faisais crevait la faim, chaque objet évoquait les dimensions de ma faim… » Le froid piquait, la faim trompait, la fatigue pesait, le mal du pays rongeait, les punaises et les poux mordaient.

Léopold se souvient en relatant ses souffrances et son découragement, et vingt cinq ans plus tard, il craint encore l’État et aussi sa famille car il cache un secret qui passe aux yeux du monde d’alors et sur le plan strictement physique, comme étant une vraie turpitude : son homosexualité. Soixante ans après, en écrivant ses mémoires, Léopold se souvient de beaucoup de ses congénères déportés et les cite. Beaucoup d’Allemands moururent durant les hivers avec le froid, les étés avec les épidémies :

« Le premier à découvrir un corps doit être débrouillard et le déshabiller vite tant qu’il est encore souple, et avant qu’un autre ne prenne ses habits. Il s’agit d’être le premier à rafler le pain que le mort a mis de côté dans son oreiller. Dépouiller un mort est notre façon de le pleurer. À l’arrivée de la civière, la direction du camp ne doit avoir qu’un cadavre à emporter… Tout l’hiver, on a empilé les morts dans l’arrière cour : on les a recouverts de neige, on les a fait durcir plusieurs nuits d’affilée. Les fossoyeurs, ces paresseux, ces saligauds, ils découpent les cadavres à la hache pour ne pas avoir à creuser de tombes, mais de simples trous. »

La libération intervint en 1950. Retour au pays d’abord puis émigration en Autriche pour Léopold.

D’un point de vue historique, il faut savoir qu’à l’été 1944, une grande partie de la Roumanie alors alliée de l’Allemagne nazie est occupée par l’Armée Rouge. Ensuite, après l’exécution du dictateur fasciste Antonescu, la Roumanie déclare la guerre à l’Allemagne nazie. En 1945, Staline et Vinogradov obtiennent des Roumains que les Allemands vivant en Roumanie viennent œuvrer pour la reconstruction de l’URSS détruite par la guerre. Tous les hommes et femmes de dix sept à quarante cinq ans furent déportés dans des camps de travaux forcés. La mère de l’auteure y a passé cinq ans. Son témoignage avec celui d’autres déportés a permis d’écrire ce livre publié en 2009. Herta Müller est née 1953 en Roumanie au sein de la minorité germanophone et vit en Allemagne depuis 1987.

Ce livre est avant tout un témoignage minutieux d’un fait de guerre peu connu, un tabou historique pourrait-on dire, une chronique terrifiante. On peut apprécier la part historique du récit, mais trop de longueurs viennent ennuyer épisodiquement le lecteur, et l’auteure, à mon sens, n’a pas su nous rendre Léopold sympathique. Cependant, la valeur documentaire du texte est indéniable.





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La convocation

Il faut connaître le contexte historique de cette fiction pour mieux la comprendre.

L'action se déroule pendant la dictature de Ceaucescu, dans l'ouest de la Roumanie, à une époque où le régime a depuis longtemps fait taire les intellectuels, ruiné les entrepreneurs et déporté les moyens et grands propriétaires terriens dans les plaines hostiles du Baragan.

Les magasins sont vides, tout le monde travaille à l'usine, et la securitate vous surveille en permanence.

Ne pas perdre la tête dans cette atmosphère étouffante est le défi que se propose la narratrice, dont la meilleure amie s'est fait fusillé en voulant fuir de l'autre côté de la frontière et qui vit avec Paul, un homme qui trafique un peu pour arrondir ses fins de mois.

La narratrice se fait prendre à l'usine de textile où elle travaille en train de glisser des petits papiers dans les habits destinés au marché italien. Commence alors les interrogatoires de la Securitate.



L'écriture de Herta Müller est incroyablement dense, son style reproduit à force de petites descriptions ciselées la sensation d'étouffement et l'oppression permanente de la Roumanie communiste.

Le récit avance lentement, au rythme haché du tramway qu'emprunte la narratrice pour se rendre à sa convocation, qui fait apparaître le temps du parcours un ensemble de personnages sombres ou pittoresques décrits à petites touches précises.



Une très belle fiction difficile, irrespirable, douloureuse.

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L'homme est un grand faisan sur terre

Il y a quelque chose là-dedans des courts romans de Garcia Marquez se déroulant à Macondo, le village de "Cent ans de solitude", où les personnages regardent leurs vies leur échapper par des petits orifices de lenteur, de surnaturel et d'averses... avec une énorme différence : le style. Dans ce roman de Herta Müller, quatre-vingt-dix-neuf pour cent des phrases, au bas mot, sont de la forme sujet (unique) - verbe - complément (unique). Pas d'adverbes. Des adjectifs réduits au strict minimum (grand, petit, des couleurs...). On dirait du Chagall, certes, mais en noir et blanc : le tableau s'en trouve complètement aplati, tout se vaut, donc rien n'a de valeur, et très vite j'ai éprouvé des difficultés à fixer mon attention sur l'histoire.

Au-delà de ça, je m'interroge tout de même sur ce parti-pris d'écriture. Ca peut faire penser à de la paresse, car je pense que ce n'est quand même pas très difficile (à défaut d'être intéressant) d'écrire comme ça. On peut même y soupçonner le cynisme de l'auteure installée ("pas besoin de me fouler, je vais écrire ça vite fait, la critique glosera et se chargera de l'habillage"), sauf qu'il faudrait avoir des nerfs d'acier pour ne pas trembler dès les premières pages devant le vide du texte... Je préfère croire l'auteure sincère, me dire qu'il y a quelque chose dans son geste qui fait sens pour elle. Comme ne pas faire de concession pour séduire le lectorat ; exiger qu'il fasse sa part du chemin, voire tout le chemin ; peut-être enfin, à l'extrême, ne pas vouloir de lui.
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Animal du coeur

Animal du coeur est un roman écrit par Herta Müller (Nobel 2009) sur les conditions de vie en Roumanie sous le régime Ceaușescu. Le roman met en scène l'amitié de 4 jeunes gens et les suit dans leurs espoirs et leurs épreuves.



L'écriture est très étrange, opaque, surréaliste, et ne facilite pas la compréhension du récit. Mais on comprend vite de quoi souffrent les jeunes gens sous ce régime totalitaire: arrestations, fouilles, menaces, intimidations de la famille, licenciements politiques. Toutes ces épreuves les conduiront à l'exil, mais certains auront une fin tragique.
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La convocation

Titre original : heute wär ich mir lieber nicht begegnet

J'aurais préféré ne pas me rencontrer aujourd'hui

Allons à la rencontre de cette narratrice plutôt mystérieuse qui petit à petit au cours des pages se dévoile et nous fait partager ses délires et son nième voyage pour répondre à la convocation...



Pour se rapprocher d'elle quelles choses faut il faire ?

Il faudrait enfiler l'un de ses chemisiers ... vous avez le choix, soit "le corsage vert qui pousse encore avec son gros bouton de nacre"... ou le corsage gris qui "s'appelle le corsage qui attend encore",

Et à l'usine, il faudrait essayer d'atteindre les objectifs du plan tout en sachant que si "on arrive à les atteindre, ils augmentent dès le lendemain." Le plan étant "une maladie d'État",

Il faudrait savoir faire la différence entre un musicien, celui qui joue d'après les notes, et un musicien ambulant, celui joue d'après son âme,

Il faudrait avoir avec elle des conversations où on dirait n'importe quoi, une histoire de souris, une histoire de cornichon avec ou sans souris, une histoire de facture d'électricité à payer aujourd'hui ou demain, puis respecter le silence pour pouvoir "continuer de parler d'une chose qu'on ne dit pas" et ne pas oublier de "regarder ni à gauche ni à droite, mais toujours droit devant soi, tout en restant souple".



Et les choses qu'il ne faut pas faire

Ne plus aller à l'église car maintenant la messe commence par une prière pour le chef de l'état !



La vie dans ce temps là ...

Ramasser des tessons de verre rouge, car ce sont en vrai des rubis ...

Écouter tous les mercredis les résultats du loto "dans sa robe du dimanche à fleurs rouges", avec "ses chaussures vernies marron prêtes à être enfilées quand le monsieur du loto sonnera à sa porte" et le soir venu il ne reste plus qu'à pleurer en rangeant la robe du dimanche dans l'armoire jusqu'à la semaine suivante ....

Une vie simple ...

Où l'on apprend que les "noyaux de cerises, avant d'être mis dans la terre, doivent sécher au soleil pour que des arbres puissent pousser"

Où l' on peut acheter à l'alimentara "des bonbons rouges avec des guêpes mortes collées dessus", des lames de rasoirs rouillées au sucre, des biscuits cassés, des boites d'allumettes, "des bonbons verts collés et beaucoup de guêpes"



Une lecture en demi teinte ... difficile de suivre les délires de cette jeune femme dans un pays dévasté économiquement ...Tout manque ... la morale a foutu le camp il y a bien longtemps et ce qui semble inconcevable comme l'inceste, la fornication, est une règle si commune ...

Si on en doutait .. il ne faisait pas bon vivre dans le pays des Ceausescu !
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Tous les chats sautent à leur façon

Ce livre est une série d’entretiens entre Herta Müller et son éditrice allemande.

Les questions sont précises, intelligentes. L’ecrivaine se raconte et décrit avec lucidité et minutie

son enfance pauvre dans la campagne roumaine

le quotidien angoissant de la minorité germanique, en pays souabe,

la peur continuelle, à Timisoara, sous la surveillance des services secrets de Ceausecu

Son arrivée douloureuse, vers 1980, en Allemagne de l’ouest.

Pas un mot de trop, pas une phrase à supprimer, dans ces dialogues profonds et réfléchis entre les deux femmes.

Un ouvrage qui, grâce au talent du prix nobel de littérature, rappelle à nous lecteurs, les heures terrifiantes et les années sombres vécues par les peuples de l’Europe de l’Est.

Un « Monde d’hier » à ne pas oublier.
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La bascule du souffle

Malgré la gravité du sujet, je ne suis pas parvenu à me représenter le contenu de ce récit haché en bluettes naïvement enfantines pour aborder une expérience existentielle que l'on peine à ne pas imaginer unitaire.
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L'homme est un grand faisan sur terre

Lecture pas toujours aisée. C'est pourtant incroyablement cynique et réaliste (les deux n'étant pas spécialement opposés). Un vrai must.
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La bascule du souffle

Personnage dérangeant que ce Léopold. La passivité incarnée. Mais n'est-ce pas pour nous rappeler de ne pas l'être ?
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Animal du coeur

Pendant longtemps le récit est sans précision géographique, sans précision de temps. Ce n'est qu'au deux tiers du roman que l'on apprend où se déroule celui-ci.



Herta Müller fait la description d'une société sans repères. Le dictateur n'est pas si présent que ça, l'autoritarisme est présent par le biais de la police qui arrête, interroge puis relâche, tout cela sans raison. La police est omniprésente dans le pays mais sûrement aussi à l'étranger quand on voit les "dissidents" (juste des gens ouverts sur l'étranger) mourant brutalement, souvent suicidés.



C'est une société où le sentiment historique semble peu présent: certains personnages ont dans leur famille un homme qui a fait partie des SS pendant la Seconde Guerre Mondiale et cela semble normal.



Malheureusement il faut connaître la vie d'Herta Müller pour comprendre que ce roman comporte une part autobiographique.



C'est une lecture exigeante mais le récit réaliste, décrivant la société roumaine sous le joug de Ceaucescu est prenant.
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Animal du coeur

Le rouleau compresseur de la dictature n'épargne personne

Le rouleau compresseur de la dictature te suit, poursuit, pousse, te laisse un peu d'espace puis tue même si tu penses être en sécurité

Le rouleau compresseur de la dictature te brise, et la torture n'est pas nécessairement celle que l'on croit.Elle est plus sournoise, mais c'est pire encore et le résultat est le même: la mort est est tout au long du chemin

Peu d'espoir dans le livre d'Herta Muller, mais une noirceur qui nous doit nous faire garder en mémoire le "plus jamais ça" mais l'on sait malheureusement que ça ne suffira pas

Un grand livre d'un grand auteur
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La bascule du souffle

« Je n’ai jamais été aussi résolument contre la mort que durant ces cinq années de camp. Pour être contre la mort, on n’a pas besoin d’avoir une vie à soi, il suffit d’en avoir une qui ne soit pas tout à fait terminée »



Roumanie, en 1945. La grande guerre est quasiment finie, une autre commence pour les pays anciens alliés de Hitler. Le seul fait d’être d’origine allemande suffit amplement aux russes pour vous inviter dans ces hôtels où personne n’a besoin de clé. Pas de réception, on entre comme dans un moulin, on se croirait en Suède. Léopold Auberg, 17 ans, tout à ses préparatifs de voyage dissimule sa joie à l’idée de quitter cette petite ville, ce dés à coudre où toutes les pierres avaient des yeux. Il passera cinq ans dans ce camp de travail. Cinq ans à combattre la faim, la crasse, le froid, la maladie, l’illusion d’un avenir meilleur car le camp est un monde à l’esprit pratique: pas de pudeur ni d’épouvante, on ne peut pas se le permettre. On agit avec une indifférence immuable si ce n’est une satisfaction résignée. Cinq ans à construire des logements pour les russes, à charrier du ciment qui vous enferme dans sa toile, à transporter des briques cuites dont la poussière évoquait le doux paprika rouge, à pelleter du charbon avec sa pelle en cœur, son maitre. Lui, l’outil en restera tributaire car 1 pelletée=1 gramme de pain. Il travaillera au sous-sol du mâchefer car « intoxiqué par la lumière du jour », chassera le souvenir des compagnons partis car « quand soi-même on n’a que la peau sur les os et qu’on se délabre physiquement, on n’a qu’une envie, c’est tenir les morts à l’écart », luttera contre l’ange de la faim, le lièvre blanc le soir, après le travail, quand il sera autorisé à errer en ville ou au marché pour mendier ou échanger de la nourriture contre quelques éclats de charbon, des objets de valeur, bataillera contre le froid en s’enroulant dans des vêtements pris sur ces morts encore frais, les morts n’ont pas besoin d’habits quand les vivants meurent de froid pendant ces hivers russes.

« Nous portions, quant à nous, un palais si élevé que l’écho des pas, pendant la marche, nous culbutait dans la bouche. La transparence de notre crâne nous donnait l’air d’avoir avalé un excès de lumière vive. Le genre de lumière qui se regarde elle-même dans la bouche, se glisse à l’intérieur de la luette pour la faire enfler, monter jusqu’au cerveau. Alors, en guise de cerveau, on n’a plus dans la tête que l’écho de la faim. »



Il y a aussi des moments de joie comme cette fameuse nuit où il atterrit chez une vieille dame russe qui l’espace d’une soirée se prend à le considérer comme son fils parti dans un camp, en lui offrant le manger et un mouchoir de batiste d’une blancheur éclatante qu’il conservera comme un trésor. Ces veillées de Noel avec son arbre en fil de fer décoré de la laine verte provenant de ses gants, des morceaux de pain rassi servant de boules. Ces samedi soirs où l’on danse, boit l’alcool maison. Ces rares moments d’intimité juste pour oublier l’enfer dans lequel on vit. Ces excursions en rase campagne, instants d’évasion, de liberté, de nouveautés. Ses coups de gueule que lui inspire Katie le Planton, qu’une ordure avait dû inscrire sur la liste à la place d’un autre natif de Bakowa qui avait racheté sa liberté, ou bien l’ordure était sadique, et Katie avait toujours était sur la liste. Débile mentale de naissance, elle ne savait toujours pas où elle était, au bout de cinq ans. Katie qui reste pour tous l’antidote contre la barbarie.



Léopold Auberg survivra au camp en choisissant la décorporation ( le terme est mal choisi mais c’est le seul qui me vient à l’esprit), en se réincarnant en objet, en ignorant et rejetant tout ce qui fait de lui un homme; il ne vit plus, existe à peine, ne devant sa survie à une mécanisation mathématique de son univers. Objet, plus rien ne peut l’atteindre. 60 ans plus tard, ses souvenirs consignés dans quatre cahiers, il n’en reste pas moins prisonnier du passé cachant ses affaires dans sa nouvelle valise en bois. Rangée sous mon lit, elle me servait de placard à vêtements depuis que j’étais à la maison.



La narration est constituée de courts chapitres, alternant portrait/anecdotes, méditation/observation, veille/insomnies, présent/souvenirs. Entre le guide de survie avec ses mille et une petites astuces et l’auto-analyse, ce livre est plus accueillant que L’HOMME EST UN GRAND FAISAN SUR TERRE avec lequel il partage les thèmes de prédilection de l’auteure: le totalitarisme, l’abrutissement généré par un tel régime, la dégradation des valeurs humaines, sociales, morales, la haine raciale, la négation de l’histoire, l’impossibilité d’échapper à la marque indélébile d’une telle expérience, etc. A quelques différences près. Léopold Auberg est un jeune homme cultivé, réfléchi, observateur, porté sur l’introspection, des qualités qui le sauvent de la folie. La haine n’est pas son moteur de survie, la peur et le « je sais que tu reviendras » que sa grand-mère lui lance au moment d’être emmené par la patrouille, oui. A son unique façon, c’est un anti-héros.





Ce livre, recueil de témoignages auprès de ces allemands qui ont vécu ce drame, devait être écrit à quatre mains. A la mort de Oskar Pastior, poète germano-roumain, Herta Müller reprend le récit et l’écrit à la première personne. Les détails de la vie au camp sont les souvenirs du poète et de la mère de l’auteure qui y a passé cinq ans, un moment jamais mentionné dans l’histoire officielle de la Roumaine. Avec ce travail ou devoir de mémoire, elle rend hommage à tous ces oubliés de l’histoire, leur offre la dignité qu’ils méritent. Il n’en reste pas moins que l’écriture n’est ni poétique ni onirique. Toujours ce léger problème de rugosité de la langue avec elle. Trop mathématique, brutale, un jeu de déconstruction avec les mots, l’emboitement des idées qui restent éloignés de mon univers. D’un autre côté, rendons grâce à Herta Müller d’avoir un humour noir assez marqué et de ne pas nous infliger un récit qui de par le sujet aurait été lacrymal. Et n’oublions jamais comme son héros que La bascule du souffle est un délire, et quel délire.
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Le renard était déjà le chasseur

Herta Müller, un nom qui me disait quelque chose … une petite recherche, « la convocation » un titre découvert il y a quelque temps déjà mais qui aussitôt visualisé me revient en mémoire, une lecture âpre, demandant un effort certain de concentration, la vie sous un régime tyrannique où il n’y a rien à espérer, pas un livre pour égayer une triste journée.

Qu’il est difficile d’aller à la rencontre de ce renard, cette peau de renard qui nous surprend tout au long de ce récit !

Méfiez vous quand vous allez chez le coiffeur dans ce pays là, les coiffeurs gardent vos cheveux coupés et les rangent dans un sac et « quand le sac est aussi lourd que l’homme, celui ci meurt» alors changez de coiffeur ne retournez pas toujours chez le même sinon ….

Qu’il est difficile de suivre ces personnages multiples, dans leurs vies de tous les jours dans un monde où règne un despote qui finit par être nommé !

Un pays où les ombres n’appartiennent pas aux objets ou aux personnes qui les ont créées … elles ne sont à personne !

Un pays qui finit par se débarrasser de son tyran mais à quel prix !

Une lecture épuisante, à la limite de la compréhension mais où parfois le style prend tout son sens pour nous offrir de très belles phrases.

Une œuvre à découvrir le jour où tous nos neurones sont en grande forme !
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L'homme est un grand faisan sur terre

L'homme est un grand faisan sur terre de Herta Müller, prix Nobel de littérature 2009



Du même auteur, j'avais bien aimé "L'animal du cœur", mais je n'ai pas accroché avec "L'homme est un faisan sur terre" qui est beaucoup plus difficile à comprendre, même si l'intrigue est simple. L'écriture est très imagée, par moments complètement incompréhensible. L'intrigue quant à elle se focalise sur Windisch, un Roumain de langue Allemande qui veut émigrer mais les passeports sont chers et longs à venir, malgré les "cadeaux" (sacs de farine et autres) que Windisch est obligé de donner. Sa fille Amélie sera sacrifiée elle aussi, elle devra coucher avec le policier et le curé. L'ensemble m'a semblé très glauque, comme si l'auteur en rajoutait pour nous dégoûter exprès.

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Le renard était déjà le chasseur

« Le renard était déjà le chasseur », dans sa réimpression 09 au Seuil, donc apparemment une nouvelle traduction (Claire de Oliveira) alors que l’édition 97 était de Nicole Bary (comme l’homme est un grand faisan). On est toujours dans la campagne Banat de la Roumanie du Conducator. Adina est une jeune enseignante proche de dissidents. (On retrouve l’histoire de Herta Müller dans les années 60-65, membre du Aktiongruppe Banat, un groupe d'écrivains qui défendait la liberté d'expression).

C’est un livre dans lequel il n’est pas facile d’entrer, au sens habituel d’un roman. Le 4 de couverture (ainsi que d’autres critiques) résume ainsi le livre : Adina s’aperçoit que des inconnus découpent la fourrure de renard qui décore son appartement, et ce jour après jour en son absence. Elle est donc espionnée par la Securitate et elle découvre de plus qu'une de ses amies fréquente justement un officier de la Securitate.

L’histoire du renard commence p.135, soit à la moitié du livre, et on retrouve sa trace par bribes jusqu’à la fin du livre. En fait, même si « le renard est le chasseur », je ne crois pas que ce soit vraiment l’histoire (ou plutôt un fragment de l’histoire). En fait, il y a de mystérieux visiteurs (aux marques de graines de tournesol ou de mégots dans les toilettes). Le renard voit ses pattes coupées, et on se doute qu’après la quatrième, ce sera au tour des visités d’avoir des ennuis. Que se passe t’il à la fin du livre ? Assiste t’on à la chute du dictateur et de sa femme (est ce ainsi passé à la télévision ?). Que changera cette chute ?

Le livre rappelle souvent « le faisan ». Il ne s’agit pas vraiment d’un roman (même au sens de « la Convocation »). C’est plutôt un suite de petits tableaux, chacun d’entre eux brossé avec beaucoup de minutie. Le style adopté, par phrases très brèves, ou paragraphes courts se prête magnifiquement à ce genre de tableaux. Mais il y a d’autres histoires qui se coupent et se déroulent dans le livre, ou dont on retrouve les personnages. Ainsi les pécheurs ou l’histoire du ferblantier. « Le huitième jour, Dieu n’a gardé d’Eve et d’Adam qu’une touffe de cheveux. Il en a fait la volaille. Et le neuvième jour, Dieu, face au vide du monde, a fit un rot. Il en a fait la bière »

Au final, c’est sans doute des trois, le livre le plus élaboré. C’est sans doute aussi un style bref, incisif, qui change des romans traditionnels. « En août, dans cette ville, il y a des jours où le soleil est un potiron épluché » Est ce que cela « révolutionne » le genre ? Sûrement pas au sens de Joyce ou même de Lobo Antunes (qui n’a pas eu le Nobel, donné cette année là à Saramago). Pas non plus de la classe de Orhan Pamuk pour ce qui est de dénoncer la torture (ou du moins cela est fait dans un registre très différent, et tout aussi intéressant). Il fut donc espérer que ce prix accélèrera la traduction des autres œuvres de HM.



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